Deux semaines s’étaient écoulées depuis la Saint-Valentin et par une belle matinée ensoleillée du début du moins de mars, l’agent immobilier avait décidé de continuer sa reconstruction. La jeune femme s’était levée, et avait été courir. Elle était rentrée prendre une douche, puis s’était un peu chouchoutée : crème hydratante, divers soins, etc. Elle avait diné et en début d’après-midi, décidé d’aller promener Harrison. Elle n’avait rien de spécifique de prévu en ce samedi. Il faut dire qu’elle est bien esseulée depuis quelques temps. L’a-t-elle cherché ? Peut-être, mais elle n’a rien fait de pire ces derniers temps que ce qu’elle n’a fait dans le passé. Ce sont donc les autres qui ne sont pas très cohérents. S’ils l’aimaient et l’acceptaient telle qu’elle était il y a quelques semaines, pourquoi cela avait-il changé ? Après tout, personne n’était réellement sur qu’elle avait raconté des bobards concernant l’affaire Hansen. Après tout, elle a autant droit à la présomption d’innocence que lui.

Elle s’approcha du complexe scolaire, n’ayant pas de lieu précis à visiter. Sa rue étant fort proche de St Oakes Street, elle serra les dents lorsqu’elle vit un blondinet sur trottoir d’en face. Il était loin, mais elle pouvait reconnaitre sa démarche. Le cœur de la jeune femme se serra et elle porta toute son attention sur le chien, prête à le nier totalement ou du moins à lui faire croire qu’elle ne l’a pas vu.

Le cœur battant, elle se rapprochait de plus en plus, alors qu’Harrison se mit tout à coup à aboyer.

« Chhhut, Harry ! »

Lui ordonna-t-elle, le plus bas possible, espérant que Sam’ ne l’ait pas repérée. De toute façon, s’il l’avait vue, elle était sure qu’il n’avait pas envie de lui parler, sinon pourquoi aurait-il nié son message de la soirée Saint-Valentin. Elle avait pris son courage à deux mains en reconnaissait qu’il lui manquait. Ce n’est pas le genre de choses qu’ils se disent d’habitude. Leur relation n’est, en tout cas en surface, pas aussi profonde que cela.

Seulement le chien n’en fit qu’à sa tête et commença à furieusement tirer sa maitresse pour traverser la rue. Déséquilibrée, du haut de ses hauts talons, la jeune femme n’eut que deux solutions possibles : un se laisser tomber et se ramasser ou deux laisser faire à son chien trop grand pour elle ce qu’il souhaitait. Harrison traversa donc la rue, sous le regard inquiet de sa maitresse pour aller se jeter dans les pieds de Samuel Austin.

« Harrison, reviens ! »

Tenta-t-elle de lui ordonner, ne levant pas les yeux vers son ancien ami.

Ce n’est qu’une poignée de jour après la St-Valentin que Samuel a eu un nouveau téléphone portable. Par la même occasion, il a reçu le fameux message d’Andrea, prétendant qu’il lui manquait. Sans vraiment savoir pourquoi, il était resté de longues minutes à fixer son écran, sans savoir quoi faire. Au fond, il avait eu très envie de l’appeler, de la voir, de la serrer dans ses bras. Mais de l’autre, il savait qu’elle se fichait de lui, depuis le début. Ce message n’était qu’une façon désagréable d’enfoncer le clou, de lui faire un peu plus de mal, de continuer l’humiliation. Même si ce n’était pas vraiment nécessaire après le message de Giving Love sur le fameux blog ~

Alors il s’est décidé à ne rien entreprendre, se contentant de se concentrer sur la musique et les opportunités qui se présentent afin de ne pas en louper une seule. Pour l’instant, on ne peut pas dire que ça porte ses fruits, mais ça viendra avec le temps et suffisamment de patience. Il a beau avoir vingt-six ans, il refuse de croire qu’il est trop tard pour lui. Qui plus est, sans cela, que lui restera-t-il ? Strictement rien. A part l’argent de ses parents et la possibilité de boire pour oublier…

Enfin, heureusement, le jeune homme n’en est pas encore là. Ses rêves l’aident encore à se lever tous les matins. En ce samedi, d’ailleurs, après avoir déjeuné, puis joué un peu de la guitare, il décide de sortir de ce qui lui sert de chez lui mais qui ressemble d’avantage à une prison à ses yeux. Les mains dans les poches, il se laisse guider par ses pas. Aller acheter des sucreries au tabac au centre ville lui semble être une excellente idée. Ce n’est que lorsqu’un chien débarque de nulle part qu’il se tire de ses rêveries. Un sourire se dessine sur ses lèvres quand il le reconnaît. Sam s’accroupit pour le caresser.

