Great Falls… Après quatre semaines passées loin d’ici, je me sentais tout bizarre en revenant dans les rues de la ville. J’avais la sensation d’être un étranger, un touriste, qui découvrait ce petit coin retiré du Wisconsin pour la première fois de sa vie. Pourtant tout ressemblait exactement à mes souvenirs. L’épicerie Lowell, le Tom’s, Burroughs Street… Je voyais juste les choses d’un œil différent. Pas comme lors de mon départ en désintox, au petit matin du quatre aout, tiré de force de mon lit par deux gorilles pendant que mon frère et ma sœur me voyait vomir des insultes contre eux. Je n’étais plus le même aujourd’hui… et pourtant je ne me sentais pas encore capable d’affronter la présence de mes proches.

Enfermé depuis tout ce temps, je sortais du centre pour la première fois et pas pour revenir m’installer à la maison. Non. Cette sortie était prévue par mon médecin avec l’objectif de me réapprendre la vie. J’étais peut-être clean, mais absolument pas guéri pour autant… Alors avant de me redonner ma liberté, il y avait encore beaucoup d’étapes à franchir. Et la première je devais la passer aujourd’hui en participant à un cours de cuisine. Pourquoi exactement ? Aucune idée, mais le Doc ne m’avait pas vraiment laissé le choix. J’aurais quand même préféré apprendre à bricoler le moteur d’une bécane, ou jouer au basket avec l’équipe du centre pour recommencer à me sociabiliser correctement plutôt que de devoir peser de la farine ou couper un ananas en petits cubes… A la réflexion, c’était peut-être quand même mieux que de planter des fleurs ou étaler de la peinture sur une toile. M’enfin, j’avais pas eu mon mot à dire de toute façon.

Le taxi me déposa devant le Coffee Shop. Habituellement fermé ce jour là, je supposais que les proprios en profitaient pour louer leur cuisine pour arrondir les fins de mois… Pas con !

Tremblant un peu au moment de me retrouver seul devant la boutique, je ne me laissais pas le temps de réfléchir et entrait pour me présenter. A qui est-ce que j’allais avoir affaire ? Je n’en avais pas la moindre idée.

Les chaises installées au dessus des tables montraient clairement que les choses sérieuses se dérouleraient dans l’arrière boutique, et c’est donc par là bas que je me dirigeais.

Si j’allais me mettre derrière les fourneaux du Coffee Time dans les prochaines heures, pour préparer je ne sais quelle recette stylée de chef cuistot ou des cupcakes tirés des carnets d’une ménagère du troisième âge, je continuais à me demander qui allait me cuire aux petits oignons et me servir de professeur… La réponse n’allait pas tarder à tomber puisque j’entendais du bruit dans les cuisines et que c’est là bas que je me dirigeais d’un pas décidé malgré une petite appréhension.

- Y a quelqu'un ?

La voix m’arriva aux oreilles juste au moment où je passais la porte pour entrer dans l’arrière boutique du café. Rassuré en entendant qu’il ne s’agissait pas d’un mec ultra efféminé amoureux des légumes et aux manières tactiles ou d’une armoire à glace qui menait sa brigade à grand renfort de cris et d’insulte en tout genre, je m’avançais plus sereinement au milieu des instruments brillants et des ingrédients frais.

- Ouep ! Chad Matthews, me présentais-je en toquant à la porte par pur effet de style puisque je me retrouvais maintenant face à face avec une petite brunette. Elle ne devait pas s’attendre à me voir débarquer ici vu la tête qu’elle tira en me découvrant à l’entrée de sa cuisine.

- Hey. Tu es là pour le cours de cuisine ou... ?

La surprise que je lisais dans son regard m’amusait un peu et ça voulait aussi dire qu’elle ne savait pas d’où je venais. Le médecin avait prévu son coup plutôt finement. En ne prévenant pas cette fille que j’étais un élève un peu particulier, il me faisait passer pour quelqu’un de normal. Ce qui me valorisait au passage… C’était d’ailleurs surement le but de tout ça.

