Manifestement, la jeune fille le connaissait, et visiblement très bien. Jake était complètement perdu. Et à mesure que le temps passait, les images dans sa tête se faisaient de plus en plus claires, ce qui commençait à l’effrayer. Il revoyait la jeune fille, Juliet. Ce n’était plus le campus, mais un lieu qu’il ne fréquentait vraisemblablement plus aujourd’hui. Il ne comprenait pas ce qui lui arrivait. Plus il y pensait, plus son rêve devenait … réalité. Mais cette réalité, il la réfutait. Ce ne pouvait pas être vrai. Il se connaissait. N’était-il pas la gentillesse incarnée et particulièrement depuis ces trois dernières années. Il n’avait plus eu de relation digne de ce nom depuis trois longues années. Il était tellement attentionné, trop attentionné qu’il finissait toujours par se faire larguer.

Mais là n’était pas la question. Ce qui l’intriguait, c’était l’identité de la jeune fille. Il savait son prénom, mais il ignorait pourquoi. Il connaissait son visage, il savait qu’il l’avait déjà vue, mais si ce n’était dans ses songes, alors où ? Des tonnes de questions lui traversaient l’esprit ce qui intensifiait sa douleur crânienne. Il prit ses tempes entre ses mains alors que la Juliet haussait le ton. Cette voix lui était tellement familière, surtout lorsqu’elle prononça son prénom, et qu’elle lui demanda d’arrêter.

*Jake arrête…*

Ses mots sonnèrent comme une sentence dans la tête du jeune garçon qui redressa la tête, un air effaré sur le visage. Il se souvenait… ou presque. Non, il ne se souvenait pas de ce qu’il s’était passé, mais il savait à présent que les cauchemars qui l’avaient hanté n’en étaient pas. Il s’agissait bien de la réalité… mais comment pouvait-ce être la réalité s’il ne s’en souvenait pas !

Vingt-et-un. Ce chiffre était toujours ancré dans son esprit. Mais ce n’était pas son numéro de chambre. C’était l’âge qu’il avait lorsqu’il avait rencontré Juliet. Il la fixait, sans pouvoir articuler quoique ce soit. Il dut fournir un effort surhumain pour murmurer :

« Je ne fais pas semblant ! »

C’était intense, douloureux. Il ne put continuer à la regarder. Il eut un haut-le-cœur. Était-il réellement responsable de cette souffrance qu’il avait ressenti nuit après nuit dans ses rêves. Il comprenait qu’elle lui en veuille, mais il n’arrivait pas à se convaincre que cette personne horrible, c’était lui. À présent que les images lui revenaient plus clairement, il avait l’impression de voir en boucle un film dont il était le méchant. Il ne contrôlait rien, il se voyait faire sans pouvoir s’empêcher d’agir.

« Juliet ! »

Fit-il avant de l’empêcher de fuir. Il fallait qu’il en ait le cœur net, qu’il sache.

« J’ai… j’ai vraiment ça ce que je crois... ? Je t’en prie. Ne pars pas. J’ai des images, des sensations, et c’est flou et… dis-moi… »

Elle n’avait aucune raison de le croire, ni même de lui expliquer d’autant plus que ça la ferait revivre une scène qui n’avait pas l’air de plus agréable. Mais il cherchait simplement à remplir les blancs.

[désolée c'est pas top top ^^" ]

Depuis trois ans, il lui arrive souvent de penser à cette dernière soirée avec Jake, se demandant comment elle peut qualifier cet acte. Viol ou simple relation consentie ? Elle n'en sait rien elle-même. Elle s'est laissée faire, après tout, alors c'est un peu comme si c'était consenti. Sauf que tout son corps lui dit le contraire. Elle ne voulait pas aller si loin avec le jeune homme, pas si tôt...Elle l'aimait beaucoup, mais pas au point de se laisser aller si facilement. Elle comprenait que le jeune homme puisse avoir des envies, et c'est justement pour ça qu'elle voulait mettre fin à leur relation...Elle ne pouvait pas imaginer que ça se finirait comme ça.

Maintenant que le temps à passé mais que ce souvenir continue de hanter ses pensées, le jeune homme lui demande de lui raconter. Il semble avoir complètement oublié cette soirée. Il a beaucoup de chance, lui. Elle aurai aimé pouvoir oublier, elle aussi. Mais d'un coup, elle se dit que d'en parler lui fera peut-être du bien, à elle ? Et, au pire, lui faire réaliser qu'il est un monstre lui fera peut-être assez de mal pour qu'elle puisse s'en réjouir ? Ou pas.