— Hé Harrison, qu’est-ce que tu fais là hein ? »

Evidemment, ce n’est pas comme si l’animal va lui donner une réponse concrète, mais parler aux animaux, c’est quelque chose que font les gens d’instincts sans doute. Même si, en soi, c’est complètement ridicule. Il reste à sa hauteur et jette un coup d’œil aux alentours pour finalement remarquer une jeune femme en particulier. Son cœur se resserre légèrement. Incapable de dire ce qu’il ressent sur l’instant, ça fait un bout de temps qu’il ne l’a pas vu…

— Alors mon vieux… Tu crois que ta maitresse aura le cran de venir te chercher où qu’elle va t’abandonner là ? »

Son attention se reporte sur Andrea, de l’autre côté de la rue. Il se relève doucement, attendant de voir ce qu’il va se passer désormais. Surtout que le toutou n’a pas du tout l’air décidé à retourner vers elle x)

S’il n’a jamais eu d’animal de compagnie lui-même, Samuel n’a rien contre eux. Au contraire, il les trouve plutôt adorable dans leur genre et puis, celui qui s’approche de lui en aboyant joyeusement, il a l’air de se souvenir de lui, ce qui ne peut que faire plaisir au musicien. Pourtant, cela fait un bon moment qu’il n’est pas passé chez Andrea Morgan. D’ailleurs, la possibilité de voir cette dernière, d’être contraint de lui parler ne le réjouit pas particulièrement, pas après tout ce qu’elle lui a fait. Cette fille s’est impunément servie de lui, elle l’a toujours pris pour un clown, un gamin immature, se forçant à sourire en sa compagnie dans le seul but de se rapprocher de son grand frère. Ce plan était stupide en soi puisque les deux ne sont pas proches, mais, apparemment, à en juger par le choix de Colin lors de la St-Valentin, ça avait marché…

Le jeune homme caresse Harrison, lui parle un instant, avant de se relever et de regarder sa maitresse. Cette dernière finit par traverser la rue pour les rejoindre. Comme quoi, elle est capable de se comporter en personne un minimum civilisée. Enfin, si elle est capable de supporter la présence de Sam, c’est juste pour récupérer son chien, il en a conscience. Les battements de son cœur s’accélèrent légèrement mais le garçon fait comme si de rien n’était. Il est davantage en colère contre elle que ce qu’elle lui manque.

— Salut. T’en fais pas, c’est rien. »

Répond sincèrement Samuel sans que la jeune femme ne daigne lui décrocher un regard ou d’autres mots. Evidemment, elle n’a plus besoin de faire semblant de l’apprécier maintenant qu’elle lui a brisé le cœur en mille morceaux et qu’elle a obtenu ce qu’elle voulait.

— Faut pas lui en vouloir, ça fait longtemps qu’on s’est pas vu… »

Il hausse les épaules, espérant vraiment qu’elle ne va pas le faire piquer pour ça. Mais bon, ce ne serait pas si étonnant, après tout, elle est un parfait exemple de veuve noire. Sans foi ni loi. Sans sentiments, d’une froideur qu’il n’avait jusqu’alors pas remarqué. Cela dit, ce n’est pas parce qu’elle est belle que ça lui donne le droit de se servir des autres. Sam s’en veut de ne pas être complètement indifférent à sa présence. Andy, par contre, semble très bien le vivre puisqu’elle l’ignore royalement.

C’est cela qui pousse Sam à reprendre la parole, sans faire le moindre effort de sympathie. Il cherche juste à la faire réagir.

— Alors, comment va Colin ? »

Sa mâchoire se crispe légèrement. C’est plus fort que lui. Et non, Sam n’est pas au courant de ce qu’il s’est passé à la soirée, et comme il n’a pas le moindre contact avec son frère – qui pourtant vit sous le même toit – il se contente de faire avec les infos rassemblées. A savoir, que Colin a choisi Andrea, qu'Andrea a choisi Colin. Et que lui, il s'est fait humilié sur la place publique.

Revoir Harrison fait doucement sourire Samuel, en tout cas jusqu’à ce que la maitresse de ce dernier ne fasse son apparition et ne coupe court à toute forme de bonne humeur qui aurait pu l’habiter. Le plus horrible est sans doute qu’il tient encore énormément à elle, bien plus qu’il ne le devrait. Ça le rend dingue – dans le mauvais sens du terme – de s’être fait manipuler, et encore plus d’être assez stupide pour, limite, en redemander.

