Des jours de silence, sans nouvelles de Max. Juliet a cette horrible impression que ses journées se résument à regarder son téléphone portable toutes les cinq minutes à espérer un message, un appel de son petit ami. Mais rien. Tout ça pour une histoire de texto. Dans l'esprit de la jeune femme, c'est bien trop exagéré et pas si grave que ça. Mais cette histoire a prit trop d'ampleur. Juliet ne fait que récolter ce qu'elle a semé. Depuis ces quelques jours, elle se sent terriblement coupable, mais elle a dit tout ce qu'elle avait à dire, elle ne peut pas faire grand chose de plus. Tout ce qu'elle peut faire c'est attendre, même si c'est la chose la plus insupportable qu'elle puisse faire en ce moment. Attendre. Elle ne sait même pas après quoi elle attend.

Pour penser à autre chose, Juliet a besoin de se vider la tête, au risque de devenir folle. Elle imagine tous les scénarios. Du plus positif au plus négatif concernant son couple qui bat franchement de l'aile pour une si petite erreur. De repos aujourd'hui, elle décide d'aller se promener à Milwaukee, sans avoir de réelle idée d'où exactement. Seulement se balader, peut-être aller dans deux ou trois boutiques...

Vêtue d'un jean et d'un chemisier bleu clair sous une veste, la jeune femme se rend à l'arrêt du car sans en connaître les horaires. Sa voiture ne fonctionne plus aussi bien qu'avant et encore moins depuis la tempête. Elle l'a fait réparer de nombreuses fois, mais là, il va bien falloir qu'elle se décider à changer de voiture un de ces jours....En attendant, elle n'a pas le choix : pour se déplacer, elle est obligée de prendre le car, pour l'aller comme pour le retour, après quelques heures de promenade.

Cramponnant son sac à main, inquiète depuis ces histoire de violence à Great Falls et dans les environs, elle regarde sa montre puis les horaires. Il semblerait qu'elle ai raté le car de quelques minutes et que le prochain ne se présente que d'ici 45 minutes. Autant dire une éternité avant qu'elle ne puisse rentrer sur Great Falls...

Les cours ont repris à l’université de Milwaukee. Devon entre en sixième année. Il sait que cela risque d’être un énorme challenge pour lui. L’an dernier, il s’est rendu compte qu’il n’était pas à l’abri des échecs. C’était la première fois qu’il se plantait de la sorte et ça lui a fait un énorme choc. Une première en somme. Jusqu’à maintenant sa scolarité n’avait pas été faite d’embuches, au contraire. Il excellait partout. A présent qu’il semble avoir quelques failles, Devon compte bien mettre le turbo. Durant l’été, il a beaucoup pensé à son avenir, à la tournure qu’il prendra par la suite. Il songe à s’arrêter à sa sixième année. Poursuivre encore et encore pourrait peut être lui porter préjudice. Il faut dire qu’à présent qu’il a un loyer à assumer et son job au Live, tout ça devient de plus en plus compliqué à joindre les bouts.

La fin des cours sonne. Devon est seul, il marche jusqu’à l’arrêt de car en regardant tout autour de lui. Son regard se perd sur un couple, ils ont l’air tellement heureux. Le barman se mord la lèvre inférieure. Dans sa tête, et depuis qu’ils ont formé un sorte de trio avec Lily, Devon se demande si lui et Eva retrouveront cette…simplicité. Tout est si complexe, que cette vue lui fend finalement le cœur. Le jeune homme s’allume une cigarette en voyant le car partir au loin. L’étudiant comprend qu’il vient de le louper. Il ne veut pas attendre des heures pour autant. Lily tout comme Eva ont fini avant lui et il ne peut pas compter sur elles pour repartir sur Great Falls.

Devon tire une nouvelle bouffée sur sa cigarette en s’approchant de l’arrêt. Une jeune femme y est installée. Elle doit forcément attendre le car suivant. Il s’asseye à son tour, regardant le vide, puis finalement la demoiselle avant de jeter un regard aux horaires de car. Devon soupire. Il jette sa cigarette, sent ses mains trembler. C’est ce qui finit toujours par arriver depuis qu’il consomme de la drogue. Il étudie les sciences, a une assez bonne culture pour savoir que c’est dû au manque. Ses mains se glissent dans ses poches avant qu’il ne prenne la parole :

Vous attendez aussi le car pour Great Falls… ?

Attendre, en ce moment, c'est l'une des choses les plus insupportables qui puisse lui arriver. Attendre des nouvelles, attendre le car...Elle est dans une période où l'impatience devient maîtresse de son comportement. Elle n'en peut simplement plus d'attendre pour quoi que ce soit. Elle veut tout tout de suite, parce que ça l'empêche de penser à tout plein de choses désagréable. Attendre, ça signifie ne rien faire pendant ce temps. Juliet est carrément découragée de voir qu'elle doit attendre 45 min pour pouvoir rentrer à Great Falls, sans compter le temps du trajet...Autant dire que ce retour sera interminable. La blondinette fait déjà les cents pas sous l'abribus, regardant l'heure à peu près toutes les trente secondes jusqu'à s'asseoir sur le petit banc, à peine assez grand pour permettre à deux ou trois personnes de s'y asseoir.

Remuant ses jambes comme si elle avait des ressorts dans les chevilles, la demoiselle s'arrête subitement quand un jeune homme s'installe à côté d'elle. Elle se contente de tripoter ses doigts nerveusement, en silence. Elle s'arrête subitement quand l'inconnu lui adresse la parole, curieux de savoir si elle attend le même car que lui. C'est plutôt logique, en fait, vu qu'ils sont au même arrêt. Alors même si la réponse est évidente, elle n'en est pas pour autant désagréable.

« Heu, oui...Je crois que nous avons raté le précédent...»

Affirme-t-elle en hochant la tête, embêtée, se pinçant les lèvres, mais sans en être complètement sûre. Après tout, elle n'a pas vu le car passer. Il est peut-être simplement en retard ? Enfin, d'ici quelques minutes, s'il n'est toujours pas passé il faudra tout de même se rendre à l'évidence.

« Vous habitez Great Falls ? »

Demande-t-elle d'un coup, par curiosité. Elle n'a pas souvenir de l'avoir déjà croisé là bas, peut-être qu'il n'y va que pour rendre visite à quelqu'un, sait-on jamais...

