I'm growing so distant

❝I'm growing so distant nothing makes sense to me anymore. I'm learning to resist becoming more than you ever were. I'm growing so distant nothing makes sense to me anymore. I'm learning to resist becoming more than you ever were ❞

Le monde s’écroulait autour de moi. Ce n’était pourtant une nouveauté dans ma vie, plutôt une habitude prise dans l’enfance, même si arriver à Great Falls m’avait donné quelques années de répit… mais les choses allaient vraiment de pire en pire depuis quelques semaines. Depuis le début des rumeurs en fait. Tout s’était ensuite enchainé et j’avais assisté à ma descente aux Enfers sans réagir. Totalement impuissant ! Totalement stone ouai… La tête en apesanteur, à dix milles kilomètres de la réalité dérangeante des difficultés que je traversais en ce moment. Et celle qui s’imposait à moi ce matin là : accepter l’idée de partir en désintox le lendemain.

Après mon overdose, ma famille pensait que c’était la seule solution pour que je puisse vraiment me sortir de la dope. Je pensais en être capable seul, mais Joey et Katie m’en pensait incapable… Peut-être pas à tord. Je m’étais longtemps opposé à l’idée de me faire enfermer dans un hôpital pour me sevrer de l’héroïne et de la dope en générale, mais après toutes les conversations avec l’assistante sociale, Rachel et ma famille, j’avais fini par accepter pour qu’ils me lâchent un peu. Mais à l’approche de mon départ, je commençais à regretter cette décision. Dans un sens, je flippais.

Poussé par un besoin de solitude, j’étais donc venu marcher un peu le long du lac Michigan. Histoire de me changer un peu les idées au lieu de rester dans ma chambre à regarder les minutes courir sur l’horloge. C’était aussi ici que j’avais rencontré la seule personne de ma connaissance à être passé par ce genre de cure… Inconsciemment, j’espérais la croiser une nouvelle fois pour qu’elle puisse me parler de l’univers médical qui entourait une désintox. En dehors de ce que j’avais pu en voir à la télé et sur la brochure du centre où j’entrais le lendemain, je ne savais pas grand-chose sur ce qui m’attendait.

Mais combien avais-je de chance de recroiser la blondinette ici par hasard ?

Le lac est vraiment magnifique l'été. Le soleil, la lumière qui passe à travers les branches d'arbre, la pelouse toujours très verte et qui donne envie de s'y allonger, le chant des oiseaux....Et puis, cette chaleur, c'est vraiment agréable. Il n'y a pas un nuage dans le ciel et il fait même trop chaud pour sortir, mais Juliet n'a pas hésité une seconde à venir ici, c'est son endroit préféré dans cette ville. Un lieu qu'elle apprécie depuis toute petite mais qu'elle aborde de manière très différente depuis quelques mois. Depuis qu'elle s'est promis - à elle et à Max, aussi - de ne plus vivre dans le passé, de ne plus passer son temps à chercher des souvenirs de son père dans tout ce qui pourrait lui faire penser à lui. Elle y arrive plutôt bien, même si de temps en temps, elle continue de se dire qu'elle aurait adoré pouvoir vivre plus de choses avec lui que ces trois seules années.

Vêtue d'une robe émeraude très légère qui se soulève légèrement avec la brise, la jeune femme marche dans les allées pour se rendre aux abords du lac. Ses longs cheveux blonds se déplacent le long de son dos et les mèches de sa frange s'amusent à caresser les verres de ses lunettes de soleil. Tellement qu'elle passe souvent ses mains devant son visage pour dégager ces quelques mèches rebelles qui la dérangent. Ses épaules profitent de la chaleur ambiante et rougissent légèrement, prenant de jolies couleur, comme le reste de sa peau qui reste exposée au soleil.

Il y a pas mal de monde aujourd'hui aux abords du lac, il semble qu'ils aient tous eut la même idée. Ce beau temps donne envie de se prélasser, et c'est probablement le lieux le plus propice à ce genre de moment. Malgré le monde présent, elle se trouve un petit coin tranquille. Un petit coin d'herbe non occupé sur lequel elle s'assoit, et balance la tête en arrière. Elle est bien, ici. Derrière elle, un petit arbre lui fait un peu d'ombre, ce qui n'est pas du luxe avant cette chaleur. De temps en temps, elle regarde autour d'elle puis, se stoppe un instant. Un visage lui est familier. Malheureusement. Il s'agit de Chad, le garçon à qui elle a fait croire des trucs improbables l'autre jour, ici même. Et mince ! Elle ne pensait pas le revoir. Rapidement, Juliet détourne la tête, l'air de rien, comme si elle ne l'avait pas vu. Pitié. Pitié qu'il ne l'ai pas vue non plus ~

Les mains bien calées dans le fond des poches et les yeux fixés sur l’herbe abimée par le soleil, j’avançais sans vraiment savoir jusqu’où mes pas me mèneraient. En venant près du lac je ne m’étais fixé aucun objectif en particulier, si ce n’est celui de faire le vide dans mon esprit et éviter de réfléchir à ma vie pendant quelques minutes. Ce qui était loin d’être le cas en restant fermé à la maison pour fuir les tentations de la rue et de la poudre que pourrait me refourguer les dealers… Je ne réussissais qu’à me monter en pression. Dans mon état de stress et de manque évident malgré les cachetons que j’avalais à heures fixes, ce n’était pas franchement la meilleure idée du monde… Alors même si mon frère et ma sœur désapprouvaient totalement, je me permettais cette petite balade en plein air et ce petit moment de liberté.

Comme tous les étés, les parterres d’herbe devant les berges du lac se couvraient de serviettes où des mamies venaient bronzer comme des dindes, mais où je croisais aussi des mômes qui couraient dans tous les sens avec des bouées autour du ventre pendant que leurs mères racontaient les derniers ragots en date… Toute cette agitation me rendait mal à l’aise et j’avais l’impression que tous les regards se posaient sur moi, donc certain pas franchement amical. Pas la peine d’entendre leurs pensées ou leurs conversations pour connaitre leurs opinions sur mon compte. Je n’étais pas encore aussi con que ça… Il suffisait simplement de décrypter le sens de leurs regards de travers, parfois haineux. Et pourtant, j’étais juste un mec paumé qui ne savait plus vraiment quel sens donner à sa vie.

Recherchant un peu de solitude, je m’éloignais un peu de tout ce brouhaha. Et visiblement je n’étais pas le seul à chercher un peu de calme loin de cette affluence…

- Encore en panne d’inspiration? Demandai-je à mon auteure favorite alors que je passais devant elle en ralentissant encore le pas. Quasi à la limite de m’arrêter.

