Après plusieurs sorties de « réhabilitation » en dehors du centre de soins, je recommençais à prendre petit à petit confiance en moi. Pourtant, en retrouvant les rues de Great Falls, mes vieux démons se réveillaient et je comprenais que j’étais loin d’être guéri. Il aurait suffit que je croise un dealer pour faire fondre ma volonté et que je lui prenne une dose d’héroïne… Avec quel argent ? Je n’en avais pas la moindre idée, mais je me connaissais suffisamment pour savoir que j’aurais fini par avoir se sachet de poudre quel que soit le prix qu’il me demanderait. Heureusement ce n’avait pas été le cas ! Mais cette envie n’était-elle pas un signe que je replongeais ? Le Doc avait peut-être eu tord en me laissant sortir sans surveillance, je n’étais pas encore prêt à retrouver ma liberté. C’était d’ailleurs pour en parler que j’attendais devant le bureau des infirmières… même s’il était presque minuit. Une chose bien ici, on pouvait compter sur le personnel à n’importe quel moment, à condition d’avoir un peu de patience.

L’une des bases de la cure de désintox portait sur le dialogue et non pas uniquement sur les doses de somnifères comme j’avais pu le croire avant qu’on m’amène ici par la force. Avec le temps, je m’étais donc mis à parler de mes problèmes avec le médecin, avec le personnel qui veillait sur nous au quotidien, avec les autres patients qui comprenaient parfaitement par quoi je passais. Je m’étais même surpris à donner des conseils à un nouvel arrivant, papotant pendant toute une nuit sur la similitude de nos parcours, alors que je n’étais là que depuis quatre semaines. Une bonne évolution d’après le doc… mais pas suffisante pour que je me sente prêt à affronter de nouveau la vie à l’extérieur. Je me sentais encore trop faible pour résister à l’appel de la dope et trop honteux pour demander pardon à ma famille et mes amis après toutes les insultes que je leur avais balancé le matin de mon départ, quand deux gorilles s’étaient chargés de me tirer du lit pour m’emmener ici. Il fallait donc absolument que je parle, que je vide mon sac avant de faire une connerie !

Ce n’était pas encore pour tout de suite puisqu'une des infirmière m’annonça qu’elles devaient d’abord gérer une urgence avec une nénette arrivée dans la journée…Hé merde ! Ils font chier ces junky ! Mon malaise allait devoir attendre encore et pour leur éviter de subir la crise de colère que je sentais monter en moi, je préférais aller m’isoler.

- J’vais attendre devant la télé ! Lançais-je avant d’aller m’installer dans le salon du centre.

Encore une longue journée qui s'achève. Claquant la porte de son casier derrière elle sans prendre le soin de le verrouiller ne craignant pas qu'on lui vole le peu qu'elle possède, Rachel passe une main lasse dans ses longs cheveux avant de hisser son sac à dos sur une épaule. Un vieux cuir usé sur le dos, une cigarette attendant impatiemment d'être allumée coincée entre les lèvres, la jeune infirmière prend le chemin de la sortie, saluant au passage les quelques collègues qu'elle croise sur sa route.
Epuisée, la jeune femme n'aspire qu'à une chose, s'écrouler sur son lit et dormir tout son saoul jusqu'à ce que la sonnerie de son réveil ne l'oblige à se lever demain... Ou plutôt tout à l'heure.
Jetant un coup d'oeil à sa montre, Rachel soupire en constatant l'heure déjà avancée et presse légèrement le pas afin d'arriver plus vite. Quelques mètres, deux, peut-être trois la séparent encore de la sortie lorsque l'une de ses collègues la rattrape pour lui demander un service.

L'équipe de nuit est apparemment en effectif réduit, et la jeune femme hystérique qui les a occupées elle et ses collègues une bonne partie de la journée continue de faire des siennes alors que d'autres patients attendent.
Bonnie ne lui demande pas grand chose, juste de s'occuper d'un jeune patient du centre qui attend depuis des heures pour parler à quelqu'un, seulement parler.
Après avoir laissé Bonnie la supplier quelques secondes de plus, juste pour la forme, Rachel finit par céder. Arrachant d'un geste qui se veut agacé sa cigarette d'entre ses lèvres, la blonde finit par se diriger vers la salle de repos sans même prendre le temps d'aller passer sa blouse de travail. Son patient devra se contenter de son vieux jean élimé, de son tee-shirt noir et de ses rangers si il veut avoir la chance de parler à quelqu'un avant demain.

