La matinée semblait ne jamais vouloir se terminer ! Après l’infographie et le module de maths, la dernière heure avant midi était consacrée aux concepts fondamentaux de bases de données… Rien de palpitant en soit et je ne cessai pas de regarder les aiguilles de ma montre, mais le temps semblait avoir ralentit. La voix monocorde du professeur ne m’aidait pas non plus à garder ma concentration sur les images qui défilaient sur l’écran du rétroprojecteur… Mon esprit se mit donc naturellement à divaguer et je me pris à penser que si Jake donnait ce cours, je serais l’élève la plus assidue ! Malheureusement, tout ça ne restait que dans le domaine du fantasme, pour ne pas dire de l’utopie !

Pour ne rien arranger, j’avais faim ! Mon estomac se faisait entendre de plus en plus fort à mesure que les minutes s’écoulaient et nous rapprochaient du déjeuner. Je ne pensais plus qu’au sandwich et au café qui m’attendait à la cafétéria du campus. Mon voisin me regarda en coin, sourire aux lèvres, quand un autre grognement sourd arriva à ses oreilles. La honte ! Heureusement, le supplice ne s’éternisa pas plus longtemps puisque le professeur décida de nous libérer enfin.

Malgré la fin du supplice, je ne me précipitai pas pour ranger mes affaires. A quoi bon ? Il me fallait toujours attendre que tous les autres élèves sortent de l’amphi avant de pouvoir moi-même quitter la salle. Je n’aimai pas imposer mon handicap aux autres, et bloquer le couloir avec mon fauteuil ne faisait pas parti du plan de la journée… Oh bien sur certain étudiants se seraient proposés pour m’aider à dégager les lieux, mais je n’aimais pas qu’on me prenne en pitié et c’est souvent ce genre de sentiment que je lisais dans les yeux de mon entourage universitaire.

Une bonne dizaine de minutes en retard sur les autres, je passai les portes du restaurant déjà bondé. Comme tous les autres étudiants, je pris la file d’attente et remplis un plateau avant de me chercher une place libre. Vaste programme ! Je déambulai entre les tables qui m’étaient accessibles quand un groupe de premières années décida enfin à lever le camp. Poussant plus fort sur les roues du fauteuil, je me dépêchai de m’installer avant qu’on me prenne la place. Piouf ! Chaque geste de la vie devenait un combat sans pitié quand vous ne pouviez plus vous servir de vos jambes ! Je ne me plaignais que rarement de mon handicap, mais aujourd’hui une petite once de mélancolie se faufila en moi. Comme à chaque fois que je tombai petit à petit dans cet état de tristesse, j'envoyai immédiatement un sms à Liam pour qu'il m'aide à me changer les idées. Mon frère ne pouvait pas être avec moi en permanence, mais nous restions en contact permanent avec nos téléphone. Aujourd'hui je sentais que son aide serait particulièrement utile puisque je me retrouvai seule à cette table.

[ J’espèce que ça te va ! ]

La vie n’est pas faite de nuance de gris. Elle ne permet pas les erreurs et n’offre aucun pardon, aucune opportunité de se repentir ou de se racheter. C’est la triste vision qu’en à Lily Chase, qui, suivant ce principe, est incapable d’aller de l’avant ou d’effacer le moindres actes entreprit à son encontre. Elle n’a pas à se faire de soucis pour elle-même puisque l’étudiante a toujours fait en sorte d’agir de la bonne manière, de faire ce qu’il faut. Cependant, il y a de quoi s’inquiéter pour ceux dont elle fut, un jour, proches. Cela fait maintenant plus d’une année qu’elle a perdu sa meilleure amie pour une vulgaire histoire de garçon. Et maintenant, il y a sa sœur qui suit le même chemin que la brune et qui prend plaisir à se laisser manipuler par un pauvre type qui ne lui arrive même pas à la cheville…

Depuis la tempête, depuis que l’étudiante avait fait savoir à sa sœur son avis sur son couple, elle n’avait plus eu de nouvelles de son ainée. Ce fait l’attriste énormément, lui brise le cœur, mais, comme toujours, Lily trouve réconfort dans ses livres. Ses études sont la seule chose capable de lui changer les idées, capable de la faire tenir. En fait, il n’y a rien d’autre au monde qui soit plus important que son cursus universitaire. Elle le réussira avec brio, ce n’est pas une possibilité, c’est une certitude.

