Just don't want to go home


La journée a été plutôt longue et difficile pour Eva. Les cours n’ont pas été si terribles mais dernièrement, la blonde a constamment en tête la situation qu’elle traverse avec son père. Et ça la mine énormément. Elle a toujours beaucoup compté sur lui par le passé, et avait perpétuellement besoin de sa reconnaissance. Le fait qu’il l’ignore désormais royalement est donc particulièrement difficile à accepter. Elle y pense sans arrêt, et en plus d’avoir des conséquences notables sur son sommeil, la jolie blonde a du mal à se concentrer en cours. Elle est à bout, elle est épuisée. En sortant du car qui la ramène à Great Falls, elle n’a même pas envie de rentrer chez elle. Elle sait déjà comment va se passer le repas, elle sait déjà que son père ne va pas s’occuper d’elle, ni lui adresser la parole, ou même la regarder… ! Et cette idée lui glace déjà le sang…

En sortant, la photographe rabat sa veste chaude sur sa silhouette et file directement sous l’aubette de l’arrêt de bus pour s’asseoir, seule, sur le banc mis à disposition. En règle générale, elle ne traîne pas pour rentrer à la maison, déjà parce qu’elle aime prendre le temps de faire ses devoirs, ou de réviser, mais aussi parce que rentrer chez elle, c’est normalement un plaisir. L’étudiante a toujours été très « famille » jusqu’à présent. Comme quoi, tout change… Ce soir, elle n’a pas la moindre envie de remettre les pieds là-bas.

Le cœur serré, la jeune femme n’a de cesse de ressasser tout ce qui s’est produit ces dernières semaines, avec son père. Les yeux d’abord baissés, elle ne focalise pas son regard sur quelque chose en particulier. Ce n’est seulement que lorsqu’elle entend le rire d’un enfant qu’elle relève enfin la tête. Elle remarque alors une petite fille sur les épaules de son père. La gamine aux boucles blondes, ravie, s’amuse à tirer les cheveux de son papa qui ne manque pas de rire, et de bouger, en la tenant tout de même fermement par les jambes. Il n’y a pas de mot pour décrire cette scène qui ne manque pas d’émouvoir terriblement Eva. Elle songe fatalement à son père, à tous les moments qu’ils ont partagés ensemble jusqu’alors… Et, fatalement, ses yeux se mettent à briller. En plus d’être sensible, Eva est particulièrement à fleur de peau dernièrement et cède nettement plus facilement à l’émotion. Pour preuve, quelques larmes commencent à rouler sur ses joues, qu’elle tente d’essuyer l’une après l’autre.

Elle prend alors une profonde inspiration. Il faut qu’elle se calme…

Comme toujours, ça ne va pas. L’ambiance à la maison est tout simplement insupportable pour Samuel. Il commence a en avoir marre de toujours récolter des remarques sur le fait qu’il n’a pas encore trouver de travail, que son rêve ne se réalisera pas ou qu’encore il n’aurait jamais dû abandonner ses études. Par contre, ce cher et tendre Colin, lui il faut tout simplement qu’il soit heureux, peu importe qu’il dilapide leur héritage avant l’heure, il le mérite amplement après tout. Trop, c’est trop. Enfilant une veste, le jeune homme préfère sortir prendre l’air.

Il se laisse guider par ses pas et profite de l’air frais. Après un moment, son regard se pose sur le panneau de l’arrêt de bus. Samuel s’est toujours dit qu’il pourrait en prendre un au hasard en direction de Milwaukee, avec un sac à dos, sans jamais revenir en arrière que ses parents ne noteraient même pas son absence. C’est aberrant quand on pense que c’est lui le fils légitime, que c’est lui à qui l’on devrait offrir le plus d’attention, ou au moins, un minimum d’amour. Il n’en est rien. Ce serait mentir de dire que le jeune homme n’a jamais songé à fuguer. Quand il était plus petit, l’idée lui avait traversé l’esprit à mainte reprise. Il faut avouer que l’idée que l’on s’inquiète pour lui et qu’on le cherche était tout ce qu’il y a de plus alléchant pour quelqu’un qui se sent invisible aux yeux de sa propre famille. Mais jamais il n’était allé au bout de ce plan plutôt glauque. Et puis il avait fini par s’endurcir ~

Mains dans les poches, le blondinet a dans l’idée de continuer son chemin. Marcher ne fait jamais de mal, sans compter que ça lui permet, à terme de se vider un peu la tête et de lâcher du lest. Cela fait longtemps qu’il devrait s’y être fait : il n’est pas digne d’intérêt. Autant il est capable d’attirer les regards et de captiver les gens, autant tout ce qu’il peut raconter sous le toit de la maison familiale n’a jamais eu le moindre effet. Ses sourcils se froncent, il ralentit inconsciemment le pas en remarquant que quelqu’un est assis à l’arrêt. Sans doute a-t-elle raté le bus puisque ce dernier vient de partir ~

Samuel ne sait même pas pourquoi il s’arrête ou pourquoi il daigne lui accorder la moindre attention. Peut-être n’est-il pas aussi insensible qu’il le prétend, à la détresse des autres puisque quand il lui semble voir des larmes sur son visage angélique, il ne peut pas s’en empêcher. Il soupire lourdement et vient s’asseoir à côté d’elle.

« Vous vous passez le mot ou quoi ? Allez, toutes les semaines faut qu’une fille différente pleure sur un banc, ça entretient le folklore... Ou c’est juste pour le fun ? »

Est-ce que lui se laisse aller à pleurer dans la rue pour la simple et bonne raison que ça ne va pas ? Non. Cela dit, comme pour lui démontrer qu’il n’est pas juste là pour lui faire la morale, il fouille les poches de sa veste pour y trouver un paquet de mouchoirs qu’il tend à la blonde ~

Après le passage de cet homme, avec sa fille, Eva baisse à nouveau les yeux. Elle se remémore les souvenirs avec son père, quand elle était plus petite. A cette époque, c’était tellement plus simple… Wesley lui pardonnait plus facilement ses erreurs. Maintenant qu’il la considère comme une adulte, gagner sa fierté devient une chose de plus en plus difficile. Qu’elle lui ait dit « non » ce soir-là, et qu’elle ait refusé de se plier à sa volonté l’a définitivement déçu. Depuis, l’étudiante a beau essayer de se rattraper, de faire de son mieux, de se proposer pour une quantité de tâches ménagères à la maison, rien ne semble vouloir le faire plier. Qui plus est, il profite de cette occasion pour se rapprocher d’Emma. Si les deux sœurs n’avaient pas déjà connu cette situation par le passé (mais dans le sens inverse), sans doute que l’attitude de leur père les aurait poussées à la jalousie, et à la dispute. Seulement cette fois, les deux filles Jenns ne sont pas décidées à laisser leur père les éloigner l’une de l’autre. C’est difficile à gérer pour Eva, mais elle ne blâme pas sa petite sœur. Elle sait qui est le responsable dans cette histoire. Elle ne remet en effet toujours pas en cause sa décision d’aller chercher Devon, au beau milieu de cette tempête. Elle sait que sans elle, il aurait pu lui arriver quelque chose de grave, et c’est bien à ça qu’elle se rattache quand, par moment, elle est tentée de se remettre une fois de plus en question.

En sentant d’un coup qu’une personne vient de s’asseoir près d’elle, la blonde se dépêche d’essuyer ses joues avec hâte, avant de relever la tête. Elle ne connaît pas ce jeune homme, mais il s’empresse de s’adresser à elle. Au départ, l’étudiante ne comprend pas du tout où il veut en venir, et fronce les sourcils. Elle comprend alors qu’il a déjà dû voir une fille en train de pleurer sur un banc, la semaine passée. Soit. Pour ne pas paraître impolie, Eva esquisse un sourire forcé. Elle ne sait pas franchement quoi lui répondre.

Le jeune homme se montre plus gentil en se mettant à fouiller dans les poches de sa veste pour sortir un paquet de mouchoirs. Eva l’accepte volontiers.

Merci…

Elle l’ouvre sans tarder, pour en sortir un mouchoir qu’elle applique rapidement sous ses yeux mouillés. Intimidée par la présence du jeune homme, et par l’émotion qui lui serre la gorge, la jeune femme ne trouve pas grand-chose à dire. Elle se sent même, en fait, complètement stupide de se donner en spectacle de la sorte. Elle aurait presque envie de s’excuser mais sait pertinemment que ça ne serait pas réellement opportun.

Vous… Vous attendez le car ?

Demande-t-elle, l’air gêné. En fait, elle ne sait pas quoi dire, ni comment réagir face à l’aplomb du jeune homme à ses côtés. D’autant qu’elle, elle est dans un piteux état… !

