Andrea Morgan était presque arrivée à destination. Elle revenait d’une journée à Milwaukee. Elle avait décidé de prendre soin d’elle, puisque visiblement, personne ne semblait vouloir l’aider à le faire. Ces derniers temps, elle se retrouvait vraiment toute seule, à l’exception de son cousin Adrian, qui était, comme toujours très présent pour elle.

La jolie brune était donc au volant de la nouvelle voiture qu’elle s’était offerte il y a peu. Bien moins voyante que la précédente, elle avait choisi un modèle noir plutôt qu’un rouge, d’une Chrysler 200 convertible. Intérieur cuir, bien sur. Avec sièges chauffants (a). Il faut dire qu’elle a été dédommagée par son assurance du cambriolage et qu’elle n’a pas dû ajouter tant que ça… Enfin, elle n’a pas du se ruiner.

Andy avait passé la journée avec une connaissance d’école. Une fille qu’elle n’aimait pas spécialement plus que ça, mais la compagnie féminine lui avait un peu manqué ces quelques temps. Et puis, il faut bien qu’elle se mette tout doucement à chercher quelqu’un qui pourrait remplacer Tara dans son cœur. Etait-ce cette méchante pensée ? Mais le fait est qu’elle roula sur un clou et qu’elle s’arrêta sur le bord de la route, allumant les 4 clignotants pour se signaler en détresse.

Vraiment pas de chance, dehors, il ne fait pas très chaud et en plus la nuit commence à tomber. Elle doit être à un kilomètre de chez elle, mais hors de question qu’elle rentre à pied. Elle porte des nouvelles bottes brunes à talon, pour accompagner sa robe d’hiver noire à col roulé. Elle n’est donc pas spécialement ravie de devoir commencer à jouer les mécanos.

Elle n’avait pourtant pas vraiment le choix et alla chercher dans son coffre sa roue de secours et un cric. Elle installa d’abord le triangle réglementaire et retourna vers sa voiture. Elle tenta de placer le cric comme il faut et se mit à tourner pour dévisser les boulons. Enfin… à essayer. Impossible de faire bouger quoi que ce soit.

De rage, elle shoota dans le pneu et se fit, par la même occasion, mal. D’autant qu’elle venait d’abimer ses nouvelles chaussures.

« ARGH ! »

Hurla-t-elle, alors que ses cheveux volaient dans le vent. Les larmes lui montèrent aux yeux et elle se maudit, avant de se reprendre. Désespérée, elle alla s’asseoir sur le rebord du trottoir, sa tête entre ses deux mains, essayant de réfléchir à la solution la plus réalisable, sans s’énerver.

A califourchon sur le cuir de sa moto, Colin fendait l’air à une vitesse bien peu recommandable. Il venait de quitter le confort de la maison familiale pour se rendre dans un bar un peu après Milwaukee. Soirée ordinaire, dés que son père ou son frère débarquait à la maison, Col’ prenait la poudre d’escampette et cherchait un point de chute avec possibilité de boire de l’alcool jusqu’à plus soif. A peine s’était-il engagé sur la route qui menait à Milwaukee, l’œil de colin se retrouva attiré par une lumière au loin. Il ralentit par réflexe, il pouvait se montrer très imprudent mais avait parfois des sursauts de responsabilité.

Une fois plus proche de la lueur, Colin ne mit pas longtemps à comprendre qu’une voiture étai arrêtée sur le bas-côté avec à son extérieur une longue silhouette féminine.

La dernière fois qu’il avait croisée une voiture sur le bas-côté, Colin y avait retrouvé le corps inconscient de Rachel. Il avait fini par la réveiller et la sortir de là pour pouvoir la conduire à l’hôpital. Heureusement, la silhouette semblait plus énervée qu’angoissée. Il continua donc sa route lentement jusqu’à venir arrêter le bolide à côté de la jeune femme. Presque souriant, Colin remarqua le pneu à plat et la roue de secours abandonnée à côté. Il leva les yeux vers la conductrice et perdit alors aussitôt son petit sourire.

Il hésitât à repartir à toute vitesse, mais maintenant Andrea le regardait droit dans les yeux alors qu’il venait de retirer ses lunettes de route. Après ce qu’il avait entendu lors de la soirée de la Saint-Valentin chez les Stewart, Colin avait soigneusement évité le moindre contact avec la jolie brune. C’était comme avant en fait. Colin n’avait pas vraiment eut à faire d’efforts surhumains pour l’éviter d’ailleurs.

Là, il se sentait un peu coincé et une idée lui traversa l’esprit. Elle l’avait peut être fait exprès, c’était bien le genre de la fille de mettre au point un scénario du genre. S’il n’avait pas douté de l’honnêteté de la demoiselle, Colin aurait se serait sans doute contenté de l’aider rapidement, en silence, avant de reprendre sa route sans un mot. Pourtant, il quitta sa moto et retira son casque affichant un sourire défait. Colin était complètement éberlué.

