Les rumeurs, les rumeurs… Elles vont bon train, elles ne s’arrêtent jamais. Pourtant, Eva aimerait beaucoup se faire oublier. Dernièrement, tous les commérages se sont un peu « tassés », mais la blonde reste assez marquée par tout ce qui s’est produit dans sa vie dernièrement. Elle est habituée à un certain calme, à une monotonie presque ennuyeuse… On peut dire que ces derniers mois, tout a changé, tout a été, même, particulièrement différent. Entre sa rencontre avec Parker, et ce rapprochement, avec Devon… Beaucoup de choses ont évolué dans la vie de l’étudiante. Mais quelque chose n’a pas changé. Certaines peurs sont toujours bel et bien ancrées en elle. Certaines craintes qu’elle n’a pas le courage d’éradiquer complètement, totalement. Elle avait essayé d’en faire part à Parker, d’ailleurs, mais ça n’avait abouti à rien. Depuis cette fête, chez les Stewart, les deux jeunes femmes ne s’étaient plus revues. Eva avait songé à aller la voir, après cette histoire de tags, sur la vitrine de son coffee shop, mais n’en avait finalement rien fait. Que lui aurait-elle dit, hein ? Qu’elle était navrée ? Ça n’aurait eu aucun sens. Ça n’aurait servi à rien.

S’il y a bien un endroit où elle n’a pas besoin d’affronter le regard des autres, c’est sur les rives du Lac Michigan. Eva, en short court, et en débardeur, se promène en effet au soleil, tranquillement, son appareil photo au cou, prête à immortaliser des instants de cette vie tranquille à Great Falls.

Les mains dans les poches de son short en jean, les cheveux ondulant au gré d'une légère brise, l’air songeur, Eva jette un œil au ponton. Celui sur lequel elle avait fait la rencontre de Parker. Et là, elle s’arrête net. La même scène. Comme un flash-back, qui n’en est pourtant pas un. La cigarette. Le café. Parker. Tout. Tout y est. Sauf que le temps est plus radieux, sauf que les deux jeunes femmes ne sont plus que des inconnues l’une pour l’autre. Le cœur de la blonde démarre aussitôt à toute vitesse, mais Eva, sans réfléchir, fonce droit vers elle.

Le voilà le moment d’aller vers elle. C’est forcément un signe… ! Et puis là, personne ne viendra les déranger. Et puis, Eva n’a pas envie de rebrousser chemin. Le temps est venu de mettre les choses à plat.

Salut…

Murmure-t-elle, pour l’interpeller, en s’avançant sur le ponton. Les yeux baissés, Eva sent son cœur bondir dans sa poitrine. Le moment est peut-être venu, mais il n’en est pas moins stressant.

En avançant sur le ponton et en se rapprochant, fatalement, de Parker, Eva entend une chanson de Coldplay, Fix you. Le fruit de son imagination. Et pourtant, les paroles la poussent à continuer, entraînent chacun de ses pas, comme si rien ne pouvait l’arrêter. Ça n’empêche pas son cœur de faire des bonds, la nervosité la gagner, mais qu’importe. Elle sait qu’il faudra en arriver là, un jour ou l’autre. Et ce jour est arrivé. La blonde aurait pu choisir de repousser ce « moment », mais elle a préféré se lancer. Il le faut bien. Elle n’a pas envie de se réveiller, un jour, et qu’il soit trop tard.

When you try your best, but you don't succeed, when you get what you want, but not what you need…

Dès que Parker se tourne dans sa direction, Eva s’arrête de marcher. Elle fixe la jeune femme, qui a le réflexe de jeter immédiatement sa cigarette. L’étudiante aurait voulu lui dire que ça n’était pas la peine, mais de toute manière, il est trop tard et puis la brune finit par se lever, soudainement, ce qui l’angoisse plus qu’autre chose, sans réellement savoir pourquoi.

Intimidée, Eva baisse brièvement les yeux… mais les relève aussitôt que Parker lui demande ce qu’il y a. Elle trouve la question étonnante, troublante. Doit-il y avoir quelque chose pour qu’elles puissent discuter l’une avec l’autre ?... Sans doute que maintenant, oui.