Même si nous n’avions passé que quelques minutes ensemble, je gardais un assez bon souvenir de Juliet et je reconnu son visage en un fragment de seconde. Si de mon coté j’étais plutôt content de la croiser ici, pas sur que ce soit son cas…

[Désolée, j'ai complètement zappé mes RP de Juliet ><" ]

Avec ce temps, il n'est pas étonnant que de nombreuses personnes aient eut la même idée qu'elle : venir au lac Michigan pour profiter du soleil et de la vue. Elle a du mal, même, à se trouver un coin tranquille où s'asseoir, et n'échappe malheureusement pas aux cris d'enfants qui courent dans tous les sens. C'est drôle, elle ne s'est jamais demandé si elle aime les enfants. Parfois, elle les trouve adorables. Et puis, ça lui arrive aussi de les détester. Probablement parce que ce sont ceux des autres d'ailleurs. Elle se voit bien, plus tard, mère de famille, même si elle ignore comment faire, n'ayant pas eut de parfait exemple pendant sa propre enfance. Elle se dit qu'il lui suffit peut-être de faire tout le contraire de Myriam pour réussir à être une bonne mère. Et en même temps, elle n'est pas à l'abris d'un échec ! Quoi qu'il en soit, la question n'est pas vraiment d'actualité ! Elle n'y pense pas, tout simplement.

Profitant d'un léger coup de vent, la jeune femme observe autour d'elle, appréciant l'instant. Elle est tranquille, à l'ombre, elle ne pense à rien - ou plutôt pas grand chose -. Elle pense à elle, à sa vie. Où elle sera dans 5 ans. Elle n'a aucune réponse à apporter à cette question, mais elle aime essayer d'imaginer, même si c'est complètement irréaliste. Ca passe le temps, et ça l'entraîne à penser plus à l'avenir qu'au passé. Un bon exercice, donc.

Elle sort un instant de sa rêverie lorsque son regard se pose sur une silhouette qu'elle reconnait. Et mince ! On dirait bien qu'il la vue aussi. Elle fait semblant de rien. Comme si elle ne l'avait pas vu, mais malheureusement, le jeune homme lui adresse déjà la parole.

« Ah tiens, salut !

Non, à vrai dire, j'ai lâché l'affaire, je crois que finalement c'est pas mon truc l'écriture ! »

Lance-t-elle l'air de rien, pour passer un peu la pomade sur le mensonge de l'autre fois. Elle ne peut pas continuer à se faire passer pour une auteur, au risque d'être découverte. Rien qu'à y penser, elle réalise qu'il y a d'autres mensonges qu'elle a servi au jeune homme l'autre jour et il vaut mieux pour elle qu'il ait oublié sinon elle risque de se mettre en danger.

[Pas de soucis, je suis très à la bourre moi aussi...]

En m’éloignant du brouhaha ambiant que faisais les gosses en jouant et leurs mères en papotant comme des poules de luxe, je pensais trouver le calme dont j’avais besoin pour me ressourcer pleinement avant les heures sombres qui m’attendait. C’était vraiment con… Jamais je n’avais apprécié venir me balader ici avant, mais aujourd’hui je ressentais le besoin de m’isoler sur les berges du lac, comme pour en mémoriser les moindre détails et m’en rappeler dans les moments de déprime qui ne manqueraient pas de me tomber dessus pendant la cure de désintox.

J’aurais voulu parler de mes doutes, des mes peurs, avec quelqu’un. Mais mon Joey et Katie n’étaient pas franchement les personnes idéales pour ça… Alors quand je remarquais Juliet qui profitais du beau temps elle aussi à l’écart, je n’hésitais pas vraiment pour l’aborder. Cette fille avait peut-être les réponses aux questions qui me torturaient la tête, mais je ne pouvais pas attaquer directement sur ce sujet de conversation d’entrer de jeu… la politesse me poussait quand même à prendre de ses nouvelles avant toute chose.

Non, à vrai dire, j'ai lâché l'affaire, je crois que finalement c'est pas mon truc l'écriture !

C’était une surprise ! Elle semblait si sure d’elle la dernière fois que je n’aurais jamais imaginé la voir abandonner cette voie qui semblait lui donner l’épanouissement moral et financier qu’elle recherchait. Bizarre. Mais j’étais trop centré sur mes propres problèmes pour m’inquiéter des siens. Un peu égoïste comme réaction… Sans parler de ma finesse habituelle pour les transitions foireuses.

- C’est con, je trouvais que ça t’allais bien de chercher l’inspiration dans les feuilles des arbres. J’espère que la décision de plus écrire te fera pas replonger…

Parce que c’est surtout à ça que je pensais, moi. La dope. Comment elle avait vécu sa désintox ? Pourquoi elle avait dû y aller ? Combien elle prenait de cachets là bas et comment elle s’était senti après ça ?

- Désolé, c’était pas malin de dire ça… mais j’suis dans cette situation en ce moment et je sais pas trop à qui en parler.

Le message était clair et je prenais le risque de la voir se lever pour fuir la conversation qu’elle avait déjà évité avec moi quelques semaines plus tôt… Mais il fallait que je sache.

Tranquille dans son coin, Juliet espère passer inaperçue de toute le monde. Peut-être en demandait-elle un peu trop. Il fallait que quelqu'un vienne à sa rencontre. Chad, le garçon de l'autre fois. Celui a qui elle a fait croire qu'elle était écrivain et qu'en plus elle avait fait une cure de désintoxication. Deux gros mensonges qui ne risque pas d'être oubliés, malheureusement. Elle n'a pas été la plus maligne sur ce coup là. Bon, pour ce qui est de l'écriture, encore, c'est plutôt facile à entretenir comme mensonge, mais pour l'autre, c'est déjà un peu plus compliqué. Elle n'a jamais touché à de la drogue et, à part dans les films, elle ne sait pas à quoi peut ressembler une cure de désintoxication.