— Ah ouais ? Je pensais pas que t’irais aussi loin juste pour te taper un mec…

Mais je salue la performance, ça a dû te demander énormément d’efforts de supporter mon immaturité aussi longtemps, de te forcer à en rire et tout le reste. »

Son air reste renfrogné. Il n'aime pas son frère, mais il n’a aucune raison de mettre ses paroles en question. A la limite, Sam aurait pu vivre avec le fait qu’Andrea le considère comme un ami. Mais non, il n’est même pas suffisamment bien pour mériter ce titre. Il n’était que le clown de service, le gamin sans aucun intérêt qu’elle se coltinait dans le secret espoir d’écarter les cuisses pour Colin. Il n’a pas la moindre idée de la tournure qu’a prise la soirée de la St-Valentin. Lui, il est persuadé qu’elle est arrivée à ses fins. C’est la suite logique puisque Colin l’a également choisi. Un joli petit couple, tellement mignon que ça lui donne la nausée. Si l’agent immobilier se fiche du motard, selon ses dires, c’est forcément qu’elle a eu ce qu’elle cherchait.

S’il déteste autant l’autre garçon qui porte le même nom de famille que lui, c’est sans doute de la pure jalousie. Alors non, il n’ira jamais jusqu’à admettre qu’il aimerait être à sa place, mais il n’empêche que Colin a eu tout ce que Sam méritait ou aurait pu avoir en d’autres circonstances. Et on n’est même pas obligé d’inclure Andrea pour démontrer ce fait. Leurs parents l’ont toujours chouchoutés, privilégiés. Tout ce qu’il faisait était génial alors que du côté de Sam, ça n’était jamais assez bien. Il a eu toute leur attention tandis que leur fils biologique était laissé sur le carreau. Et ça continue, encore et encore puisqu’ils n’arrêtent pas de le comparer à Colin. Sans prendre une seule seconde en compte qu’ils sont dans la même situation, tous les deux sans emplois. Ni même que celle de Colin est pire, en fait, puisque Sam, lui, au moins, à des projets, des envies dans la vie et ne se laisse pas juste bêtement aller. Mais la musique, c'est ridicule... Tandis que de faire des tours en moto sans but, c'est tellement génial ~ 

Sam est passablement surpris quand Andrea évoque sa meilleure amie. Il ne comprend pas du tout ce qu’elle a à voir là-dedans. Mais ça ne l’empêche pas de répliquer pour autant.

— Quoi Tara ? Ça t’emmerderais tant que ça que je la saute ? »

Demande Sam, on-ne-peut-plus vulgaire. En réalité, il ne s’est rien passé entre lui et Tara. Enfin si, il a tenté de l’embrasser à Nouvel-An, mais on ne peut pas dire que la jeune femme se soit montrée très réceptive. C’est même tout le contraire puisque l’assistante médicale ne s’est pas gênée pour le repousser et déguerpir en quatrième vitesse…

Le problème est sans doute qu'Andrea doit trouver qu’il n’est pas suffisamment bien, même pour Tara. Logique, elles sont meilleures amies, elles chassent dans la classe "d'au-dessus". Le clown de service ne leur arrive même pas à la cheville ><

Le chien d’Andy provoque une discussion bien désagréable entre la jeune femme et Samuel qui est, évidemment, incapable de se taire ou de faire comme si de rien n’était. Lui, il en a souffert et se montrer désagréable est une façon de le lui faire payer, ou de le lui faire comprendre peut-être ~

— La faute à qui ? Moi, j’ai toujours été sincère et honnête avec toi… »

Lui reproche Sam. Il s’est senti profondément trahi par sa belle parce qu’il l’apprécie plus que de raisons. Alors, peu importe qu’elle ne lui donne jamais une véritable chance avec elle, il espérait, qu’au moins, ils étaient un minimum amis. De son côté, tous les moments qu’ils ont passés ensemble étaient tout simplement géniaux. Mais non… Andy n’a pas dû le vivre de cette manière. Sam soupire quand la jeune femme commence son petit numéro de : je suis au-dessus de tout le monde et t’es trop bête pour comprendre de toute façon. Il aurait dû s’y attendre.