- A moins que tu proposes une dégustation de tous les cafés qu’il y a ici ?!

Je haussais les épaules en écartant légèrement les mains pour mimer un air ignorant et amusé. Mais je savais d’avance que ce n’était absolument pas le programme de cette première mise à l’épreuve. Trop simple.

- Alors, ouai, j’suis là pour éplucher des patates ou casser des œufs.

Ma présence au Coffee Time devait-être une surprise pour la propriétaire puis qu’elle me demanda si j’étais bien là pour le cours de cuisine… A priori oui, sauf si elle me proposait une dégustation de café à la place ! Ca m’aurait même plutôt arrangé comme programme parce que je n’étais pas tellement motivé pour mettre la main à la pate, mais il ne fallait pas trop y compter.

- Pourquoi pas ! Mais tu risques de faire tout le temps pipi après...

Et alors ?! Il n’y avait pas de wc ici ou il fallait aller au fond du jardin pour se soulager ? Et pi quoi encore, on était plus au temps des diligences… Avant, je ne me serais pas gêner pour rire de tout ça, pourtant aujourd’hui je ne me sentais pas encore assez à l’aise avec cette fille pour plaisanter de la sorte. Alors autant rester un minimum sérieux. Je me contentais donc d’une remarque toute simple… basique.

- C’est pas faux… Va pour la leçon de cuisine alors !

Sans réelle motivation, mais juste l’envie de bien faire, je m’approchais alors qu’elle m’annonçait le programme du cours : Pâtisserie française. Rien que ça ! Et ba, j’étais pas près d’épater les petites infirmières du centre en refaisant là bas ce que j’avais appris ici. Moi qui pensait attaquer par des recettes basique du genre : pancake ou hamburger, c’était louper.

- La tarte Tatin ! Tu connais ? D’après son sourire, me présenter cette recette étrangère l'amusait beaucoup. Tu peux t'installer hein, mets-toi à l'aise. J'm'appelle Parker !

- Ravi de vous connaitre Chef, m’amusais-je en m’approchant du plan de travail et en relevant mes manches avant de reprendre rapidement mon sérieux. Tarte Tatin ? Répétais-je en essayant de prendre le même accent français qu’elle, ce qui n’était pas une grande réussite. Non je connais pas, c’est quoi ? Et plus important, est-ce que c’est bon ?

Jetant un œil sur son cahier de recette, je listais les ingrédients sans réellement comprendre qui allait avec quoi… C’était franchement pas gagné.

En entendant parler de pâtisserie française, j’eus un petit moment de panique pourtant bien vite dissipé par l’enthousiasme de Parker et son projet de nous faire cuisiner une tarte tatin. Pas vraiment fan de gastronomie, et encore moins celles des pays étrangers, j’ignorais totalement de quoi il pouvait s’agir. Je ne trouvais d’ailleurs rien de mieux à dire qu’essayer de répéter le nom de cette gourmandise avec un accent épouvantable… Ce qui déclencha automatiquement un sourire chez la brunette.

- Tarte Tatin, articula-t-elle pour m’aider à la prononciation pendant que je m’installai devant le plan de travail. Je peux t'apprendre quelques mots de français en même temps si tu veux.

En plus d’une leçon de cuisine, j’allais donc avoir un cours de langue pour compliquer encore plus les choses. Mais c’était plutôt cool de ne pas parler que de recette et température de cuisson. L’après midi promettait donc d’être plus amusant que je ne le pensais, au final.

- Attends, j’en connais déjà deux, trois, lançai-je fièrement avant de fouiller dans ma mémoire pour retrouver les bonnes intonations en grimaçant. Heuuu… « Bonjour » … « Merci beaucoup »…

Après cette petite démonstration de mes talents en français, Parker m’expliqua ce qu’était vraiment une tarte tatin. Un mélange de pommes et de caramel renversé sur une pate… Rien de plus simple ?! Je me voyais déjà galérer en essayant de suivre ses recommandations, mais elle attira mon attention en m’assurant que ça avait bon gout. Une bonne raison pour me pousser à bien faire si je voulais déguster après la cuisson.