Rapidement, quand Chad l'aborde, elle décide de dissoudre l'un des deux mensonges, histoire qu'elle n'ait plus à l'alimenter. Elle se contente de mentir - pour ne pas changer - en disant que finalement l'écriture n'était peut-être pas faite pour elle et qu'elle a préféré baisser les bras. Espérant ne pas avoir à se justifier ou quoi...Chad semble gober une nouvelle fois ce qu'elle lui dit. Déjà, pour ça, c'est fait. Espérons qu'il ne revienne pas sur le reste. Mais pas de bol, il en remet une couche, en fait. Enfin, ça n'a pas l'air parti d'une mauvaise intention, visiblement. Il semble croire dur comme fer qu'elle a vécu ce qu'elle lui a dit l'autre jour. Pourvu que ça dure. Pour rester crédible, elle tire un peu la gueule suite à sa remarque, comme si ça la gênait réellement, sans rien ajouter. De toute façon, elle n'en a pas le temps puisque le jeune Matthews reprend de plus belle pour s'excuser. En entendant son excuse, elle se maudit d'avoir inventé ce mensonge. Le jeune homme va probablement lui poser plein de questions auxquelles elle n'est pas sûre d'avoir des réponses et elle va certainement se faire avoir à son propre jeu...La poisse. En attendant, elle se voit mal le laisser dans sa merde en lui disant que c'est 'pas cool'.

« Oh....Je vois...Désolée pour toi...»

Répond-t-elle, comme si elle compatissait réellement. Elle lui sert un sourire gêné, pour essayer de l'encourager. Elle est vraiment touchée par ce qui lui arrive, qu'on se le dise, elle n'est pas insensible. Mais elle n'est pas aussi concernée que si elle avait réellement fait une cure dans le passé. Elle ne peut pas vraiment comprendre ce qu'il vit et va vivre d'ici quelques temps. Elle ne peut qu'imaginer...En attendant, elle trouve ça vraiment dommage qu'il soit dans cette situation. Tellement dommage qu'elle se met un peu plus dans une situation inconfortable en lui proposant quelque chose qu'elle regrette déjà...

« Si je peux t'aider en quoi que ce soit....»

Une fois le moment de surprise passé quand Juliet m’annonça qu’elle ne se voyait plus dans la peau d’un écrivain, je retrouvais rapidement le sens des réalités et surtout du pourquoi j’étais venu près du lac. Pour une fois que j’avais un peu de chance, il fallait savoir en profiter un peu… même si la manière dont je parlais du problème n’était pas vraiment la plus délicate du monde. C’était moi tout craché ! Comportement que je ne pouvais pas changer et encore moins dans un tel moment de doute et de remise en question.

Je m’excusais pour la manière brutale et maladroite avec laquelle j’abordais ce sujet de conversation plutôt délicat et lui expliquais que je me retrouvais dans une belle galère… comme elle avait dû l’être, elle aussi, quand la drogue dirigeait toute sa vie. Je me souvenais bien de sa réaction face à un simple joint… ce qui me laissait imaginer qu’elle avait dû prendre des choses bien plus fortes pour ne pas s’autoriser une seule taffe. Un simple écart aurait surement suffi à la faire replonger dans une spirale infernale.

« Oh....Je vois...Désolée pour toi...»

- Merci… mais y parait que tout est de ma faute, hein.

Sans voir le sourire sincère qu’elle m’adressait j’aurais pu croire qu’elle se foutait pas mal de mon cas… elle aurait d’ailleurs été en droit de le faire puisque nous ne nous connaissions pas plus que ça, mais heureusement pour moi, mon histoire semblait la toucher.

« Si je peux t'aider en quoi que ce soit....»

J’allais surement réveiller ses vieux démons en lui demandant de me parler de son histoire de junky, mais je ne voyais pas trop comment lui éviter ça… à part me taire, ce que je ne comptais pas franchement faire dans les prochaines minutes. L’occasion était trop belle pour la laisser passer.

- Y’a bien un truc, ouai… Tu pourrais me dire un peu comment ça s’est passé pour toi, la désintox ?

Juliet joue à un jeu dangereux, mais visiblement, ça ne semble pas la stopper. Elle aime le danger et les situations un peu compliquée car elle se dit qu'on peut toujours s'en sortir avec un bon gros mensonge. Bien sûr, il y a des personnes avec qui elle ne se permet pas vraiment ce genre d'attitude, parce qu'elle tient trop à elles pour ça. Mais pour les autres, les inconnus ou simple connaissances, elle n'éprouve aucun remord. Pour le moment.

Éventuellement, ce qui la dérange peut-être un peu, c'est d'aller un peu trop loin dans ses bobards. Tellement qu'elle ne s'y retrouve plus ou qu'elle aborde un sujet qui lui est trop inconnu pour qu'elle soit sûre de s'en sortir. La drogue, par exemple, fait partie de ces sujets inconnus qui la mettent dans une situation inconfortable vis à vis de Chad. La dernière fois, elle a réussi à esquiver le sujet, mais aujourd'hui, elle a bien peur de devoir justifier des tas de choses qu'elle n'a jamais vécues. Lorsqu'elle apprend que le jeune drogué se retrouve dans la situation qu'elle lui a assuré qu'elle avait vécue, elle ne peut qu'être compatissante, même si au fond elle ne peut pas vraiment savoir. Cela dit, au fond, elle est tout de même un peu touchée par son sort. Elle trouve ça triste d'en arriver là. C'est sans intérêt et on s'abîme la vie pour des choses qui n'en valent pas toujours la peine.

En lui proposant son aide, elle ne pensait pas qu'il bondirait sur l'occasion, puisqu'ils ne se connaissent pas, finalement. Et pourtant, il saut tout de suite sur l'occasion pour lui demander de lui raconter ce qu'elle a vécu, elle, pendant sa cure de désintoxication. Qu'est-ce qu'elle en sait, elle ? Elle n'a jamais mit les pieds dans un centre de ce type, alors bon...Qu'est-elle censée lui répondre ? Lui dire la vérité serait mal venu. Surtout qu'il a l'air de beaucoup compter sur elle pour être rassuré. Il a l'air vraiment flippé...Elle ne peut pas le laisser tomber...Grimaçant, elle se dit qu'il lui reste une solution pas très honnête, mais bon, c'est pas comme si elle lui mentait depuis le début, hein ! Elle prend un instant pour réfléchir, grimaçant légèrement comme pour montrer à quelle point elle peut être marquée par cette période sombre. En réalité, elle tente juste de se souvenir de ce film qu'elle a vu, il y a quelques temps, où on pouvait suivre un partie la vie d'un jeune homme de sa période droguée à son changement de vie radical, en passant par son sevrage. Elle prend une grande inspiration, fixant au loin, pour se donner un air un peu plus dramatique. Elle adore faire ça (a).

« Et bien....

Je ne te cache pas que c'était dur...Les crises de manque au début, l'impression de crever chaque jour qui passait sans....drogue. La solitude m'a énormément pesé, tout comme l'enfermement. Je ne suis même pas capable de te dire combien de temps j'ai passé là bas. Les médocs m'assommaient pendant des heures, j'avais plus la notion du temps et j'avais l'impression de ne plus savoir comment je m'appelle. J'étais là. Sans être là....»