Rien… !

Répond immédiatement la photographe, avant de se mordre la lèvre.

Enfin…

L’étudiante hausse les épaules. Non, il n’y a pas « rien », il y a des choses qu’elles doivent évoquer, sans doute tirer au clair…Seulement, Eva ne s’attendait pas à ce qu’elles doivent le faire d’un coup d’un seul, comme ça. Elle s’était imaginée une autre sorte de « retrouvailles ». Enfin, ce n’était que du pur fantasme. Il faut se réveiller maintenant, et faire face à la réalité.

La question brute de décoffrage de Parker a complètement déstabilisé Eva. La jolie blonde aurait simplement voulu l’aborder, petit à petit, et peut-être venir à parler ensuite d’un sujet plus sérieux. Seulement, rien ne s’est passé comme prévu et la belle brune l’a carrément prise de court. Résultat, tout ce que la blonde trouve à répondre c’est « rien », avant de se reprendre, l’air franchement troublé. Rien ne se passe comme elle s’y attendait, et ça ne la met pas du tout à l’aise. En même temps, Eva est toujours un peu nerveuse au contact de Parker, et même si ce n’est pas de la même manière que d’habitude, les faits sont quand même là.

Finalement, Parker reprend la parole, non pas pour l’interroger à nouveau, mais pour l’inviter à s’asseoir. Eva, intimidée, se contente d’acquiescer doucement. Elle rougit même un peu, en s’avançant vers son « amie », avant de s’asseoir, à l’endroit pile où Parker a tapoté avec sa main. Une fois cela fait, elles échangent un regard, et l’étudiante lit rapidement une certaine douceur dans le regard de la brune, douceur qu’elle ne s’attendait guère à trouver là.

Heu…

Je vais bien, enfin… oui, je crois.

Comment dire ? Elle est troublée dernièrement, très troublée, mais n’a pas envie d’aborder ce sujet avec Parker. Ce serait mal venu. Enfin, s’il faut passer par les banalités d’usage, la blonde essaie de se montrer facilitatrice, et lui retourne sa question :

Et toi ?

Apparemment, Parker s’est rendue compte qu’elle avait « brusqué » Eva, d’une certaine manière, et tente de se rattraper. Pour autant, l’étudiante ne lui en veut pas d’avoir voulu aller droit au but avec elle. Après tout, c’est vrai qu’elles ont des choses à se dire. Une quantité de choses, même, à mettre au clair. Tourner autour du pot ne changerait finalement pas grand-chose… ! Ça permettrait juste à la photographe de se rassurer un peu mais, après tout, elle ne le mérite sans doute pas.

Maintenant qu’elles sont toutes les deux assises sur le ponton, Eva tente de se détendre. Ce n’est pas une mince affaire, d’autant que Parker lui pose une question, sans doute anodine, mais qui ne l’est pourtant pas tant que ça pour l’étudiante. Elle traverse une période assez étrange, dernièrement. Avec Devon, rien n’est clair. Dire qu’elle est heureuse, que tout va bien dans le meilleur des mondes, ce serait mentir. La blonde est, avouons-le, complètement perdue. Elle se sent à côté de la plaque. Cela dit, elle n’en fait pas toute une histoire et retourne sa question à Parker, qui semble aller bien. Enfin, comme elle, quoi. Un peu pommées, les filles.

Je comprendrais que tu m’en veuilles !

Réplique aussitôt Eva, le cœur serré, avant de détourner brusquement le regard. Elle a dit cette phrase d’une manière si spontanée, si vive… ! Mais en même temps, ce n’est que la stricte vérité. C’est ce qu’elle a sur le cœur. Elle est prête à entendre Parker lui dire qu’elle la déteste. Elle pourrait l’encaisser. Ça la détruirait, bien sûr, mais ça ne la surprendrait pas.

Je ne t’ai pas donné ce que tu attendais de moi.

Murmure-t-elle ensuite, en baissant la tête, fixant l’eau machinalement, n’ayant pas le courage de relever les yeux en direction de Parker.