A quoi bon espérer de meilleurs jours alors que rien ne change jamais ? Samuel en a marre d’entendre les éloges de ce merveilleux grand frère. Si on était dans un livre de contes, qu’il avait terrassé un dragon d’un coup d’épée, ce serait normal, lui aussi lui vouerait un culte probablement. Mais la réalité ne ressemble absolument pas à cela. Colin n’a rien de plus que lui. Il ne fait pas non plus d’étude, et ne travaille pas. Alors pourquoi leur refuser le pied d’égalité ? Ses pensées se rassemblent et se concentrent sur tout autre chose alors qu’il aborde une jeune femme esseulée. Et ce, sans la moindre idée derrière la tête pour une fois ~

« Pas d’quoi. »

Murmure-t-il alors qu’elle le remercie pour les mouchoirs. Il ne s’est jamais senti l’âme généreuse pourtant. Mise à part lui, sa bouille d’ange et sa petite vie tranquille, la musique également, il n’y a pas grand-chose qui a grâce à ses yeux. Mais il ne peut s’empêcher de s’arrêter, de lui apporter, même si ce n’est pas de la meilleure façon, son soutien. Peut-être parce qu’il est possible que cette fille ressente un dixième de la peine contre laquelle il se bat depuis des années… Et dire que personne n’a la moindre idée de ce qu’il pense, de la manière dont il se sent en fermant les yeux le soir ~

La remarque de la blonde le fait doucement rire et lui rappelle qu’il n’a rien à faire ici. Mais ce n’est pas pour autant qu’il se lève ou qu’il se décide à partir. De toute façon, sincèrement, Samuel n’a rien de mieux à faire ce soir. Il pourrait aller boire des bières, faire la fête. Mais bon, il n’y a jamais grand monde en début de semaine. Certaines personnes travaillent… Il hoche la tête négativement.

« Non. A quoi ça servirait de fuir, hein ? »

Demande Samuel, sans que cela soit réellement une question. Il connaît déjà la réponse. Ça ne servirait strictement à rien. On ne résous pas ses problèmes en leur tournant le dos. En revanche, le jeune homme est tenté de croire qu’on peut le faire avec les poings. Il adorerait en effet mettre une droite à son frère adoré, ne serait-ce que pour lui témoigner enfin de tout cet amour fraternel qu’il ressent à son égard. Il y a fort à parier que, qui que ce soit qui commence, c’est sur lui qu’on rejettera toute la faute et, peu importe qui est le plus blessé, c’est vers Colin que ses parents se tourneront.

« Alors, qu’est-ce qu’il y a ?

Ton mec te fait des misères ? C’est toujours pour les hommes que les filles pleurent j’ai l’impression. Pourtant c’est complètement con. Ça les fait pas revenir, et puis, franchement, ça vous met pas à votre avantage… »

Il songe un instant à Elisabeth. Il aurait dû lui dire ça. En tout cas lui, qu’une fille pleure en le voyant partir ou le supplie de revenir, il ne le fera pas. Et puis, c’est un peu pitoyable de s’abaisser à cela. Autant dire que Samuel n’a pas la moindre idée de ce qui fait souffrir la jeune femme. Comment pourrait-il alors qu’il ne la connaît ni d’Eve, ni d’Adam ? Le jeune homme ne pourrait même pas lui en vouloir si elle décidait de se lever et de prendre ses jambes à son cou… Ce serait compréhensible dans la situation actuelle.

Eva ne se sent pas très à l’aise à l’idée de se donner en spectacle. A cette heure, il n’y a pas grand monde à l’arrêt de car. Les gens rentrent plutôt chez eux, en fait. Du coup, elle espérait y être tranquille, et ne pas se faire remarquer, mais il semblerait que ce soit un tantinet raté. Un jeune homme vient s’installer auprès d’elle, mais a la gentillesse, tout de même, de lui donner un paquet de mouchoirs. Ses larmes ne sont apparemment pas passées inaperçues. L’étudiante le remercie poliment, avant de s’essuyer les yeux. Elle a vraiment le cœur lourd, et l’esprit un peu brouillé. Elle ne sait pas du tout quoi dire, et est d’ailleurs persuadée que ce garçon n’a strictement rien à faire de ses problèmes. Une fille à papa en pleurs, ça n’a rien de bien captivant, si ?

Elle tente pourtant de lui poser une question, de lui montrer de l’intérêt. Sa réponse l’interpelle. Il parle de fuir. Pour tout dire, elle aimerait bien pouvoir le faire… ! Disparaître. En ce moment, ça lui traverse souvent l’esprit. Cela dit, il y a des choses qui la retiennent à Great Falls, c’est indéniable. Pas son père en tout cas.

A avoir un peu la paix… ?

Suggère Eva, d’une toute petite voix peu assurée. Elle, elle voit les choses de cette manière. Elle sait qu’elle ne pourrait pas fuir longtemps, et qu’elle finirait vite par se torturer à l’idée de blesser ses parents. Son père a certains défauts, mais il ne mérite guère une attitude pareille. Il n’empêche que ça lui ferait du bien, de s’évader. De souffler un peu.

Le jeune homme reprend la parole, pour lui demander quelle est la raison de ses pleurs. Eva a un peu de mal à respirer, les sanglots semblent former une boule dans sa gorge. Elle fronce cependant les sourcils, et pose son regard sur lui, tandis qu’il explique que les filles qui pleurent ne sont pas franchement à leur avantage… ! Quelle délicieuse manière de réconforter les gens ^^’ Eva s’essuie à nouveau les yeux. De toute manière, elle n’a pas la prétention d’être une fille si intéressante que ça à regarder. Alors, en pleurs ou non, ça ne doit pas changer grand-chose. Elle hausse d’ailleurs les épaules.

Je m’en fiche, de ne pas être à mon avantage…

Avoue-t-elle, l’air blasé, avant de baisser de nouveau les yeux.

Et ça n’a rien à voir avec mon petit-ami.

Une chance ! Entre Devon et elle, tout se passe bien. Cependant ce dernier est loin de se douter de l’état de détresse de sa petite-amie. Eva essaie de le lui cacher la majeure partie du temps, consciente qu’il n’a pas besoin d’en rajouter une couche, lui qui supporte déjà au quotidien de lourds problèmes familiaux. En tout cas, si Eva s’est installée là, ce n’était vraiment pas dans le but d'attirer l’attention ! Elle ne supporte pas qu’on la voie pleurer, et elle avait juste besoin de s’isoler un peu, avant de rentrer. C’est un peu loupé mais au moins la présence de ce type l’aide un peu à songer à autre chose que ses problèmes avec son père. Disons qu’elle le trouve un peu maladroit. En même temps, elle serait à sa place, elle ne saurait pas comment s’y prendre elle non plus !

Leurs situations sont un peu similaires quand on y pense. On pourrait tout autant traiter Samuel de fils à papa, déjà rien que pour le fait qu’il vit encore bien au chaud dans la maison familiale et se fait entretenir. Cela dit, ce n’est pas pour autant que tout est rose dans sa petite vie parfaitement bien rangée. C’est même tout le contraire. Quand bien même le jeune homme voudrait parler de ses problèmes à quelqu’un, il y a fort à parier que ladite personne ne comprendrait pas d’où tout cela vient alors qu’il a, en théorie, tout à portée de main pour être heureux, ou un minimum bien dans sa peau. Comme quoi, il ne faut pas se fier aux apparences, ni au sourire narquois que certaines personnes affichent dans le seul but de se protéger ~

« Ça sert à rien petite, ça dure pas. J’pense pas que ça puisse arranger quoi que ce soit. »

Reprend le jeune homme, jouant la voix de la sagesse. Il se permet même certaine familiarité surement malvenue dans la mesure où il ne connaît même pas son prénom… Ce n’est pas franchement le rôle qui lui va le mieux. Tout comme on ne peut pas dire qu’il soit très bon lorsqu’il essaie de se montrer à l’écoute ou de réconforter les autres. Mais bon, si elle a envie de s’en aller en jetant des coups d’œil inquiet derrière elle pour vérifier qu’il ne la suit pas (ou sans) Samuel ne la retiendra pas…

Bien que le blondinet ne connaisse pas les raisons qui plongent la jeune femme dans cet état, il ne se gêne pas pour émettre une supposition. Il pousse même la sincérité jusqu’à lui avouer que pleurer ne la met clairement pas à son avantage. C’est une information importante à ces yeux que la plupart des gens n’osent pas dire histoire de ne pas être ‘méchant’. A son avis, ça apporte beaucoup plus qu’un ‘mais non tu es jolie’, ou ‘mais non cette robe ne te grossit pas’. Mensonges universels et mesquins.

« Au moins pour ça j’avais raison. Ça m’aurait étonné que t’en aies pas x) »

Avoue Samuel, esquissant un sourire. Là, elle porte une veste et il n’a pas vraiment eu l’occasion de se faire une idée précise de ce à quoi elle ressemble sans ses vêtements, mais elle a assurément un beau visage. Et ça, ça a mine de rien de l’importance. Même si ce n’est clairement pas le sujet.