Raconte la jeune femme en revoyant bien les images de ce film. Elle avait eut mal au coeur devant la violence de certaines images, notamment la douleur que ressentait le personnage pendant ses crises de manque. Elle gagne un sourire un peu triste qu'elle adresse au jeune homme en tournant la tête vers lui. Elle se sent mal de lui avoir menti, parce qu'aujourd'hui, il vient vers elle pour chercher un semblant de réconfort et elle, elle ne sait que lui mentir ~

Parler de son passé de junky n’allait surement pas être facile pour Juliet, j’en avais bien conscience, mais puisque la blondinette me proposait de m’aider, je n’allais pas refuser et c’était donc la seule chose qu’elle pouvait faire pour le moment : m’expliquer comment elle avait vécu sa cure de désintox ? Comment les médecins s’y étaient pris pour calmer ses crises de manque ? Comment est-ce qu’elle avait vécu l’isolement, loin de sa famille ? Ce genre de chose… J’en avais bien sur une vague idée, mais rien ne valait mieux que le témoignage d’une « amie ».

Je voyais bien que ça lui coutait de revivre ses moments difficiles de sa vie. Il aurait fallu que je sois aveugle pour ne pas m’en rendre compte ! Le regard fixé sur l’horizon, les yeux dans le vide, Juliet paraissait vraiment mélancolique, à la limite des larmes, mais elle commença néanmoins à parler après avoir pris une longue inspiration qui me fit un peu culpabiliser. Mais il était trop tard pour faire marche arrière et lui dire que j’allais me passer de son expérience. De toute façon je n’en avais pas envie. Je restais donc là, mes yeux fixés sur elle en attendant qu’elle trouve les mots et brise le silence qui s’était installé depuis ma dernière question.

« Et bien....Je ne te cache pas que c'était dur...

Une fois lancée dans l’évocation de ses souvenirs, Juliet ne s’arrêta plus. Elle ne m’épargna rien ! Ni la douleurs des crises de manques, ni la sensation d’être une loque à cause des somnifères, ni la sensation d’extrême solitude due à l’enfermement, et, le pire, l’impression d’être dans son corps sans être capable d’en prendre les commandes…

J'étais là. Sans être là....»

J’avais voulu entrer dans sa tête pour connaitre ses sentiments, et bien j’étais servi ! Une boule d’angoisse s’était formée dans ma gorge à mesure qu’elle me racontait son histoire personnelle et j’avais beau avaler ma salive pour la faire disparaitre, je sentais toujours une gêne à la base de mon cou. On était bien loin des dépliants colorés et rassurant qu’on m’avait filé à l’hosto sur les différents centre de soins… Tous remplis de bobards pour cacher la vérité : j’allais en baver. Et pour quel résultat ? Je n’en avais pas la moindre idée.

Malgré la claque que je venais de prendre, je réussis à me reprendre.

- Mais… ça vaut la peine de subir tout ça ? J’veux dire, tu te sens mieux quand même aujourd’hui ?

Juliet ne se sent pas bien. Elle éprouve des remords. Chad lui fait vraiment de la peine ! Mais il a tellement l'air de tenir a ses 'conseils' qu'elle ne peut plus faire marche arrière. Elle crève d'envie de lui avouer qu'elle ment depuis le début ! Qu'elle n'a jamais écrit un livre de sa vie, ni même envisagé cette idée, qu'elle n'a jamais touché à aucune drogue et qu'elle est encore moins partie en cure de désintoxication. Tout ce qu'elle lui a raconté est faux. Elle ne fait que raconter ce qu'elle voit dans les films. Heureusement qu'elle a vu des films avec des drogués, sinon, elle n'aurait rien eut à lui dire et autant dire qu'il aurai rapidement deviné son manège...

Du coup, elle se sent tellement mal pour lui qu'elle décide de continuer son bobard, parce qu'elle se dit que ça lui fera probablement du bien. Tant qu'il continue de croire en ce qu'elle lui dit, elle ne risque rien, right ? Du coup, elle se met à lui compter les heures sombres de ce héros de film, lui faisant croire qu'il s'agit des siennes. Il semble y croire, mais a l'air de flipper un peu plus. Elle se pince les lèvres, et décide de le rassurer, du mieux qu'elle peut.

« Oui, bien sûr que ça en vaut le coup !

Je me sens vraiment mieux...J'ai l'impression d'être une personne différente. Meilleure. »

Explique-t-elle dans un léger sourire. Si seulement. A l'instant, elle se sent tout sauf meilleure. Elle s'en veut vraiment. Chad lui fait mal au coeur, il est au plus bas et elle n'arrive même pas à être sincère avec lui. Mais il est trop tard maintenant pour dire la vérité.

Les réponses de Juliet ne me rassuraient pas vraiment… En même temps j’aurais dû m’y attendre, une cure de désintox ne ressemblait pas à une semaine avec les potes en colonie de vacances ! Bien sur j’avais déjà été confronté à des crises de manque depuis les années que je prenais de la dope, mais j’imaginais la galère qui m’attendait en sachant que cette fois aucune dose d’héroïne ne viendrait calmer mes nerfs. Alors dans un sens, il valait mieux que je sois seul dans ces moments là ! Mais l’absence de mes proches n’allait-elle pas être un handicap supplémentaire à supporter pendant cet isolement?! Je commençais à flipper sérieusement… Est que tous ces sacrifices allaient être récompensés ?

« Oui, bien sûr que ça en vaut le coup ! Je me sens vraiment mieux...J'ai l'impression d'être une personne différente. Meilleure. »

Je devais avoir une mauvaise mise, car la blondinette ne cessait pas de me sourire, comme pour tenter de me rassurer. Après la trouille qu’elle m’avait filé en parlant de son expérience des premiers jours, elle arrivait à calmer un peu en me parlant des bénéfices qu’elle en avait tiré.

- Je demande pas forcément à devenir un mec meilleur… ce que je veux vraiment c’est ne plus faire souffrir les gens que j’aime à cause de mes conneries. Et là... j'ai plus le choix.

Parce qu’il était bien la le véritable problème… Moi, dans le fond, je me contentais de cette petite vie planante que je menais depuis mes premiers joints, mais cette fois en frôlant la mort j’avais dépassé les limites. Joey et Katie me l’avaient clairement fait comprendre et ils ne me donnaient plus vraiment le choix… De grés ou de force, j’allais devoir faire un séjour en hôpital spécialisé.