C’est une sorte de nostalgie qui accapare l’esprit du jeune homme lorsqu’il termine les cours. Son regard se pose tout autour de lui. On ne peut pas dire qu’il se sente très bien dans sa peau aujourd’hui. Ce manque qui le tiraille de l’intérieur. Son cœur bat d’avantage tandis qu’il sait d’ores et déjà qu’il devra attendre un bon moment avant de rentrer chez lui. En effet, Devon réalise que le car qu’il est censé prendre passe juste sous son nez. Dégoûté, il traine ensuite pour se rendre jusqu’à l’arrêt en question. La fatigue est également de la partie. La journée a été très longue. L’année commence très fort. Il sait qu’il devra se surpasser, pas question de délaisser ses cours malgré le job qu’il a en dehors, pour payer ses factures. Son moral n’est pas au beau fixe. En ce moment, le jeune homme pense énormément. L’été qui s’est écoulé a été très spécial. Il se trouve dans une position assez délicate, lorsqu’il n’est pas sous emprise de la drogue, le barman cogite énormément.

Un peu à l’ouest, le jeune homme en vient à s’asseoir sur le banc, installé à l’arrêt de bus, son regard reste vitreux un instant. Il dérive alors sur la jeune femme à côté de lui. Il n’a pas l’habitude d’aborder les gens, comme ça, mais se lance pour lui poser une question. La fatigue l’empêche d’être très pertinent, il faut dire que la réponse est évidente. Il acquiesce, se trouvant un peu stupide sur le moment mais ne fait pas de commentaire à propos de ça.

Ouais je l’ai vu passé en venant.

Souffle le jeune homme après avoir réalisé qu’ils ont un bon moment à attendre. Ça risque d’être interminable. Devon n’est pas trop branché musique et n’a pas pris la peine de prendre son ipod ce matin. Il le regrette d’ores et déjà.

Ouais, depuis toujours. Vous ? J’imagine, ce n’est pas le genre d’endroit uppé en même temps…

Commente l’étudiant en posant son regard dans le sien.

Juliet pourrait aisément être confondue avec une étudiante. Elle fait jeune physiquement. Elle n'a que vingt cinq ans, de toute manière, mais en paraît peut-être vingt trois. Juliet aurait adoré faire des études si ça avait été possible et si elle avait eut de l'ambition. Avoir à travailler tout de suite après son diplôme pour subvenir aux besoins lui a donné une bonne raison de trouver du travail. Sans ça, elle n'aurait peut-être pas trouvé la motivation, ne sachant pas quoi faire de sa vie. Si elle avait été obligée de faire des études, elle aurait certainement prit le premier truc qui vient, comme elle l'a fait avec son emploi. Le premier job qui a voulu d'elle car elle, elle n'en voulait pas particulièrement. Elle ne sait peut-être pas ce qu'elle veut faire de sa vie professionnelle, mais si elle sait bien quelque chose, c'est qu'elle ne compte pas rester vendeuse de prêt-à-porter toute sa vie. A l'heure qu'il est, il n'est pas étonnant de croiser des étudiants à Milwaukee. Ils sortent de leurs cours avec de nombreuses idées en tête. Certains veulent aller boire un verre pour se vider la tête après du bourrage intensif de crâne, d'autre, plus calmes préfèrent rentrer chez eux et se reposer ou travailler. Ceux là doivent déjà être dans le car. Celui qui vient de passer et que Juliet a manqué de quelques minutes. Heureusement pour elle, même si c'est un peu égoïste de penser ça, elle n'est pas la seule.

« Ah...Bon, et biens nous l'avons définitivement raté alors...! »

Ajoute-t-elle pour rectifier ce qu'elle vient de dire. Maintenant que ses doutes ont été effacés par l'inconnu, c'est sûr qu'ils ne rentreront pas tout de suite. Ne leur reste plus qu'à espérer que d'ici quarante-cinq minutes, le car soit à l'heure au moins. La jeune Miller laisse sa tête partir en arrière et se cogner légèrement contre la paroi de l'abribus avant de la redresser, surprise par le petit choc. Puisqu'ils vont passer les 45 prochaines minutes à côté, autant s'arranger pour que ça ne soit pas les plus longues minutes de leurs vies. Puisqu'ils prennent le bus pour la même direction, la blondinette pense deviner qu'il doit habiter Great Falls, même si sa tête ne lui dit absolument rien. Au moins, elle essaye de faire la conversation...

« Pareil. C'est drôle qu'on s'y soit jamais vus, on peut pas dire que ce soit une grande ville.

C'est clair que c'est pas le coin le plus touristique en ce moment avec tous les trucs louchent qui s'y passent...»

Devon a toujours été quelqu’un de très solitaire. Les années passant, il semble qu’il s’améliore. A présent, il serait capable d’aborder quelqu’un dans la rue alors qu’il y a quelques années, voir même semaines, Devon en aurait été incapable. C’est son job de barman qui l’a certainement forcé à s’ouvrir d’avantage, à parler, faire des politesses disons. Devon a beaucoup d’éducation c’est certain mais a du mal lorsqu’il s’agit de se lancer. Ce n’est pas le manque de conversation qui le bloque. Enfin, probablement parce qu’il a toujours été à fond dans ses cours jusqu’à maintenant. S’il est callé en sciences ce n’est peut-être pas le cas dans d’autres domaines. Mal dans sa propre silhouette, son regard se pose dans le vide, par terre et puis finalement sur la jeune femme à ses côtés. Il engage bêtement la conversation.

Plus que 40 minutes à attendre x)

Souffle le jeune homme en haussant les épaules. Devon regrette de n’avoir rien pris pour s’occuper. Pour tout avouer, il aurait pu ressortir ses cours mais ça l’embête franchement de s’étaler comme ça dans un arrêt de bus. La jeune femme reprend la parole. Le silence revient s’installer entre eux le temps de quelques secondes. L’inconnue reprend la parole. Devon est ravi, dans un sens le temps passera plus rapidement s’il a quelqu’un à qui parler disons. Ils en viennent tous les deux à la conclusion qu’ils vivent à Great Falls. Qui de l’extérieur voudrait venir se balader dans une pareille ville, right ?

C’est vrai… c’est difficile de ne pas fréquenter les mêmes endroits…

Commente le barman avant d’acquiescer à sa remarque.

Juste ! Cette année aura été difficile. Entre la tempête et compagnie. Et maintenant, une fille qui se fait agresser ? Si ça se trouve c’est même pas quelqu’un de la ville :-/

Suppose Devon, en donnant son avis sur la question.