« T’es pas croyable ! » lança-t-il un peu énervé. Non, il ne lui faisait pas un compliment.

Ayant aperçu un triangle signalisant une voiture en rade sur le bord de la route, Colin avait ralentie son allure jusqu’à atteindre la zone en question. Arrêtant le moteur de sa moto, il constata rapidement qu’il s’agissait d’une mauvaise surprise. La première réaction qu’il eut fut plutôt méchante. Il soupçonna Andrea d’avoir provoqué son avarie mécanique uniquement pour attirer l’attention de Cal ‘.

Elle se défendit très rapidement, usant d’un peu de sarcasme. Colin fut tenté de repartir comme Andy venait de lui proposer. Elle pourrait se débrouiller seule, avec un autre pigeon, puis il réfléchit. C’était ridicule de penser qu’elle avait provoqué tout ça, comment aurait elle pu savoir que le motard ferait ce chemin à cette heure.

« C’est bon, désolé, mais tu l’as cherché aussi ! » dit-il un peu énervé.

Jamais il ne se montrerait violent envers une femme. La seule fois où il avait un peu dépassées les bornes, Colin s’en était mordu les doigts. Il essayait encore de se faire pardonner. Pourtant, le fait qu’Andrea l’ait pris pour un dindon le mettait en colère. Il se contenta donc de parler d’un ton sec et de ne pas sourire.

Il se dirigea vers la voiture et leva rapidement le cric en place pour soulever l’engin afin de pouvoir changer la roue crevée. Il arrêta son effort et se releva. Il n’était pas le genre à se poser quinze milles questions, mais il ne pouvait s’empêcher de se questionner sur les intentions d’Andrea, ses réelles intentions.

« Qu’est ce que tu voulais exactement ? Et qu’est ce qui ce serait passé après ? Une fois que tu aurais eu ce que tu voulais ? »

Colin était encore perdu mais sur un autre chemin. Il se demandait pourquoi Andrea Morgan avait dépensé tant d’efforts pour le séduire. Elle pouvait avoir tous ceux qu’elle voulait, un de plus ou un de moins, Colin aurait-il fait une différence ?

« Oh, et puis laisse tomber, je m’en fous en fait. Je suis juste … désolé que Sam ait du souffrir à cause de toi. »

Il avait beau vouloir enfoncer son poing sur le visage de son frère à longueur de temps, cela n’empêchait pas Col’ de ressentir une certaine empathie pour lui.

Alors qu’Andy commençait à se demander pourquoi le sort s’acharne sur elle, Colin débarqua pour la sauver. Sauf qu’il y a quelques mois, elle aurait remercié le ciel pour cette offrande. Aujourd’hui, c’était plutôt un cadeau pourrit. D’ailleurs, il ne manqua pas de lui faire une réflexion à laquelle elle répondit de manière piquante. Comme si elle avait fait exprès de tomber en panne, non mais il est bête ou quoi ? Il s’excusa et elle haussa les épaules. Soi-disant qu’elle l’aurait mérité.

Sans qu’il ne dise rien de plus, ni même qu’elle ne lui demande quelque chose, il saisit le cric et commença à s’occuper à le placer. Par fierté, elle était à deux doigts de lui dire qu’elle n’avait pas besoin de son aide, sauf que ça n’est pas tout à fait vrai… Il se releva de lui-même et reprit la parole.

A la question de Colin, Andrea se rendit compte que, visiblement, il n’avait aucune idée de tout ce qu’elle avait pu ressentir pour lui. Est-ce qu’il croyait réellement qu’elle avait tenté de l’avoir uniquement par défi ? Ok, ça lui était déjà arrivé par le passé, et sans doute que ça l’attirait encore quelque part aujourd’hui. Mais c’était bien plus que du défi qu’Andrea Morgan avait ressenti pour lui.

Elle hésita un instant. Devait-elle se confier à présent ? Devait-elle lui dire la vérité ou bien continuer de se protéger ? De toute manière, il risquait de ne pas la croire alors pourquoi se dévoiler ? Elle se mordit la lèvre, alors qu’il lui demanda finalement de ne rien répondre.

« T’as beau me traiter de malhonnête, l’excuse du ‘je m’inquiète pour Sam’ l’est tout autant que ce que tu peux me reprocher. »

Il est de notoriété publique que les deux frères ne s’entendent pas du tout. Du coup, Andy a un peu de mal à croire en la bonne foi du motard.