- Je dois partir demain matin…

En un sens, ont peut dire que Juliet est une personne chanceuse. La plupart du temps, elle arrive facilement à se sortir des situation délicates dans lesquelles elle peut se mettre toute seule. Dans ce cas précis, c'est un peu plus compliqué que ça. Elle s'en sort, à l'aide de mensonges, encore et encore. Elle camoufle chacun de ses faux souvenirs par de nouveaux. Elle s'enfonce un peu plus, perdant à chaque fois un peu plus de chance d'avouer la vérité. Maintenant, c'est trop tard. Elle ne peut plus faire marche arrière, après tout ce qu'elle lui a raconté. Et puis, il semble vraiment compter sur elle, alors elle ne peut vraiment plus se dégonfler. Il lui fait mal au coeur de s'appuyer tant sur elle alors qu'elle ne peut strictement rien pour lui, n'ayant jamais vécu ces choses réellement. Alors elle fait du mieux qu'elle peut, même si pour cela, elle doit rajouter d'autres couches à son mensonge de base.

« Je t'assure que tu te sentiras mieux, après. T'as plus cette impression d'emprise...»

Ajoute-t-elle, ne faisant que citer une réplique du film dont elle s'approprie les répliques depuis tout à l'heure. Elle est tout de même assez maligne pour tourner ça de manière à ce que ça vienne vraiment d'elle, histoire d'être le plus crédible possible.

« Est-ce que quelqu'un t'y accompagne ? »

En me plongeant dans la vision de mon avenir, je ne voulais voir qu’une seule chose : mes proches tranquillisés à mon sujet. Rien de plus ! Je n’avais aucune ambition pour moi-même. Devenir meilleur, apprécié par les habitants de Great Falls, marié avec la fille d’un honorable banquier, père d’une famille de cinq mômes, employé du mois ou prix nobel de maths… Tout ça ne voulait vraiment rien dire pour moi et je m’en foutais royalement. Pourtant c’est un peu ce que Juliet me disait, en essayant de me rassurer sur ce qui m’attendait pendant et après la cure de désintox. Un gros programme !

« Je t'assure que tu te sentiras mieux, après. T'as plus cette impression d'emprise...»

Sa sincérité donnait beaucoup de poids à ses mots. J’imaginais un peu dans quelle galère elle avait dû se mettre pour avoir parcouru un tel chemin et parler de sa vie avec autant de recul. J’avais véritablement l’impression qu’elle me comprenait et pouvait se servir des expériences de son passé pour m’aider à affronter mon futur. C’était rassurant… et un peu flippant puisqu’elle devait parfaitement savoir dans quel état d’esprit je me trouvais. Un peu comme si elle avait accès à mes pensées.

- Ouai… En même temps ça me gênait pas plus que ça. Juste je croyais pas que la came dirigeait autant ma vie, mais en fait j’y pense tout le temps. Le matin au réveil, pendant les cours, avec les potes… Quand j'suis pas shooté à bloc, je pense plus qu’à la prochaine dose que je vais prendre.

Cette prise de conscience je l’avais eu à l’hosto après mes crises de manque. L’horreur ! Jusqu'à ce qu’on me fasse avaler des cachets de méthadone. Une drogue pour en calmer une autre… Mais en voyant Juliet, je commençais à croire que je pouvais m’en sortir moi aussi. Et ça commençait demain !

Est-ce que quelqu'un t'y accompagne ? »

Pour ça au moins je savais à quoi m’attendre ! La voiture qui viendrait me chercher devant la maison. L’infirmière qui me ferait signer des tonnes de papiers. Mes valises que je chargerais dans le coffre. Les « au revoir » à mon frère et ma sœur, qui s’assureraient ensuite que je montrais bien sur le siège passager… Tout ça en l’espace de dix minutes.

- Non, le Doc vient me chercher directement à Burroughs Street… Et après tu sais bien comment ça se passe : pas de famille, pas d’amis, pendant un mois.

[Chou le nouvel avatar de Chad ^^]

Conseiller Chad sur ce qu'il va vivre alors qu'elle même n'en sait rien, c'est chose complexe. Elle marche sur un fil avec le risque de tomber à chaque mot qui sort de ses lèvres. Elle a peur de lui dire des choses fausses ou qu'il réalise bêtement qu'elle lui ment depuis le début avec cette histoire de drogue. Elle est allée trop loin, et chaque chose qu'elle ajoute lui fait regretter d'être aller si loin. Et, comme elle est allée trop loin, elle ne peut plus s'arrêter là, parce qu'elle en à trop dit, et en même temps pas assez. Elle ne peut s'en prendre qu'à elle-même.

Elle ressent tellement de détresse chez Chad, qu'elle ne peut se résigner à lui dire la vérité, maintenant qu'elle sent qu'il compte vraiment sur elle. Personne n'avait jamais eut autant besoin d'elle. Même si ce qu'elle dit est faut, elle se sent tout de même utile, parce qu'elle sent qu'elle lui vient en aide à travers ce qu'elle peut lui raconter. Elle n'a aucune idée de ce qu'il peut penser ou ressentir. Elle s'imagine à quel point il doit être mort d'inquiétude à l'idée d'être enfermé pendant un mois, sans amis, sans famille, sans drogue...Elle sourit, compatissante, sans réellement comprendre. Elle acquiesce, par quelques signes de tête.

« D'ici quelques semaines, ce ne sera plus qu'une histoire ancienne. »

Affirme-t-elle, se voulant rassurante. Elle n'a aucune certitude des résultats que porteront sa cure. Peut-être n'y mettra-t-il pas assez de motivation. Ou alors il est tout à fait possible qu'il recroise le chemin d'anciens amis ou connaissances qui pourraient le faire replonger. Juliet n'y connait pas grand chose à cet environnement, mais elle est sûre d'une chose : il va en baver pendant les mois qui arrivent.

« Si jamais a ta sortie tu as besoin d'aide, ou juste de parler, n'hésites pas...! »

Propose-t-elle presque à contre coeur. Non pas qu'elle n'ait pas envie de le revoir, mais parce que ce serait pour de mauvaises raisons. Elle ne pourrait pas l'aider s'il venait la voir pour lui dire qu'il est en manque et qu'il lui faut une dose dans la minute. Elle ne se sent pas capable de gérer les troubles postérieurs à la cure. Elle n'est ni médecin ni connaisseuse. Mais peut-être que le simple fait de proposer son aide suffira à lui montrer qu'il n'est pas seul ?

