Une goutte. Deux gouttes. Trois gouttes. Adossée à la rangée de box des chevaux, Hunter compte les gouttes qui tombent de la grille de la cage aux lions. Il a plu toute l’après-midi mais la représentation en plein air s’est terminée juste avant que les premières gouttes se mettent à tomber. Très heureux, les plus vieux ont décidé d’aller fêter ça au bar. Les plus vieux, entre vingt-neuf et soixante ans. Tout le monde, sauf Hunter, évidemment. A nouveau, le doyen lui a recommandé de faire très attention, de ne pas laisser sortir les lions et encore moins leur tigre roux Balthazar. Non, vraiment. Comme si elle allait ouvrir la cage du tigre et lui proposer d’aller se dégourdir les pattes. Viens, mon pote, on va boire un verre toi et moi, en bons célibataires endurcis que nous sommes. Tu pourras en profiter pour tuer et manger quelques passants, si l’envie te prend. Ouais, tu pourras bouffer le barman s’il te sert pas ce que tu veux. Je t’assure. En y repensant, Hunter lève les yeux au ciel. C’est purement et simplement ridicule. Qui s’amuserait à ouvrir ces cages en sachant très bien qu’il ou elle serait mangé en premier. Exaspérée, la jeune femme soupire en passant machinalement une main dans sa frange blonde.

Comme si ça ne suffisait pas, elle commence à avoir froid. En réalité, cela fait un moment mais elle ne s’en rend compte que lors qu’elle se décolle du mur pour change de position. Au lieu de faire la grue depuis plus de deux heures, adossée au mur, un pied plaqué contre celui-ci. A peine s’est-elle redressée qu’elle frissonne. Qui a eu la lumineuse idée de mettre un simple débardeur et un minishort alors qu’on est en fin novembre ? Je vous aide, ça commence par un H et ça se termine par un R. Hunter, bingo ! La pluie a cessé, alors pour se dégourdir les jambes, elle fait quelques pas dans l’allée formée par les cages des animaux. Passant ses mains sur ses bras très fins, elle soupire. C’est ça alors, mourir d’ennui. A pas lents, elle marche vers la cage de Balthazar. Un vieux tigre de vingt ans doux comme un agneau qui a apparemment toujours appartenu à la troupe. Il est couché dans son abri. Hunter ne le distingue pas assez pour savoir s’il dort ou se repose simplement. Alors, du bout des doigts, elle tapote la grille de la cage, qui résonne doucement.

« Balt ? Tu dors, chaton ? »

Comme pour lui répondre, le chaton en question remue les oreilles. L’appeler chaton n’est pas particulièrement judicieux quand on sait que le chaton en question pèse plus de cent kilos. Il se lève doucement de sa place et approche à pas lents. Ses énormes pattes s’enfoncent à peine dans les flaques d’eau. Il marche calmement jusqu’à la jeune femme et vient ensuite se frotter au grillage en ronronnant. Oublieuse du danger, elle glisse sa main à travers les barreaux pour le caresser. Le doyen lui interdit toujours de faire ce genre de choses, au cas où, mais l’a-t-elle déjà écouté ? Un sourire s’empare de ses lèvres tandis qu’elle s’emploie à gratter l’énorme tigre derrière les oreilles. Elle aimerait pouvoir venir se rouler contre lui pour capter sa chaleur mais n’étant pas suicidaire à ce point, elle finit par se reculer pour retourner vers les box. Elle n’y entre pas mais s’arrête devant une porte et s’y adosse. Quelques secondes plus tard, un souffle chaud effleure sa nuque. Elle sourit de plus belle tandis qu’un grand hongre noir passe sa tête à côté d’elle.

« Bonsoir, toi. Je te réveille ? T’as pas froid, comme ça ? Moi si, et je dirais pas non à un bon chocolat chaud… Mmh, comme en hiver. »