« Et si je lui avais dit que je craque pour toi depuis des mois, que je rêve de toi et que je serais prête à n’avoir que toi, tu crois que ça ne lui aurait pas encore fait plus de mal ? »

Demanda-t-elle, extrêmement sur la défensive. Certes, elle était devenue amie avec Samuel pour les mauvaises raisons, mais elle l’appréciait énormément à présent et il lui manquait beaucoup. Quoi qu’elle ait fait, elle aurait fini par le blesser. Alors elle aurait pu lui révéler la vérité, mais elle avait choisi la solution de facilité. Tant qu’il ne savait pas, il ne pouvait pas souffrir.

Le hasard n’était pas vraiment de son côté pensa Colin alors que la demoiselle en détresse sur le bord de la route se trouva n’être personne d’autre qu’Andrea Morgan. Il n’allait tout de même pas fuir bien que ce fut sa toute première idée. Il supposa un instant qu’elle avait organisé cette rencontre avant de réaliser la stupidité de cette hypothèse.

Après quelques mots, le jeune homme s’appliqua à commencer le dépannage en silence. Il s’arrêta soudainement, un peu excédé par toute cette histoire, il avait le sentiment d’avoir été floué. Il alla même jusqu’à invoquer les souffrances de son frère pour qu’Andy se sente encore plus mal. Il ne voulait pas consciemment la blesser, mais c’était plus fort que lui, œil pour œil, dent pour dent.

Il ne répliqua pas tandis qu’elle l’accuser d’être aussi malhonnête qu’elle et écouta attentivement ce qu’elle avait à dire. Ce qui vint le troubla néanmoins. Il resta silencieux un instant. Étrangement, il avait envie de la croire, mais il avait décidé qu’elle était cette Andrea Morgan qu’il avait toujours connu et il refusa de se laisser piéger.

« Tu essayes de me faire croire que c’est une question de sentiments ? » demanda-t-il incrédule, presque moqueur.

Il avait toujours cru qu’elle avait qu’un cœur de pierre c’était pour cela qu’il n’avait jamais cherché à la connaitre. Colin était prosaïque, si quelqu’un ne lui revenait pas, il ne cherchait pas plus loin. Finalement, ce bal masqué n’avait joué qu’en la faveur de cette manipulatrice.

Le motard s’activa à changer la roue, il voulait en finir rapidement avec cette conversation et revenir à la vie normale, sans elle. A nouveau agacé, il s’arrêta et se rapprocha d’Andy. A peine à quelques centimètres de son visage, il n’avait pas besoin de parler bien fort pour ce faire entendre.

« Je ne sais pas qui tu es. La fille sans cœur qui ne cherche que des aventures ou la gamine fragile qui se cache derrière une réputation toute faite. »

Il parlait calmement mais ne souriait pas, le manque de sincérité dont elle faisait preuve, du moins comme il l’imaginait, l’avait poussé à jouer carte sur table.

« T’es en train de tout paumer Andy, il serait temps que tu sois vraies et surtout que tu fasses tes preuves. »

Col’ détestait les donneurs de leçon, mais il n’avait pas pu s’empêcher de lui dire cela. Ces mots valaient aussi bien pour ce qu’il avait entendu à la soirée que pour les cachoteries qu’elle faisait à Sam. Son ton était d'ailleurs plus celui d'une menace que d'un conseil.

Colin se serait sans doute passé d’une telle confrontation avec Andrea. Chercher l’affrontement pour une broutille face à un autre mec, ça ne le dérangeait pas le moins du monde, au contraire, ça n’avait rien avoir face à la jolie brune. Il avait commencé à lui faire confiance, à bien vouloir croire qu’elle n’était pas cette fille sans cœur dont elle avait l’air. Et tout s’était écroulé un une phrase.

Pour Colin, il n’avait pas sauté aux conclusions trop rapidement, il n’imaginait même pas que ce qu’il avait entendu lors de la soirée de la saint valentin était une réplique bien choisie dans le jeu de comédienne d’Andrea.

D’après ce qu’il pouvait comprendre, Andy avait des sentiments pour lui, du moins c’était ce qu’elle voulait lui faire croire, bien entendu, il ne s’empêcha pas d’émettre un doute.

« Ouais, t’as raison, je peux pas comprendre. » répliqua-t-il sèchement.

Il continua de secourir la jeune femme par politesse puis s’arrêta à nouveau. Il ne pouvait pas s’empêcher de réclamer des explications. Sans doute ne serait-il jamais allé à sa rencontre sans ce hasard complet.

Il s’était approché de la jeune femme sans même en avoir conscience, comme s’il voulait lire la vérité dans se yeux. Colin n’était pas vraiment doué pour ces trucs de sentiments et d’émotions, mais il en avait, lui aussi, comme tous les êtres humains. Alors qu’il exposait son point de vu un peu sèchement, Andrea se mit à sourire. Pour une fois, Col’ lu l’ironie dans ses yeux.