— La vérité je l’ai déjà entendue t’en fais pas. Une manière comme une autre pour ton cher Colin de prendre le dessus sur moi. »

Explique brièvement le jeune homme, se remémorant la fin de l’année précédente alors qu’il s’est battu avec son grand frère. C’est pour cette raison qu’il n’avait plus cherché à voir Andrea par la suite. Et puis, cette dernière n’en avait vraisemblablement strictement rien eu à faire puisqu’elle n’avait pas fait le moindre pas en sa direction non plus. La jeune femme commence sérieusement à l’agacer, d’autant plus quand elle avance clairement que c’est de sa faute, que c’est lui qui s’est mis dans cette situation tout seul. Andrea n’a peut-être pas tort, Sam n’aurait jamais dû donner autant de crédit à une femme comme elle, lui donner autant d’importance dans sa vie, croyant bêtement que les autres avaient torts et qu’elle ne s’arrêtait pas à une garce manipulatrice.

— J’en ai rien à foutre d’elle. »

Il la coupe, parce que c’est un détail important à ses yeux. Non pas qu’il cherche à la rassurer sur le fait que la place est toujours libre, mais peut-être un peu. De toute façon, il fait tout faux avec Andy depuis le début de leur relation. Ce n’est pas avec un faux pas de plus qu’elle changera d’avis sur lui puisque ce dernier a toujours été très négatif.

— Je t’ai jamais vu comme ça moi. Evidemment, j’aurais dû me méfier que tu sois pas comme ça avec moi. Ce que je peux être con… »

Lâche-t-il, excédé. Il soupire, passe une main dans ses cheveux pour les remettre en place l'air de rien. Alors oui, il allait voir d’autres filles, oui, il savait aussi que, de son côté, Andy se faisait sauter par qui elle voulait. Mais cela n’empêche pas que c’était elle, elle et personne d’autre à qui il pensait sans cesse. Maintenant, c’est encore bien souvent le cas, mais il essaie de s’en empêcher, de passer complètement à autre chose. Ce n’est pas chose facile, mais il finira bien par y parvenir.

Tout cela le fait rire doucement. Sam imagine déjà la brune confirmer ses dires. Après tout, il a été le dindon de la farce dans cette histoire. Le gars vraiment naïf qui s’implique et qui fait tout pour une fille qui doit bien en rire derrière son dos et trouver ça pitoyable. C’est rageant ~

(a)

Lorsque Samuel n’avait pas répondu à son message, à la soirée de Saint-Valentin, et qu’en plus elle avait été jetée par Colin, la jolie brune avait fini la soirée au bar, seule, à envoyer péter tous les hommes qui s’approchaient pour soi-disant l’aider à rentrer chez elle. Même complètement jetée, elle pouvait se douter de ce qu’ils avaient derrière la tête. D’habitude, ça ne l’aurait pas gênée, et elle aurait choisi un pas trop mal pour terminer la nuit de façon positive, sauf que ce soir-là, elle avait eu l’alcool triste. Elle avait perdu toutes les personnes qu’elle aimait et la cause de ses problèmes portait un seul nom : Tara.

Aujourd’hui, elle savait qu’en revoyant Samuel, ça ne se passerait pas bien. Elle avait trop de rancœur envers lui que pour être agréable. Visiblement, lui aussi avait tout un tas de choses à lui reprocher.

« Genre j’ai passé mon temps à mentir et à raconter n’importe quoi ? Si ça avait été le cas, j’aurais moins fait la chieuse pour moins prendre le risque de te déplaire, mon vieux ! »

Il était temps qu’il ouvre les yeux. Il n’arrête pas de la critiquer, de la traiter de menteuse, mais Andy a beau de fait être la reine des stratagèmes et manigances en tout genre, elle ne passe pas non plus son temps à mentir et raconter n’importe quoi. Surtout lorsqu’elle apprécie quelqu’un, comme c’est le cas avec Sam. Visiblement, Colin lui a raconté des choses, et plutôt que de se défendre, elle parada. De toute manière, si elle s’expliquait, il serait bien trop en colère que pour la comprendre… ou au moins la croire.

« La vérité sur ma manière d’agir ne saurait sortir que de ma bouche, Sam. Je ne sais pas ce que Colin t’a raconté, mais c’est pas les trois fois qu’il m’a parlé qu’il aurait pu faire le tour de mes pensées et de ma personnalité ! »

Elle n’avait que très peu parlé de Sam à Colin. Elle lui avait juste expliqué qu’il n’y aurait jamais rien de plus que de l’amitié entre eux. Mais pourquoi diable l’ainé avait-il parlé d’elle au cadet ? Pourquoi aussi l’avait-il indiquée à la soirée ? Elle ne comprend rien à ce garçon.