Juliet est une personne très solitaire également. Pas qu'elle n'aime pas les gens ou que ce soit la faute d'une timidité trop importante, mais simplement parce qu'elle s'est forcée à le devenir dans son adolescence pour cacher son horrible secret. Être proche de quelqu'un aurait mit en danger ce qu'elle s'efforçait tant à cacher et le simple fait de parler à quelqu'un lui donnait l'impression d'être déjà trop proche. Au jour d'aujourd'hui, sa prison de mensonge est une chose qu'elle regrette énormément. Elle n'a pas d'amis, sa relation amoureuse est un désastre...Quand elle se réveille le matin, elle aimerait que tout soit différent. Sortir avec amis, s'amuser, danser jusqu'au bout de la nuit, ne se soucier de rien. C'est comme si ses vieux démons dirigeaient sa vie en l'obligeant à se méfier de tout et tout le monde.

La vendeuse offre un petit sourire à l'inconnu quand il lui fait remarquer que cinq minutes sont déjà passées. Seulement cinq petites minutes qui pourtant semblent être des heures. Dans son état d'esprit, la patience n'est pas la meilleure amie de la blondinette. Alors même cinq minutes, c'est presque insupportable. Elle sourit tout de même, déjà parce que Devon n'est pas responsable du temps qui passe, ensuite parce qu'il lui est étranger et qu'il vont passer ces longues minutes ensemble alors autant être agréable, un minimum. Le temps passera plus vite, en plus, si elle fait l'effort d'être agréable.

« On a certainement nos petites habitudes ! »

Suppose-t-elle en haussant les épaules. Quand on est habitué à fréquenter un endroit, on en change rarement. Dans le cas de Juliet, elle n'a pas d'habitude si ce n'est chez elle. Elle ne sort pas beaucoup. Pourquoi sortirai-t-elle seule de toute manière ? Ça, l'inconnu n'est pas censé le savoir. Ils ne fréquentent pas les mêmes endroit et quand bien même le feraient-ils, ça ne doit pas être aux mêmes moments. Voilà comment expliquer qu'ils ne se soient jamais croisés ou remarqués, du moins. La demoiselle écoute le jeune homme d'un air attentif avant d'acquiescer.

« Great Falls a connu des années meilleures...

Il paraît qu'ils ont arrêté un suspect d'ailleurs, mais d'ici que la police nous annonce qu'ils se sont trompés et que le coupable est toujours en liberté...Espérons qu'il ne frappe pas de nouveau ! »

S'exclame-t-elle, très sérieuse. Cette histoire a un côté flippant. Une personne a quand même agressé une jeune femme. Il a fait preuve d'une extrême violence et personne ne semble à l'abri d'une nouvelle agression si le coupable se balade toujours tranquillement pendant qu'un innocent est retenu à sa place. Cette histoire ne va pas empêcher Juliet de vivre, elle a d'autres soucis en tête. Elle fera peut-être un peu plus attention, mais pas au point de devenir paranoïaque non plus.

Je suppose. Et pour je sors pas des masses je dois avouer.

Souffle le jeune homme en haussant les épaules. En fait, dans un sens, oui, il sortait mais le barman se retrouvait derrière le comptoir du Live à peu près tous les week end. De cette manière là on peut dire qu’il avait l’habitude de voir de nombreux visages. Des visages alcoolisés, pour la plupart du temps, il est sûr. Si au départ il n’était pas franchement motivé par ce job de barman, Devon a fini par s’y faire. C’est en partie parce qu’il s’entend plutôt bien avec le personnel ce qui rend les heures moins longues… ! En attendant, c’est sur le banc que Devon a l’impression que les minutes seront interminables. Une jeune femme a côté de lui est installée également. Au fil de leurs échanges, Devon réalise qu’ils ont tous les deux ratés le même car et qu’ils vont dans la même direction.

Ah ouais ? Quelqu’un de Great Falls ? Je savais pas. J’espère que c’est le bon parce qu’en attendant on est pas vraiment en sécurité x)

Commente Devon, bien qu’il n’ait pas franchement peur. Il a toujours pratiqué des sports de combats et sait qu’il y a des chances pour qu’il parvienne à se défendre. Par contre, une femme ou un enfant, face à un psychopathe ce ne sera peut être pas la même chose. Il craint qu’un de ces proches soient une victime ou quelque chose comme ça. Le plus rapidement il sera enfermé et le mieux ce sera, pour la sérénité de cette petite ville qu’est Great Falls. Le regard du jeune homme croise à nouveau le sien, Devon arbore un léger sourire. Il espère que le temps passera vite… !

« Et bien tout s'explique alors, je sors pas beaucoup non plus...»

A part pour aller bosser ou faire les courses, Juliet ne sort pas des masses. Elle se promène quelques fois en ville, parce qu'elle ne peut pas non plus rester enfermée chez elle, mais pour elle, une sortie au parc n'est pas une vraie sortie. Dans sa définition, une sortie, c'est quand on rencontre du monde, qu'on croise de nouveaux visages...Le parc est souvent désert, alors ce n'est pas réellement sortir pour elle. Étrangement, elle imaginait plutôt l'inconnu comme quelqu'un de très actif, souvent en train de faire la fête...Mais d'après ce qu'il dit, ça n'a pas l'air d'être le cas puisqu'il avoue ne pas beaucoup sortir. Voilà pourquoi ils ne se sont jamais rencontrés avant aujourd'hui. Ils ne doivent pas fréquenter les mêmes endroits, déjà, mais aussi parce qu'ils passent plus de temps en solitaires.

Rapidement, une conversation prend place. Maintenant qu'ils savent qu'ils habitent la même ville, ils peuvent donc parler de choses qui les concerne tout les deux. Et c'est la récente agression qui en est le centre. Juliet est inquiète, bien sûr, ce n'est jamais très rassurant ce genre d'histoire, mais elle n'a pas peur pour elle. Elle ne sait pas se défendre mais sort assez peu pour ne pas en éprouver le besoin. Puis bon, elle a d'autres soucis en tête en ce moment pour se laisser terroriser par cette histoire...

« Aucune idée, ce sont peut-être que des rumeurs, les bruits courent tellement vite...»

Fait-elle remarquer dans un soupire. La jeune Miller n'est pas bien friande de commérage. La plupart du temps, elle les entend sans le vouloir au travail, dans des conversations entres clientes...Et si tout ça lui était bien égal avant, depuis qu'elle en a fait les frais, elle fait de plus en plus attention à ce qu'elle fait ou dit en public...Passer pour la folle de Great Falls n'est pas le meilleur souvenir qu'elle puisse avoir.