Elle commence donc son récit, marquant quelques pauses. Ce ne sont pas des choses facile à avouer et à raconter. Elle prend donc son temps, n'entrant pas dans les détails, c'est déjà assez difficile pour elle. Lorsque le plus gros est dit, elle s'arrête, n'ayant plus rien à ajouter. Elle est bouleversée. Jake lui a fait beaucoup de mal, lui qu'elle aimait beaucoup, en qui elle avait entièrement confiance....Lui qui avait réussi à lui redonner confiance. Il avait changé sa vie, elle allait beaucoup mieux. Et puis en une soirée, c'était tout le contraire.

Lorsqu'il affirme vouloir se racheter, la jeune femme relève les yeux vers lui. Comment souhaite-t-il se racheter de ça ? Elle-même n'en a aucune idée. Seul le temps pourra effacer ça, elle l'a bien comprit depuis ! Et puis, lorsqu'il lui demande de faire ce qu'elle veut, elle comprend bien que tout peut-être permis. Elle est bien tentée par les insultes, les coups et toute la rage qu'elle a possédé en elle pendant longtemps. Mais elle se rend peu à peu compte que ça ne servirai à rien. Elle ne veut pas s'abaisser à ça. La vengeance, c'est nul. Si elle doit être vengée, le temps fera son affaire. Tout finit par se payer un jour. Elle en est convaincue.

Je....Je ne veux pas. Je ne peux pas.

C'est pas parce que tu m'as fait du mal que j'ai forcément envie de faire de même...Je veux pas vivre en me disant tous les jours que j'ai fait du mal à quelqu'un, même si, entre nous, tu le mérites...

Ou peut-être pas, je sais pas.

Elle est complètement perdue. La vérité, c'est que, même s'il lui a fait énormément de mal, elle a toujours été tentée de lui trouver une excuse. Elle suppose que c'est l'alcool qui a tout fait, et qu'il ne réalisait pas vraiment ce qu'il faisait. En soit, ce n'est pas vraiment une excuse valable puisqu'il lui a tout de même fait du mal, mais c'est plus fort qu'elle. Et puis, elle se dit que, ils étaient en couple, alors ce n'est pas bien clair dans sa tête. Elle trouve le mot viol un peu gros, ayant déjà vécu ça à ses quatorze ans, et c'était bien différent de cette soirée avec Jake. C'est certainement d'être perdue face à ça qui la met dans cet état...

Le moment est particulièrement difficile et Juliet se bat contre elle-même pour ne pas laisser couler ses larmes. Seule, elle n'aurai pas hésité, mais par fierté, elle ne souhaite pas lui montrer sa faiblesse et à quel point ça l'atteint, même si elle se doute que ça se voit comme si c'était écrit sur son front. Elle retient tout de même ses larmes. Aujourd'hui ne semble pas être une journée des plus gaies, en effet. Depuis ce matin, la jeune femme ne vit que des situations désagréables. Elle pensait pouvoir être tranquille dans cet environnement qu'elle affectionne tout particulièrement, mais c'était sans compter sur l'intervention du jeune homme, qui a rendu - certainement sans le vouloir - la journée encore plus difficile...

Elle se rend peu à peu compte que d'avoir parlé de cette histoire à quelqu'un la libère légèrement. Car, si le viol qu'elle a subit à quatorze ans n'est pas resté un secret pour sa mère, le "presque viol" ou appelez ça comme vous voulez, lui, l'est resté. Trop honteuse d'avouer avoir été abusée une seconde fois sans même être sûre de sa propre réticence...Et puis, Myriam était déjà assez mal en point comme ça, pas besoin, donc, de lui ajouter une nouvelle contrariété.

La jeune femme songe un instant avant d'être rappelée à la réalité par la voix du jeune homme. Il avoue vouloir se racheter et lui dit même de faire ce qu'elle veut. Pas vraiment très concentrée et n'ayant pas les idée très claires, elle ne comprend pas réellement le sens de la phrase. Elle pense du coup qu'il lui demande de lui faire du mal, ce qui serai plutôt équitable...Mais la jeune femme ne se sent pas de lui faire ça, tout simplement parce qu'elle ne voudrai pas culpabiliser, même si il mérite d'en baver un peu aussi...Elle lui expose simplement son point de vue, juste avant de comprendre qu'elle était complètement à côté de la plaque...

Oh....

Murmure-t-elle, surprise. Elle se sent un peu idiote, du coup...Elle baisse un instant les yeux, pour observer ses pieds. Elle n'arrive plus à réfléchir, troublée par trop de choses en même temps. Jul' écoute le jeune homme, sans détacher son attention et, relevant la tête vers lui, elle réalise qu'elle ne sait pas quoi faire ou quoi lui demander...De quoi a-t-elle besoin - à part d'argent - ? Certainement d'oublier. Mais elle doute qu'il en soit capable, malheureusement....Jul' esquisse un sourire, du coin des lèvres, lorsqu'il lui dit vouloir l'aider à se reconstruire puisqu'il l'a détruite. S'il savait qu'il n'est pas le premier....Pour essayer de détendre l'atmosphère plutôt lourde, la jeune femme lui offre un léger sourire.