Se glissant dans le salon du centre uniquement éclairé par le téléviseur, Rachel n'a pas besoin de réfléchir bien longtemps avant de savoir à qui elle doit s'adresser. Assis seul dans l'un des canapés, un jeune homme regarde la télé en silence. Se faufilant entre les tables et les chaises pour atteindre l'espace télévision, la jeune infirmière finit par s'installer près de lui à une distance raisonnable et observe quelques secondes les images qui défilent à l'écran avant de finalement tourner la tête vers son patient. Patient qu'elle reconnait immédiatement pour s'être occupée de lui quelques semaines plus tôt alors qu'elle effectuait un stage aux urgences de l'hôpital de Milwaukee.

-Salut... On m'a dit que tu avais besoin de parler...?

Esquissant un sourire rassurant afin de l'inciter à parler, la jeune femme en profite glisser ses cheveux derrière son oreille et y coincer sa cigarette dans l'optique de la fumer plus tard. Pour le moment, même si les apparences laissent penser le contraire, Rachel est résignée à rester là pour écouter et conseiller Chad même si cela doit lui prendre toute la nuit.

Dans un sens, j’aurais dû trouver plutôt positif que les infirmières ne prennent pas ma demande comme une urgence, contrairement à leur réaction quelques semaines plus tôt. A l’époque de mon arrivée au centre en début d’été, il suffisait que j’ai envie d’un simple yaourt pour que les soignants trouvent tout le temps nécessaire pour discuter avec moi. Tout était prétexte à me faire parler pour vérifier mon état moral… Aujourd’hui on me laissait nettement plus libre, moins surveillé, mais cette nuit là j’aurais préféré plus de disponibilité.

Télécommande dans la main, appuyant comme un malade sur les boutons, je cherchais désespérément une chaine intéressante pour calmer mes nerfs, mais à cette heure il n’y avait pas grand-chose à part les programmes pour adultes ou les éternels épisodes de chasse, pêche et nature… Pas franchement le top. Alors je zappais sur les infos histoire de m’informer un peu sur les derniers drames en date. Parce qu’il ne fallait pas compter sur les rédacteurs de ces chaines pour parler de choses un peu plus légères. Pas sur que ça m’aide à me détendre au final…

J’allais renoncer et retourner près du bureau des infirmières quand une ombre s’installa sur le canapé. C’était surement une autre patiente puisqu’elle était habillée en civile et je ne trouvais pas franchement utile de m’intéresser à elle ou même de lui adresser la parole. Je n’étais clairement pas en état d’entendre les problèmes des autres à cette là.

Affalé contre le dossier, joue posé contre la paume de ma main, je regardais l’écran en ruminant mes pensées noires.

-Salut... On m'a dit que tu avais besoin de parler...?

Tournant la tête en reconnaissant cette voix, je me retrouvais vraiment con en découvrant que je n’avais pas à faire à une simple junky en cure, mais bien à mon infirmière favorite depuis mon réveil de cette foutue overdose.

- Hey ! Lâchais-je mollement mais quand même tout sourire en la découvrant à coté de moi. T’es genre mon ange gardien pour débarquer à chaque fois que ça va pas fort ?

Je n’avais pas revu ma voisine depuis ma sortie de l’hôpital et je n’imaginais surement pas la recroiser ici. A Burroughs Street peut-être, ou dans le centre de Great Falls, mais surement pas dans le centre de désintox où je me faisais soigner. Encore moins cette nuit là. Pourtant, quelque soit les circonstances étranges, voir mystiques, qui l’avait conduite ici, j’étais content de la voir.

Parce que c'est Chad qu'il s'agit d'aider, Rachel se sent tout de suite bien plus motivée. Evidemment,malgré la mauvaise tête dont elle a fait preuve l'espace d'un instant elle aurait accepté quel que soit le patient de prêter main forte à ses collègues, mais le cas du jeune homme assis à ses côtés est différent.
Ils vivent dans la même rue depuis des années, ont fréquenté les mêmes endroits, sans doute parfois les même personnes, et pourtant, il a fallut que Chad frôle la mort et atterrisse dans son service à l'hôpital de Milwaukee pour qu'ils s'adressent enfin la parole. La vie est vraiment insensée parfois.