« Vous êtes étudiant ? »

Demande-t-elle, curieuse, en montrant d'un signe de tête son sac. Il est rare de voir un garçon avec un sac. C'est plutôt un truc de fille ça. La plupart du temps, ils se baladent avec le stricte minimum entassé dans leurs poches de jean ou veste, ou dans une pochette qu'ils portent autour du cou.

Métro boulot dodo c’est ça ?

Demande le barman en arborant un léger sourire. Ils semblent avoir un point commun car Devon ne fréquente pas beaucoup Great Falls. Tout son temps, il le passe sur Milwaukee, à l’école… bon, travailler à Great Falls ça ne compte pas puisqu’il ne sort pas pour s’amuser mais dans le cadre de son job. A son sens, c’est différent. La conversation s’installe doucement et ça lui permet d’avoir l’impression que le temps passe plus rapidement. Ce n’est pas plus mal étant donné le temps qu’ils ont à tuer ici ! La conversation s’oriente autour de ce qui s’est passé, l’agression, à Great Falls.

C’est vrai, faut jamais vraiment se fier aux « on dit », ça part souvent de bêtises.

Lance Devon en haussant les épaules. Dans le passé, il a été victime de ces rumeurs et pour quelqu’un d’aussi discret que lui, c’est horrible. Les messes basses et autres commentaires lorsque l’on se retrouve quelque part est toujours très difficile à gérer. Pour cette raison, il essaie de se couper de ce monde de « gossip ». Cette mentalité là, Devon ne la comprend pas, il n’est pas ainsi.

Oui, je suis en sixième année, sciences ! Et vous?

L’interroge curieusement le barman pour lui faire la conversation. Il ne sait pas quel âge a la demoiselle mais elle ne semble pas si âgée ! Peut être est-elle étudiante elle aussi ? Il attend sa réponse, en cherchant dans son sac des clopes. Lorsqu’il en sort une, le jeune homme tire une bouffée en regardant droit devant lui.

« Métro, boulot, dodo...»

Souffle-t-elle en confirmation dans un sourire en haussant les épaules. Ils semblent au moins avoir ça en commun. Juliet sort rarement pour autre chose que le travail. Il y a bien les courses, mais ça ne compte pas tellement comme une sortie pour elle. C'est plus quelque chose comme une corvée pour elle. Si elle ne le fait pas, Myriam non plus...La croiser en ville est plutôt rare donc. Puis elle n'a pas tant d'amis à qui proposer une sortie, alors elle passe tout son temps entre la boutique et la maison. Elle trouve toujours un moyen pour s'occuper, elle a toujours quelque chose à faire à la maison. Ne pas sortir plus souvent ne l'inquiète pas vraiment. Ça ne lui manque pas vraiment. Elle ne sait pas ce qu'il en est pour le jeune homme, peut-être a-t-il une autre 'excuse', peu importe. En attendant, la conversation s'installe petit à petit entre eux, faisant passer le temps un peu plus vite, accessoirement.

« C'est tellement vrai...On peut rien dire ou faire sans que ce soit mal interprété...»

Admet la jeune femme, amèrement. Elle a fait elle-aussi les frais des commérages de ses charmants voisins. Tout ça pour une petite blague, faite comme ça, pour rigoler...C'était ici, d'ailleurs, à Milwaukee. Elle ne pensait pas que ça irait jusqu'à s'ébruiter jusqu'à Great Falls, mais pas de chance, la victime de sa petite blague n'était autre qu'un voisin...En quelques jours, elle est devenue la folle qu'il ne faut pas fréquenter. Mais heureusement, Great Falls a également son lot de personnes sympathiques. Elle n'a fait que souffrir des rumeurs, mais quand même, moralement, ça représente un poids.

Puisque la conversation se fait plutôt naturellement, Juliet cède à la curiosité en demandant à l'inconnu s'il est étudiant. Ce n'est pas impossible. Beaucoup de jeunes fréquentent l'université de Milwaukee. Puis bon, il a un sac. Ce n'est pas un truc habituel pour un garçon.

« Oh ! Félicitations ! Moi ? Non, je ne fais pas d'études...»

Le jeune homme acquiesce d’un signe de la tête, en entendant sa réponse. Lui aussi a ce genre de quotidien. On peut y ajouté en prime un « boulot, université, métro, copines, dodos » mais sans ça, il ne sort vraiment pas. Cet été, le jeune homme s’est lâché d’avantage mais maintenant que les cours ont repris, son programme est loin d’être le même. L’université et son travail sont des choses qui lui prennent énormément de temps. Il avait l’habitude de faire du sport, de la boxe, en particulier entre deux heures libres… ce n’est plus quelque chose qu’il fait fréquemment en tout cas. C’est dommage, ça lui manque beaucoup. La conversation tourne ensuite sur Great Falls. La ville d’où viennent les deux jeunes. Il hoche à nouveau la tête, en entendant la réflexion de la demoiselle sur les rumeurs dans cette petite ville qui ont l’habitude d’aller de bon train.

Ouais… et c’est souvent injustifié ! Enfin, je ne risque pas de faire de commérages sur vous, je ne connais même pas votre nom x)

Lance l’étudiant dans un sourire, en ajoutant, puisque tout de même, ça fait un moment qu’ils parlent ensemble, ce serait peut être plus sympa de pouvoir mettre un nom sur un visage, right ? Il ne connait pas la demoiselle et ne semble pas avoir entendu parler d’elle dans les commérages en y pensant.

Moi c’est Devon.

Le barman du Live cherche alors dans son sac son paquet de cigarettes pour s’en griller une. Là, Juliet en profite pour lui demander s’il est étudiant. Devon hoche la tête en lui donnant plus de précision.

C’est pas facile je dois avouer. Vous faites quoi dans quoi ?

Les rumeurs, dans une petite ville comme Great Falls, c'est probablement ce qu'il peut y avoir de pire. Tout le monde - ou presque - se connait, voit, entend et interprète quelque chose. Et le plus gros problème, ce n'est même pas ça, c'est que ces personnes ne gardent pas toutes ces choses pour elles mais offrent leurs interprétations à un peu n'importe qui. Des bruits qui courent, qui prennent de l'ampleur et qui font rapidement le tour de la ville sans que rien n'ait été vérifié préalablement. Il n'y a malheureusement rien qui puisse empêcher les rumeurs de circuler. Et quand on en fait les frais, on s'en rend encore plus compte.