Une fois toute ses affaires remises en ordre, Lily s’était remise à étudier. Aucun répit ne lui est accordé, et ce n’est pas plus mal comme cela. De toute façon, les seuls moments où elle se sent réellement bien, en phase avec elle-même, ce sont ces moments qu’elle passe loin de chez elle. Loin de cette ambiance familiale écrasante. Ici, même si la jeune femme croise Lauren, elle peut toujours faire mine de ne pas l’avoir vue.

Lorsque la cloche sonne la fin de l’heure de cours et que tous les étudiants se lèvent pour se ruer vers la cafétéria, ou, en tout cas, pour manger, Lily reste assise le temps de compléter ses notes et d’écrire les derniers mots du professeur. Au moins, s’il décide de mettre une question piège à la prochaine interro sur le dernier sujet, elle sera certainement la seule à obtenir des points. C’est sans le moindre engouement que la blonde rassemble ses livres, remet ses stylos dans sa trousse et met le tout dans son sac en bandoulière. Poliment, elle salue le professeur et rejoint la cafétéria.

Un avantage certain est le fait que la plupart ont déjà fait leur choix. Moins sympathique, il n’y a pratiquement plus une seule place de libre. Lily soupire, joue avec une mèche de ses cheveux et paie son repas.

« La place est libre ? »

Demande-t-elle sans faire attention et sans attendre de réponse concrète avant de s’asseoir. Ce n’est qu’après de longues secondes que la blonde relève le regard pour croiser celui d’une autre étudiante. Sans réellement y faire attention, elle la dévisage sans dire un seul mot, déglutissant, un peu mal à l’aise. Lily esquisse un sourire forcé ~ 

Spoiler:

Livre de cours ouvert devant moi, je n’étais pas très attentive à mes révisions de midi, préférant discuter avec mon frère pour faire passer le temps… Les sms qui me parvenaient depuis que je m’étais assise avaient, comme toujours, réussi à me redonner le sourire en seulement quelques minutes. Tout comme Jax, mon frère réussissait à me faire oublier mes petits problèmes quotidiens grâce à l’humour et la dérision, même si je savais très bien qu’au fond, ils étaient l’un comme l’autre très soucieux de mon état moral. Avec son aide à distance, je me sentais de nouveau en confiance et beaucoup moins seule au milieu de la cafétéria, même si Liam se trouvait bien plus loin que le campus de Milwaukee…

Tout en grignotant mon sandwich au bacon, je pianotais donc rapidement sur les touches de mon téléphone, prenant aussi des nouvelles d’Olivia qui était malade aujourd’hui. Une bonne grippe la clouait au lit avec fièvre et courbatures. « Reste bien au chaud sous ta couette, je me charge de prendre tes cours » lui textotai-je avant qu’une étudiante détourne mon attention en s’installant à coté de moi.

« La place est libre ? »

Pourquoi poser la question puisqu’elle n’avait pas attendu la réponse pour s’asseoir ? Poussé par une soudaine mauvaise humeur, je ne me fis pas prier pour lui répondre.

- Si elle l’était, et bien elle ne l’es plus ! Dis-je mis fugue mi raisin en attrapant ma canette de coca.

Nous nous toisâmes quelques secondes avant qu’elle n’esquisse un sourire gêné. Sa présence ne me dérangeait pas du tout, au contraire, j’aimai avoir de la compagnie, mais je sentais bien qu’elle n’avait posé son plateau ici que par manque de place dans la salle et pas pour un intérêt soudain pour ma petite personne. C’était la vie étudiante, pourquoi me sentais-je si énervée ? Serrant les lèvres et les poings, je décidai de ne pas rester sur une aussi mauvaise impression la concernant.