« Tu comptes me dire ce qu’il y a ou je dois deviner ? »

Finit-il par demander directement. Sa curiosité est peut-être mal placée, ça ne le regarde absolument pas, mais tant qu’elle ne le remet pas clairement à sa place, Samuel n’a pas la moindre raison de cesser son petit interrogatoire. Après tout, ses intentions à l’égard de la blonde sont tout ce qu’il y a de respectables ~

« Non parce que je suis pas très fort en devinettes… J’aime pas ça en plus. »

Ajoute le jeune homme en haussant les épaules. Lui, il aime bien faire des petites blagues et tout ce qui va avec, mais ça a tendance à l’agacer quand la situation est inversée, et surtout, quand il ne trouve pas la réponse x)

Fuir les problèmes, ce n’est pas une solution, Eva en est parfaitement consciente. Elle est suffisamment intelligente pour s’en rendre compte. Elle s’imagine juste que ça lui permettrait d’avoir un peu la paix. Elle a certainement besoin de faire un « break ». Son père lui a si souvent serré la vis… ! Elle l’a déçu une fois et voilà que tout chavire. C’est injuste. La blonde ne peut même pas compter sur le soutien de sa mère. Celle-ci se range automatiquement du côté de son mari, sans jamais donner le bénéfice du doute à l’une de ses filles. Eva se sent exclue, et seule, tout simplement. En prime, elle se sent vraiment perdue. Elle a l’impression de ne plus se sentir chez elle, dans la maison familiale. Plus à sa place en tout cas.

Je sais bien…

Murmure Eva, l’air compréhensif. Elle est de son avis, fuir ne doit pas arranger les choses. Ça lui permettrait sans doute de souffler, mais temporairement seulement. Très vite, elle culpabiliserait sans doute. Et puis, de toute manière, il y a des choses qui la retiennent à Great Falls, et elle ne veut pas adopter ce genre d’attitudes vis-à-vis de ses parents. Son père peut la dénigrer à tour de bras, il n’empêche qu’Eva est une jeune femme très bien élevée.

Eva ne sait pas trop comment réagir face à l’intervention de l’inconnu à ses côtés. Elle ne pensait pas en venant se réfugier sous cet abribus qu’on viendrait la questionner de la sorte… ! En même temps, pleurer en public, ce n’était sans doute pas une bonne idée à la base. Eva ne s’en mord pas les doigts pour autant ! Au moins, quelqu’un semble se soucier un minimum d’elle, et cela doit partir d’une bonne intention. Au passage, le jeune homme la « complimente » à sa manière, en lui avouant que ça l’aurait surpris qu’elle n’ait pas de petit-ami. Cela parvient à arracher un léger sourire à la blonde. Elle n’ose pas le remercier, et ne sait en fait pas réellement comment réagir face à cette remarque, mais relève les yeux pour lui lancer un regard, très doux.

Elle le détourne dès que le jeune homme l’interroge. Il dit ne pas vouloir jouer aux devinettes, mais Eva est surprise qu’il tienne tant à savoir ce qui la tracasse… ! A-t-elle l’air si désespéré… ? C’est bien possible. Elle passe une main dans sa longue chevelure blonde, en essayant de récupérer un minimum son souffle. Ses sanglots l’empêchent en effet de respirer correctement depuis le début de leur conversation.

C’est à cause de mon père…

Lâche-t-elle, d’un ton bas. En fait, elle ne pensait pas qu’elle arriverait à lâcher le morceau si facilement, d’autant que ça ne concerne absolument pas cet inconnu… ! Mais il l’impressionne en un sens. Il a une sacrée prestance. Cela dit, l’étudiante finit par détourner le regard, pour ajouter, plus timidement :

Vous avez sans doute mieux à faire que de m’écouter… Ne vous sentez pas obligé de rester.

Donner des conseils et réconforter les autres n’a jamais été le point fort de Samuel Austin. Il se préoccupe trop de sa petite personne pour savoir comment s’y prendre. Généralement, il est abrupte ou joue les crétins, comme toujours. Mais on ne peut jamais vraiment dire que son aide est utile. Enfin, ça ne l’empêche pas d’essayer. Ses intentions ne sont pas mauvaises en soi, même s’il est plus poussé par la curiosité que par une générosité sans faille – dont il est dépourvu à vrai dire.

Une chose est sûre, fuir ne sert à rien. Et il n’y a pas besoin d’avoir fait l’université pour le comprendre. Pour dire, même lui qui n’est pas particulièrement intelligent l’a intégré. Les solutions de facilité ne résolvent rien sur le long terme. Enfin, restez sur place et tenter de faire entendre sa voix n’a jamais marché non plus en ce qui concerne le jeune homme. Mais c’est une autre histoire, il n’est pas question de lui. Il n’est jamais directement question de lui. Ou en tout cas pas d’une manière privée, intime…

Voir le bord de ses lèvres se relever pour former un semblant de sourire réjouit Samuel. On ne peut pas dire qu’il fasse les compliments les plus poétiques qui existent, mais ce qu’il lui a dit auparavant, en était bel et bien un. Dans d’autres circonstances, s’il avait été dans un autre état d’esprit, il l’aurait certainement calculée d’une tout autre manière. Les jolies filles, en général, il n’a pas envie de discuter longuement avec, il y a des choses plus intéressantes à faire ~ Là, c’est différent.

« J’en connais des bonnes, des histoires sur les relations père/fils. »

Un rire sans joie s’échappe d’entres ses lèvres. Soudainement, sans réellement y penser ou faire exprès, il fait bel et bien une remarque sur sa propre situation. Ironie du sort, la réponse de la blonde le ramène à sa propre situation. A la différence que lui, il a eu tout le temps de se faire une raison. Une raison qu’il n’arrivera sans doute jamais à digérer ou à accepter.

Son regard se pose à nouveau sur l’inconnue alors qu’elle reprend la parole.

« Franchement ? Non. »

Avoue Samuel avec un haussement d’épaule. Rien que de penser à ses parents lui coupe tout envie de rentrer chez lui. Ce serait plus simple de déménager et de ne plus jamais y mettre les pieds. Sauf que ce n’est pas aussi simple que ça, surtout quand on ne gagne pas sa vie.

« Au fait, moi c’est Sam. Si ça t’aides à me tutoyer, ce sera déjà une petite victoire. »

Reprend le jeune homme, un sourire en coin x) Elle ne semble pas prête à s’enfuir à toute jambe et lui, il n’a pas l’intention de s’en aller pour l’instant, alors autant faire les présentations en bonne et due forme.

Eva ne supporte pas l’impolitesse. Pour cette raison, donc, elle ne demande pas au jeune homme à ses côtés de retourner là d’où il vient. Après tout, elle ne peut que se le reprocher à elle-même… ! Se donner en spectacle n’était pas une solution. Elle aurait du s’isoler un peu mieux que ça. Les remarques du jeune homme, en prime, ne l’aident pas vraiment à positiver. Il n’est peut-être pas doué pour réconforter les gens ? Ou alors il n’en a tout simplement pas envie. Après tout, ce serait plausible. Tout le monde n’a pas le cœur sur la main. Et puis Eva doit avoir l’air d’une pleurnicharde qui cherche à attirer l’attention, qui plus est. Il lui fait tout de même une sorte de compliment. Du coup, par politesse une fois encore, Eva esquisse un léger sourire. Il faut dire que c’est flatteur en un sens, mais l’étudiante n’a pas franchement envie de sauter de joie non plus. Ce qu’elle traverse dernièrement la rend particulièrement triste. Elle a du mal à éclater de rire, ou à laisser exploser sa joie. Il y a toujours quelque chose qui la retient. C’est inexplicable, mais son cœur est comme serré, en permanence.

Contre toute attente, la photographe finit par se confier à lui. Elle ne dit pas grand-chose au sujet de son père, mais elle lui fait comprendre que c’est à cause de leur relation qu’elle se sent aussi mal. Eva ne sait pas s’il l’a reconnue, s’il se doute qu’elle est la fille du Maire de la ville. Elle n’a pas envie de faire une mauvaise réputation à son père… ! Et puis, il doit certainement avoir mieux à faire que de l’écouter. Il n’empêche qu’il s’ouvre à elle, et lui fait une confidence qui lui laisse penser qu’il subit, lui-aussi, quelques problèmes familiaux.

Comme elle craint de l’ennuyer, le jeune homme la rassure. Il lui donne finalement son prénom, et se présente, en lui proposant de le tutoyer. Il verrait ça comme une « victoire ». A nouveau, il arrive à décrocher un sourire à Eva. Elle le regarde quelques secondes, en essuyant brièvement ses yeux avec le mouchoir qu’il lui a donné.

C’est d’accord pour le tutoiement.

Murmure-t-elle doucement, avant de se présenter en retour.

Moi c’est Eva.

Le fait qu’il reste à ses côtés la surprend, mais lui fait du bien en même temps. Au moins, elle n’est pas complètement seule. Et, visiblement, il n’a rien de mieux à faire. Elle bafouille légèrement, avant d’oser lui dire, en détournant les yeux :

C’est… C’est gentil de ta part.

Je ne parle pas des mouchoirs, je veux dire… De ne pas me laisser toute seule. Tu n’es pas obligé.