« C'est rarement justifié ! C'est pas drôle, sinon ! »

Ajoute la petite blonde dans un rire. Parler de quelqu'un qui a fait quelque chose pour faire parler de lui, ça n'a aucun sens. En revanche, parler d'une conversation qui n'aurait jamais du être entendue, ça, c'est quelque chose d'intéressant pour ceux et celles qui se prêtent aux rumeurs. Juliet ne sait pas quel plaisir il peut y avoir à raconter les secrets des autres. Devon lui fait réaliser qu'ils ne savent même pas leurs identités respectives. Espérons qu'à l'entente de son nom il ne réalise pas avoir déjà entendu quelque chose sur son compte, bien que ça n'étonnerait plus la jeune femme..

« Moi c'est Juliet. »

Répond-t-elle simplement. Pas besoin d'en faire des tonnes avec les conventions. Rapidement, elle cède à la curiosité pour lui demander s'il est étudiant, petit indice qu'elle devine à cause de son sac. Il acquiesce, elle le félicite. Sixième année...Il doit en vouloir et s'accrocher pour être arrivé jusqu'ici !

« Je suis vendeuse, dans une boutique. »

Devon a été victime de rumeurs durant un certain temps. C’est une expérience que le jeune homme a très mal vécu. L’étudiant est quelqu’un de très discret... Il déteste se mettre en valeur ou qu’on le remarque… S’il pouvait être invisible, ce serait génial. En voulant aider son amie, qui est devenue sa petite amie ensuite, il s’était mis dans un sacré pétrin… et s’est fait un ennemi : le Maire de Great Falls. Ce dernier, depuis qu’il a été dit que Devon avait trompé sa fille… ! Heureusement, cette affaire semble être étouffée à présent… Il y a eu tellement de scandales depuis… et ce n’est pas plus mal pour lui, il est redevenu le jeune homme discret qu’il était auparavant.

C’est vrai…

Conclu le jeune homme en arborant un sourire amusé. Il n’est pas de ceux qui parlent ou alimentent les rumeurs en général. D’ailleurs, il est rare qu’il soit au courant. S’il l’était pour l’agression c’est uniquement parce qu’il s’agit d’un fait plutôt grave !! Ce n’est pas tous les jours que ça arrive. Il parait que la dernière agression remonte à plusieurs années. Les deux jeunes se présentent ensuite. Dev’ fait le premier pas et l’inconnue se lance alors. Il est ravi de pouvoir mettre un prénom sur son visage, ça peut toujours aider !

Enchanté.

Souffle l’étudiant, qui a toujours été quelqu’un de très courtois, poli. Il n’a pas eu une éducation très facile. Ses parents étaient stricts avec lui puis finalement ont adopté un comportement je m’en foutiste et sur le long terme, Devon a finit par craquer et s’en aller de la maison familiale. Il l’interroge pour savoir ce qu’elle fait, si Juliet n’est pas étudiante c’est qu’elle doit bosser, non ?

A Great Falls ou ici… ? C’est quoi comme boutique ^^ ?

Preuve que Juliet participe rarement aux ragots : le prénom du jeune homme ne lui dit absolument rien. Les rares fois où Juliet vient à participer aux rumeurs, c'est souvent parce qu'on lui en parle et qu'elle réagit à ce qu'on lui dit. Elle-même victime des commérages en ville, elle ne s'amuse pas à faire circuler des choses dont elle ignore la véracité. Elle sait à quel point ça fait mal d'entendre les voisins ou de parfaits inconnus vous juger sur des choses, vraies ou fausses. Ce qui l'a le plus marquée, c'est ce jour où, au coffee time, elle discutait tranquillement avec Thomas, celui qui lui a renversé son café dessus, et que cette vieille vipère est venue interrompre leur conversation pour le prévenir qu'il devait se méfier d'elle, une personne peu fréquentable selon la vieille. D'abord vexée, elle s'est sentie soulagée par la réaction de l'agent immobilier. Ils en ont même rit pendant un instant. Comme quoi...

« Pareil. »

Acquiesce-t-elle en souriant, battant des jambes sous le banc de l'abri-bus, contente de pouvoir discuter avec Devon, le temps que le bus décide d'arriver. Ils vont faire passer le temps plus vite comme ça, même en ne parlant que de la pluie ou du beau temps. Au moins, ils ne sont pas chacun dans leur coin à garder un silence de mort. Se découvrant quelques points communs, comme leur destination ou leur tempérament un peu solitaire, ils continuent dans leur lancée pour faire connaissance et c'est au tour de la blondinette de s'étaler sur le sujet.

« A Great Falls, dans une boutique de prêt-à-porter...Rien de spectaculaire, en fait.

Et vous, vous travaillez en plus des études ? »

Devon ne peut qu’être soulagé qu’on ne l’associe plus aux rumeurs du passé. C’était quelque chose de très difficile pour lui. Les messes basses et autres commentaires désobligeants à son égard. Dev’ est un jeune homme très bien élevé, avec des valeurs. Il n’a jamais voulu faire de mal à personne et s’est fait un ennemi en la personne du père de la femme qu’il aime à présent. Ce dernier, dans sa plus grande méchanceté avait même interdit à sa fille, ou du moins, essayer, de le fréquenter, de partir à son secours durant la tempête. Il ne peut qu’être reconnaissant de l’élan de rébellion de la jeune femme sans ça, Devon ne serait peut-être pas sur pieds à ce jour… ! Devon n’est pas un grand sociable mais fait des efforts avec le temps. Pour preuve, quelques mois auparavant il aurait été incapable de taper la discute à une jeune femme dans la rue. Il n’a pas d’idées derrière la tête, non, Devon, malgré ce qui se passe dans sa vie, malgré toutes ces incertitudes… s’il y a bien quelque chose qu’il sait, qu’il est certain… sont ses sentiments pour sa petite-amie.

Tant que ça fait vivre… ! Mais ça te plait quand même un peu ou… ?