Secouant négativement la tête lorsque le jeune homme lui demande si elle est en quelque sorte son ange gardien, Rachel ne se retient malgré tout pas de sourire. Sa présence ici n'a, contrairement à ce qu'avance Chad, rien à voir avec une quelconque mission divine. C'est son travail, un point c'est tout même si dans le cas du jeune homme, la tâche s'avère tout de même moins pénible.

-Oulà, moi un ange? Questionne-t-elle avec un sourire. Je ne crois pas non, on va seulement dire que les grands esprits se rencontrent, ou que c'est une histoire de karma...

Esquissant un nouveau sourire, la blonde ne quitte pas son voisin des yeux. Il a bien meilleure mine que la dernière fois qu'elle l'a vu. Allongé sur un lit d'hôpital à vomir tripes et boyaux, Chad avait vraiment l'air à l'article de la mort. Aujourd'hui, sans doute grâce aux bons traitements des médecins et infirmière, mais aussi grâce à une volonté de fer, le jeune homme n'a plus rien d'un junkie en route pour l'autre monde.

-Alors, raconte... Qu'est ce qui ne va pas...? Le questionne-t-elle de nouveau.

Elle aimerait pouvoir lui parler de la pluie et du beau temps, histoire de lui changer les idées, mais il a demandé à être écouté, et par chance pour lui, écouter c'est ce que Rachel fait de mieux dans la vie.

L’angoisse de ma journée passée à Great Falls me serrait le ventre au point de m’en donner des crampes douloureuses à l’estomac. Je n’avais rien pua valer au repas, à part mon traitement habituel, mais cette sensation de stress ne s’apaisait pas. Il me semblait même insurmontable sur le coup… Je n’étais pas encore infaillible même si je pouvais me contrôler bien mieux qu’a l’époque de foutue l’overdose, La preuve, je restais sagement sur le canapé, à plaisanter sur l’apparition « angélique » de mon infirmière. Rachel avait assisté à plusieurs de mes crises de manque pendant mon hospitalisation, mais aujourd’hui les choses étaient bien différentes. Un mois en arrière, j’aurais éventré les coussins, casser un accoudoir que j’aurais violement balancé dans l’écran plat, le tout agrémenté de hurlements de la mort… Oui, je pouvais dire que j’avais quand même fais du chemin.

-Oulà, moi un ange? Me répondit-elle avec un sourire. Je ne crois pas non, on va seulement dire que les grands esprits se rencontrent, ou que c'est une histoire de karma...

- Ouai, ça doit être un genre de lien spirituel à la con dis-je dans un demi sourire et d’un ton évasif avant de reconcentrer toute mon attention sur l’écran de télé. Les yeux dans le vague, je fixais un point sur le mur d’images, sans voir ni entendre le programme de la chaine. A nouveau je me perdais dans mes pensées, mes souvenirs, les raisons qui m’avaient poussé à vouloir me sortir de la dope… Tout ça n’était plus très clair dans ma tête. Je recommençais à douter de ma volonté de guérir. Il aurait été tellement simple de reprendre un shoot et de tout oublier. Revenir à l’état de bien être que me donnait l’héroïne…

-Alors, raconte... Qu'est ce qui ne va pas...?

La voix de l’infirmière me tira de ma rêverie et me ramena brutalement à la réalité. J’avais demandé à être écouter… pas à ce qu’on retarde une soignante sur son temps libre pour me voir divaguer.

- J’suis allé à Great Falls aujourd’hui… Et au lieu de penser à mon frère ou ma sœur, j’avais qu’une seule chose en tête : où est-ce que trainait mon ancien dealer ? Et puis je me suis imaginer prendre le bus pour Milwaukee histoire de m’acheter un shoot au lieu d’aller à mon rendez vous avec l’assistante sociale…

Me confier était devenu une habitude au fil du temps passer ici, et puis je me sentais en confiance avec Rachel. Alors je n'hésitais plus à parler.

- Je crois que je suis en train de replonger.