[Merci ♥]

Il avait quand même fallu une overdose pour que je prenne conscience de ma dépendance à la came. Rien de moins que de frôler la mort… Top ! Avant ça, je me croyais parfaitement capable de gérer mes prises, de contrôler mes envies et de construire ma vie normalement. Autant dire que je me plantais royalement ! Sans ses foutues crises de manque, où les infirmiers avaient dû m’attacher au lit, jamais je n’aurais compris que l’héroïne décidait pour moi au quotidien…

Sortir de ce cercle infernal n’allait pas être facile, mais d’après Juliet supporter l’enfermement de la cure et faire des efforts en valait la peine. Elle tentait de m’en convaincre encore et encore ! Et si au départ j’étais resté sceptique, son expérience me rassurait un peu.

« D'ici quelques semaines, ce ne sera plus qu'une histoire ancienne. »

- J’espère, vraiment…

Lui confier mes doutes m’avait fait du bien. Même si je n’étais pas franchement rassuré, ni confiant sur mes chances de réussite, voir que la blondinette avait elle aussi traversé ce genre d’épreuve me donnait une bonne raison de croire que je pourrais moi aussi m’en tirer à bon compte. Mais ça ne serait pas facile, elle m’avait suffisamment prévenu sur ce point.

Il fallait seulement que j’affronte un mois d’isolement avant de pouvoir espérer reparler de mes premières impressions avec elle…

« Si jamais a ta sortie tu as besoin d'aide, ou juste de parler, n'hésites pas...! »

Je ne m’attendais pas à cette proposition ! Dans ma tête, je la voyais me fuir plutôt que de passer du temps à m’aider à sortir de ma galère… A l’image de sa première réaction quand je lui avais proposé un joint. Mais elle savait surement que j’aurais besoin d’aide même après être décrété « clean » par les médecins.

- Comme un groupe des « drogués anonymes » ? Ça ferait de toi, quoi, un genre de tutrice ?

J’en riais, mais l’idée n’était peut-être pas si mauvaise dans le fond. Juliet était la seule personne de Great Falls vers qui je pourrais vraiment me tourner pour parler de mes difficultés.

Avec tout ses mensonges, on pourrait croire que Juliet est quelqu'un de complètement insensible qui se fou de tout et de tout le monde. Mais c'est loin d'être le cas. Il y a un cœur à l'intérieur et il est réellement touché par l'histoire de Chad. Elle est vraiment mal pour lui et aimerait vraiment pouvoir l'aider pour de vrai. Pour ne pas le 'contrarier', elle continue donc ses bobards, quitte à s'enfoncer encore plus. Elle est mal pour lui, mais aussi pour elle, car elle ne sait plus trop comment s'en sortir. Elle n'a pas vraiment le temps d'y réfléchir pour le moment. Elle tente de rassurer le jeune homme, du mieux qu'elle peut. Ça a l'air de fonctionner, c'est plutôt une bonne nouvelle. Elle essaye de ne pas trop en rajouter, se contentant de lui dire que tout ira bien et qu'il se sentira mieux en sortant. Mais qu'en sait-elle réellement ? Rien du tout. Elle ne sait pas s'il se sentira mieux en sortant de sa cure. Peut-être bien que ce sera tout le contraire ! Et là, il viendra la voir, lui dire qu'il ne va pas mieux, et elle n'aura rien à dire pour sa défense. Autant dire qu'elle espère vraiment qu'il ira mieux après son 'stage' au centre de désintoxication.

Chad a l'air quand même un peu mieux, après tout ce qu'elle lui a dit, que quelques minutes plus tôt lorsque leurs chemins se sont croisés. Tant qu'il ne se doute pas que tout ce qu'elle a pu lui dire depuis le début n'est que tissus de mensonges...Et malgré le danger qui plane autour d'elle et de ses inventions, elle propose - tellement spontanément qu'elle s'étonne elle-même - au jeune homme de venir se confier à elle si jamais ça ne va pas, après la cure. Elle le voit déjà venir se plaindre qu'il a envie d'une dose, et si ça arrive vraiment, elle sera incapable de faire quoi que ce soit pour qu'il chasse cette envie de son esprit. Elle sourit à sa remarque, préférant oublier dans quelle situation délicate elle vient encore de se mettre toute seule...

« Oui ! Enfin, je trouve un peu le nom rabaissant, mais on peut dire ça comme ça ! Si ça te tente, bien sûr ! »

Non mais...Elle ? Tutrice d'un ancien drogué ? Quelque chose ne tourne vraiment pas rond dans la tête de la jolie blonde ~

Pour la première fois de ma vie, ou du moins depuis très, très, longtemps, je me sentais compris malgré l’énormité de mes problèmes et c’était vraiment rassurant. Même si Juliet restait une quasi inconnue pour moi, je me sentais en confiance avec elle… Surement parce qu’elle était passée elle aussi pas une grosse dépendance à la came, au point de faire un séjour en cure de désintox. En ville, elle était bien la seule personne à qui je pouvais en parler sans crainte d’être juger, et surtout pour en apprendre un peu plus sur ce qui m’attendait le lendemain, puisque j’allais y entrer à mon tour.

Juliet aurait pu s’en tenir là, à répondre à mes questions, sans chercher à se préoccuper de ce que je deviendrais plus tard… demain… dans un mois… dans un an… mais elle se proposa quand même de m’aider, d’être là pour m’écouter si j’en ressentais le besoin en sortant de l’hosto. Si elle me le proposait, je sentais que c’était parce que j’allais en avoir besoin. Dire au revoir à la dope ne serait franchement pas simple comparé à tout ce que j’avais dû affronté jusque là, et si elle voulait me soutenir dans cette bataille je n’allais pas dire non. Avec une « tutrice » pour veiller sur mon état de résistance, j’aurais surement beaucoup plus de chance de rester clean.

« Oui ! Enfin, je trouve un peu le nom rabaissant, mais on peut dire ça comme ça ! Si ça te tente, bien sûr ! »

Je pris le temps de respirer un grand coup avant de lui répondre et de me projeter dans un avenir qui me paraissait quand même assez lointain… Combien de jours s’écouleraient de l’aube au coucher de soleil avant que je puisse sortir définitivement de l’hôpital et reprendre ma vie là où je l’avais laissée ? Surement beaucoup ! Et c’est à ce moment que j’aurais le plus besoin d’aide pour ne pas replonger, mais ce n’était pas demain la veille.

- J’crois que ça m’aiderait, ouai… Si t’es toujours sur Great Falls quand je sortirais !

Peut-être que ce ne serait pas le cas… D’ici là beaucoup de choses auraient le temps de changer.