Essayes de me faire oublier....?

Demande-t-elle, presque sur un ton ironique. Elle se rend compte, qu'en fait, elle le sent absolument sincère et qu'elle se demande si lui en vouloir vaut vraiment le coup de se faire du mal. Elle qui ne lui cherche que des excuses, aussi paradoxal que ça puisse paraître...

Jake hocha légèrement la tête lorsqu’il vit que Juliet l’avait mal compris. Il rétablit rapidement ce qu’il voulait dire précédemment. Il ne lui demandait en rien de lui faire du mal, même si techniquement, il estimait qu’elle avait tous les droits sur sa personne. Mais tout ce qu’il pouvait faire, c’était donner de son temps, de son énergie, de sa bonne volonté pour qu’elle se sente mieux même s’il savait que cela n’effacerait jamais le souvenir de cette nuit là. Elle avait vraiment dû mal le vivre s’il avait lui-même réprimé chacun des évènements au point de ne plus s’en souvenir pendant de longues années. Jake ne comprenait pas ce qui avait bien pu lui passer par la tête. Il s’en voulait d’avoir trop bu, de l’avoir forcée.

Pourtant, il l’aimait bien, Juliet. Il se sentait proche d’elle, et entretenait pour une fois, une relation qui n’avait pas l’air de mener à une future amitié. Il s’était saboté en deux temps trois mouvements. Il baissa les yeux pour songer un instant aux courts instants qu’il avait passé avec la demoiselle. Ils arrivaient à plaisanter de tout, du moins dans ses souvenirs. Elle avait beaucoup compté pour lui. Il avait pris le temps de la séduire, l’avait appelé jusqu’à pas d’heure, s’était senti comme un gamin. Leur premier rendez-vous était dû à un stupide pari… où le perdant invitait l’autre à diner. Il avait volontairement perdu – du moins, disait-il. Ce rendez-vous avait duré jusque quatre heures du matin avant qu’ils ne repartent chacun de leur côté sans même échanger un baiser. Mais il n’y avait rien de comparable à cette sensation, le moment d’attente, de séduction.

Lorsqu’il y réfléchissait bien, c’était une belle histoire qui avait commencé entre eux avant qu’il ne gâche lamentablement tout en voulant aller trop loin, trop vite. À présent, il avait même du mal à la regarder dans les yeux. Il n’était pas certain qu’il y arriverait encore. Il avait envie de se cacher en sa présence. Il ne méritait pas qu’une fille aussi bien, et à qui il avait fait tant de mal, pose encore les yeux sur lui.

Il se redressa légèrement lorsqu’elle lui suggéra d’essayer de lui faire oublier. Il rit à son tour, peu, très peu, n’estimant pas en avoir la permission. Que pouvait-il bien faire pour qu’elle oublie ? Il hocha une fois de plus la tête tout en se creusant la cervelle.

« Tu… Tu te souviens du ‘Zen’… »

Demanda-t-il doucement en essayant de se rappeler s’il avait vraiment le bon nom ou pas. Mais c’était bien ça. Le « Zen », le restaurant où il l’avait invité ce fameux soir après avoir perdu le pari.

« Le restaurant… Je voudrais t’y emmener… »

Suggéra-t-il se trouvant presque minable de lui proposer ce qui ressemblait à un simple rendez-vous après ce par quoi il l’avait passée. Mais il s’expliqua, et ajouta :

« Peut-être que si on recréé les souvenirs… qu’on repasse par les mêmes étapes… enfin, sans sortir ensemble, juste pour les souvenirs… et… que la fin est différente… Tu me verras sous un nouveau jour et ce sera moins douloureux… j’en sais rien… »

Sur le coup, Juliet se sent idiote. Déjà, parce qu'elle a l'impression de ne pas savoir ce qu'elle veut - ce qui est franchement le cas -. Un coup elle fuit le jeune homme, un coup elle laisse l'approcher, ensuite elle veut lui en faire baver, mais après elle veut le préserver....C'est comme si elle n'arrivait pas à réaliser que depuis trois ans, elle souffre quand même par sa faute...Elle est en totale incompréhension avec son cerveau. C'est comme si tous les bons souvenirs qu'elle avait avec lui remontait à la surface pour enfouir au plus profond la manière dont s'est terminée leur histoire. Et d'un côté, elle n'arrive pas à enfouir ce souvenir. Elle lui en veut, énormément. Et à côté de ça, elle a l'impression qu'elle pourrait tout lui pardonner, elle qui pendant trois ans a imaginé des tas de manières de lui rendre la monnaie de sa pièce si un jour leurs chemins se croisaient de nouveau....Aujourd'hui qu'ils sont là, face à face, c'est comme si elle était complètement incapable de lui faire quoi que ce soit de mal...