- Alors, tu me lis la recette et je te montre et explique comme on fait et puis tu mettras en pratique ! Ça te va ?

D’un hochement de tête affirmatif je donnais le top départ du cours avant d’attraper le carnet de recette.

- Préparation de la pâte ! Commençai-je le plus sérieusement du monde en imitant la voix d’un chef étoilé qu’on voyait dans MasterChef… Ouai, on regardait des trucs drôlement intéressant en cure les soirs de déprime. Dans un saladier, placer la farine et le beurre coupé en petits dés. Émietter l'ensemble du bout des doigts.

En entendant ces mots français, qui, pour une fois, sortent d'une autre bouche que la mienne, je lui lance un regard admiratif accentué d'un sourire amusé. Son accent est évidemment présent mais c'est déjà ça ! Ce sont les bases. Je ne retiens d'ailleurs pas un commentaire, voire une astuce :

- Si jamais tu vas en France un jour, le mot qui passe partout c'est « Putain » ! Tu peux dire ce mot quand tu es triste, joyeux ou perdu ! Il s'adapte vraiment à n'importe quel contexte !

Je n'hésite pas à partager mon expérience avec lui, quitte à l'ennuyer ou parler dans le vide... Mon besoin d'échanger est tellement présent par rapport à autrui - davantage encore lorsque je travaille - que je ne m'en prive jamais. Evidemment, il arrive que certains ne soient pas du tout réceptifs ou même réciproques, cependant je ne m'en vexe pas. Je ne peux pas intéresser tout le monde !

Nous enchaînons ensuite avec la recette de la Tarte Tatin. Mon esprit subit encore les répercussions de ma révélation, je m'efforce de les ignorer. Je ne veux surtout pas rendre ce moment embarrassant.
Lorsqu'il prend des notes quant à l'énoncé de la préparation, je fais glisser tous les ingrédients cités jusqu'à lui. Je demande alors, faisant la conversation :

- Qu'est-ce qui t'amène ici au fait ? Tu en as entendu parler ou tu t'ennuyais juste ? J'ajoute, dans un sourire qui se veut complice : Tu peux me dire la vérité hein, je ne me vexerai pas promis !

Je lui tends alors le saladier, lui intimant silencieusement de verser la farine dedans. Dans un même temps, je décide de me charger du beurre. Un ange passe. Je me sens bizarre, coincée entre la quiétude de l'instant et l'inquiétude quant au garçon.
Allez savoir !

Wouhou ! Jamais je n’aurais pensé pouvoir ressortir les trois mots de français que je connaissais dans une conversation sérieuse. A la base c’était plutôt une astuce pour épater les filles au collège… mais cette fois ma petite démonstration n’avait rien à voir avec un plan drague. J’avais d’autres problèmes à résoudre en ce moment pour penser aux gonzesses.

- Si jamais tu vas en France un jour, le mot qui passe partout c'est « Putain » ! Tu peux dire ce mot quand tu es triste, joyeux ou perdu ! Il s'adapte vraiment à n'importe quel contexte !

En levant les sourcils, je jouais au perroquet et essayais bêtement de répéter ce mot… sans connaitre sa véritable traduction. Quand bien même cela ne m’aurait surement pas arrêté, au contraire. Je n’étais pas un type franchement vulgaire, mais connaitre un gros mot en français, ça claquait quand même !

- T’as l’air de bien connaitre le sujet, dis-je en réalisant qu’elle connaissait bien la langue et les recettes de ce pays européen.T’y es déjà allée ?

J’attrapai ensuite le carnet de recette, et comme Parker me le demandait, je fis la lecture des ingrédients et des premières recommandations pour réussir cette fameuse tarte tatin. La «chef» maitrisait parfaitement son sujet et j’imaginais bien qu’elle n’avait pas besoin de ce petit rappel pour connaitre les différentes doses. Elle devait faire ça uniquement pour me faire participer un minimum ou pour me laisser m’imprégner de la recette… Ça me déplaisait pas au final. Au moins, je savais à l’avance qu’il n’y avait pas de quoi m’intoxiquer dans cette pâtisserie !

