En temps normal, sympathiser avec des clientes de la boutique n'est pas un exercice auquel Juliet se livre facilement. En fait, elle est plutôt tentée de garder ses distances au maximum, déjà vis-à-vis de son poste, elle n'est qu'une petite vendeuse au service de sa clientèle, puis également vis-à-vis de sa patronne qui ne tolère pas vraiment ce genre de pratique. Juliet a besoin de son emploi pour vivre, payer les factures et gérer sa mère qui se laisse tranquillement entretenir par sa fille. Mais il y a toujours des exceptions, ce n'est pas nouveau. Et ce matin là, quand April a passé la porte de la boutique, Juliet a rapidement réalisé que c'était l'exception. Elles ont rapidement commencé à parler légèrement, voire même rigoler ensemble. Une chose assez rare dans son métier. Juliet est plutôt habituée à servir des femmes assez sûres d'elles, voire même un peu hautaines parfois. Là, elle s'est sentie au même niveau que la jeune femme. Puis rapidement, la cliente s'est révélée être l'une des caissières de l'épicerie, de quoi mettre Juliet encore un peu plus en confiance. Tellement qu'elle lui a même fait vingt pour cents de réduction pour les deux robes qu'elle lui a acheté.

Juliet ignore tout de la supercherie. Elle ignore que leur rencontre était calculée et que l'ami qu'April voulait récupéré est en réalité Max. Le petit-ami, si elle peut toujours l'appeler ainsi, de la jeune Miller. N'ayant pas de nouvelles de Max depuis plusieurs jours maintenant, elle ne peut pas le savoir, quoi qu'il arrive. En recevant l'appel d'April, pendant un instant, c'est justement Max qu'elle pensait entendre à l'autre bout du téléphone. Elle n'en était pas pour autant déçue d'entendre la petite voix de la jolie brune, qui plus est pour lui proposer d'aller boire ce fameux verre au Tom's.

Vêtue d'un jean slim noir et d'un bustier rouge à rubans noires satinés, une pièce volée de la collection printemps-été de la boutique, la jeune femme passe la porte du Tom's, cherchant du regard la jolie brune avec qui elle doit boire un verre. Elle resserre contre sa poitrine son imperméable, un peu timide à l'idée de se montrée habillée de la sorte. Elle trouve qu'elle fait un peu allumeuse, mais elle ne se voyait pas sortir en pouilleuse pour une soirée entre filles, ce qui est plutôt rare pour elle. Elle repère rapidement la demoiselle déjà installée à une table. Elle sourit en voyant qu'elle porte la jolie robe orange qu'elle lui avait conseillée.

« Bonsoir ! Tu es là depuis longtemps ? »

Demande-t-elle, un peu hésitante avec le tutoiement. Après tout, elle se voit mal passer la soirée avec elle en la vouvoyant. Elles ont sensiblement le même âge et le même métier. Il est donc inutile de faire des manières...

April était vraiment contente que Juliet accepte d’aller boire un verre avec elle. Non pas parce qu’elle voulait pousser son plan encore un peu plus loin et aller à l’étape supérieure, mais simplement parce qu’elle avait bien apprécié la compagnie de la jeune femme. La seule chose qu’elle avait dû forcer, c’était la conversation, mais elle s’était doutée, par la suite, que la vendeuse essayait juste de rester professionnelle. Au final, à présent, elle se sent un peu coupable, d’autant qu’elle a revu Max. Mais ça, c’est une autre histoire. Elle espère qu’elle aura le courage de dire à la jolie brune la vérité… et que cette dernière ne lui en voudra pas. Faute avouée, à moitié pardonnée dit-on.

Lorsqu’elle s’installa à l’une des tables, un serveur vint lui demander si elle était là pour boire ou manger. Elle répondit la première solution et refusa un verre pour l’instant, elle préférait attendre Juliet. De toute façon, elle n’était ni pressée ni assoiffée. Elle jeta un coup d’œil aux alentours et reluqua deux/trois garçons assez sympathiques à regarder. Puis, elle se rendit compte que reluquer des mecs et draguer quand Jack est dans les parages ça la met un peu mal à l’aise. Pourtant, ils sont loin de s’être promis quoi que ce soit, mais elle a un peu l’impression de lui manquer de respect quand même. Il y a bien d’autres endroits en ville où elle peut aller chasser, après tout.

Du coup, elle reposa son regard sur la porte d’entrée et ne dut pas attendre très longtemps pour apercevoir Juliet faire son entrée. April lui sourit et lui lança un petit signe de main, pour qu’elle la repère plus facilement. Même si on n’est qu’au début de la soirée, il y a quand même quelques personnes ce soir au Tom’s.

« Salut ! »

Lança-t-elle gaiement à la jeune femme, avant de répondre à sa question.

« Oh non, t’en fais pas. Juste le temps de choisir une table et de m’installer à mon aise. »

Expliqua-t-elle, avant d’à son tour lui demander.

« Tu vas bien, depuis la dernière fois ? »

Il est plutôt rare de voir Juliet en ville pour d'autres raisons que son travail ou la recherche de sa mère. Elle sort peu, probablement parce qu'elle n'a pas vraiment d'amis. Elle ne s'en rendait pas tellement compte tant qu'elle était avec Max, mais depuis qu'ils se sont disputés Juliet ressent une profonde solitude. Elle se sent affreusement seule quand son petit ami n'est pas avec elle. Son absence, elle ne s'y fait pas et plus elle y pense, plus elle trouve ça insupportable. A force d'y réfléchir et de n'avoir aucune nouvelle, elle en vient à se demander si les choses s'arrangeront entre eux. Elle l'espère, car elle risque de très mal vivre les prochaines semaines si leur couple ne se relève pas de cette première dispute.

