Assise a une table, un café fumant et un livre en main, Leanne avait l’impression de faire un bond en arrière. Depuis qu’elle était arrivée à Great Falls, elle n’avait pas encore eu l’occasion de se poser comme elle le faisait si souvent quand elle était mariée. Sans doute aussi parce que c’était son premier jour de repos complet. En se levant, ce matin là, elle avait eu envie de tout simplement passer une bonne journée. Une journée où elle oublierait, ne serait-ce que quelques minutes, ses problèmes d’argents, l’absence de ses parents. En somme, elle avait envie d’être de bonne humeur. Elle tentait donc une chose qui avait toujours rendu son humeur meilleur: le petit déjeuner à la terrasse d’un café, tout en lisant un bon livre. Elle avait même poussé plus loin: elle avait pris le temps de s’habiller. Il fallait avouer que pour la fan de mode qu’elle avait été, elle s’en était bien éloignée. Aujourd’hui elle portait des vêtements achetés dans un supermarché. Une honte suprême pour elle. Et c’était sans parler des affreuses tenues qu’elle portait pour son travail. Dire que sa vie avait complètement changé serait encore peu dire. Sans doute était-ce cette pensée qui l’animait ce matin. Elle alla jusqu’à sortir une robe qu’elle n’avait plus touchée depuis son divorce. Il était une époque où chaque pièce de son dressing - oui, à l’époque elle en avait un. Aujourd’hui c’est un simple placard.- valait plusieurs centaines de dollars. Elle les avaient toutes revendues, du moins celles qu’elle avait pu récupérer. Beaucoup sont restés au domicile de son mari. Sa robe de mariée par exemple, qui avait couter une petite fortune à l’époque. Aujourd’hui, il lui en restait une seule. La seule qu’elle n’est pas voulu vendre. Un ancien cadeau de sa mère. Elle l’avait donc enfilé, s’était maquillée, avait enfilée de jolies chaussures et étaient sortis. Rien de tel pour se sentir bien dans sa peau!

Leanne posa son livre sur la table agacée. Finalement, lire comme elle le faisait avant, n’était peut-être pas une bonne idée. Ou c’était le choix du bouquin qui posait problème… Les histoires d’amours, très peu pour elle. Avant elle dévorait ses histoires, aujourd’hui, ce n’était plus le cas. Peut-être un bon roman policier bien sanglant la prochaine fois serait mieux. Elle attrapa alors sa tasse de café. Elle n’avait peut-être pas la lecture, mais il lui reste la boisson chaude. Très chaud. Si chaud qu’elle s’en brula la langue et en lâcha sa tasse. Rapidement c’est sur sa robe que le café arriva, entachant complètement la bonne humeur de Leanne.

« C’est bien ma veine! » rouspéta-t-elle contre elle-même.

Elle attrapa alors une des serviettes en papier qui trônait sur la table, et tenta d’essuyer la tâche. Pour le coup, elle aurait presque envie d’en pleurer….

Non, Leanne ne pleurera pas. Certes elle avait les nerfs et elle tenait à ce tout dernier vestige de son ancienne vie, mais elle n’avait jamais pleurer pour avoir tacher une robe, et ne le ferais pas de si tôt. Surtout pas en public. Elle voulait conserver le peu de fierté qui lui restait. Pleurer devant des inconnus ne pourrais pas l’y aider. Surtout qu’une jeune fille lui venait en aide, serviettes en main. Elle lui propose même d’humidifier son bout de papier. Un conseil que Leanne s’empresse de suivre.

« Merci. »

Certes elle avait à peine murmurer ce petit mot, mais elle remerciait toujours les gens. Ses parents l’avaient tout de même bien élevé. Et même si aujourd’hui ils refusaient de parler à leur fille, elle n’oubliait pas leurs leçons de politesses.