Aider Chad. Voilà tout ce qu'elle peut essayer de faire pour le faire aller mieux mais surtout pour rattraper cette énormité de mensonges qu'elle ne cesse de dire depuis le début de cette conversation, mais également depuis leur précédente...Et malheureusement pour elle, ce n'est pas le genre de mensonge qu'elle peut facilement effacer ou rattraper. Chad compte énormément sur elle, elle ne se sent pas capable de le décevoir ou de voir écrouler les espoirs qu'il porte sur elle. Elle veut pouvoir le porter sur ses épaules, l'aider à se relever de cette épreuve qui se présente à lui. Une manière pour elle de faire une bonne action, de se sentir utile, sur fond de mensonges. Chad semble ne se douter de rien, ce qui en un sens la sauve pas mal. Que dirait-il si jamais il se rendait compte qu'elle le mène en bateau depuis le début ? Et que dirait-il s'il apprenait simplement qu'elle n'est pas celle qu'elle dit être ? Elle joue à un jeu très dangereux, elle en a conscience, mais c'est aussi ça qui la fait vivre. C'est pour ça qu'elle raconte tous ces mensonges depuis son adolescence : elle vit à travers ses bobards. Autrefois elle était indifférente. Se mentir, mentir aux autres. L'avis des inconnus n'était clairement pas son soucis. A ce jour, elle est une personne différente et la culpabilité commence à prendre part de sa personne. C'est comme si elle souffrait de ces choses qu'elle invente. Elle en souffre, parce qu'elle réalise qu'elle peut faire du mal par ce biais.

Proposer son aide, son soutient, pour l' « après », c'est le moins qu'elle puisse faire pour racheter son comportement. C'est quelque chose de transparent pour Chad, pour le moment, mais dans l'hypothèse où il apprendrait la vérité, elle espère que ce qu'elle fait pour lui pourra amoindrir sa sentence. Une consolation comme une autre. Une piètre consolation qui n'apaise qu'à moitié sa culpabilité.

« Ouep ! Tu sais, y'a pas de raison que j'sois plus ici...A moins d'être recherchée par les flics, y'a pas de raison que j'aille ailleurs ! »

Répond la demoiselle dans un rire, essayant par la même occasion de lui en faire décrocher un. Il a besoin de se détendre avant l'épreuve qui l'attend. Et bien sûr, même si elle a clairement envie de partir en courant et le fuir complètement pour éviter d'empirer sa situation, elle sera là à sa sortir pour tenter de le faire sortir de cette spirale infernale qu'est la drogue. Elle n'y connait strictement rien là dedans, mais elle a quelques semaines devant elle pour se renseigner, au moins. Avec internet, maintenant, elle peut devenir rapidement une experte. Lire des témoignages, des articles...A sa sortie de la cure, elle espère est au niveau pour lui venir en aide au mieux.

Les paroles de Juliet me surprirent vraiment. Je ne m’attendais pas du tout à ce qu’elle suggère de m’aider si j’en ressentais le besoin une fois mon temps de cure terminé. Pourtant c’était bien ce que la blondinette me proposait, en devenant mon garde fou quand je ne serais plus sous la responsabilité des médecins et autres infirmières… Ce qui allait surement prendre quelques mois. D’ici là, la jeune femme ne serait peut-être plus dans le coin à ce moment là. Peut-être même qu’elle le savait parfaitement et qu’elle savait d’avance qu’elle ne pourrait pas tenir sa promesse… pourtant mes suspicions retombèrent à zéro quand j’entendis sa réponse.

« Ouep ! Tu sais, y'a pas de raison que j'sois plus ici...A moins d'être recherchée par les flics, y'a pas de raison que j'aille ailleurs ! »

Non, Juliet tenait vraiment à m’aider, comme le confirmais le joli sourire qui s’affichait sur son visage. J’étais tellement habitué aux mauvais plans depuis quelques semaines que j’en devenais totalement parano. A tel point que je sursautais comme un dingue alors que le ballon bob l’éponge d’un gosse atterri à quelques centimètres de nous.

- Putain, faut toujours qu’ils fassent chier les gosses ! Râlai-je à demi voix en renvoyant, un peu, brutalement la balle vers l’air de jeu aménagée sur l’herbe par leur mère, qui s’occupaient plus de leurs bavardages que de la surveillance de leur mioches.

Mon cœur battait la chamade, un peu comme si je venais de courir comme un dingue pour échapper à une descente de flics dans une boite que je fréquentais sur Milwaukee… Poufff, je me sentais vraiment pitoyable.

- Excuse, je suis sur les nerfs.

Entre la sensation de manque et l’effet des cachetons, je n’étais pas au mieux de ma forme. Il vaudrait peut-être mieux que je rentre à la maison pour éviter de péter vraiment un plomb en restant au milieu de "la foule".

Si Juliet est si gentille et se montre si serviable, c'est parce qu'elle a cette énorme culpabilité en elle. Elle laisse grossir son mensonge et ne remarque son effet que trop tard. Elle laisse clairement l'espoir grandir dans la tête du jeune homme et ça en devient dangereux pour elle. Tellement qu'elle n'ose plus ouvrir la bouche de peur de s'enfoncer encore plus. Et a chaque fois qu'elle lui répond, elle en rajoute parce qu'elle ne peut plus faire demi tour, de toute manière. Elle essaye juste de ne pas en dire de trop, pour atténuer un peu tout le mal qu'elle peut lui faire ou qu'elle lui fait déjà sans qu'il ne s'en rende compte. Mais elle se montre toute gentille avec lui, comme pour se faire pardonner d'avance. Et c'est fou, ça lui fait du bien d'être gentille comme ça. Elle devrait faire ça plus souvent...

Chad n'est pas un méchant garçon. Elle n'a jamais pensé ça de lui, elle le trouvait juste un peu bizarre parce qu'elle n'a jamais cherché à le connaître. Elle s'est juste un peu "amusée" avec lui, en lui racontant des mensonges qu'elle pensait insignifiants, jusqu'à aujourd'hui. A ce jour, son histoire la touche, vraiment. Elle est triste pour lui et espère vraiment qu'il va s'en sortir, avec ou sans son aide, mais de préférence avec son aide. La jolie blonde sursaute quand un ballon atterrit juste à côté d'eux de manière assez brutale. A quelques centimètres, ça aurait pu être sur eux et ça aurait pu faire très mal, même. Mais si elle sursaute, c'est également parce qu'elle ne s'attendait pas à ce que le jeune homme râle aussi fort. Elle sourit, compatissante, quand Chad s'excuse de s'être emporté. Son sourire est sincère quand elle repose les yeux sur lui.