- Excuse ma mauvaise humeur… Le stress des exams six mois à l’avance, tentai-je de me justifier en replongeant mon nez dans mon bouquin d’info.

[ Y a pas de quoi, c’était juste pour savoir, prends le temps que tu veux ♥ ]

Parfois, les cantines universitaires sont un vrai cauchemar, d’autant plus quand on ne dispose pas de tant de temps que cela et qu’on n’a pas envie de s’y attarder. En désespoir de cause, à défaut d’avoir réellement des amies avec qui bavarder et partager ce moment, Lily s’installe à une place libre.

« Quelle remarque perspicace... »

Raille la blonde, relevant la tête pour regarder sa « copine » de table. Erin. Cette fille, sans avoir besoin de faire quoi que ce soit de particulier, la met mal à l’aise. Il faut dire que Lily n’est pas un modèle de tolérance ni de savoir-vivre visiblement puisqu’elle se permet de la regarder avec insistance, sans briser le silence qui s’est, de lui-même, installé entre elles.

L’autre étudiante finit par le briser. Les sourcils de la jeune femme se froncent avant qu’elle ne se détende à nouveau. Les examens. Un sujet épineux pour plus de la moitié des personnes qui fréquentent les écoles supérieures. C’est aussi son cas. Bien que sa régularité en cours, son organisation et son sérieux lui permettent assurément de s’en sortir sans trop de peine. Contrairement à d’autre qui attendent le dernier moment pour faire des condensés ainsi que du bourrage de crâne. La meilleure solution pour tout oublier quelques heures après, si ce n’est pendant ledit examen.

« Pas de quoi. Pareil de mon côté. »

Répond Lily, d’une manière automatique, profitant de cet intermède pour détourner la tête et jeter un coup d’œil à la salle. S’il y avait eu d’autres places libres, elle ne se serait pas gênée pour se lever et partir, avec ou sans un bon prétexte. Le fait est que, si elle veut rester assise, elle n’a pas d’autre choix que celui-là. Soit.

L’attention de l’étudiante se porte sur le livre qu’Erin est en train de lire. Distraitement, Lily prend ses couverts et mange une bouchée de son assiette. On ne peut pas dire que ce soit digne d’un bon restaurant, mais cela dit, on s’y fait. Et ce n’est jamais mauvais ~ Légèrement crispée, la blonde passe une main dans ses cheveux avant de se lancer ~ Loin d’elle l’envie de copiner, mais l’ambiance glaciale lui coupe carrément l’appétit. Alors aux grand maux les grands remèdes comme on dit.

« Tu suis quel cursus ? »

Mine de rien, c’est un détail qui a son importance.

L’ambiance entre nous était glaciale ! J’avais l’impression de me trouver au bord d’un «no man’s land» au Groenland, prête à tirer sur cette intruse qui n’hésiterait pas à en faire de même si je bougeai ne serait-ce qu’un cheveu ! Par chance nous n’étions armées que de nos plateaux de repas, de nos portables et de nos livres de cours… Pas vraiment le genre d’armes efficaces pour une bataille rangée.

« Quelle remarque perspicace... »

Je décidai de ne pas relever cette nouvelle pique de peur de voir débarquer des ours polaire et des esquimaux au beau milieu du RU. Décidément, nous avions toutes les deux un caractère de chien mal gratté aujourd’hui… A moins que ce ne soit dans ses habitudes de casser les gens qui l’entourait.

Après avoir ravalé ma fierté et mon orgueil peu commun, je tentai même de briser la glace et essayai de justifier mon mauvais caractère du jour que rien ne pouvait justifier. A défaut de trouver une bonne explication, j’accusais les examens qui approchaient.

« Pas de quoi. Pareil de mon côté. »

Peut être que nous nous trouvions dans le même état d’esprit elle et moi. Un mauvais début de journée, des amis absents pour je ne sais quelle raison et une cafétéria bondée qui ne permettait pas de se poser une demi heure tranquille avant de rattaquer les cours de l’après midi… Pas le genre de situation qui mettait de bonne humeur.