La blonde lui adresse un regard timide, puis s’essuie les yeux à nouveau. Ils sont secs, elle a cessé de pleurer. Pour le moment.

Il y a des jours comme ça, où la coupe est pleine et il faut prendre le large. Apparemment, Samuel n’est pas le seul à qui cela arrive aujourd’hui. Il ne connaît pas cette fille mais se surprend à éprouver un vague de compassion. Il ne peut tout simplement pas passer son chemin sans rien faire, bien que son aide ne va surement pas être très utile. Mise à part en ce qui concerne les mouchoirs bien entendu.

Le jeune homme est ravi qu’elle accepte de troquer le « vous », pour le « tu ». Après tout, ils ne doivent pas avoir tant de différence d’âge que ça. Chez lui, en tout cas, c’est tout naturel, il se permet bien souvent beaucoup trop de familiarité, y compris avec les inconnus.

« De toute façon j’aurais pas accepter de refus ! x) »

Lance-t-il, un sourire aux lèvres, toujours sans réfléchir. En fait, il est très rare que Samuel prenne réellement le temps de peser ses paroles, ses mots. Sans doute pour cette raison qu’il peut se montrer particulièrement malhabile. Mais c’est aussi grâce à cela qu’il arrive généralement à faire sourire, voire rire les gens dans certains cas. Autant la spontanéité peut être une qualité, autant, ça peut également apporter un certain nombre d’ennuis ~

« Eva… joli prénom. »

Répète Samuel, sans faire le rapprochement ou sans réaliser en fait qu’elle est la fille du maire. Est-ce que ce détail a seulement de l’importance ? Qu’ils soient bien placés, plus ou moins riches ou influents ne les empêchent pas d’être de mauvais parents. La preuve quand on voit les siens. Une famille tout ce qu’il y a de plus respectable, au grand cœur même puisqu’ils ont accueilli une tierce personne et l’ont élevé comme leur propre enfant… Tu parles !

« C’est normal.

C’est mon job en fait, tu sais… J’arpente les rues en quête de demoiselle en détresse à secourir. Bon normalement c’est sur mon destrier immaculé. Ça fait tout de suite plus d’effet… x) »

Il sourit bêtement, incapable d’être sérieux plus de quelques secondes. Son regard se pose sur elle, au moins, ses sanglots n’ont pas redoublés, on peut donc en déduire qu’il est un minimum utile ? Ou alors, elle pousse juste la politesse jusqu’à retenir ses larmes… Parce que ça ne se fait pas de se montrer faible en public ? Samuel n’en a pas la moindre idée à vrai dire.

Même s’il joue (continuellement) les crétins, Samuel est relativement touché par les remerciements d’Eva. A vrai dire, ce n’est pas souvent que l’on apprécie sa présence. Sans compter que, savoir que c’est à cause de son père qu’elle est dans cet état les rapproche incontestablement. Autant dire que, d’habitude, ce n’est pas sur ce genre de plan qu’il se rapproche des jolies filles. Ça change…

Eva ne peut refreiner un sourire, encore un autre, mais toujours très léger, quand Sam lui répond qu’il n’aurait pas accepté un refus de toute manière. Il a un tempérament assez particulier. Il semble sûr de lui, à l’aise. Tout le contraire d’elle, en fait. Cela dit, quand il parle de fuir, puis qu’il lui apprend qu’elle n’est pas la seule à avoir ce genre de problèmes, la jeune femme a l’impression, tout de même, qu’ils ont certains points communs. En tout cas, elle ne peut que remarquer qu’il reste auprès d’elle et ça, c’est déjà le signe d’une certaine gentillesse à ses yeux.

Merci…

Murmure-t-elle ensuite, quand il fait un commentaire sur son prénom. La blonde connaît bon nombre des habitants de la ville mais lui, elle n’arrive pas bien à le situer. Elle l’a déjà croisé bien sûr, mais elle ne saurait pas donné son nom de famille par exemple. Et elle ne saurait pas dire si, à l’inverse, il se doute de qui elle peut être. L’étudiante ne retire aucun prestige d’être la fille du Maire, bien au contraire. Même si elle est fière de la réussite de son père, d’une certaine manière, elle se serait peut-être sentie mieux dans une famille plus discrète, ou une famille qui ne cherche pas, tout bonnement, à donner l’exemple, et à transmettre une image quasi-parfaite à tout prix.

Et puis, le jeune homme lui parle de son « job », à savoir qu’il monte un destrier immaculé (sauf aujourd’hui apparemment) afin de parcourir la ville, à la recherche d’âmes en peine. Il ne semble pas manquer d’imagination. Eva sèche ses larmes pour de bon. Sa présence a le mérite de la faire se sentir moins seule, et de lui changer les idées.

Je veux bien te croire… !

Qu’est-ce qui lui est arrivé, à ton fidèle destrier ?

A travers sa réponse à cette question, Sam n’arrivera pas à la réconforter, c’est certain. Mais Eva n’en est plus là à présent. Elle profite de sa présence (de sa générosité, et de sa patience, aussi !) pour se divertir un peu. Cette conversation n’a peut-être aucun sens, mais elle lui apporte véritablement quelque chose.

C’est un job à plein temps ?

Renchérit-elle, en arrivant à plonger ses yeux un peu rougis dans les siens.

Certaines personnes sont faites pour aider leurs semblables, elles sont capable de trouver les mots juste et de réduire les peines. En règle générale, pour les enfants, ce sont les mères qui tiennent ce rôle. Comme quoi, c’est indéniablement un rôle de femme. Samuel lui, en voyant un enfant pleurer, il aurait plutôt tendance à dire que ce sont les fillettes qui pleurent, que ce n’est rien ^^’’

Quand elle se prend au jeu et le questionne, le jeune homme est aux anges, espérant réellement pouvoir chasser ses idées sombres, mais aussi, égoïstement, parce qu’il aurait finir par se sentir bien stupide en partant tout seul dans son délire. Peut-être le trouve-t-elle ridicule, mais, au moins, elle ne le lui fait pas remarquer et, au contraire, se montre réceptive à son humour parfois un peu douteux.

Sa question est d’ailleurs excellente. Samuel réfléchit à toute vitesse, refusant de sortir une vieille excuse comme une entorse ou une blessure quelconque. Ce soir, il redouble d’imagination.

« En fait, il fait la grève pour… protester contre la hausse du prix de l’avoine. »

Samuel hausse les épaules, faisant de son mieux pour rester sérieux. Et pourtant, Dieu sait qu’il en débite des conneries à la minute. Ce qui est le plus effrayant est sans doute qu’il le fait d’une manière presque naturelle. Il n’a pas besoin de réfléchir bien longtemps pour trouver une accroche et raconter une histoire invraisemblable. Mais non, il ne s’est pas échappé d’une institution spécialisée ~

« Faut le comprendre aussi, c’est ses céréales préférées alors s’il est obligé de manger tous les jours du foin bah… il est pas très content x) »

C’est dur la vie de destrier d’un chevalier servant quand même. Samuel s’imagine un instant la scène. Il aurait sans aucun doute fière allure. Le fait qu’il ne sache pas monter à cheval pose certainement problème. En revanche, il a d’autres atouts dans ses manches puisque, entre autre, le fait de savoir jouer de la guitare et de chanter, est toujours utile pour marquer des points auprès de la gente féminine.

« Ouais. Et heureusement que y a la satisfaction de faire quelque chose de bien parce que bon… c’est pas très reconnu »

Son sourire s’agrandit. En fait, c’est une excuse parfaite en ce qui le concerne. Il n’est pas sans emploi non… Il agit dans l’ombre, comme un superhéro. Il faut qu’il se ressaisisse le petit, parce qu’il continue bel et bien de dire n’importe quoi. Samuel fera tout son possible pour au moins entendre Eva rire, ou la voir sourire plus franchement (a)

Eva ne sait pas si ce jeune homme sera à même de la réconforter ce soir, d’autant qu’elle n’est pas franchement de celles et ceux qui s’ouvrent aisément, et qui parviennent à se confier totalement. Très réservée, la blonde ne conçoit donc pas d’étaler ses problèmes et difficultés à un inconnu. Par contre, le fait qu’il fasse de l’humour et qu’il lui raconte tout un tas de bêtises l’amuse, et lui permet de se changer un peu les idées. Et ça, clairement, ça n’est pas plus mal. Eva cessera de broyer du noir, au moins le temps de leur conversation, et ça ne peut qu’être positif au final.

Du coup, l’étudiante décide de se prêter au jeu, et de l’interroger, notamment sur son fidèle destrier. Elle ne sait pas si Sam va continuer dans sa lancée, ni ce qu’il va inventer, mais espère pour tout dire qu’il ne va pas la laisser, et qu’il va continuer dans son délire. Sa réponse, surprenante, et amusante, fait de nouveau sourire Eva. Elle ne s’attendait pas à ça ! Un cheval en grève, c’est nouveau, ça vient de sortir XD

Reprenant son sérieux, la photographe fait mine de se sentir concernée.