Demande Dev’, face au commentaire de Juliet à propos de son job. Lorsqu’il vivait chez ses parents et était uniquement scolarisé, il aurait parlé de « sous métiers » ou « jobs étudiants » car Devon ne comptait pas travailler dans quelque chose qui ne lui plaisait pas. Avec toutes les études qu’il s’est tapé, ça peut se comprendre quelque part… seulement, il lui fallait un job « alimentaire » s’il voulait sortir de ce cercle vicieux qu’était sa maison. A présent, le barman travaille les week end au Live. Il n’est pas fan de cette ambiance, des boîtes de nuits mais l’étudiant s’est habitué.

Oui, je suis barman au Live, une boîte de nuit à Great Falls… !

Explique Devon, dans un léger sourire. Ça lui prend énormément de temps. Alors qu’ils parlent, d’autres personnes viennent se joindre à eux, à l’arrêt de bus, signe que le temps passait beaucoup plus vite que l’étudiant l’avait imaginé… !

Ils l'ignorent probablement, mais être victime des rumeurs, c'est un point qu'ils ont en commun. Juliet ne se souvient pas du tout avec déjà entendu parlé de lui, le fait qu'elle sorte peu aide probablement. Elle ne sait pas ce qu'il a pu faire par le passé et elle s'en fiche pas mal. Tout le monde vit des choses qu'il vient à regretter, parfois, avec le temps. Juliet connait bien ça. Et puis, la plupart des rumeurs sont complètement infondées parfois, c'est ce qui rend justement ces commérages dangereux. Dangereux pour la réputation que ça engendre. Pour Juliet, heureusement, c'est un mauvais souvenir qui semble s'être volatilisé. Elle n'en entend plus parler aujourd'hui, et tant mieux.

Juliet n'est pas quelqu'un de très sociable. Enfin, ce n'est pas tant un problème de sociabilité, plus un problème de méfiance. Elle se méfie de beaucoup de monde. Elle n'est donc pas du genre à aborder quelqu'un comme ça, juste pour passer le temps. Et quand on l'aborde, elle est méfiante au début, le temps de prendre la température. Devon lui semble tout à fait normal, elle baisse sa garde et parle un peu d'elle, jusqu'à dire qu'elle est vendeuse dans une boutique de Great Falls. Elle est surprise quelques secondes, quand Devon instaure, peut-être inconsciemment, le tutoiement entre eux. D'un côté, il n'a pas tort, ils doivent avoir sensiblement le même âge.

« Oui, enfin...J'ai pas l'intention de faire ma vie là-bas, quoi...»

Avoue-t-elle dans un sourire en haussant légèrement les épaules. Ce job, elle le garde parce qu'elle en a besoin et qu'elle n'a rien derrière. Sans ça, les factures ne peuvent pas être payées, le loyer non plus, et il en est de même pour les courses. Myriam ne travaille pas et sa faible pension suffit à peine pour couvrir les quelques crédits qu'elles ont sur le dos. Autant dire que, quand Juliet touche ça paye, elle ne fait pas long feu...

« Oh, je connais ! Enfin, j'y suis allée une fois, en fait, pour le nouvel an...»

Répond-t-elle dans un léger sourire. Le nouvel an lui semble si loin. Ce souvenir, elle l'associe automatiquement à Max. Cette soirée était si spéciale. Et dire que ça va faire un an ~

Le jeune homme semble avoir plus de point commun avec Juliet qu’il ne l’avait imaginé. Il n’a pas de problème de confiance en lui, de timidité flagrante. Ce n’est pas ça qui l’handicap réellement. Il se méfie des autres… il est rare de le voir accorder sa confiance si facilement ! Il cherche constamment à se protéger des autres, ne pas s’attacher. Il n’a pas énormément de potes, et encore moins d’amis. Il peut les compter sur les doigts de sa main. Au moins, Devon sait qu’il peut compter sur eux, il privilégie la qualité que la quantité. Jusqu’à maintenant ça lui réussit pas si mal que ça, au fond. La conversation se poursuit tout de même avec Juliet, ça lui permet de passer le temps. Après, il ne sait pas s’il la reverra un jour mais la conversation ne lui laisse pas de goût amer.

C’est un job alimentaire quoi ? Je peux comprendre.

Commente Devon, en haussant les épaules. Lui aussi bosse en dehors de ses cours. Ce n’est pas tous les jours évidents, d’autant plus que ses horaires sont fatigants. Le jeune homme se couche à pas d’heures. Il lui arrive même de travailler en semaine, ce qui fait qu’il a souvent une tronche de déterré en cours. Il explique ce qu’il fait en dehors de ses cours et Juliet semble connaitre le lieu. Ça n’étonne pas tant que ça Devon qui acquiesce.

Ah oui… je me rappelle de cette soirée, c’était énorme. Tu as aimé ?

Souffle Dev’, qui n’en garde pas un bon souvenir pour tout avouer. Il avait failli se battre, défoncé comme un déchet, il s’en était allé bien rapidement au final. Une horrible manière de finir et commencer l’année en quelque sorte.

Juliet et Devon ont plus de points communs qu'ils ne le pensent. La conversation est fluide entre eux, même s'ils ne parlent de rien de passionnant. Ils veulent juste passer le temps et parler semble être un exercice qui fonctionne. Juliet regarde son téléphone, il indique que quinze minutes se sont écoulées, ce qui encourage la demoiselle à continuer de discuter avec le jeune homme pour que ça passe encore plus vite et qu'ils puissent rentrer chez eux. Enfin. Elle en vient à parler de son travail, qu'elle espère quitter bien vite au profit de quelque chose de plus intéressant et mieux payé. Mais n'ayant fait aucunes études, c'est compliqué. Elle a déposé beaucoup de candidatures, en vain.

« Oui, c'est ça ! Pour toi aussi ? »

Demande-t-elle quand il affirme qu'il peut comprendre. Peut-être est-il dans le même cas qu'elle. Quand il lui parle du Live, elle se souvient tout de suite de la soirée du nouvel an. Une merveilleuse soirée. Elle était avec Max, c'était le début de leur relation et le soir si particulier où ils ont créer une véritable connexion. Aujourd'hui, cette fête semble tellement loin. Juliet s'inquiète tellement sur la suite de leur relation qui semble tellement floue...

« Oui, j'ai vraiment aimé ! J'ai passé une très bonne soirée ! Est-ce que tu en as profité, toi, où tu faisais peut-être partie du personnel, ce soir là...? »

Demande-t-elle en réalisant que ce soir là, il y avait pas mal de serveurs. Peut-être en faisait-il partie. On y pense jamais vraiment, mais il y a de nombreuses personnes qui ont travailler en cette soirée de nouvel an. Elle imagine aussi à quel point ça pouvait être difficile pour les personnes qui bossaient au Live ce soir là. Voir les gens s'amuser, les servir, veiller à ce que tout se passe bien mais ne pas pouvoir profiter de la soirée...