Il ne savait plus à quoi se fier. Il ne connaissait pas Andrea et n’avait jamais vraiment cherché à la connaitre. Et de toute façon, même si elle était bien moins salope qu’elle n’essayait de le faire croire, cela n’aurait rien changé. Que lui aurait-il dit à la soirée des Stewart s’il n’avait pas surpris cette conversation avec Tara ? Colin n’en avait aucune idée. Quelque part, il avait été plutôt heureux de découvrir qu’elle l’avait choisit, mais ça n’aurait sans doute mené nulle part.

Nerveusement, Col’ passa sa main dans ses cheveux, il n’imaginait pas un avenir pour lui seul, alors avec une fille ?

Les derniers mots d’Andrea, Colin voulait bien les croire, au fond de lui, il savait qu’il avait eu la chance d’entrevoir la véritable Andrea. Elle lui manquait même un peu. Le motard resta silencieux un moment, soutenant le regard d’Andy, il était incapable de trouver une réponse. Peut être n’y en avait-il pas.
Il avait l’habitude d’être attiré par le danger, rouler à tombeaux ouverts sur sa moto, boire et déclencher des bagarres au hasard avec des mecs bien plus forts que lui, tout ça c’était son quotidien, se mettre en danger pour se sentir vivant. C’était la même chose avec Andrea, lui faire confiance malgré tout était un grand risque et plus il la regardait, plus il avait envie de goûter à ce danger.

Le garçon baissa les yeux une seconde et recula, retournant silencieusement à la roue qu’il venait de changer pour terminer le travail.

Ce n’était certainement pas Andrea qui avait séparés Colin et Samuel. Le climat entre les deux frères n’avait jamais été au beau fixe de toute manière. C’était en effet faire preuve de mauvaise foi que de lui mettre tout ça sur le dos.

Froid, Colin se remit au travail : pour changer la roue, après tout il n’était pas du genre à discuter et s’épancher sur ses sentiments. Il regardait tout de même de temps à autre Andrea du coin de l’œil. Il ne savait plus quoi penser mais l’avait-il su un jour ?

Le ton de la voix d’Andy s’adoucit pour lui dire qu’il n’était pas obligé de l’aider. C’était vrai, il aurait pu partir en apercevant qu’il s’agissait d’elle. La laisser tomber au milieu de la campagne et attendre que quelqu’un d’autre croie à son baratin. Mais Colin n’était pas non plus un total goujat, enfin, il l’était la plupart du temps mais lorsqu’il avait l’occasion de se montrer plus fort, il n’en ratait pas une.

L’expression sur son visage changea aussi, un léger sourire naquit au coin de ses lèvres et il arrêta de visser la nouvelle roue.

« T’inquiète pas. » dit-il plus calme.

Les battements de son cœur avaient ralentis pour revenir à la normal. Il termina donc le boulot, remisa la roue crevée dans le coffre, rangea le bric-à-brac jusqu’à fermer le coffre de la bagnole. Il s’essuya les mains sur son jean et retourna vers Andrea, en silence. Il hésitât à la prendre dans ses bras, se ravisa ne comprenant pas cet élan d’affection qu’il avait envie de lui montrer.

Andrea avait une personnalité complexe, Colin n’était pas sûr d’avoir envie de revenir en arrière, à cette époque où il ne lui adressait qu’à peine la parole la prenant pour une petite manipulatrice sans cœur.

Il resta donc planté devant la jeune femme sans bouger, détaillant du regard son visage. Col’ pouvait partir, elle ne le retenait pas.

Il avait l’habitude de se montrer distant et froid avec à peu près n’importe qui sauf Olivia, pourtant, Andrea avait finit par réussir à attirer son attention, Colin de comprenait pas comment il avait pu se laisser avoir ainsi. Colin n’avait pas vraiment tout compris de l’histoire mais l’essentiel ne lui plaisait pas en tout cas.

Lorsqu’il avait découvert qu’il s’agissait d’Andy en panne au bord de la route, il avait déchanté, encore une fois. C’était l’occasion de s’engueuler. Il lui avait demandé des explications mais ne l’avait pas vraiment écoutée. Au lieu de cela, Col’ s’était contenté de s’activer sur la roue à changer parce qu’il avait un minimum de savoir-vivre.

Quelque part, le temps de changer la roue, Colin avait vu son animosité envers Andrea diminuer un peu. Une fois fait, il se dirigea même vers Andrea et resta devant elle, interdit, l’espace d’un instant. Quelque chose au fond de lui essayait de comprendre la demoiselle, il voulait croire qu’elle était bien cette fille fragile qu’il avait pu apercevoir plusieurs fois.

Andrea le remerciât, elle avait l’air intimidé. Le visage sans expression, Col’ cligna des yeux et fit volte face.

« Ouais, c’est ça… bon vent. » dit-il avant de se remettre à califourchon sur sa moto, le casque vissé sur le crâne démarrant à toute vitesse comme d’habitude.

♦ FIN ♦