C'était une journée pluvieuse, comme beaucoup d'autres. Talya n'était arrivée à Great Falls que depuis quelques jours, mais elle s'y sentait déjà comme chez elle. Sans doute grâce à son ami Jackson qui, en plus de l'avoir rendue heureuse en lui permettant de venir séjourner chez lui, lui l'aidait à se sentir bien dans un endroit où elle ne connaissait pourtant personne. Ce jour là, son ami était en cours. Enfin son ami, c'était leur relation officielle. Car elle savait qu'elle ressentait autre chose que qu'une simple amitié pour lui, mais elle n'aurait jamais été capable de dire quoi. Et maintenant qu'elle l'avait entendu partir de chez lui, elle était encore plus sûre que ce n'était pas qu'un simple ami.

Il était huit heure du matin. Comme les précédents matins, Talya se réveillait en entendant son ami parler à ses parents. Elle était la seule de la maison à traîner au lit le matin, comme Jackson lui avait demandé. Elle avait bien essayé de refuser le fait d'être la dernière debout, mais il avait été clair : si elle ne profitait pas de ses matinées pour dormir, il n'irait pas en cours et resterait avec elle. Elle avait donc fini par céder. Pour autant, elle ne pouvait pas s'empêcher de l'écouter marcher dans les couloirs, et se préparer. Elle se sentait rassurée lorsqu'elle l'entendait, comme si elle avait besoin de savoir qu'il était toujours là, et qu'il ne s'était pas volatilisé durant la nuit. Elle finit par se rendormir, et se réveilla une heure plus tard. C'était calme dans la maison, très calme. Ce qui lui indiquait qu'il ne restait plus qu'elle, et que tout le monde était déjà parti. Elle sortit de sous la couette, et la première chose qu'elle fit, comme tout les matins, était d'aller frapper à la porte de Jackson afin de s'assurer qu'il n'était vraiment plus là. Pas de réponse. Elle soupira, et alla se préparer.

Dix heures. Il pleuvait toujours autant dehors, alors Talya enfila un manteau, mit sa capuche et sortit de la maison après s'être assurée qu'elle avait tout laissé en ordre. Elle ferma la porte à clés et, les mains dans les poches, marcha sur le trottoir en direction du centre ville. La ville n'avait beau pas être grande, il lui restait encore plein de choses à découvrir, c'est pourquoi elle occupait ses journées à vagabonder dans la ville, en solitaire, avec l'espoir de faire tout de même quelques connaissances. Elle arriva finalement dans un endroit qui lui était totalement inconnu, et totalement désert. En fait pas tout à fait, il y avait un endroit, et un seul où on pouvait apercevoir de la vie. Un bistrot. Intriguée, et de toute façon trempée par cette pluie incessante, Talya décida de s'y rendre afin de se réchauffer grâce aux quelques dollars que Jackson lui avait donné pour assurer sa survie, alors qu'elle s'était totalement ruinée pour l'aider à acheter sa nouvelle garde robe. Elle pénétra dans le bistrot, et alla s'installer sur une table vide dans un coin. Sans attendre, un serveur arriva et elle lui commanda un grand chocolat chaud, jugeant qu'elle avait au moins besoin de ça pour se réchauffer tellement elle était frigorifiée. Sa commande arriva, elle donna l'argent au serveur et commença à boire lentement. Elle était absorbée par les gens qui se trouvaient dans le bistrot, et ne pouvait s'empêcher d'observer les entrées et les sorties incessantes des clients de cet endroit, dont beaucoup semblaient être des habitués.