L'invitation d'April tombe donc à pic et c'est sans réfléchir que la blondinette accepte. Une soirée entre filles, même si les deux vendeuses se connaissent à peine, ça ne peut pas vraiment leur faire de mal. Mais le simple fait de sortir et penser à autre chose motive la jeune Miller qui ne se sent, de toute manière, pas du tout en état de rester à la maison à broyer du noir encore une soirée pendant que Myriam comate dans le canapé, ne remarquant même pas la peine de coeur de sa fille.

Trouvant sa tenue un peu trop provocante, Juliet serre le plus possible son manteau contre elle, ne voulant pas attirer l'attention sur elle dans les rues de Great Falls. Elle a cette impression désagréable que les détails de sa tenue, jusqu'à ceux de ses sous-vêtements, sont écrits sur son front et que n'importe quelle personne qu'elle croise possède désormais l'information. Elle hésite un instant à rentrer se changer mais elle est déjà en retard et puis, elle n'a rien d'autre à se mettre pour l'occasion. Elle n'a plus qu'à assumer.

« Je pensais être en retard ! »

Explique-t-elle dans un sourire, resserrant encore un peu son manteau contre elle avant de regarder autour d'elle, comme pour s'assurer que tous les regards ne sont pas rivés sur elle. Elle s'assoit, gardant son vêtement d'extérieur, l'air de rien, avant de répondre à la question de la jolie brune.

« Quelques soucis, mais ça va. Et toi ? Tu es allée voir ton ami ? Il a été convaincu par la robe ? »

Juliet a hâte d'entendre le récit. En fait, elle aimerait même bien savoir ce qui s'est passé pour qu'April éprouve le besoin d'être une sainte, jusqu'à la tenue, pour tenter de récupérer celui qui était son ami.

Peu habituée à discuter avec ses clientes, Juliet a perdu sa culpabilité en apprenant qu'April était dans la même situation qu'elle, professionnellement parlant. Ça créé des liens. C'est en partie pour cette raison qu'elle ne voit pas le mal à accepter son invitation à boire un verre. L'autre raison, c'est qu'elle l'a trouvée très sympathique. Amusante, même. Elle ne l'a vue qu'une fois, mais ça a tout de suite accroché. Juliet n'a pas vraiment d'amis, peut-être qu'April est destinée à être sa première copine, ou amie...Cette soirée est l'occasion de le découvrir. Peu habituée aux soirées entre filles, Juliet hésite longtemps sur sa tenue pour en opter une finalement dans laquelle elle n'est pas des plus à l'aise. Tellement qu'une fois sur place, elle n'ose même pas ouvrir son manteau, préférant crever de chaud, certainement.

Elle remarque tout de suite la jolie robe orange qu'elle lui a vendu l'autre jour. C'est ce qui lui rappelle la mission pour laquelle April avait besoin d'acheter une robe la rendant angélique. Intéressée par la suite de l'histoire, elle l'interroge bien vite à ce sujet, friande de connaître la suite de l'histoire, même si n'en connait pas le début. Elle ne sait pas pourquoi elle s'est disputée avec cet ami.

« Donc...Vous êtes réconciliés ? Enfin, l'important c'est que vous ayez pu parler un peu ! S'il t'a écoutée, j'imagine qu'il est prêt à faire un effort pour te pardonner...»

Répond-t-elle en haussant légèrement les épaules. Les hommes sont compliqués, c'est pas une nouveauté. Avec leur fierté, ils en font des caisses pour pas grand chose. Juliet n'y connait pas grand chose, mais elle en apprend jour après jour avec Max. Et quand elle dit que les hommes compliquent tout pour pas grand chose, elle sait de quoi elle parle. Pour elle, répondre à un sms, ce n'est pas une faute grave. Elle a eut un moment d'égarement, de manque de confiance en elle, pas en Max. Il n'a pas cherché à comprendre pourquoi elle faisait pas, il l'a juste mal prit en ramenant tout à lui. Il lui en veut, mais pour les mauvaises raisons...Elle sort de ses pensées au moment de prendre commande auprès du serveur. Elle hésite un moment, ne sachant pas trop quoi boire, avant de finalement demander la même chose qu'April, ne connaissant absolument pas cette boisson. Elle ignore même que ça contient de l'alcool...

Juliet hausse un sourcil en apprenant qu'elle connait et ami avec lequel April essaye de se réconcilier. La demoiselle sourit en réalisant une nouvelle fois que le monde est vraiment tout petit...

« Ah oui ? C'est qui ?? »

Demande-t-elle presque amusée de savoir qu'elle ont une personne en commun. Mais son sourire s'estompe légèrement quand elle apprend qu'il s'agit de Max. Elle souffle un petit "Oh...". Ça change beaucoup de choses. Juliet est tout de suite un peu gênée de l'apprendre, parce que ça lui fait bizarre d'être avec une personne qui a des soucis avec son petit ami...

« Est-ce qu'il t'a parlé de moi ? »

Demande-t-elle avec une lueur d'espoir. Elle espère que c'est le cas parce que ça prouverai qu'il pense à elle malgré la distance qu'il a instauré entre eux.