Esquissant un sourire, Rachel observe Chad qui très rapidement semble se perdre dans ses pensées. Lui laissant quelques minutes, le temps de rassembler ses pensées, la jeune infirmière jette un coup d'oeil rapide à la télé sur laquelle s'enchainent quelques pubs avant d'inviter Chad à lui parler.

Attentive, la blonde le laisse lui expliquer ce qui le chagrine. Apparemment lors de sa sortie aujourd'hui, le jeune homme a fortement songé à aller retrouver son dealer et à recommencer à se droguer. Pourtant, il ne l'a pas fait et c'est aux yeux de la jeune femme ce qui compte le plus. Quand Chad finit par lui confier qu'il a peur d'être en train de replonger, l'infirmière secoue la tête, exprimant clairement son désaccord.

-Tu l'as dit toi même, tu y a songé, peut-être même que tu as sérieusement envisagé d'y aller pourtant, ce que je remarque moi, c'est que tu n'y es pas allé. Tu as été voir ton assistante sociale et tu es resté clean. C'est ce qui compte vraiment.

Explique-t-elle gentiment. A vrai dire, elle est plutôt impressionnée par l'attitude qu'à eu Chad aujourd'hui. A sa place, bon nombre des patients du centre auraient cédés à la tentation et auraient étés rendre visite à leur dealer. Certains ne seraient peut-être jamais rentrés au centre et auraient été mourir dans une ruelle sombre contents d'avoir pu s'offrir une dernière injection. Mais pas lui, Chad a tenu bon.

-Je crois pas que tu sois en train de replonger. Au contraire, j'ai la nette impression que tu es sur la bonne voie... Le rassure-t-elle sincèrement.

Bien sur, il est encore trop tôt pour parler de totale guérison, mais il ne tient qu'à Chad de faire en sorte que l'on puisse un jour parler de lui en ces termes. Rachel est d'ailleurs prête à l'aider et à rester ici après chacune de ses gardes à parler avec lui si cela peut l'aider un minimum à réussir. En tant qu'infirmière bien sur, elle veut voir son patient guérir et est prête à tout pour le voir y parvenir, mais aussi, parce qu'il a toujours été quelque part dans le décors, Rachel tient à voir un jour son voisin rentrer au bercail et pouvoir le saluer de nouveau lorsqu'ils se croiseront au hasard d'une rue. Elle espère d'ailleurs avoir l'occasion de faire bien plus que ça, devenir son amie pourquoi pas. Après tout, on a qu'une vie et Chad a prouvé à Rachel qu'on pouvait la perdre très rapidement, trop rapidement peut-être, pour que l'on puisse se permettre de passer à côté d'une belle amitié.

L’attention que me portait Rachel détourna le fil de mes pensées silencieuses et me poussa aux confidences. Je lui expliquais alors ce que j’avais ressenti en retournant à Great Falls ce jour là : la dope qui envahissait mon esprit à chaque fois que je faisais un pas de plus dans la ville et mes craintes de replonger alors que je commençais à me sentir mieux.

- Tu as été voir ton assistante sociale et tu es resté clean. C'est ce qui compte vraiment.

Le bilan qu’elle fit de ma situation se révéla finalement plutôt positif contrairement à ce que j’en pensais au fond de moi. Alors que je me trouvais faible d’avoir eu des envies de shoot au lieu de penser à me réconcilier avec mon frère et ma sœur, l’infirmière trouvait que ma conduite était presque exemplaire puisque j’avais honoré mon rendez vous avant de rentrer au centre.

-Je crois pas que tu sois en train de replonger. Au contraire, j'ai la nette impression que tu es sur la bonne voie...

C’était sa conclusion… Même si je lui rendais timidement son sourire, j’étais loin d’être aussi rassuré qu’elle malgré tous les mots de félicitations qu’elle pouvait aligner. Pourtant je ne pouvais pas nier que la petite infirmière devait en connaitre un rayon sur les habitudes des patients dans mon genre. Si elle me disait que j’étais en bonne voie pour la guérison, je devais pouvoir la croire sur parole !

- Si c'est vrai, je fais quoi demain? Vaut mieux que je reste là ou que passe directement à autre chose ?