« Tu suis quel cursus ? »

Etonnée de la voir s’intéresser soudain à moi, j’esquissai un petit sourire sincère avant de faire glisser mon livre de programmation dans sa direction. Un profane n’y comprendrait rien du tout, même en y mettant la meilleure volonté du monde. Je n’espérai pas qu’elle arrive à déchiffrer quoi que ce soit, mais simplement lui montrer que les inscrits en informatique n’étaient pas vraiment les fainéants et imbéciles qu’on pouvait croire.

- Licence informatique.

Et après un sourire, j’ajoutai pour plaisanter :

- Tous les élèves inscrits dans ce genre de cours ne sont pas tous de gros geek mal rasés qui se cachent derrière leurs lunettes graisseuses et sous une montagne de cartons vides de fast-food.

Je fronçai les sourcils en faisant mine de réfléchir avant de poursuivre :

- Du moins ce n’est pas l’impression que je crois donner. Et toi ? J’imagine que tu n’es pas en cours de phylo sinon les exams ne te stresseraient pas ! Hum… Psycho ?

Une fois qu’elle aura terminé son plateau, il y a de forte chance pour que Lily prétexte quelque chose pour pouvoir s’échapper rapidement. Même si elle a encore, par hasard, du temps à disposition. Mais en attendant, autant faire un minimum d’efforts et tenter de tenir un peu de conversation. En toute sincérité, ça ne l’intéresse pas réellement x)

« Sympa. »

Commente la blonde, passant une main dans ses cheveux. Elle, si elle est capable de se servir d’un ordinateur pour ce qui concerne ses cours, ainsi que d’internet et des typiques facebook, twitter pour rester connectée, elle n’y connaît absolument rien. Donc, autant dire que le coup d’œil qu’elle jette au livre, par curiosité, est inutile puisqu’elle n’y comprend strictement rien. Cela dit, Lily se rassure en pensant que si elle faisait le même coup à la jeune femme, elle ressentirait la même chose.

« Si tu le dis. »

Lâche simplement la jeune femme, l’air peu convaincue. Il faut dire que, à ses yeux, Erin est loin d’être un modèle de fille « normale » ou ayant droit à un minimum de réputation. Alors, c’est sûr, elle n’a pas de lunette et ses cheveux ont l’air propre, mais cela s’arrête clairement là. Cette apparente bonne humeur et son sourire, Lily les lui ferait bien ravaler de force. Ça l’agace au plus haut point. Sans doute parce qu’elle même ne va pas bien et qu’elle souhaiterait que tout le monde soit dans le même état d’esprit que sa petite personne.

Quand l’autre étudiante commence à faire un question/réponse toute seule, Lily reste silencieuse, plutôt surprise. Elle la laisse parler sans rectifier, pour l’instant, ses dires. Par contre, quand elle vient à évoquer la « psycho », la blonde fronce les sourcils. Non mais, pour qui est-ce qu’elle la prend ? Ce qu’il faut savoir, c’est qu’aux yeux de Lily, la psychologie n’est pas un cursus valable. Surtout quand il s’agit de s’orienter, par la suite dans des métiers comme psychothérapeute, ou ce genre de chose. Pour elle, ce ne sont tout simplement pas de vrais médecins… Autant dire qu’elle ne prend pas ça pour un compliment donc.

« Non, médecine. »

Répond Lily, l’air quelque peu dédaigneux. La conversation risque de ne pas être simplifiée ~

Je ne comprenais pas vraiment ce qui me poussait à être polie avec cette fille qui s’était incrustée à ma table, et encore moins pourquoi j’essayai d’entretenir une conversation. Je me serais adressée à un barreau de chaise que j’aurai eu autant de réponses… Mes efforts ne servaient à rien puisqu’elle ne répliquait que du bout des lèvres et uniquement par politesse. Même quand elle se sentie piquée au vif par ma supposition de cursus en psycho, elle se redressa fièrement, mais ne m’adressa que deux mots.

- Non, médecine.