Ainsi, lorsqu'il lui demande de faire ce qu'elle veut pour qu'il soit pardonné, elle pense tout de suite qu'il veut qu'elle lui fasse du mal, ce qu'elle est juste incapable de faire...Après tout, c'est Jake....Elle l'appréciait énormément. Elle n'en est pas sûre, mais se demande presque si ce qu'elle ressentait pour lui n'était pas plus fort, même...Elle n'a jamais réussit à comprendre si elle était amoureuse ou pas, mais quoi qu'il en soit, elle a bien eut mal après leur séparation, ne sachant pas finalement si c'est leur rupture ou l'agression qui a été la plus douloureuse....Elle montre un brin de surprise lorsqu'il se rattrape, lui proposant de faire ce qu'elle veut de lui...Elle réfléchit un instant sans voir ce qu'elle pourrait lui demander....à part peut-être oublier ? Elle hoche la tête lorsqu'il parle du « Zen », un restaurant où ils étaient allés, un peu avant de sortir ensemble. Juliet se demande un instant si c'est raisonnable de le revoir et de passer du temps avec lui. C'est un peu comme si elle jouait avec le feu non ?

Oui, pourquoi pas....

Accepte-t-elle en haussant les épaules. Elle a envie de se reconstruire et elle veut retrouver de bons souvenir avec lui, espérant pouvoir effacer le seul mauvais qu'elle a de lui...Elle n'est pas sûre que ça fonctionne, mais autant essayer. Elle ne voit pas d'autre solution pour le moment....

Juliet est partagée. Partagée entre deux sentiments. Celui de la peur et celui du soulagement. Le soulagement parce que crever l'abcès fait toujours du bien. Elle a enfin pu parler de cette soirée qui la hante depuis déjà trois ans. Un soulagement de pouvoir se dire que, oui, c'est bien arrivé, mais que, enfin, le fait d'en parler la libère de ce secret qui la détruit petit à petit depuis un moment. Un soulagement, oui, mais aussi un petit côté gênant du fait que ce soit justement avec Jake qu'elle en ai parlé. Sur toutes les personnes habitant à Great Falls, elle n'a jamais pensé que ce serait la personne avec qui elle parlerai de tout ça. A vrai dire elle ne pensait pas le revoir après tout ce temps, imaginant qu'il avait définitivement quitté la ville ou un truc du genre. Et en parallèle, elle ressent aussi de la peur. La peur d'être confrontée à lui, la peur de pouvoir être de nouveau sa victime...Alors même si elle éprouve cette peur, le soulagement prend le dessus, la rendant presque un peu moins méfiante...

Aussi étonnant que ce soit, Juliet ne refuse pas la proposition de Jake. Elle a pourtant hésité, sur le coup, se sentant légèrement en danger en acceptant, et puis, en y réfléchissant bien, l'optique de pouvoir revenir en arrière et peut-être réussir à oublier la tâche noire sur le tableau. Elle veut oublier, elle rêve de se réveiller un jour en se disant que tout ça n'est jamais arrivé. Retrouver Jake, comme s'ils venaient de se rencontrer, c'est peut-être bien une opportunité. Alors malgré le côté dangereux, elle veut tenter le coup, pensant, au pire, pouvoir arrêter tout lorsqu'elle ne se sentirai pas capable de continuer...Alors que son regard vagabonde une nouvelle fois, s'attardant que rarement sur lui, pour ne pas être mal à l'aise à l'idée de le fixer, le jeune homme lui demande ses disponibilité. Un peu surprise qu'il soit si "pressé" de commencer ce qui peut être considéré comme leur "reconstruction", elle trouve ça finalement normal qu'il ne veuille pas perdre de temps.....pour atténuer sa culpabilité, sans doutes. Un début de sourire fend ses lèvres lorsqu'il se reprend, un peu pour la "rassurer", enfin c'est comme ça qu'elle le prend. C'est la raison de son presque sourire...

La semaine prochaine.

Répond-t-elle vivement, pour l'empêcher de stresser à l'idée de la presser. Elle réalise que sa phrase ne signifie pas grand chose, d'ailleurs, n'ayant juste pas prit le temps d'en faire une...

Je suis libre, la semaine prochaine !

Reprend-t-elle plus calmement.