A fond dans le truc, je ne remarquais même pas le trouble de la brunette… Et même pas quand elle me questionna au sujet de ma présence ici.

- Qu'est-ce qui t'amène ici au fait ? Tu en as entendu parler ou tu t'ennuyais juste ?

Que devais-je répondre ?! Cette fois sa curiosité me mettait en mauvaise posture. Est-ce que j’avais honte d’avouer la vérité ?! Ou au contraire en tirer une sorte de fierté pour essayer de m’en sortir ?! Ni l’un, ni l’autre en fait.

Tu peux me dire la vérité hein, je ne me vexerai pas promis !

Elle ne comprenait pas que mon silence n’impliquait pas son cours de cuisine, mais simplement l’état actuel de ma vie… En même temps, comment aurait-elle pu le deviner ? Par les commérages peut-être ? Et elle me posait la question de travers pour obtenir la véritable raison de ma présence ici ?! Non, je ne voulais pas suspecter cette fille de croire aux rumeurs. Et puis même si c’était le cas, j’allais jouer carte sur table.

- Pour être honnête avec toi, j’avais jamais entendu parler de tes cours de cuisine… Faut dire que c’est pas franchement mon truc à la base! Commençai-je en attrapant le saladier qu’elle avait glissé jusque vers moi. Et puis, en prenant une grande inspiration, je me décidais à parler de ma cure. Une première depuis mon retour à la vie réelle… et surement pas la dernière. Mais… mon médecin a pensé que ça serait un bon exercice de réintégration.

Ma phrase pouvait prêter à confusion, alors avant qu’elle ne se fasse des films sur mon passé, j’ajoutais directement :

- T’inquiète hein, j’suis pas un prisonnier ou un fou dangereux qu’on balance comme ça dans la nature… non…juste un junky qui veut reprendre sa vie en main.

A l’évidence, Parker était très attachée à la culture française. Pâtisserie, vocabulaire et petit conseils sur la langue, la chef cuisto en connaissait un rayon sur le sujet et cela me faisait penser qu’elle avait dû y aller au moins une fois dans sa vie. On n’apprenait pas les mots utilisés par les frenchy simplement en lisant des livres ou en regardant des documentaires sur une chaine du câble.

- Ouaip ! J'y étais pendant quelques années avec mon frère, à Paris. C'est là que j'ai découvert que j'étais faite pour la cuisine... Plus particulièrement la pâtisserie, en fait.

- Un genre de voyage initiatique qui t’as fait voir qui tu es vraiment au fond de toi ?! Plaisantais-je sur ce fond de vérité.

La cuisine devait être une véritable passion, oui ! C’était tellement évident en l’entendant parler que ça me donnait l’envie de réussir cette tarte tatin à la perfection. Pas sur que ce soit un objectif réalisable vu mes capacités culinaires… mais j’allais au moins essayer de faire de mon mieux. J’écoutais donc avec attention ce que Parker me disait et suivait les indications de la recette à la lettre, sans pour autant oublier de participer à la conversation. Du moins jusqu'à ce que le sujet devienne vraiment personnel, et là j’hésitais une seconde avant de répondre franchement à Parker et de lui avouer que je n’étais pas tout à fait un élève comme les autres.

- Et bien, je trouve ça parfaitement honorable, M'sieur Matthews.

- Honorable ?! C’est bien la première que j’entends ce mot pour me décrire, souris-je sans m’attarder davantage sur l’origine de mon inscription à son cours. Et puis la brunette passa rapidement au dessus de mon passé de junky et versa le beurre coupé en morceau sur la farine que contenait déjà le saladier. Et là… j’allais devoir me salir mes mains ! C’est visiblement ce qu’elle attendait, alors je relevais les manches de ma chemise pour me laver les mains, et ne pas passer pour un crassoux, pendant qu’elle me faisait une remarque sur l’utilité de cette séance de pâtisserie pour mon retour à la vie normale.