J’aurai voulu grimacer en répétant ces mots pour caricaturer son arrogance, mais cette attitude aurait été bien puérile… J’étais au dessus de ça tout de même ! D’accord elle pouvait être fière d’elle si elle réussissait la fac la plus difficile du campus, mais un peu de modestie ne faisait de mal à personne… et d’autant plus à un futur médecin, chirurgien ou cancérologue.

Je n’avais d’ailleurs pas du tout envie d’en savoir plus sur ces ambitions personnelles, même si ce sujet aurait pu être intéressant, mais sachant d’avance que je ne récolterai qu’une douche froide. Pourtant mon caractère entier me poussa à répondre…

- Et bien j’espère que vous serez plus éloquente et plus agréable avec vos patients. Sans parler de votre équipe soignante,… Docteur ! Dis-je le plus naturellement du monde, mais en appuyant sur le dernier mot pour lui donner plus de poids.

Peut-être était-ce une erreur de continuer à lui tenir tête et que j’aurai gagné à me taire pour ne pas gaspiller ma salive inutilement avec elle, mais je n’avais pas pu me taire. J’avais rencontré de nombreux médecins depuis mon accident et certain pas plus agréable que cette fille ! Je savais donc parfaitement combien il était désagréable d’avoir une consultation avec un morceau de marbre ! Ces souvenirs réveillèrent alors des souvenirs désagréables et je ne pus terminer mon sandwich… Comme à chaque fois que cela se produisait, j’envoyai immédiatement un sms à Liam pour me détendre et me changer les idées. « Tu écrirais un article sur l’ambiance festive dans les restos universitaires ? »

[ Si jamais ma couleur c’est ‘mediumseagreen’ ^^ ]

Comment ose-t-elle seulement lui faire l’affront de poser une question pareille ? Pour Lily, il est évident que ce ne sont pas des gens de sa trempe qui entreprennent des études de psychologie. Mise à part certaines spécialisations, rien là-dedans ne lui semblent vraiment utile ou en valoir la peine… Elle a en effet un avis très arrêté et ce, sur énormément de choses.

« Heureusement, ce n’est pas de personne comme toi dont je vais m’occuper. »

Réplique-t-elle sur un ton acide. Son regard dur et froid se pose dans celui de son interlocutrice contre laquelle, à la base, elle n’a rien. Erin, elle ne la connaît que très vaguement, mais jusque là, mise à part le fait qu’elle l’a toujours mise mal à l’aise à cause de sa « différence » avec les autres, elle ne dérangeait pas Lily. On ne peut pas dire que cette rencontre fortuite risque d’améliorer leur relation, c’est même tout le contraire qui va assurément se produire. La jolie blonde n’est plus à ça près. Surtout dans la mesure où elle se sent déjà pratiquement seule contre tous. A croire que l’univers tout entier a une dent contre elle ~

Il est vrai que Lily n’est pas quelqu’un de très diplomate, ni de profondément gentil ou tolérant. Le seul moment où cela peut réellement changer est quand elle se met dans son rôle de médecin. Il y a deux facettes : la Lily de tous les jours et la Lily au travail. Parfois, on a du mal à croire qu’il s’agit de la même personne, comme, par exemple, durant la tempête, où elle a fait son mieux pour aider et subvenir aux besoins des gens sur place. Cela ne pourra qu’encore mieux se passer quand elle fera réellement ce pour quoi elle est faite.

« Tu comptes me tenir la jambe encore longtemps où je peux manger tranquillement ? »

Sans vraiment la connaître, l’autre étudiante l’agace. Ne serait-ce que parce qu’elle semble sûre d’elle, et n’a pas la moindre peine à lui renvoyer ses répliques ~

[ Ha super merci!!! J'ai tout mis au propre du coup ♥]

Tout en pianotant sur mon téléphone, je me mis à relativiser sur la situation tendue dans laquelle je m’étais lamentablement empêtrée. Je détestais ce genre de prise de tête débile, mais après tout c’était-elle qui était venue s’installer ici, je n’avais donc rien à me reprocher. Du moins c’est ce dont j’essayai de mon convaincre pour ne pas me mettre à culpabiliser de l’avoir rembarré.