« C’est pas l’impression que tu m’as donnée au Nouvel An. Quand moi tu m’as complètement ignorée pour passer ta soirée avec elle. Et après JE suis la pire amie du monde ? »

C’était un peu l’impression qu’il lui faisait. Comme si elle était une personne horrible. Elle peut peut-être l’être, quand on lui fait du mal, et avec les personnes qu’elle n’aime pas, mais Sam, elle ne lui veut vraiment que du bien.

« Sam, tout le monde me voit comme ça. Je suis une garde dans un corps de déesse. Point. Je me vois comme ça aussi. J’ai aucun problème avec ça. Mais ça fait des mois qu’avec toi je n’ai pas l’impression d’avoir agit de la sorte. »

Elle ment un petit peu, lorsqu’elle prétend être juste une garce, mais elle n’a pas envie d’expliquer qu’il s’agit d’une protection qu’elle se met pour éviter de souffrir de rejet, à nouveau.

« La preuve, je vais te rendre un grand service. »

Elle commença à déboutonner les premiers boutons de son chemisier mauve pâle, avant de lui expliquer.

« Tu veux reprendre le dessus sur Colin ? Fais-moi l’amour maintenant tout de suite. Après tout c’est ce que t’as toujours voulu et tu m’auras eu comme lui ne m’aura jamais eue. »

Aux yeux de Samuel, les arguments qu’avancent Andrea ne sont pas valables pour un sou. Ça a tendance à le mettre d’autant plus de mauvaise humeur qu’elle le prenne continuellement pour un idiot. Alors oui, il l’a été sur ce coup-là, mais ce n’est pas une raison pour continuer encore et encore, inlassablement, tout comme avec ce fichu message qu’elle lui a adressé à la fête, sans doute juste pour l’humilier un peu plus.

— Ou alors t’as compris que j’avais un faible pour les chieuses dans ton genre. »

Se contente-t-il de répliquer, d’accord sur le point que miss Morgan n’est pas facile à vivre, ni même à satisfaire quand il s’agit de sortir, ou de faire dans l’originalité. Sam a toujours eu l’impression d’y parvenir, mais en fait, ça aurait été beaucoup trop simple…

— Alors vas-y, éclaire-moi. Tu vas surement dire que t’as jamais dit à Colin à quel point tu me trouvais immature ni le fait que t’en avais rien à foutre de moi.

Y a un truc que t’as pas dû capter, c’est pas parce que t’es une belle femme que t’as le droit de te servir des autres à ta guise. En tout cas, avec moi ça marche plus. »

Son égo en a pris un coup quand son grand-frère a pris un malin plaisir à le remettre à sa place. Andy n’en avait rien à foutre de lui. Les pièces du puzzle s’était assemblée par la suite. Sam se rend compte désormais, de son comportement bizarre, du fait qu’elle refusait à chaque fois ses approches, même amicales quand ils étaient à Great Falls ou à proximité d’endroits où Colin pourrait se trouver. C’est pour dire à quel point elle a honte ~ Lui cracher sa rancœur au visage n’a même pas d’effet apaisant du côté de Samuel.

Et la voilà qui repart sur le sujet « Tara ».

— J’sais pas si t’es au courant. Mais déjà, si tu l’avais pas laissée en plan, ça serait pas arrivé. Et deuxièmement, elle m’a planté comme un con. Tu vois, vous en avez des choses en commun toutes les deux. »

Grogne le garçon, prenant à moitié la défense de l’assistante médicale. Il ne s’en rend pas vraiment compte, parce qu’il est énervé, que ça n’a pas de sens, mais on dirait bel et bien qu’Andrea est jalouse. Il ne peut que rire quand elle prétend ne pas avoir agi comme une parfaite garce avec lui. La seule différence est peut-être que son numéro était mieux rôdé, plus subtile qu’avec les autres… En tout cas, lui n’a plus l’impression d’être privilégié, au contraire, il a plutôt l’impression d’être le roi des abrutis.

Sans vraiment comprendre où elle veut en venir, le musicien fronce les sourcils. Il la voit déboutonner son chemisier. Au lieu de baver sur la vue qu’elle s’apprête à lui offrir, le garçon – gentleman pour une fois dans sa vie – lui attrape gentiment les poignets pour l’arrêter dans sa lancée. C’est d’un air très sérieux et en plongeant son regard dans le sien qu’il reprend la parole.