Je comprends ne t’inquiète pas, c’est vrai que son prix a drôlement augmenté dernièrement. Ma perruche de compagnie m’en a parlé, elle en consomme également.

Explique-t-elle, tout naturellement, et sans trop savoir d’où lui vient un truc pareil ! D’ailleurs, après coup, la blonde ne peut s’empêcher de recouvrir ses lèvres avec sa main pour cacher un grand sourire. Il est rare qu’elle se laisse aller à raconter tout un tas de bêtises de la sorte ! Mais le jeune homme a ses côtés sait la mettre en confiance. Pire que ça, il continue même sur sa lancée, en répondant à son autre question.

Je vois.

C’est bien payé au moins ?

Leur conversation n’a tout bonnement ni queue ni tête mais la jeune femme s’amuse en fait bien plus qu’elle aurait pu le croire à déblatérer des bêtises. D’ailleurs, un petit sourire amusé peut désormais se lire sur ses lèvres, tandis qu’elle passe sa main dans ses cheveux blonds, pour les écarter un peu plus de son visage, et les laisser tomber dans son dos.

Habituellement, Eva aurait craint que son interlocuteur la prenne pour une folle, ou sortie tout droit d’un asile, mais comme c’est lui qui a commencé, la jeune femme ne se sent pas nerveuse, et attend même sa réponse avec impatience.

Peuvent-ils réellement parler de point commun ? Samuel n’en sait trop rien. A vrai dire, il doute réellement qu’elle connaisse la moitié de l’indifférence et de la douleur que lui ont causé ses parents tout au long de sa vie, jusqu’à aujourd’hui. Cela continuera probablement de la même manière pour les prochaines années. Dans tous les cas, n’étant pas méchant au fond, le blondinet lui souhaite de ne jamais connaître une telle sorte d’indifférence ~

Enfin, d’un autre côté, sans cela, il ne serait probablement pas devenu ce qu’il est aujourd’hui. Attirer l’attention, raconter des bêtises, c’est le genre de truc pour lequel il est passablement doué. Alors à défaut de savoir quoi lui dire, il préfère tenter de lui changer les idées. Et puis, franchement, à quoi est-ce que cela sert de mettre des mots sur une douleur ? Il vaut mieux, à son avis en tout cas, l’oublier, l’enterrer et ne plus y songer.

La jeune femme se montre réceptive à son humour, si lui non plus n’était pas au mieux de sa forme en arrivant, Eva lui redonne le moral en un rien de temps (a) Samuel avait craint un instant qu’elle ne s’en aille ou ne réponde pas. Mais, c’est tout le contraire qui se produit puisqu’elle joue le jeu ! Il rigole.

« Carrément ! C’est une crise internationale, faut pas déconner avec l’avoine ! »

Un grand sourire fend son visage. La voir se détendre lui fait vraiment plaisir et puis, sincèrement, elle est beaucoup plus jolie qu’avec des larmes pleins les yeux ~ Aucun souci avec lui, Samuel peut continuer ce genre de délire indéfiniment tant qu’on ne lui met pas de limite ! Eva lui pose d’ailleurs une autre question qui ne manque pas de le faire rire. Cela dit, c’est toujours avec une pointe de sérieux qu’il tente de répondre.

« Ça va ouais, mais bon tu sais… Après avoir enlevé les frais d’entretien pour le château, la nourriture pour les monstres dans les douves, il reste plus grand chose au final ! x) »

Il continue sur sa lancée, racontant bêtises sur bêtises. Ça lui change les idées à lui-aussi. Il évite ainsi de songer à son frère à qui il a envie de mettre un poing dans la figure où au regard froid et dénué d’affection que sa mère pose constamment sur lui. Elle ne le fait certainement même plus exprès à force.

Le regard du jeune homme se pose dans celui d’Eva. Il est nettement plus sérieux d’un coup alors qu’il reprend la parole. En fait, on peut dire qu’il a réussi, en tout cas en partie, sa « mission »

« Mais c’est pas ça qui compte, heureusement. »

Même si en général il préfère continuer son chemin, quand il se met en tête de faire quelque chose, Samuel aime cette satisfaction d’être parvenu à ses fins. Sans compter que, pour une fois, c’est pour la bonne cause et non pas seulement pour sa petite personne.

Eva ne pensait pas du tout faire une telle rencontre aujourd’hui, et encore moins dans de telles conditions. La décontraction du jeune homme a le mérite de lui changer les idées. L’étudiante ne songe plus réellement à ce qui la faisait tellement pleurer, quelques minutes en arrière. Elle se concentre davantage sur leur discussion, qui n’a pourtant ni queue ni tête. Habituellement pas vraiment douée en mensonges, Eva s’en sort mieux qu’elle aurait pu le penser. Elle raconte bêtise sur bêtise, notamment à propos d’une perruche apprivoisée ! Du grand n’importe quoi. Ça a, en tout cas, le mérite de le faire rire et ça, ça l’amuse beaucoup pour tout avouer. Elle ne pensait pas être capable d’amuser un inconnu à ce point. Elle esquisse un autre sourire quand il parle de la crise de l’avoine.

Je sais bien, c’est très grave…

Souffle Eva, sans pourtant parvenir à prendre un air de circonstance. En fait, elle n’arrive plus à s’empêcher de sourire. Il est rare qu’elle arrive à se détendre en compagnie d’un inconnu, et encore plus rare qu’elle parvienne à faire rire quelqu’un si facilement. Elle est assez contente d’elle pour le coup, et en oublie ce qui l’a conduite au départ à prendre place sur ce banc. Sam poursuit même sur sa lancée.

Oui et j’imagine qu’il n’est pas concevable de déménager pour prendre plutôt un appartement ? ^^

Demande-t-elle, dans un petit sourire amusé, presque malicieux en fait. Et puis, tout en posant son regard sur lui, Eva comprend qu’il essaie de lui faire passer un message en s’adressant à elle de manière plus sérieuse. Aussitôt, le sourire qui avait pris place sur son visage s’efface, pour laisser place à un air entendu. La jeune femme acquiesce, et reprend la parole, sur un ton plus sérieux à son tour.

Oui, ce qui compte c’est de secourir les « demoiselles en détresse » que tu croises sur ton chemin…

La jeune femme baisse les yeux, et serre dans ses mains le mouchoir qu’il lui a donné un peu plus tôt. Elle prend une profonde inspiration, consciente que, même si tous ses problèmes sont loin d’être résolus avec son père, elle se sent un peu mieux, un peu plus détendue tout du moins. Elle passe à nouveau une main dans ses cheveux pour les écarter de son visage, et tourne une fois encore la tête en direction du jeune homme à ses côtés. Elle reprend la parole sans plus tarder, pour souffler :

Et c’est vrai que tu as un don pour ça… x)

Eva ne peut que le reconnaître ! Pourtant, au départ, quand il est venu l'aborder, l'étudiante a eu de sérieux doutes sur ses motivations...! Mais là, elle ne peut que le remercier d'être intervenu, et le fait à travers des mots, mais aussi par le regard, en posant des yeux doux et apaisés sur lui.

Voir Eva se détendre est déjà une récompense conséquente. En plus de faire plaisir à Samuel, ça le conforte dans le fait qu’il est très doué pour cela. Ou la plupart du temps. En effet, ça ne marche pas à tous les coups puisque certaines personnes se montrent récalcitrantes face à son humour un peu particulier. Cela dit, ce n’est pas le moment d’y penser plus longuement puisque ce n’est pas le cas de la ravissante blonde.

« Et dire que la plupart des gens ne s’en rendent pas compte ! »

Ajoute-t-il, faisant mine de soupirer. Il a de plus en plus de mal à garder un brin de sérieux. En fait, cette discussion sans le moindre sens lui permet autant qu’à elle de se détendre et de penser à autre chose. Ce n’est pas du luxe. Comme quoi, ils se sont bien trouvés. Le hasard fait parfois bien les choses, même si, c’est sûr, ce n’est pas avoir rencontrer Samuel Austin qui va aider Eva à résoudre ses problèmes. Pour rire il est assez fort, mais pour ce qui est d’écouter les autres, c’est une histoire différente.

« Ça casserait un peu l’effet, tu crois pas ? x) »

Un sourire amusé s’affiche sur ses lèvres. Pas sûr que partager une maison avec ses parents fasse plus d’effet que s’il vivait seul dans un appartement x) Cela dit, Sam, en réalité, n’a pas grand-chose du prince charmant de base. Heureusement que ce n’est qu’un joli conte. Même s’il y a bel et bien une part de vérité dans tout cela, ces derniers temps, c’est la deuxième fois qu’il se « porte au secours » d’une demoiselle en détresse.

Quand elle reprend la parole pour exposer à voix haute le but de cette ‘quête’, le jeune homme acquiesce. Son regard ne la quitte plus, il lui sourit d’une manière adorable.