L’angoisse de la journée suivant courait dans mes veines aussi rapidement qu’un rail de coc, paralysant mon esprit et s’insinuant dans chaque cellule de mon corps. Nerveusement, je faisais craquer mes doigts en espérant me détendre… sans succès. Une clope aurait été plus efficace.

- J’ai vraiment peur de sortir et de pas pouvoir résister à la tentation… Je fais quoi si ça arrive ?

Le film passait devant mes yeux… Je me voyais marcher comme un fou vers le squat du dealer pour me payer ma dose. Je m’imaginais me cacher dans les chiottes publiques pour prendre ce shoot tranquille. Je sentais le soulagement que je ressentirais quand la dope ferait son effet. Et si au final tout recommençait ?

Se voulant rassurante, parce qu'elle estime que les nouvelles que lui apporte Chad ne sont pas si mauvaises, Rachel tente d'expliquer au jeune homme à quel point elle trouve son comportement exemplaire. Elle même accro à la cigarette et au café qu'elle consomme en grandes quantités, notamment dans le but de tenir le coup lorsqu'elle enchaine des nuits au Secret Corner et des journées entières à l'hôpital, Rachel se sait incapable d'arrêter au delà de quelques jours. Le simple fait de songer à la cigarette ou de voir quelqu'un fumer la fait toujours irrémédiablement replonger. Sa volonté n'est tout simplement pas assez forte. Celle de Chad en revanche parait nettement plus développée que la sienne même si le jeune homme ne semble pas en avoir pleinement conscience. En même temps, après ce qu'il vient de traverser, qui pourrait l'en blâmer?

-Si tu te sens fragile, tu peux rester ici, on a plusieurs activités de prévues demain qui devraient être plutôt sympa... Mais surtout ne reste pas seul dans ta chambre, sinon je viendrais t'y chercher moi même...Prévient-t-elle avec un air faussement autoritaire.

Selon elle, la solitude est tout sauf la solution du problème. En général, la descente aux enfers commence de cette façon, les junkies s'éloignent du monde, notamment de ceux qui sont clean, des gens qui pourraient les aider et s'enferment dans leur propre dépendance. Ce dont a besoin Chad en ce moment, ce n'est pas de la solitude, mais au contraire, d'une bonne dose de sociabilisation, de gens avec qui il puisse partager et qui surtout puissent lui permettre de penser à autre chose qu'à la drogue.

Se crispant légèrement lorsque le jeune homme commence à faire craquer ses phalanges, Rachel détestant ce bruit qui elle, la stresse plus qu'il ne la détend, la jeune femme pose rapidement la main sur celle de Chad afin de le faire cesser. Elle ne tient pas à l'empêcher de se détendre, mais elle préfère qu'il le fasse d'une manière qui ne risque pas de lui causer plus tard des déformations dans les doigts ou des douleurs dues à la vieillesse. Vieillir est bien assez dur comme ça, inutile de provoquer sois même de futur douleurs.

-Te tortures pas comme ça... Souffle-t-elle avec un léger sourire cherchant à capter le regard du jeune homme.

Puis lâchant finalement sa main pour se pencher sur son sac dont elle extrait un carnet et un stylo, la jeune femme griffonne rapidement son numéro de téléphone sur une des pages avant de l'arracher et de le glisser dans la main de Chad la retenant dans la sienne.

-Voilà ce qu'on va faire. Si un jour tu es seul dehors et que tu te sens sur le point de craquer, je veux que tu m'appelles sur ce numéro. Peu importe l'heure du jour ou de la nuit, fait le...
Et si jamais tu décides de ne pas m'appeler et de prendre ta dose, appelles moi quand même...Je serais là pour t'aider.

En réalité, Rachel n'est pas supposée faire ce genre de promesse à un patient, elle n'est même pas supposer tisser de lien avec eux, mais elle ne supporte pas l'idée de laisser quelqu'un qui a toujours vécu à deux pas de chez elle livré à lui même. C'est elle qui a accueillit Chad le jour de son entrée à l'hôpital, et aujourd'hui, elle tient à être près de lui jusqu'à ce qu'il s'en sorte. Car il va s'en sortir, Rachel compte bien veiller là dessus.