— T’as vraiment rien compris hein ? Il a jamais été question de ça Andy… »

Elle n’a vraiment pas idée de l’ampleur de ses sentiments à son égard, ni même de cette profonde jalousie qu’il ressent à l’égard de Colin à cause de ça. Avant, il ne se prenait pas vraiment la tête avec parce que la jeune femme incarnait simplement la fille idéale à ses yeux, peu importe s’il ne l’avait jamais. Et puis, quand il a compris ces petites manigances, tout lui est violemment revenu en pleine face. Alors oui, évidemment qu’il a envie de lui faire l’amour. Mais se contenter de cet acte est impossible, ça ne suffit pas. Il la voulait elle, tout entière et sans concession possible… Sam se fichait pas mal qu’elle couche à droite et à gauche, tant qu’elle ne s’approchait pas d’une seule personne qu’il déteste plus que tout au monde… Elle a tout fichu par terre en choisissant son frère.

C’est plutôt étrange de l’avouer alors qu’il a eu tant de peine à le croire lui-même. Il se sent complètement stupide, pris au piège ~

Et dire qu’ils étaient si proches à un moment donné. Evidemment, les attentes de Sam à l’égard d’Andrea ont toujours été plus grandes que celles de la jeune femme pour lui. Mais ce n’était qu’un simple détail. Il aurait pu vivre avec le fait qu’elle voit d’autres hommes, tout comme avec le fait qu’elle ne lui donne pas une chance. En revanche, il ne peut tout simplement pas supporter qu’elle préfère son frère, ni même qu’elle se soit moquée de lui de cette manière pendant si longtemps. Il hausse les épaules, à vrai dire, rien de ce qu’elle dira ne lui fera changer d’avis. Pas même cette histoire de message qu’elle met sur le tapis à l’instant.

— Le temps qu’on me change mon portable, je l’ai vu trois jours après ton foutu message. Et j’en sais rien, parce que mon humiliation publique était pas suffisante pour mademoiselle ? »

Crache le garçon, ne voyant pas d’autres explications plausibles. Le message qu’il a envoyé à ce blog était lui aussi très claire. Tout comme celui d’Andrea qui ne s’est pas gênée pour choisir son frère. Connaissant la relation qu’entretiennent les deux Austin, elle doit savoir qu’on ne peut pas avoir les deux, et elle avait choisi son camp. Le mauvais.

— De toute façon qu’est-ce que ça peut te foutre ? Je te dois rien à ce que je sache. Et puis, on a toujours été juste potes, non ? Remember, c’est pas moi qui t’intéresse… »

Ces histoires avec Tara ne l’intéressent absolument pas. En revanche, ce qu’il en retient c’est qu’il a bel et bien le droit d’essayer de se rapprocher de qui il veut. Peut-être a-t-elle eu peur qu’il ne jette la blondinette comme une vieille chaussette après l’avoir mis dans son lit. Ça serait probablement arrivé si cette dernière n’avait pas refroidi ses ardeurs et n’était pas partie, limite en courant.

La suite est bien surprenante. Sans comprendre pourquoi elle fait une chose pareille, Sam voit la jeune femme commencer à se déshabiller au milieu de la rue. Déjà, ça le met assez mal à l’aise parce qu’il n’a pas envie que qui que ce soit la voit, ensuite, il se voit dans l’obligation de se comporter en véritable gentleman. Andrea ne le mérite pas, il ne devrait pas se gêner pour « prendre » ce qu’elle daigne lui offrir. Mais non. Ce n’est pas ça qu’il veut et il ne tarde pas à le lui dire de vive voix, saisissant doucement ses poignets.

Son regard ne lâche pas une seule seconde celui de son interlocutrice qui semble… vexée. Pourtant, il n’essaie pas de lui dire qu’elle n’est pas attirante. Sam n’est pas et n’a jamais été le garçon le plus doux ou le plus romantique qui soit, c’est sûr. Il a plutôt tendance à essayer de se protéger d’une manière ou d’une autre. Mais là, sur le moment, il fait des efforts, il laisse bêtement parler son cœur même s’il y a de grandes chances pour qu’Andrea le piétine à nouveau.

Il lâche ses poignets et se rapproche d’elle, sa main droite vient caresser sa joue. Quand il reprend la parole, c’est d’une voix nettement plus douce. Sans doute parce qu’il est très sérieux.