- Je n'suis pas sûre que la cuisine aide mais tant que je peux te changer les idées avec une Tarte Tatin, j'suis contente !

- C’est plutôt bien partit, la rassurais-je sur ce point en revenant vers le plan de travail et la préparation de la pâte à tarte. Aller, j’me lance !

Et sans attendre sa confirmation, je plantais mes doigts dans le saladier pour émietter le beurre… Beurk, c’était franchement bizarre comme sensation et particulièrement gras. En relevant mes mains un peu au dessus du plat, je soulevais de grosses mottes de mélange farineux sans refermer les doigts. Ça collait simplement.

-Heu… C’est normal ça ?

Finies nos petites discussions sur la France ou sur les raisons qui me poussaient à m’investir dans un cours de cuisine, cette fois les choses sérieuses commençaient vraiment pour la tarte tatin ! Pas vraiment doué en cuisine, à part pour cuire un steak ou un œuf au plat, je me retrouvais un peu bête avec cette « colle » de farine et de beurre sur les doigts. Avant de faire une connerie, je préférais demander à Parker si tout était normal… J’étais aussi en droit de douter en l’entendant rire gentiment.

- Oui oui... mets-y plus d'énergie, il faut que le mélange soit homogène, ça demande un peu de patience...

« Un peu patience et une sacrée force dans les doigts ! » pensai-je en malaxant la pâte plus rapidement pour que les ingrédients se mélangent alors que la brunette posait sa main sur mon épaule. Totalement dans le truc, je ne remarquais pas vraiment son geste et continuait sans m’en soucier.

Tu te débrouilles bien pour l'instant.

- Ouai… marmonnai-je d’un air sceptique mais en restant de bonne humeur. Mais si jamais c’est raté on dira que c’est de ma faute. J’assume.

Un peu défaitiste ? Non pas vraiment, je me préparais psychologiquement à une catastrophe culinaire pour éviter d’être déçu si ce qui sortait du four ne serait bon que pour la poubelle.

- Je prendrai le relais après !

- Ho, tu m’insulte là ! Plaisantai-je en fronçant les sourcils pour donner un peu plus de poids à mes propos alors que je n’arrivais pas à retenir un sourire. T’as peur que mes bras tiennent pas le coup ?

Et pour lui montrer que mes muscles n’étaient pas encore ankylosés, je redoublais d’effort pour avoir quelque chose de lisse entre les mains… mais le résultat restait assez collant et grumeleux.

La gourmandise ne faisait pas partie de mes défauts. Contrairement à certaines idées reçues sur les mecs qui passaient leur temps à bouffer des steaks et des patates devant des jeux vidéo ou derrière le volant de leur grosse bagnole, je me contentais de petits repas vite avalés dans la cuisine familiale avant de pouvoir retourner à ma vie. Alors autant vous dire que de la pâtisserie, je n’en mangeais pas tous les jours. Encore moins des desserts faits maison comme cette tarte tatin… que j’allais surement rater.

- Si jamais c'est raté tu la mangeras tout seul.

Heureusement cette perspective de louper le dessert malgré ses efforts d’enseignement ne semblait pas vraiment déranger Parker. Elle devait avoir l’habitude de voir ses élèves ne pas reproduire ses fameuses recettes à l’identique de la photo… mais ça la faisait marrer.

- Même pas peur ! Me vantai-je en espérant ne pas en arriver là… mais je ferais peut-être mieux de lui céder ma place au dessus du saladier avant que ça tourne à la catastrophe. Et ce malgré ma fierté tout masculine qui me poussait à continuer à malaxer la mixture entre mes doigts.

Avec beaucoup de tact, la brunette ne brusqua pas mon ego en faisant confiance à mes muscles. Mais malgré sa petite taille, elle s’imposa et réussit sans l’aide de mots, simplement par autorité naturelle, à me pousser sur le coté pour s’occuper elle-même du mélange.

- Il faut que je te montre comment traiter la pâte...