Avouer mes craintes de replonger dans la came me faisait peut-être du bien, mais ça ne me donnait pas encore les solutions pour éviter de recommencer à vivre des journées comme celle que je venais de passer. J’aurais voulu oublier et passer à autre chose, mais l’angoisse de retourner en ville était trop profonde pour que je puisse l’ignorer. Même si je n’avais pas céder à la tentation, est-ce que je pourrais continuer à me battre contre l’appel de l’héroïne le lendemain ? Que devais-je faire ? Heureusement, l’infirmière trouva encore la meilleure réponse à me donner.

-Si tu te sens fragile, tu peux rester ici, on a plusieurs activités de prévues demain qui devraient être plutôt sympa... Mais surtout ne reste pas seul dans ta chambre, sinon je viendrais t'y chercher moi même...

Son ton sévère me fit légèrement sourire. La connaissant, plus en temps qu’infirmière que comme voisine d’ailleurs, je savais qu’elle me tirerait de ma solitude si je décidais effectivement de rester cloitré dans ma chambre, allongé sur mon lit à regarder les tâches du plafond en espérant y trouver une réponse à mes questions…

- Tant que c’est pas un atelier pâte à sel ou gommettes, ça devrait le faire, répondis-je pour montrer que malgré mes difficultés j’espérais bien m’en sortir. Et si ça devait passer par des activités de groupe pas franchement intéressantes de mon point de vue, j’allais quand même me donner à fond.

Ce qui m’inquiétait davantage restait l’évolution des choses. Si je restais enfermé demain, il faudrait bien que je retourne dehors un jour ou l’autre ! Et si loin du centre de soins je recommençais à vouloir prendre un shoot, qu’est-ce que je devais faire ? Ma volonté ne suffirait surement pas à résonner à chaque fois… Contre les petites envies, je pouvais lutter, mais pas contre celles dévorantes qui me faisaient perdre toute résistante.

J’étais plongé dans cette torpeur de mes souvenirs de junky quand la main de Rachel se referma sur mes doigts, m’obligeant direct à stopper cette séance de « torture ». Elle ne devait pas supporter le bruit de craquement d’articulations… Dommage parce que c’était vraiment le geste qui me détendait le plus quand je me mettais à stresser. C’était nouveau, mais j’avais bien dû me trouver un substitut à l’effet tranquillisant de la came.

Et puis, elle me libéra pour prendre un papier et un crayon… Elle espérait me faire mettre mes angoisses noir sur blanc ? A priori, non, puisqu’elle y inscrivait un numéro de téléphone… son numéro. Les infirmières n’avaient pas à faire ça ! Mon état devait l’inquiéter plus qu’elle voulait bien le laisser paraitre pour qu’elle agisse de la sorte.

Si un jour tu es seul dehors et que tu te sens sur le point de craquer, je veux que tu m'appelles sur ce numéro. Peu importe l'heure du jour ou de la nuit, fait le...Et si jamais tu décides de ne pas m'appeler et de prendre ta dose, appelles moi quand même...Je serais là pour t'aider.

J’aurais dû déchirer le papier pour ne pas avoir à l’utiliser, mais je ne pouvais pas nier que son soutien serait surement efficace si je me sentais à bout, près à craquer.

- J’espère vraiment que j’aurais pas à m’en servir… lui dis-je en fourrant le petit papier dans la poche de mon jean’s, mais merci. Je sais que t’as pas vraiment le droit de faire ça.

Un peu rassuré maintenant, même si ce n’était pas par la voie protocolaire habituelle du centre, je profitais de la présence de Rachel pour prendre des nouvelles de Great Falls… Des nouvelles que j’avais été bien incapable de prendre depuis plusieurs semaines. Loin de la conversation soignant, soigné, je décidais d’aborder un sujet plus personnel.

- Est-ce que tu as croisé mon frère et ma sœur dans la rue… Tu sais s’ils vont bien ?

[Super chouette ton nouveau kit! ]

La réponse que Chad fait sourire Rachel qui s'empresse de secouer la tête négativement. Heureusement pour lui, et pour elle aussi sans doute, les activités que propose le centre sont bien moins ringardes que ce à quoi l'on pourrait s'attendre. En ce qui concerne celles prévues le lendemain, la jeune femme crois se souvenir qu'un tournois sportif est organisé pour garder les patients en forme et pour les moins sportifs d'entre eux, un cours de dessin sera supervisé par un artiste local qui a déjà fait un séjour en cure. Ce ne sont pas des activités qui sortent vraiment de l'ordinaire, mais elle ont au moins le mérite de permettre aux pensionnaires de se focaliser sur autre chose que la drogue et le manque qui les tourmente.