Talya n'avait cessé de fixer les gens du bistrot. Que faire d'autre quand on ne connait personne et qu'on n'a rien à faire ? Elle buvait lentement sa boisson chaude, grâce à qui elle se réchauffait petit à petit. Elle songeait à Jackson, et à ce qu'il pouvait faire à cet instant précis. Il n'était que dix heures et demi du matin, elle était déjà impatiente de le retrouver. Elle aurait aller le voir sur sa pause du midi, mais elle avait peur de devenir trop envahissante. Elle débarquait du jour au lendemain dans sa vie et dans son quotidien, et elle se demandait déjà s'il en aurait marre un jour de la voir aussi souvent. Peut être qu'il finirait par se lasser, et par lui demander de partir. Cette pensée la fit frissonner. Parce que de son côté, elle était sûre de ne jamais se lasser de la présence de son ami tellement elle était bien à ses côtés. Elle secoua la tête. Non, il ne fallait pas qu'elle pense négativement. Il fallait qu'elle vive au jour le jour. Lorsqu'elle était avec ses parents, elle n'avait pas été habituée à vivre au présent. Sans le futur et l'espoir d'une vie meilleure, elle n'aurait jamais pu supporter sa vie bien longtemps. Elle avait tenu grâce à ses rêves, à ses espoirs d'une vie normale et heureuse. Et elle avait bien fait. Parce qu'elle se retrouvait à présent à des milliers de kilomètres de chez elle, aux côtés de son plus proche ami. Loin de son ancienne vie, qu'elle avait quitté sur un coup de tête. Et qu'elle ne regrettait pas du tout. Elle ne pouvait pour autant pas s'empêcher de penser à ses parents, et d'imaginer la réaction qu'ils avaient eu lorsqu'ils s'étaient rendus compte que son armoire était vide et qu'elle ne revenait pas. Avaient-ils au moins retrouvé leur voiture, celle qu'elle avait utilisé pour se rendre à l'aéroport de la ville voisine ? Elle espérait que non, se disant qu'ils ne méritaient pas d'avoir de la chance. Ils ne méritaient rien de positif.

Elle fut tirée de ses pensées lorsqu'elle se rendit compte que, totalement perdue dans ses pensées, elle n'avait cessé de fixer un seul un même homme, relativement jeune quoique tout de même plus vieux qu'elle, assis sur une table non loin du comptoir. Ses joues rougirent, mais pour une fois cela lui importait peu, puisque personne n'irait lui faire de remarque. Quoiqu'elle était tout de même gênée d'avoir fixé cet homme comme une groupie alors qu'elle ne le connaissait même pas. Elle s'imaginait déjà l'homme, qui devait faire le double de sa taille, se lever pour venir lui passer un savon, trouvant inadmissible qu'on le fixe ainsi sans raison. Cette idée l'effraya, mais, à sa grande surprise, la seule réaction de l'homme fut de lui sourire et de plonger dans la lecture de son journal. Elle fronça les sourcils. C'était tout ? Elle le fixait comme une folle et il lui souriait ? Elle s'était attendue à beaucoup de réactions, mais pas à quelque chose d'aussi.. gentil. Mais elle était tout de même rassurée.

Elle prit sa tasse de chocolat chaud encore tiède dans ses mains, et la porta à ses lèvres, essayant de forcer son regard à se diriger autre part que vers l'homme. Mais elle ignorait pourquoi, il dégageait quelque chose d'étrange, quelque chose qui lui faisait ressentir de besoin de le regarder. Il était étrange, très étrange. Mais pas dans le mauvais sens. C'était bien la première fois qu'elle voyait un homme qui lui donnait cette impression. En même temps elle n'avait pas eu une adolescence marquée par les sorties. Ce qui ne l'empêchait pas d'être intriguée. Alors de temps en temps, elle cédait à la tentation et le regarder vivre sa vie. Prendre une bouchée de son croissant, une gorgée de sa boisson chaude, tourner une page de son journal. Rien ne lui échappait. Elle aurait aimé aller lui parler. C'était la première personne avec qui elle avait eu un "contact" ~ un sourire, et elle ne voulait pas laisser s'échapper ce premier contact qui lui permettrait peut être de faire la connaissance de quelqu'un de cette ville. Mais comment pouvait-elle l'aborder alors qu'ils ne se connaissaient que de vue ? Elle posa sa tasse et réfléchit. Les minutes passèrent, quand elle eut une idée. Elle vida sa tasse d'une traite et se leva. Son idée était bien loin d'être la plus originale de toutes les idées qu'elle avait eut. Mais elle ne trouvait pas mieux. Elle marcha en direction du jeune homme et s'assit sur la chaise qui se trouvait en face de lui. "Excusez moi, je peux me permettre ? Cette chaise est-elle libre ?" demanda-t-elle alors souriante, essayant de cacher son accent Russe qu'elle trouvait vraiment horrible. Oui, elle n'avait pas trouvé mieux comme idée que de ne pas y aller par quatre chemin. Elle se demandait bien comment il allait réagir, mais elle ne sentait pas de méchanceté en lui. Alors elle espérait que ça n'allait pas être trop négatif, même si elle ne s'attendait pas à ce qu'il lui saute dans les bras.