« De les faire sourire aussi…

T’es d’ailleurs beaucoup plus belle quand tu souris (a) »

Lui dit-il, toujours très sérieux. Enfin un compliment digne de ce nom et formulé correctement ! On ne le changera pas, même s’il ne lui fait pas vraiment la cour, ça ne l’empêche pas de rester le « dragueur de base ». Incapable de passer à côté d’une jolie fille sans rien dire x)

« Merci. Tu joues très bien le rôle de la demoiselle en détresse. »

Ceci dit, Sam s’interroge intérieurement sur ce qu’il est censé faire maintenant. Trouver les mots, ce n’est clairement pas son fort quand il faut être un minimum sérieux. Enfin, peut-être qu’Eva n’a pas envie de parler de toute façon, ou que ça lui est tout simplement passé. Il n’ajoute rien ~

Eva ne pensait pas du tout qu’elle parviendrait à esquisser le moindre sourire aujourd’hui. Mais c’était en fait sans compter sur ce preux chevalier x) Sam a le mérite d’être parvenu à la détendre, à l’apaiser un peu. C’est vrai qu’il a un humour assez particulier quand on y pense, mais ça ne choque pas la demoiselle à ses côtés, bien au contraire. Elle se retrouve dans son délire sur l’avoine et compagnie, et s’en amuse.

Je ne comprends pas pourquoi ça ne fait pas la une des journaux !

Lance Eva, en prenant un air faussement concerné. Elle a du mal à s’empêcher de sourire cela dit, voire même de rire, en fait. Il faut dire que cette conversation n’a pas de sens ! Mais ça a le mérite de lui changer radicalement les idées. Elle lui parle alors de déménager dans un appartement, ce serait sans doute moins coûteux qu’un château à entretenir (a) C’est du grand n’importe quoi, mais ils semblent s’être bien trouvés l’un et l’autre, puisque capables d’épiloguer sur un sujet complètement débile XD

C’est sûr !

Concède la jolie blonde, avant de reprendre son sérieux. Elle ne peut que remercier le jeune homme de s’être arrêté, et d’avoir tout entrepris pour la faire sourire. Elle lui avoue donc que, dans ce domaine, il est plutôt doué. C’est un compliment déguisé en quelque sorte, une manière très douce et gentille de lui faire comprendre qu’elle le remercie de son intervention. Le sourire qu’il lui adresse est on-ne-peut-plus charmant. En le regardant, Eva réalise qu’il est plutôt beau garçon… ! Mais là n’est pas le sujet. En fait, ce qui est au cœur de la discussion c’est plutôt son physique, à elle, puisque Sam la complimente à ce propos. Troublée, la blonde rougit jusqu’aux oreilles en détournant le regard.

Me… Merci.

Balbutie-t-elle, avant qu’il ne la complimente aussi sur son interprétation de la demoiselle en détresse. Disons qu’elle ne l’avait pas fait exprès ! Et elle espère en fait que ce rôle ne lui collera pas à la peau… Puis, le regard doux de la jeune femme finit par se reposer sur son « sauveur ». Elle voudrait le remercier encore, mais finit par plonger ses yeux au fond des siens, et par songer à ce qu’il lui a dit un peu plus tôt. Son air se fait un peu plus sérieux quand elle reprend doucement la parole.

Alors toi aussi, tu as déjà eu envie de fuir… ?

Quelque part, Eva a envie de se rassurer, de se dire qu’elle n’est pas toute seule, et peut-être parviendra-t-elle à s’ouvrir à lui s’il ose se confier à elle… ? Mais en même temps, après avoir dit cette phrase tout haut, l’étudiante réalise que ça ne la regarde pas. Elle détourne timidement le regard.

Excuse-moi, ça ne me regarde pas après tout…

Samuel acquiesce, arborant un air concerné qu’il troque rapidement contre un grand sourire. Ce sujet est en effet on-ne-peut-plus sérieux, tout le monde devrait en parler. Sauf que, en l’occurrence, ils sont probablement les seuls à avoir ce genre de délire. Être trop sérieux est mauvais pour la santé. Quand on y pense, si ses parents ne s’étaient pas comportés de cette manière avec lui, il ne serait probablement pas devenu comme cela. Il y a des bons côtés à toute chose, même si cela l’a longtemps fait souffrir et le fait certainement souffrir encore aujourd’hui (même s’il ne le reconnaîtra pas de vive voix)

Le jeune homme rigole. Si au premier abord Eva avait l’air d’être triste et peut-être un peu.. coincée ? C’est loin d’être le cas. Ils ont l’air de se comprendre et de pouvoir parler tous les deux, pendant un long moment, d’un mélange de contes de fées et de chevalier servant. Lui, ça l’amuse, elle le fait rire. Pas d’une manière moqueuse cela dit. Il est content qu’elle se prenne au jeu.

La conversation finit cependant par redevenir un tant soit peu sérieuse. On peut dire que Sam a atteint son but, il a réussi à la faire rire et à lui changer les idées. Il pourrait repartir, la tête haute, à pied (à défaut d’avoir un cheval à disposition). Mais ce n’est pas sûr que ce soit ce dont il a envie. Le fait qu’il n’a pas envie de rentrer chez lui n’a pas encore changé. Le jeune homme a donc absolument tout son temps ~

Il la complimente, son regard ne la quittant plus une seule seconde. Il n’a pas menti, c’est une belle femme. D’autant plus quand elle rougit. Le pire c’est que, si ça se trouve, elle n’a pas la moindre idée de son potentiel de séduction. Et pourtant, elle en a bien un, et un conséquent. Peut-être est-elle juste un peu trop... timide ?

« Dommage que tu sois pas libre (a) »

Lâche-t-il, un sourire en coin. A vrai dire, le musicien le dit plus pour la faire réagir que pour autre chose dans la mesure où, ce détail, ne fait pas partie de ceux qui rebutent Samuel quand il s’agit d’aborder une femme x) Il avait déjà fait, sans le vouloir, se séparer un couple, alors bon, il n’est pas à ça près. Mais, aussi étrange que cela puisse paraître, ce n’est pas tout à fait pareil avec Eva.

La jeune femme le fait d’ailleurs, dans un premier temps, hausser les épaules quand elle l’interroge. Pour tout dire, Sam ne ait pas quoi répondre. C’est vrai qu’il l’a dit auparavant. Enfin il a laissé entendre en tout cas qu’elle n’était pas la seule à connaître ce genre de problème.

« C’est rien. »

S’empresse-t-il de répondre quand Eva s’excuse. D’ailleurs, pour ne pas qu’elle angoisse à ce sujet, il ne tarde pas à reprendre la parole.

« Pourquoi vouloir fuir une famille aussi parfaite ?

Voyons, c’est connu. En plus de compter parmi eux un des médecins de la ville, la famille Austin est un modèle tant en ce qui concerne la générosité, le savoir-vivre et tout ce qui va avec… »

Cette fois, il se fait railleur. Et pour cause, Samuel ne pense pas un mot de ce qu’il vient de dire.

« Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort ». Cet adage, Eva essaie de ne pas l’oublier. Elle sait que ce qu’elle traverse est dur à encaisser, mais que ça la rendra plus forte, que c’est un mal pour un bien en fait. Après tout, son père s’est toujours plus ou moins mal comporté… Si elle s’en rend compte aujourd’hui c’est parce que ça se retourne contre elle, mais même avant elle n’aurait pas dû cautionner ses agissements… Elle a mis du temps à s’en rendre compte, mais cette fois elle est sûre d’une chose. Le problème ne vient pas d’elle. Cette fois, elle ne va pas se remettre en question, ni se plier à la volonté de son cher « papa ». D’un côté, elle est fière d’elle, mais d’un autre… Elle se sent désespérément seule. Le lien qui la liait à Wesley était si fort… ! Eva a l’impression d’être abandonnée à son sort. Ou presque. En effet aujourd’hui, on a mis quelqu’un sur sa route…

Il parvient à la faire rire, ce qui est sans doute un miracle en soit, et Eva parvient finalement à le faire rire en retour (un autre miracle certainement). Elle n’en revient pas de parvenir à se sentir aussi à l’aise et sur la même longueur d’ondes qu’un inconnu… ! Cela dit, quand il se permet un compliment, la jeune femme se sent tout de suite moins à l’aise… Elle n’a pas l’habitude d’en recevoir et ne sait absolument pas comment réagir. Bêtement, elle se sent rougir, et son regard se détourne… Il doit la prendre pour une véritable coincée, ou une sainte nitouche…

Du moins, c’est ce qu’elle s’imagine, avant qu’il ne se permette une remarque qui la fait rougir d’autant plus, et qui la surprend aussi beaucoup. Non, il doit dire ça pour être gentil… ! La blonde secoue la tête, et lui demande, comme s’il venait de plaisanter ou de sortir une grosse bêtise :

Arrête x)

Non, elle ne le croit pas. Elle ne croit pas un seul instant que si elle était libre, un inconnu qui la connaît depuis un petit quart d’heure aurait envie de se rapprocher d’elle. Jamais Eva ne s’est trouvée réellement jolie. Faut dire qu’elle faisait toujours de son mieux pour passer totalement inaperçue…

La conversation a été si facilitée qu’Eva n’a pas réfléchi avant de parler. Si ça se trouve, il n’a pas envie de revenir sur le premier sujet de leur conversation… ! Ça pourrait se comprendre. Heureusement, il lui pardonne. Et reprend la parole, pour lui apprendre qu’il fait partie de la famille Austin. Au passage, il lui raconte combien sa famille est formidable. Eva reconnaît parfaitement le ton qu’il prend, très sarcastique.