Ouais, c’est juste pour payer les factures. J’espère qu’avec un bac +6 j’trouverais quelque chose qui me fera moins galérer !

Avoue le jeune homme dans un léger rire. Ça peut passer pour du dédain, mais ça n’est pas le cas. Il se tue à l’université, il pense mériter une bonne place dans une entreprise, un laboratoire, dieu sait quoi encore ! Il ne veut pas faire tout ça pour rien. Il comprend la nécessité de trouver un job plus…alimentaire mais ce sont des jobs essentiellement accessibles lorsque l’on choisit de ne pas se lancer dans de longues études. Et puis, il ne faut pas que ça, pour que le monde puisse tourner, il faut des étudiants qui poursuivent de longues études de manière à être suffisamment qualifié pour avoir de hautes responsabilités ! Devon trouve que c’est normal. En attendant, il a beau servir et essuyer des verres, c’est la seule chose qu’il ait trouvé pour pouvoir manger et dormir sous un toit. Il a de la chance d’avoir trouvé un bon colocataire (et patron) car, à son âge, il n’est pas évident de se trouver un logement, surtout pas une pareille maison ! Devon n’a pas à se plaindre, elle est très bien située et particulièrement belle. Devon se sent pour la première fois dans sa vie chez lui et c’est très plaisant.

Ensuite, la conversation tourne autour du Live justement. Il sourit en entendant qu’elle semble avoir apprécié sa soirée. Lui, n’en garde pas un très bon souvenir, forcément… c’est le début de sa « chute » aux enfers en quelque sorte. Cela fait presque une année qu’il avait commencé à prendre de la drogue. Et c’est quelque chose qui est toujours d’actualité. Chassant ses pensées, Devon se reconcentre sur la demoiselle qui l’interroge justement.

C’est vraiment un chouette endroit pour une ville comme Great Falls… en plus le boss, il n’hésite pas à prêter ses locaux dès qu’il y a un petit évènement… ! Et dire que c’était un pauvre hangar avant.

Commente le jeune homme, avant d’ajouter, pour répondre à sa question. Visiblement plus bavard, il a l’air beaucoup plus à l’aise que d’habitude.

J’ai pu profiter de la soirée, ouais… j’avais pas encore commencé à travailler ! Je vais peut être passé pour un coincé mais les stripteaseuses, tout ça, c’est un milieu qui me mettait pas à l’aise du tout au départ.

Avoue l’étudiant, en tirant sur sa cigarette.

La conversation se fait de plus en plus facilement. Si au début les deux jeunes gens n'étaient pas bien bavards, ils le deviennent avec de moins en moins de difficultés. Il faut dire qu'ils se découvrent un peu plus de points communs, ça aide pas mal. Et même si Juliet n'a pas fait d'études, ce qui est le cas de Devon, ils gardent tout de même une chose en commun : un job tout ce qu'il y a de plus alimentaire. Juliet n'a pas l'intention de vendre des vêtements toute sa vie tout comme Devon n'a pas l'air d'avoir envie de servir des boissons toute la sienne. Ils peuvent donc se comprendre sur ce point et savoir comme ça peut être difficile, parfois, d'aller travailler en badant parce que ce n'est pas le job de leur vie et qu'ils ne s'y épanouissent pas comme ils l'aimeraient.

« Bac + 6, c'est pas rien. C'est beaucoup de boulot...Tu penses que ce sera "facile" de trouver dans le domaine de tes études quand tu auras ton diplôme ? »

Demande la blondinette, intéressée et mimant les guillemets avec ses doigts en appuyant sur le mot facile, parce que, qu'importe le domaine, trouver un emploi est loin d'être simple, elle en sait quelque chose. Mais il y a parfois des domaines qui recrutent plus que d'autres. Peut-être que celui de Devon en fait partie.

La conversation dévie sur le Live Bar, le lieu de travail de l'étudiant mais également lieu de grandes fêtes comme le nouvel an. La fête de la ville ayant été annulée, le gérant du Live a eut la bonne idée d'organiser une sorte de "contre soirée" pour que cet évènement soit quand même fêté comme il se doit. Juliet était un peu impressionnée par l'idée d'y aller, n'étant pas du genre à traîner souvent en boite de nuit, mais elle ne regrette pas d'y avoir mit les pieds en y repensant, même si ce souvenir lui laisse un goût légèrement amer quand elle repense à Max, toujours aussi silencieux depuis leur dispute.

« C'est vrai..J'ai entendu dire qu'une soirée allait y avoir lieu bientôt ? Un truc de charité, je crois...»

Juliet ne sait plus très bien où elle en a entendu parlé. En ville, probablement. Elle en a peut-être entendu parlé par des clientes à la boutique. Peu importe, la jeune Miller ne compte pas y aller. Les trucs de charité, c'est pas trop son truc. Elle n'a rien à donner et rien à dépenser. Elle juge que l'entrée est trop chère pour pouvoir se le permettre. Avec sa mère, elles ne vivent que de son seul salaire, donc autant garder le moindre dollar, surtout si Juliet sait d'avance qu'elle n'y passera pas un agréable moment, seule.

« Ah oui ? Moi je trouve pas que ça fait de toi quelqu'un de coincé...»

Oui, il est plus facile de papoter avec quelqu’un avec qui on a certains points communs. C’est le cas des deux jeunes, sur ce fameux banc d’arrêt de bus. Tous deux ne sortent pas des masses, et surtout ne se plaisent pas dans leur job respectif. Ils travaillent pour pouvoir survivre tout simplement. C’est ainsi que les choses sont à présent. Il est rare qu’on finisse par trouver le job parfait, celui qui nous fait se lever avec enthousiasme le matin. Devon espère cependant qu’à la fin de ses études, pour lesquelles il a beaucoup sacrifié, qu’il pourra trouver son bonheur dans un job qui lui correspondrait d’avantage. C’est ce que l’étudiant explique à sa camarade d’attente sur le moment. Elle lui fait remarquer qu’un bac +6 ; ce n’est pas rien, beaucoup de job même et l’interroge sur le fait qu’il soit facile de trouver un job avec autant d’études dans son domaine.