« C’est une YSL? »

Cette simple phrase lui fit relever la tête, un sourire aux lèvres. L’envie de pleurer d’il y a quelques secondes s’était envolé, comme par magie. Finalement, peut-être qu’elle arriverait à passer une bonne journée. La jeune blonde devant elle, méritait amplement le merci qu’elle lui avait adressé.

« Vous avez l’œil. Peu de personne s’en rendrait compte. Sauf les passionnés… »

C’est avec un petit sourire complice qu’elle avait ajouté cette dernière partie. Oui, aussi puéril que cela puisse paraitre pour certaine personne, Leanne était heureuse de pouvoir parler chiffons. Elle n’avait pas eu ce plaisir depuis bien trop longtemps à son goût. Quand on aime quelque chose à ce point là, on en ressent vite le vide. C’était peut-être ça qui l’avait poussé à garder cette robe. Au fond du placard et protégé par une housse, évitant de trop souvent la regarder. Mais d'un autre côté savoir qu'elle était toujours là, avait un côté rassurant, comme pour lui montrer que tout n'est pas perdu.

« Oui, justement, je suis une passionnée. »

La réponse de la jeune fille ne l’étonna guère. Peu de personnes sont capable de reconnaitre un vêtement du marque, et encore moins de reconnaitre la marque au premier coup d’œil. Même les amies de Leanne -celles qu’elle avait de devenir pauvre- n’étaient pas capable de ça. Et pourtant elle n’achetait que des grandes marques. Tout ce qui les intéressaient était le côté paillettes et luxe des marques. Aucunes n’arrivaient à voir, le travail du styliste ou du couturier. La beauté d’un vêtement au delà de son prix. Seuls les passionnés le pouvaient. Et son interlocutrice faisait partie de ses rares là.

« Elle vous va très bien en tout cas! »
« Merci. » lui répondit Leanne, un sourire aux lèvres. « Je vous offre un café? Il est si rare de rencontré des personnes qui partagent cette passion. »

De toute manière, la matinée que Leanne s’était prévu était compromise maintenant. Du moins tant qu’elle n’aura pas été dans une librairie. C’était fini pour elle les histoires d’amours. Et puis, la solitude lui pesait, elle avait besoin de contact. Même venant d’une jeune fille qui semblait avoir dix ans de moins. La jeune femme n’avait plus les moyens de montrer difficile en matière de compagnie.

« Je suis Leanne. » se présenta-t-elle.

Si elle tenait vraiment à entamer une conversation, il fallait se présenter. Il vint à l’esprit de la blonde que c’était certainement la première fois qu’elle invitait une inconnue à boire un café, pourtant, cela ne la perturba pas tant que ça. Finalement, elle acceptait peut-être que sa vie n’était plus du tout la même. Ou alors, tout simplement, elle se sentait si seule qu’elle était prête à tout maintenant pour avoir de la compagnie.

Par le passé Leanne n’avait jamais eu à inviter une inconnu à boire à café. Si ce n’était pas la preuve que sa vie avait bien changé… Et le fait qu’elle ne s’en inquiétait pas était d’autant plus un signe de changement. Peut-être s’en inquiéterait-elle plus tard. Peut-être pas.

« Comme j’ai déjà mon chocolat chaud, c’est moi qui vous offre un café! »

Leanne se contenta de répondre par un sourire chaleureux et la jeune fille partit chercher sa boisson chaude à la table qu’elle avait quitté en venant l’aider. La femme de ménage, évitait de prendre plus d’un café par jour. Au risque de devenir trop nerveuse. Mais puisque le sien avait fini sur sa robe alors qu’elle l’avait à peine entamée, elle pouvait se permettre d’en prendre un autre. Son interlocutrice revint et se présenta à son tour. Elle donna son nom complet à Leanne, qui s’était contenté de donné son prénom.

« Vous travaillez dans la mode? »

Leanne eut un petit rire en entendant la question d’Emma.