— Bien sûr que je te désire, plus que n’importe qui. Mais c’est pas suffisant, c’est pas juste ton corps que je veux, c’est toi… tout entière.

Tu le saurais si tu m’avais laissé une chance ~ »

Elle est très attirante, très sexy et en a conscience, alors comment peut-elle douter du fait qu’il la désire ? En revanche, il ne peut pas s’en contenter, comme il le dit si bien. Il aurait aimé s’endormir à côté d’elle en la serrant contre lui, l’embrasser sur la tempe, lui apporter le déjeuner au lit. En fait, c’est complètement niais, mais il aurait fait n’importe quoi pour elle

Une fois dit, il retire bien vite sa main et recule légèrement. Il part à rire d’une manière nerveuse, passe une main sur sa nuque.

— T’es bien la seule à pas t’en être rendue compte. Mais peu importe, c’est trop tard... »

De toute façon, au point où Sam en est rendu, il ne peut pas tomber plus bas. Pour cette raison, quand Andrea reprend la parole pour faire mine de s’excuser, il ne réfléchit pas de deux secondes avant de répliquer et de lui faire comprendre ce qu’il s’est réellement passé. Il grogne légèrement, toujours d’une sale humeur. Ou plutôt, de plus en plus.

— En panne ? Non. Je l’ai balancé contre un mur à la soirée. C’est pas solide ces saloperies de smartphone. »

La jalousie l’a poussé à faire un geste aussi stupide. Sam n’a rien contrôlé sur le coup. Il a ressenti une telle vague de sentiments négatifs sur l’instant qu’il n’a rien trouvé de mieux à faire que de jeter le premier objet à portée. Mais ça n’avait malheureusement pas réussi à calmer son amertume, ni même à l’aider à se sentir mieux. Alors, il avait fini par s’en aller, terminer la soirée ailleurs en se mettant minable comme il se doit !

— Nous mets pas dans le même panier. T’as aucune raison de te plaindre, ton « Valentin » t’as choisi en retour si t’as déjà oublié. »

Lui fait remarquer Sam, l’air mauvais. Le perdant dans l’histoire, c’est lui. Lui et lui seul. Mais ça ne date pas d’hier, il l’a compris pendant la période de Noël alors que c’est censé n’être que joie, bonheur et partage. C’est à ce moment-là que Colin lui avait ouvert les yeux sur la véritable nature de la jolie brune en face de lui. Il lui avait fait remarquer qu’elle ne faisait que se servir de lui et qu’il n’avait pas la moindre importance pour lui. Buté, il préfère croire son frère et les preuves qu’il a récolté en repensant à tous les moments ensembles plutôt que la prétendue bonne volonté de son « amie ».

— On ne l’est plus. C’est terminé. »

Se contente de répondre durement le musicien. Ils ne sont plus amis, il ne veut plus être son ami ni même passer du temps en sa compagnie. Alors oui, évidemment qu’Andrea lui manque, que ça creuse une sorte de fossé dans sa vie. Mais il est hors de question d’être le dindon de la farce plus longtemps. Il a ainsi plus de temps à consacrer à sa musique, pour se concentrer sur ses projets. Toutes les solutions sont bonnes à prendre pour se sortir la jeune femme de la tête.

Se radoucissant, le garçon finit par lui avouer quelque chose qu’il aurait dû faire il y a longtemps. Quand elle remet en cause ses dires, Sam n’arrive même pas à compatir. Il est incapable de la voir dans le rôle de la victime, pas après ce qu’elle lui a fait. Il reprend, l’air moqueur, prêt à retourner tous ses prétendus arguments contre elle pour qu’elle se rende compte à quel point ils sont ridicules quand il s’agit de lui. D’eux.

— Tu vas aussi me dire que t’as passé autant de temps avec eux que t’en as passé avec moi… Et évidemment que tout le monde a toujours fait le maximum juste pour te voir sourire, t’entendre rire et sans en espérer d’avantage… »

Maintenant la jeune femme va avoir matière à se moquer ou de lui casser du sucre sur le dos. Qui aurait cru que Samuel Austin se révélerait aussi naïf, aussi… fleur bleue. Il s’est laissé atteindre une fois, on ne le reprendra plus. Evidemment, il n’est pas non plus fou amoureux d’elle ou quoi que ce soit du genre, mais elle avait une importance toute particulière, bien plus que n’importe qui auparavant. Sam est bien décidé à ne plus se laisser prendre dans ce piège. Cette histoire lui aura servi de leçon. Quand elle l’interroge, il reprend, gardant toujours ses distances avec elle. Autant qu’elle connaisse tous les détails. De toute façon, ça n’aura plus aucune conséquence désormais.