- Heureusement, ce n’est pas de personne comme toi dont je vais m’occuper.

Cette seule petite phrase finit de mettre fin à mon énervement pour céder la place à l’amusement. Jamais cette fille et moi ne pourrions nous entendre, c’était clair et net ! Alors au lieu de relever sa remarque sur « les gens comme moi », je préférai en rire en sachant pertinemment que certaine personne lui en ferait baver pour son arrogance.

- Tu comptes me tenir la jambe encore longtemps où je peux manger tranquillement ?

J’étais tentée de rester juste pour l’empêcher de finir son repas de midi calmement, mais j’avais envie de boire un café avant de retourner en cours. Je n’étais pas aussi vicieuse de toute façon et j’avais mieux à faire de mon temps.

Malgré mes bonnes résolutions de la minute d’avant, je ne pus m’empêcher de répondre, au lieu de partir en l’ignorant.

- Ne t’inquiète pas, je m’en vais. Le ronronnement de la machine à café sera toujours plus intéressant à écouter que toi. Mais laisse moi juste te dire une chose: tu ne seras pas une grosse perte pour « les gens comme moi ». Lançai-je en souriant tout en rassemblant mes affaires. De toute façon seuls les morts pourront te supporter, tu devrais penser à te diriger plutôt vers la médecine légale.

Sans un regard, j’attrapai les roues de mon fauteuil que je fis rouler vers l’arrière pour me dégager de la table avant de la contourner. Direction la sortie !

Il n’y a qu’avec très peu de monde que Lily réussit à s’entendre réellement. Il faut dire qu’en plus de ne pas avoir un caractère facile, il ne lui vient jamais à l’esprit que c’est peut-être à elle de faire des efforts. Qui plus est, elle a tendance à tout voir en noir alors que la vie lui a, à peu près, tout donner. Comme quoi, chacun l’appréhende différemment. Pour elle, rien n’est à la hauteur, suffisamment bien ou suffisamment entrainant. Son pessimiste est une véritable plaie qui fait qu’elle préfère généralement rester chez elle à bosser plutôt que d’accepter une proposition douteuse de sortie qui serait forcément nulle ~

Cela dit, là n’est pas la question, même si ça explique, en partie, pourquoi il est si compliqué pour elle de faire des efforts et se montrer sympathique. Ce n’est pas dans son tempérament. Et puis, sincèrement, Lily n’est pas persuadée de vouloir être copine avec cette fille, ne serait-ce rien qu’à cause de ce qu’elle a sous-entendu tout à l’heure. La blonde est en effet toujours vexée à cause de cette histoire de psycho…

Sans la moindre amabilité, Lily demande à Erin de se taire, ou, tout du moins, d’arrêter de l’embêter, pour dire cela d’une manière polie. La réponse ne se fait pas attendre et n’a rien de plaisant à entendre. Elle se renfrogne.

« C’est ça dégage… Connasse. »

Murmure Lily, son regard noir suivant un instant l’autre étudiante. Mais pour qui est-ce qu’elle se prend cette pauvre fille sans intérêt ? Sa mâchoire se resserre, elle rumine sa mauvaise humeur, la refoule du mieux qu’elle ne peut et se contient pour ne pas lui sauter dessus et lui arracher les cheveux. Si ça avait été n’importe qui d’autre, il aurait été possible qu’elle se comporte de cette manière. Avec elle, ce n’est pas pareil dans la mesure où elle est… différente. Il ne manquerait plus qu’on traite la blondinette d’intolérante ou qu’on la case dans un tiroir dans lequel il lui sera impossible d’en sortir.

Son attention se repose sur son plateau repas. Elle n’a même plus faim. Lily le repousse et soupire. Cette journée n’est décidément pas la sienne. Vivement que les cours reprennent et qu’elle puisse focaliser toute son attention sur un sujet plus important.

[ Fin de la scène ]