J’espère. Je veux dire, les sciences, c’est assez large au final… je pense que je pourrais tenter de postuler pour être ingénieur ou quelque chose comme ça… c’est bête, j’ai pas vraiment eu le temps de penser à ce que je voulais vraiment faire… ! Mon objectif, c’est de réussir l’exam.

Explique le jeune homme. Il est tellement difficile de s’en sortir dans ce qu’il fait… beaucoup, dès la première année ont abandonné. Et les abandons continuent d’ailleurs au fil des mois… ! Devon est cependant ambitieux de nature et ne compte absolument pas baisser les bras, pas après toutes ces années en tout cas. Ce serait débile, à son sens… et pendant qu’il se tue à l’école, le soir, il sert des verres au Live. Boîte de nuit de plus en plus connue dans le coin, et pas seulement à Great Falls… ! La conversation dérive sur ce lieu atypique. Le jeune homme s’est rendu à la soirée du Nouvel an mais à l’époque, n’y travaillait pas encore. Juliet lui parle ensuite de la soirée de charité qui est prévue là bas. Devon acquiesce.

Oui, le boss a loué les locaux à la famille Reid qui veulent faire une soirée de charité pour trouver des fonds en gros. Tu vas y aller ?

Explique l’étudiant en haussant les épaules. Il ne s’y rendra certainement pas. Il sera trop occupé à réviser pour ces exams ou… faire la fête chez lui avec les jeunes femmes qu’il côtoie très souvent : Lily et Eva. Qui sait ce qu’il fera ce soir là. Il lui fait finalement une nouvelle confidence, sa remarque lui arrache un sourire.

Ah ? Je sais pas les hommes d’habitude en peuvent plus quand il s’agit de voir des nanas qui se dénudent XD

C'est vraiment quelque chose qui ne fait pas partie de ses habitudes : discuter avec un inconnu sur le banc d'un arrêt de bus. Enfin, Devon n'est déjà plus vraiment un inconnu, ils ont même plusieurs points communs. Au fond, ce n'est pas désagréable de faire connaissance comme ça. C'est même plutôt sympas, et puis, ça passe le temps jusqu'au prochain bus, ce qui les arrange tout les deux. D'ailleurs, en observant sa montre, elle remarque qu'il ne reste plus que quelques minutes avant l'arrivée du bus pour Great Falls, une bonne nouvelle, puisqu'ils étaient tout les deux assez agacés d'avoir à attendre quarante-cinq longues minutes avant d'entamer le long chemin jusqu'à Great Falls. Un trajet plus long, même, que les 45 minutes d'attente. Autant dire que leur conversation n'est pas prête de se terminer.

« Bonne chance, alors ! »

L'encourage-t-elle dans un sourire. C'est important les études, il paraît. Elle, elle n'a pas eut la chance ni les moyens d'en faire, alors elle ne sais pas trop ce que c'est. Elle sait juste que c'est important pour trouver un bon travail bien payé. Elle, elle est condamnée aux boulots qui payent le minimum et qui demandent pas beaucoup de qualifications. Autant dire pas grand chose. Elle ne sait d'ailleurs pas trop où chercher pour quitter son boulot de vendeuse. Ce qu'il lui faudrait, c'est un piston. Rencontrer quelqu'un qui a de l'influence et qui puisse lui donner sa chance à un poste où elle n'est peut-être pas attendue. Elle est capable d'apprendre très vite, il faut juste qu'elle puisse faire ses preuves. Enfin, elle ne perd pas espoir de trouver quelque chose qui l'intéresse plus que son job actuel. Et en parlant de travail, c'est le lieu de travail de Devon qui devient le coeur de la conversation. A la question du jeune homme, Juliet baisse un instant les yeux et secoue la tête de gauche à droite.

« Non, je ne pense pas y aller...»

Juliet n'a pas envie de se justifier. Elle n'a pas envie d'aller à cette soirée. Seule. Déjà, elle n'a pas les moyens de participer à cette soirée. Rien que l'entrée lui coûterai un bras, mais alors impossible pour elle de faire un don pour la ville. L'envie n'y est pas non plus. Et puis, sans Max...Elle ne se voit pas là bas, c'est tout.

« Oui, c'est vrai, mais tous les mecs sont pas les mêmes, il en faut bien des plus réservés, un peu..."Il faut de tout pour faire un monde" comme on dit. »

[color=navy] Merci ! [/collor]

Souffle le jeune homme, sincèrement. En ce moment, on ne peut pas dire qu’il ait l’impression de réussir mais comme les examens approchent, Devon compte bien redoubler de prudence. Hors de question de les foirer comme l’an dernier. Ça le rendrait dingue, Devon s’écroulerait complètement. Aucun moyen de le ramasser à la petite cuillère cette fois ci. Il faut qu’il s’en sorte, c’est vital. Avec de pareilles pensées, le jeune homme à l’impression de retrouver celui qu’il était avant… avant la drogue, et ça lui fait du bien en fait pour tout avouer. Avec la drogue qu’il prend, le jeune homme a l’impression de devenir une toute autre personne, de plus en plus insouciante. Pourtant, ce n’est pas ce qu’il est à la base. Il réalise la gêne finalement qui s’installe quelques instants, lorsque Juliet lui répond qu’elle ne pense pas se joindre à la soirée. Devon respecte sa discrétion et ne compte pas savoir pourquoi. Faut dire qu’il peut comprendre les personnes discrètes et n’a aucune envie de se montrer indiscret.

D’accord.

Répond le barman sans rien ajouter. La conversation reprend sur le Live, mais un autre aspect, en fait, il lui avoue avoir été gêné au départ. Travailler avec des tas de stripteaseuse, ce n’est pas du tout sa tasse de thé. Pas qu’il ne soit pas un homme normal, avec des fantasmes etc. Peut être qu’elles n’en font pas partie des siens, c’est tout. Il trouve ça même un peu dommage pour elles, au fond. Certaines d’entre elles pourraient faire quelque chose de meilleur à son sens.

Ouais, t’as raison.

Admet Devon dans un sourire plus bienveillant. Il sait être en accord avec les autres par moment, et oui (a) De toute manière, en reposant son attention dans le vide, il finit par voir le car au loin. Il jette un œil à sa montre, en remarquant que ce dernier a quelques minutes d’avance tout de même ! Enfin, lui, ça l’arrange. Lorsqu’il arrive enfin à la hauteur, les deux jeunes, accompagnés des autres à l’arrêt, montent à l’intérieur… Retour à Great Falls.

[Fin de la scène]