J’ignorais qu’il existait une méthode spécifique pour réussir parfaitement cette préparation.

- Ok, je passe en mode observation.

Devant mes yeux un peu curieux, j’étudiais son mouvement de poignet, j’écoutais ses conseils, et je constatais que son expérience parlait simplement pour elle… En quelques mouvements de doigts, Parker rattrapa la préparation et une minute plus tard elle tenait entre ses paumes une boule de pâte parfaite.

J’attrapais alors le rouleau à pâtisserie qui trainait un peu plus loin sur le plan de travail et lui tendit. J’avais quelques souvenirs d’émissions de cuisine vues à la téloche certain soirs où j’étais trop défoncé pour sortir ou pour suivre un film tout en long… et d'après la réaction de présentateurs, étaler une pâte à tarte n’était apparemment pas aussi facile que ça.

- Tu vas avoir besoin de ça aussi, non ? Je préfère te laisser faire, hein…

Spoiler:

La préparation de la tarte tatin se termine en musique, et après avoir mis le plat à cuir dans le four de psychopathe de la cuisine de Parker, la demoiselle m’entraine dans quelques pas de danse. Là, je suis plus à mon aise qu’avec un couteau à la main pour éplucher des pommes… Sauf qu’elle me passe la bande originale de Dirty Dancing. Je ne me cache pas pour lui dire ce que je pense de ce film cucu la praline typiquement tourné pour les gonzesses ! Le truc à ne surtout pas dire à une fille… S’en suit un débat pour le moins amusant, agrémenté d’anecdotes personnelles qui nous permettent de mieux nous connaitre même si c’est sur le ton de la plaisanterie. Et puis je me décide à lui faire écouter de la VRAIE musique, mais la sonnerie du four nous oblige à mettre fin à notre cours de danse.

- Je te laisse l'honneur de sortir notre petite merveille du four...

Comme elle me laisse la responsabilité de sortir la pâtisserie du four, j’attrape un torchon pour ne pas me cramer les doigts. En faisant le malin je prends le plat entre les doigts en continuant à me bouger sur la musique qui beugle dans le poste, mais je le lâche rapidement sur le plan de travail.

- Putain qu’c’est chaud !

En soufflant sur mes doigts, je jette un œil sur la tarte qui s’est caramélisée. Même si les pommes que j’ai coupées sont largement reconnaissables à cause de leur taille inégale, la tarte me semble quand même réussie.

- Hummmm ! Je sais pas si ça va être mangeable mais ça sent carrément bon !

Je me retourne alors vers Parker en souriant, fier de nous.

- Et c’est là que tu me demandes de là couper en parts égales, c’est ça ?

En débarquant au Coffee Time je ne savais pas trop à quoi m’attendre. Un peu stressé au départ, j’avais fini par me détendre grâce à la bonne humeur de la Chef et la facilité avec laquelle Parker me faisait participer à ce cours de cuisine. Je ne pensais pas me faire autant plaisir en m’essayant à la pâtisserie française et ça m’aidait à me changer les idées en oubliant mes problèmes. D’ailleurs c’était surement ce que prévoyait le Doc’ en m’envoyant ici.

En sortant du four, la tarte tatin semblait plutôt pas mal réussit pour une première, et ça sentait super bon ! C’était autre chose que la bouffe qu’on nous servait à l’hosto…

- C'est très bon signe déjà !

J’étais de son avis ! Alors j’attrapais un couteau pour essayer de couper des parts égales avant de passer à la dégustation. Parker se servit la première et je terminais de couper la tarte quand j’entendis qu’il riait. Merde ! On avait dû zapper un truc pendant la fabrication de la pâte, ou alors c’était dégeu à cause de l’épaisseur des tranches de pommes…

- Quoi ? On l’a raté ?

En attendant sa réponse, je préférais ne pas croquer dans mon morceau de peur de ne pas supporter un mauvais gout sur mes papilles. Sur que ça me filerait l’envie de vomir… Ouai, mon estomac était un peu fragile avec tous les cachets que j’avalais pour substituer à la came.