— Parce que j’aurais pu vivre avec le fait que tu me donnes jamais ma chance. Je voulais pas te perdre. Tu comptais trop.

Mais c’est terminé tout ça. Je te souhaite une belle vie Andy. »

Conclut Sam, tout prêt à disparaître et continuer son chemin.

— Toi non plus tu connais pas l’histoire. »

Répond brusquement Sam, se servant de ses propres arguments contre elle. Déjà, s’il a parlé ce n’était pas réellement en tant que second choix. Ensuite, ce n’est pas lui qui a commencé ! Alors de quel droit est-ce qu’elle se mêle de tout comme ça ? Andrea n’a pas le droit de se plaindre alors qu’il l’a attendue et a absolument tout fait pour elle pendant si longtemps sans qu’elle ne lui offre la moindre ouverture. En plus de ça, ça a le don de franchement agacer Samuel qu’elle n’arrête pas de sous-entendre qu’il est complètement stupide et qu’il ne peut pas comprendre. Si elle veut vraiment avoir une conversation fluide, ou le mettre au courant, elle n’a qu’à parler au lieu de jouer cette carte !

Sa mâchoire se crispe tandis qu’elle évoque à nouveau Colin. A vrai dire, c’est la dernière chose que le jeune homme a envie de savoir. Andrea a beau dire, il a l’impression qu’elle ne fait que lui raconter mensonges sur mensonges. Et pour cause, elle a choisit Colin, Colin l’a choisie. En plus de ça, ce dernier le lui a clairement dit que ce n’était pas pour lui que la belle brune craquait…

— Ouais. »

Ça lui fait tout aussi mal à lui qu’à elle probablement de mettre un terme à leur amitié puisque la jeune femme a fait partie de sa vie, limite de son quotidien pendant un certain temps. Mais ça ne peut tout simplement pas continuer de cette manière. C’est malsain et puis le pauvre petit en souffre aussi. Depuis qu’on lui a fait remarqué cette vérité plus qu’évidente, il s’est pris toute l’affection qu’il ressent pour elle dans la figure. Il s’est réellement rendu compte de son ampleur ><

Quand Andrea reprend la parole, il ne peut s’empêcher de sourire, puis d’éclater franchement de rire. Après tout ce qu’il vient de dire, elle ne trouve rien de plus original que de lui confirmer qu’ils sont amis et rien d’autre ? Si elle croit que c’est ce que Sam souhaite entendre, elle se met le doigt dans l’œil. Le musicien ne tarde pas à lui faire part de son point de vue, se protégeant derrière

— Tu te fous de moi ou quoi ? Je te dis que c’est toi que je veux, que j’ai toujours été prêt à tout pour toi et ta réponse c’est : « Oh oui Sam, continue de jouer les singes savants et de me faire rire pendant que je fantasmerais sur ton frère ou que j’irais me faire sauter par des types lambda… » ? »

Il rit jaune. Ce n’est pas drôle, c’est tragique qu’elle en arrive à le considérer de cette manière encore et toujours. Il n’arrive plus à rester ou se montrer doux d’ailleurs. Encore moins quand elle prétend qu’ils sont sur la même longueur d’ondes alors que ce n’est pas du tout le cas ! Sam ne veut pas jouer les animaux de compagnie, même si ça lui donne la possibilité de rester à ses côtés… Non, autant couper les ponts.

— C’est pas la même chose visiblement. »

Dit-il abruptement. Puis, ses sourcils se froncent quand elle saisit son bras et souffle son prénom. Son petit numéro ne fonctionne pas cette fois. Il n’est pas certain de pouvoir la croire et puis, il n’a plus envie de jouer. C’est pour cette raison que Sam se défait de son emprise.

— C’est trop tard.

Je te souhaite une belle vie Andrea. A toi aussi Harrison. »

Ajoute-t-il en tendant la main pour caresser le chien avant de remettre ses deux mains dans ses poches et de continuer son chemin, son petit cœur en miettes. Même si ce n’est pas l’envie qui lui manque de se retourner, de la serrer dans ses bras, il s’en empêche parce que partir est la seule façon potable de tourner la page, de passer à autre chose. Et c’est de ça dont il a besoin : oublier Andrea. Peut-être parviendront-ils à être amis un jour, mais pas dans l’immédiat ~