La famille Jenns est elle-aussi une modèle d’exemplarité. Après tout, avoir une petite femme parfaite et deux filles bien éduquées, c’est bien le minimum de ce qu’on attend d’un Maire, non ?...

La jolie blonde croise le regard de Sam et se mord timidement la lèvre inférieure. Jamais elle n’aurait osé parler d’un ton pareil de sa famille auparavant… C’est une grande première, mais elle sent que le jeune homme sera à même de la comprendre. Elle ne le quitte pas des yeux.

Je suis bien placée pour savoir que les familles qui semblent parfaites aux yeux du monde ne le sont pas toujours en réalité…

Contrairement à Eva, Samuel n’a rien perdu dans l’histoire. Ses parents ne l’ont jamais vraiment aimé. Il n’a donc pas eu le loisir de constater la différence. Ce n’est pas quelque chose qu’on lui a coupé en cours de route mais bien quelque chose qu’il n’a jamais eu la chance d’avoir. Une attention qu’ils ont cela dit toujours donné entièrement à son prétendu grand-frère qu’il devrait accepter en tant que tel alors qu’ils ont toujours fait beaucoup de différence entre eux ! A croire qu’ils n’ont jamais lu un seul livre, magasine ou vu une seule émission sur l’éducation ou sur les enfants.

Cela dit, au départ, il préfère mettre ce sujet plutôt brûlant de côté. Au lieu de ça, ils discutent de choses et d’autres, principalement de trucs sans le moindre sens. Eva réussit sans peine à le faire rire et lui, il est également tout heureux de lui rendre la pareille. Une fois ses yeux secs, il n’en démordra pas, elle est beaucoup plus belle. Sauf qu’Eva a l’air de ne pas vouloir le croire. Au lieu d’arrêter quand elle le lui demande, il renchérit.

« Tu me crois pas ?

J’ai bien une idée pour te prouver que je suis très sérieux mais… ça risque de pas plaire à ton copain XD »

Avoue Samuel sans détour, un léger sourire en coin. Elle peut le croire pourtant parce que, c’est la stricte vérité. C’est peut-être horrible à dire, mais il y a des chances, que si elle s’était révélée être un laideron, il serait parti tout aussi vite qu’il était arrivé. On a beau dire que c’est la beauté intérieur qui compte, il n’empêche que la première prise de contact est très importante et que donc, les apparences le sont tout autant. Et puis, sincèrement, un garçon comme lui, avec de sévère tendance égocentrique, il privilégiera toujours une fille avec qui il serait fière de se balader main dans la main si quelque chose venait à se concrétiser. Ou alors, plus surement, qu’il pourrait se vanter auprès de ses potes d’avoir mis dans son lit x)

Le sujet redevient nettement plus sérieux. Elle doit être une des seules personnes à qui le jeune homme a avoué, d’une manière détournée, qu’il a en effet des problèmes chez lui.

« C’est sûr. »

Egoïstement, il ne se doutait pas que quelqu’un d’autre puisse vivre la même chose que lui, qu’une autre famille suive le même « modèle » que la sienne. Ou à peu de chose près. Il ne souhaite pourtant à personne de connaître cela parce que ça n’a rien de facile à vivre.

« C’est même certainement les pires. »

Commente le jeune homme. Comme dans les films, ce sont toujours dans les familles sans histoire que se cache des tueurs en série ou les pires problèmes qui puisse exister. Evidemment, personne ne s’en doute jamais parce qu’ils donnent le change à merveille en souriant et en agitant la main. Heureusement cela dit, dans le cas de Samuel il ne s’agit pas de violence physique mais psychologique. Encore plus facile à cacher… Mais le pire dans tout cela, c’est que ses parents ne font certainement même pas exprès. C’est agaçant.

« T’as envie d’en parler ? »

Lui demande le musicien. Il n’est pas persuadé d’être la personne idéale, mais au point où ils en sont, ils peuvent bien en parler ~

Eva se demande si son père l’a déjà correctement aimée. Il ne la connaît pas réellement, et s’est juste évertué à la « façonner » telle que lui l’entendait. C’est triste à dire, mais la blonde était trop occupée à vouloir répondre à ses attentes qu’elle s’est un peu perdue en route. Heureusement, sa passion pour la photographie est, elle, bien réelle. La jeune femme se focalise d’ailleurs sur ses études quand les choses ne vont pas bien. C’est un des rares domaines dans lequel elle ne se met pas trop la pression. Pourtant, son père a souvent été derrière elle, à surveiller ses moindres faits et gestes, à contrôler ses notes… Mais maintenant, il n’en aura sûrement plus rien à faire.

Perturbée par les propos que tient le jeune homme près d’elle, Eva rougit, puis prend les choses avec humour. Elle n’arrive décemment pas à croire qu’elle puisse l’intéresser, mais Sam tente pourtant de la convaincre… Elle tourne la tête dans sa direction, et le regarde dans les yeux. Son air est amusé, à dire vrai sa manière d’être la fait rire.

Disons que j’ai du mal à te croire…

Attention, c’est un excellent boxeur (a)

Souffle la blonde, de sorte à ce que le jeune homme ne prenne pas de risques inutiles. En tout cas, il a réussi à semer le doute en elle. Peut-être qu’il dit vrai. Enfin, là n’est pas la question… Il y a des choses nettement plus importantes. Le Dr Austin est le médecin traitant d’Eva. Elle savait bien qu’il avait deux fils, mais elle ne voyait pas du tout de qui il pouvait s’agir. Elle peut désormais mettre un visage sur l’un d’eux. Et visiblement, certaines choses les rapprochent, notamment pour ce qui touche à la famille. Ils ont tous les deux des parents qui respirent la perfection, alors que par derrière, ils mènent apparemment la vie très dure à leurs enfants.

Peut-être bien…

Je pensais pas que les gens pouvaient aller aussi loin pour une question d’image.

Murmure-t-elle, songeuse. Elle sait que l’apparence est importante quand on est un homme politique, mais de là à faire souffrir ses enfants, c’est grave. A ses yeux, pour des parents, rien ne devrait importer plus que leur progéniture. Il semblerait que Messieurs Jenns et Austin voient les choses d’un autre œil. A nouveau, Eva tourne la tête en direction du jeune homme à ses côtés. Il souhaite savoir si elle a envie d’en parler. En fait, elle hésite. Elle sait que mettre des mots sur sa souffrance ne résoudra pas ses problèmes. Elle frissonne.

Je sais pas… Oui ? Peut-être ^^’ Je sais pas trop par où commencer, je crois… Mais en tout cas, j’ai froid x) Est-ce que je peux t’offrir un café, ou un chocolat chaud ?

Après tout, c’est la moindre des choses que peut faire Eva pour le remercier et puis elle n’a toujours pas envie de rentrer chez elle, de toute manière. Elle lui sourit.

Même s’il refuse de l’admettre, chacun de ses problèmes, principalement relationnel, sont liés à son enfance. Lui ne veut pas voir cela comme quelque chose de mal mais, au contraire, comme une partie de sa personne. Et pourtant, Samuel deviendrait certainement un autre homme s’il réussissait à en parler, ou à passer par la case « thérapie ». Cela dit, à quoi bon ? Sans compter qu’il n’a pas du tout conscience d’avoir un problème et c’est toujours la première étape à franchir. Sa vie a fait de lui ce qu’il est. Il a des défauts, c’est sûr, mais tout simplement comme tout le monde ~

En apprenant que le copain de la jolie blonde est boxeur, il ne peut s’empêcher de rire gentiment. Ils font surement un joli couple, sans doute, si on considère que l’amour est quelque chose de beau, mais s’il est très musclé, elle doit paraître bien frêle à côté.

« T’en fais pas, je sais me défendre…

Et puis, je suis sûre que ça en vaudrait la peine (a) »

Ajoute-t-il, sans en démordre une seule seconde et sans lâcher son regard. Si elle ne le croit pas, il sera bien obligé de faire quelque chose. Elle a beau avoir l’air toute timide, limite coincée, il la trouve mignonne et amusante. C’est sûr que si la situation avait été différente, il aurait sauté sur l’occasion et advienne que pourra. Mais pas aujourd’hui, pas ce soir. Leur discussion prend d’ailleurs une dimension bien plus sérieuse et bien plus personnelle par la suite. Il ne tient jamais ce genre de discours avec les filles qu’il a envie de mettre dans son lit. Sans doute parce que ce n’est pas parler pendant des heures avec elles qui l’intéressent x)

Il apprend qu’elle est la fille du maire. Comme tout le monde, il le connaît, même si ce n’est pas d’une manière très personnelle. Son sourire se fait triste quand Eva expose une réalité bien dure. Les gens feraient n’importe quoi pour préserver les apparences, quitte à mentir à tout le monde. Peut-être que leurs raisons sont bonnes. Mais en tout cas, celles de ses parents, Samuel ne les a jamais comprises. Ils ne l’aiment tout simplement pas.