« Non, je suis juste une passionnée durant mon temps libre. »

A une époque son temps libre était sa journée entière… Une époque où elle ne savait pas ce qu’était de travailler et où sa carte de crédit disait toujours oui à ses dépenses. Ce qui était loin d’être le cas, aujourd’hui. Leanne avait découvert la crainte de voir sa carte lui annoncée un paiement refusé et avait appris à avoir toujours du liquide sur elle.

« Et vous? Vous étudiez la mode? »

Au vu de son âge, Leanne se doutait que la jeune fille était étudiante. Même si elle-même n’était jamais rentrée à la fac. Aujourd’hui, elle payait le prix de son erreur. Des études lui auraient permis de trouver un meilleur emploi que celui qu’elle avait. Pas qu’elle se plaignait de son boulot, Danielle avait été un ange de lui donner sa chance. Mais avec un diplôme, elle aurait pu avoir un autre travail, mieux payée. Elle aurait même pu rester à San Diego, sans avoir à quitter tout ce qu’elle avait toujours connu. Personne ne peut savoir ce que la vie lui réserve. Elle croyait finir en épouse milliardaire, elle était loin de compte. Si elle pouvait donner un conseil aujourd’hui, ce serait d’assurer ses arrières, toujours prévoir un plan B, si le plan A devait échouer…

Si Leanne avait continué ses études après le lycée, elle n’aurait sans doute pas choisi la mode. A l’époque, elle ne voyait pas ça de cette manière. Elle ne voyait en la mode que les jolies robes et le luxe. En réalité, sans qu’elle ne l’est avoué à ses amis, elle se voyait faire carrière dans la littérature. L’arrivée de son mari lui a fait oublié ce plan, mais pourtant, c’était ce qu’elle avait en tête durant la plus grande partie de sa scolarité. Aujourd’hui, elle enviait un peu la jeune fille. Il était rare de voir des gens parvenir à faire de leur passion un métier. On peut appeler ça avoir une vocation. Leanne avait beau aimer certaines choses, elle n’avait pas la vocation. D’ailleurs la jeune Emma semblait consciente de sa chance.

« Et vous l’êtes! Profitez-en. » lui répondit-elle en souriant.

En profitez, il le faut! Les problèmes viennent trop vite après les études, entre le travail, le loyer et tout le reste. Enfin, Leanne mélangeait peut-être avec ses propres problèmes. Chaque situation est différente. Emma changea alors de sujet, demandant à Leanne si elle était de Great Falls. Elle s’étonnait de ne pas avoir vu la femme de ménage avant. Leanne devait l’avouer, ici tout le monde se connait. Elle n’avait jamais vécu ce genre de situation, où toute la ville connaissait la vie de tout les habitants. Certes, les commérages existent dans tout milieu, mais comme dans cette ville. Elle était sure que la majorité des personnes vivants dans cette ville y était né.

« Non. Je suis arrivée il y a peu de temps en ville. Elle a un côté apaisant, très agréable. »

Un serveur arriva à ce moment là, apportant le café de Leanne. Elle le remercia et entoura la tasse de ses mains. Elle devait avouer que le serveur était arrivé au bon moment. Elle n’avait pas forcément envie d’expliquer que la robe Yves Saint Laurent que la jeune Emma admirait appartement à une femme de ménage qui avait tout perdue après avoir trompé son mari. Sérieusement, on ne dit pas tout ses défauts à la première rencontre. Il faut attendre que les gens vous apprécient suffisamment pour passer outre vos défauts pour tout leur dévoiler. Une des règles de vies de la mère de Leanne. Une règle qu’elle suivait encore, mais surtout parce qu’elle avait honte. Elle se sentait fautive d’avoir tout gâchée pour les beaux yeux d’un homme.

« Vous avez grandit, ici? »

Leanne trouvait plus sage de tourner la discussion autour de l’étudiante. Eviter que l’on s’intéresse trop à elle, un but que Leanne avait décidé de se fixer. Elle but alors une première gorgée de son café encore brulant. Peut-être un peu trop d’ailleurs, à voir la grimace qu’elle fit.