« T'inquiète pas, c'est normal dans ton état... »

La jeune Miller regarde autour d'elle et observe un peu le paysage, envahit par les enfants. C'est l'heure, visiblement. Il y a encore une heure, il y avait deux fois moins de monde. Deux fois plus de monde, deux fois plus de bruit, deux fois moins de tranquillité...Dans un nouveau sourire, la jeune femme fouille dans son sac pour en sortir les clés de sa voiture, cette vieille poubelle qui roule toujours, par miracle probablement.

« Je te raccompagne ? »

Le calme que j’affichais depuis tout à l’heure devant Juliet n’était qu’une façade. Une attitude contrôlée pour ne pas lui montrer mes faiblesses. Pourtant, il suffit d’un simple ballon dévié de sa trajectoire vers notre coin tranquille pour que j’explose. Si je pensais que les paroles de la demoiselle pouvaient m’aider à affronter plus sereinement l’idée d’aller en cure, ce n’était pas franchement une réussite… même si je me sentais quand même un peu mieux maintenant qu’elle m’avait expliqué les choses, et, surtout, proposé son aide lorsque les médecins finiraient par me lâcher dans la nature. Même avec toutes ces recommandations je flippais comme un dingue. La preuve, les pauvres gamins qui jouaient sur l’herbe en faisaient les frais… Pas forcément violement, mais au lieu d’un sourire amusé par leur maladresse, je leur balançais des insultes dans le dos. Quel contrôle de mes émotions. Quel courage d’affronter leurs mères. Non, vraiment, je n’étais pas fier de moi.

« T'inquiète pas, c'est normal dans ton état... »

Elle avait surement raison, mais qui d’autre pourrait le comprendre si ce n’est-elle ? Les gens autour de nous ne feraient que me juger sans essayer de chercher à savoir pourquoi je pouvais réagir de la sorte. Il n’y avait que Juliet… Mon regard se perdit dans le sien l’espace d’un instant avant que je n’arrive à prendre une décision.

- Je…Je crois que je vais me trouver un endroit plus tranquille… Ou rentrer.

Rester ici commençait à me rendre nerveux. Trop de monde. Trop de mouvements. Trop de cris… L’angoisse commençait à me serrer l’estomac et je sentais la sueur coller à mon front.

« Je te raccompagne ? »

Elle avait déjà les clés en main et je me sentais trop mal pour refuser.

- Ouai, j’veux bien. J’serais plus tranquille à la maison… et je gênerais personne.

Chad semble étrangement plus apaisé que quelques minutes plus tôt. Juliet semble avoir réussi à le calmer ou au moins le rassurer avec ses mensonges qui sonnent pourtant tellement comme de vraies histoires. Elle s'étonne elle-même d'être parvenue à masquer sa mythomanie en ayant fait gober tout ça à Chad, mais n'en oublie pas pour autant cette affreuse culpabilité qui prend part d'elle au fur et à mesure que la conversation continue autour de ça. Elle se sent bien, utile. Mais il faut voir ce qu'elle a fait pour que ça soit le cas. Ce n'est pas juste vis à vis de Chad mais bien trop tard pour faire marche arrière. Il ne lui reste plus qu'à espérer que la vérité ne lui parviendra jamais. Le seule moyen serait qu'ils ne se voient plus jamais et qu'il oublie même son existence pour ne pas apprendre la vérité de la bouche de quelqu'un d'autre, mais même ça, pour Juliet, ce serait encore pire que s'il apprenait la vérité. Elle ne veut pas l'abandonner maintenant qu'elle lui a promis qu'elle serait là pour lui. Si elle peut, une fois dans sa vie, réaliser une promesse et faire en sorte que ses mots n'aient pas été mensonge, alors c'est l'occasion de le faire. Ça ne rachètera en aucun cas le mal qu'elle peut faire, mais ce sera déjà un bon début.

Un ballon atterrit non loin d'eux mais pas de la manière la plus douce qui soit ce qui réveille les nerfs du drogué. Juliet ne peut pas dire qu'elle comprend, mais elle peut faire semblant de comprendre, à défaut. Elle lui dit un petit truc gentil, comme pour excuser son comportement. Sincèrement, elle imagine que ce par quoi il passe n'est pas simple et qu'il doit être sur les nerfs pour un rien. Pour cette raison, elle le devance presque lorsqu'elle sort ses clés pour lui proposer de le raccompagner. Elle voit bien qu'ici il n'est plus vraiment à l'aise et que dans son état, il ne sera bien que chez lui, au calme, seul à se préparer pour ce qui l'attend.

« Je pense aussi que tu y seras mieux. Tu as besoin de calme et de te reposer.»

Explique-t-elle comme si elle savait exactement de quoi elle parle.

Pour une menteuse qui n’y connaissait absolument rien en dope, Juliet venait d’assurer en sortant ses bobards puisque j’étais loin de soupçonner qu’elle n’avait jamais mis pris un shoot de sa vie et encore moins mis les pieds en cure de désintox. Une vraie prestation d’actrice. Pour le coup, elle aurait mérité l’oscar ! Mais l’essentiel dans tout ça restait que ses mots, même s’ils étaient faux, m’avaient rassuré. Je me sentais mieux, moins effrayé par ce qui m’attendait dans quelques heures…

Pourtant il suffit juste d’un tout petit élément perturbateur pour faire envoler mon peu de sérénité. Un simple ballon… Comment-est-ce que j’aurais réagi face à un gosse ou à sa mère s’ils étaient venu réclamer des comptes face à ma remarque ? Je préférais ne pas y penser et quand Juliet me proposa de me ramener, j’acceptais directement. Pas la peine de rester là à stresser à chaque bruit. A la maison je serais plus tranquille.

« Je pense aussi que tu y seras mieux. Tu as besoin de calme et de te reposer.»

- Clair ! Je crois que ça sera mieux pour tout le monde.

Et comme elle se levait pour rejoindre sa voiture, je la suivis sans adresser un seul regard au monde qui nous entourait. Pas la peine de me stresser encore plus en essayant de voir si on parlait dans mon dos. Un petit tour à la pharmacie allait aussi s’imposer… mais pour ça je demanderais à Joey.

Toujours dans mes pensées, je laissais la demoiselle me ramener jusqu'à Burroughs Street. Le silence ne me dérangeait pas. Elle ne m’imposa pas de parler et ça me convenait vraiment comme ça. En arrivant devant la maison, je la remerciais encore une fois avant qu’elle ne retourne à ses affaires. On se reverrait surement pas d’ici plusieurs semaines…

FIN DE SCÈNE