Par politesse, mais aussi par un élan de générosité et de gentillesse d’une source complètement inconnue, le musicien propose à la jeune femme d’en parler. Pourtant, lui-même se voit très mal ouvrir son cœur ou en dire davantage sur sa personne… Là n’est pas le sujet, si ça fait du bien à Eva de lui en parler, il n’a pas le droit de lui tourner le dos.

« Va pour un café. Mais c’est moi qui offre. »

Acquiesce Samuel. Sa conduite étant dictée par des règles un peu stupides, il n’hésite pas une seule seconde à proposer de régaler. Il trouve ça normal. Et puis, ça colle bien avec l’image de chevalier servant qu’il a tenté de lui donner au début de leur conversation.

Eva ne pensait pas parvenir à rire aujourd’hui, ni à faire rire pour tout dire. Elle ne pensait pas, non plus, que quelqu’un la flatterait de la sorte. Du coup, elle se retrouve bien embêtée pour tout dire, et toute rougissante. La jeune femme a bien du mal à camoufler ses émotions en règle générale, et cette fois ne fait pas exception à la règle. Elle se sent nerveuse, d’autant que le jeune homme n’en démord pas. Il lui confie qu’il sait bien se défendre, même en face d’un boxeur apparemment, et qu’elle vaudrait même la peine qu’il en arrive jusque là pour elle. C’est un compliment drôlement touchant, et d’autant plus troublant pour Eva, qui ne sait plus trop quoi dire du coup ! Le jeune homme ne la lâche plus du regard qui plus est, ce qui a le don de la déstabiliser encore un peu plus.

La seule solution qu’elle trouve alors est de changer de sujet. Ça n’est pas super subtil, mais c’est tout ce qu’elle a trouvé sur le moment…

J’imagine que tu n’as pas de petit-amie… ?

La blonde esquisse un léger sourire. Autant dire que s’il en a une, celle-ci a intérêt à ne pas être super jalouse ! Sans quoi elle doit lui faire des crises sans arrêt quand il réconforte des filles en larmes ou qu’il se permet ce genre de compliments à leur égard…

Puis, la conversation devient nettement plus sérieuse, plus… personnelle. Eva se présente comme la fille du Maire, et ne cache pas à Sam que, chez elle aussi, on sauve les apparences avant tout, et à n’importe quel prix. Habituellement, la jeune femme tient un autre discours, et soutient son père coûte que coûte devant qui veut bien l’entendre. Aujourd’hui, les choses sont différentes. Wesley lui a démontré qu’il n’a pas que des bons côtés.

Le jeune homme lui propose d’en parler. Eva ne sait pas bien si c’est la solution à son problème. Qu’elle en discute ou non avec lui, elle doute franchement que ça change quelque chose au final. Peut-être que ça la soulagera, mais en tout cas ça ne fera pas évoluer l’attitude désobligeante de son père envers elle. En tout cas, l’étudiante n’envisage pas de rester sous cet abribus pour le moment. Elle commence à avoir sérieusement froid, et propose donc à Sam d’aller prendre un café, ou un chocolat chaud, avec elle.

Oh non, j’y tiens, ça me ferait plaisir, pour te remercier…

Souffle Eva, en se levant, et en l’implorant du regard. Il aurait très bien pu ne pas s’arrêter, l’ignorer et continuer sa route… ! Mais il a choisi de ne pas le faire. Et, pour cette raison, la jeune femme considère que ce serait à elle de payer les consommations, de sorte à le remercier en quelque sorte. Cela dit, elle ne compte pas insister des lustres non plus, elle n’a pas tant de force de caractère que ça x) Sans le quitter des yeux, Eva attend qu’il se lève à son tour, en espérant une réponse positive de sa part.

A son sens, elle doit être habituée aux compliments. Après tout, ça n’aurait rien d’étonnant, elle est vraiment mignonne dans son genre. Même si, il est vrai qu’elle a l’air un peu coincée, Eva lui a rapidement prouvé qu’elle était capable de se laisser aller, de plaisanter, et même de le faire rire. Elle cache bien son jeu. Etrangement, ça donne envie au musicien de la connaître un peu plus ~

« C’est si évident que ça ? »

Demande-t-il en riant, au sujet du fait qu’il est célibataire. A vrai dire, même lorsqu’il est en couple, ça ne l’empêche pas de se montrer « sympa » avec les jolies filles. Il ne va pas forcément plus loin, mais Sam reste un dragueur. Ce serait surement un véritable cauchemar de sortir avec une fille jalouse d’ailleurs. Enfin, dans le cas présent, il se montre juste sympa, sans avoir d’idées particulières en tête. D’autant plus qu’ils finissent par avoir une conversation vraiment sérieuse. Beaucoup plus que celles qu’il a l’habitude d’avoir avec ‘n’importe qui’. C’est un petit plaisantin, le jeune homme est, de ce fait, rarement sérieux en temps normal. Ou, en tout cas, il n’évoque pas les sujets délicats.

Chacun leur tour finisse par expliquer leur avis sur leur famille respective. Aucune des deux n’est parfaite, même pire que cela à vrai dire. Parce que personne ne demande aux parents d’être parfait, ils doivent se contenter d’aimer leurs enfants et leur donner ce dont ils ont besoin pour qu’ils grandissent et se construisent dans une situation stable et agréable. Peut-être réussiront-ils à en parler ensemble puisqu’ils traversent ou ont traversé quelque chose de similaire ?

De son côté, il y a peu de chance, mais Samuel est tout à fait prêt à l’écouter. Et c’est une excellente idée de le faire autour d’une bonne bière, ou d’un café, au choix x) Sam finit par acquiescer, même s’il s’occupera certainement de l’addition pendant qu’elle aura le dos tourner, ou en s’y prenant tout simplement avant elle. Il verra bien sur le moment. Suivant Eva, il se lève à son tour et l’interroge :

« Alors, tu veux aller où ? »

Enfin, ils sont à Great Falls il ne faut pas l’oublier, il n’y a pas des masses de choix à part… le Tom’s x) C’est même surement le seul, non ? Sur le moment, Samuel ne s’en préoccupe pas davantage et attend une réponse de la belle.

Et bien non, Eva n’est pas habituée aux compliments, pas franchement ! Elle a toujours du mal d’ailleurs à les accepter. Elle se contente en règle générale d’un petit « merci », bien qu’elle reste souvent particulièrement sceptique. Il faut dire qu’Eva Jenns n’attire pas franchement le regard, puisqu’elle tente en permanence de passer inaperçue. Qu’on lui fasse des compliments est donc plutôt rare en soit. Qu’on lui en fasse autant encore plus. Changeant de conversation, la blonde en vient rapidement à penser que son interlocuteur est célibataire…

En entendant sa réponse, elle craint cependant que sa question n’ait pas bien été interprétée ! Heureusement, comme il se met à rire, l’étudiante imagine qu’il ne l’a pas mal pris. Elle finit par sourire à son tour, puis acquiesce.

Je veux pas dire par là que ça saute aux yeux, non !

Souffle-t-elle, comme pour se justifier tout de même un minimum (a) Si elle s’est permise cette réflexion, c’est parce que Sam se comporte comme un véritable séducteur ! Ce n’est pas, par exemple, parce qu’il a un physique peu avantageux, ou quelque chose du genre. C’est même tout le contraire, il est plutôt beau garçon.

Mais disons que ça se ressent… (a)

La jeune femme n’entre pas davantage dans les détails, et se contente d’esquisser un petit sourire malicieux. Disons que si Sam avait été en couple, sa copine aurait eu intérêt à ne pas être jalouse. Il s’est tout de même permis avec elle des compliments très directs… ! Après, c’est peut-être, sans doute même, dans son tempérament. Il l’a fait avec une telle facilité que ça ne surprendrait pas Eva qu’il réserve le même sort à toutes les autres filles… Cela expliquerait beaucoup de choses, comme le fait qu’une fille comme elle puisse l’intéresser !

La photographe ne sait pas réellement si elle est prête à se confier à ce jeune homme qu’elle vient à peine de rencontrer sur ses problèmes avec son père. Cela dit, elle a bien envie de poursuivre ce début de soirée en sa compagnie, et si possible ailleurs. Il fait de plus en plus froid à Great Falls dernièrement ~

Hum, je sais pas ! Au Tom’s, au Coffee Time ?

Comme tu veux !

Répond Eva dans un sourire, après s’être levée. Elle est contente d’avoir fait la rencontre de Sam, et de prolonger ce moment en sa compagnie.