-J'encadre le tournois de Volleyball demain après midi, si ça te dis. A moins que tu ne préfère apprendre à dessiner? Questionne-t-elle avec un sourire.

Elle ignore ce que Chad va choisir, même si elle l'imagine plus sportif qu'artiste torturé, mais une chose est sure, Rachel compte bien s'assurer que le jeune homme se rende à au moins l'une des deux activités si il ne se décide pas à affronter le monde extérieur. Elle ne tient pas à le voir s'enfermer dans la solitude. Il a besoin d'être entouré et soutenu pour s'en sortir.

Du soutient, c'est ce que Rachel propose de lui offrir en lui donnant son numéro de téléphone. C'est interdit, elle pourrait être renvoyée pour moins que ça, mais elle prend le risque. Après tout, Chad n'est pas un parfait inconnu, ils errent dans les mêmes rues depuis des années à présent et si ils n'ont jamais prêté plus d'attention l'un à l'autre avant aujourd'hui, Rachel se sent à présent totalement incapable de faire comme si le jeune homme n'existait pas.

-J'espère moi aussi, mais je préfère savoir que tu l'as... Souffle-t-elle avec un sourire amical.

Reposant son sac à ses pieds avant de reporter son attention sur Chad, Rachel réfléchit quelques secondes à sa réponse avant de reprendre la parole. Elle se souvient avoir croisé la soeur du jeune homme quelques jours plus tôt. Elle n'a pas eu le temps de lui dire bonjour puisque Katie était en voiture, mais elle avait l'air d'aller plutôt bien. Quant à Joey, il y a quelque temps que Rachel n'a pas eu l'occasion de le voir, mais avec leurs horaires respectifs, il est plutôt normal qu'ils ne se voient pas tous les jours, d'autant quand on sait qu'ils ne se sont jamais vraiment adressé la parole.

-J'ai croisé ta soeur, lundi ou mardi peut-être, elle avait l'air en pleine forme. Par contre, je n'ai pas vu ton frère de la semaine, désolée... Répond-t-elle avec une légère grimace.

La petite infirmière avait raison, il ne fallait pas que je baisse les bras maintenant que le plus dur étaient derrière moi ou que je m’isole dans mon coin pour ruminer mes problèmes. Dans un cas comme dans l’autre la rechute serait surement inévitable! Et même si cette idée me tentait pas moment, je ne pouvais pas me permettre de céder à la facilité. La meilleure chose à faire était donc de retrouver ma place dans le groupe, de participer aux activités et ne surtout pas rester seul ! D’ailleurs, Rachel ne me laisserait pas faire…

-J'encadre le tournois de Volleyball demain après midi, si ça te dis. A moins que tu ne préfère apprendre à dessiner?

J’entendis bien le ton amusé de sa voix et le petit sous entendu qu’il impliquait.

- Ouai, non, j'me vois mal passer pour Picasso pendant deux heures… Et ça me défoulera plus de taper dans un ballon.

J’aurais préféré passer mes nerfs sur un punching ball avec des gants de boxe, mais bon… une partie de volley devrait faire l’affaire pour me changer les idées. Au pire je viserais la tronche de ce connard de la chambre 208, histoire de me détendre vraiment, s’il se retrouvait dans l’équipe adverse. Ouai, j’étais peut-être devenu clean, mais ça changeait pas le fond de mon caractère…et toutes les occasions étaient bonnes pour « régler mes comptes » avec les types qui me prenaient la tête. Lui en ferait surement autant de son coté. Sur ce point là on se ressemblait.

Mais pour le moment je n’étais pas dans les stratégies du match du lendemain, plutôt en panique à l’idée de replonger… à tel point que Rachel me donna son numéro de portable. J’espérais ne jamais avoir à l’utiliser… et elle aussi.

Profitant que la blondinette soir disponible, je lui demandais des nouvelles de Great Falls. Surtout du restant de la famille Matthews avec qui je m’étais méchamment brouillé le matin de mon départ.

-J'ai croisé ta soeur, lundi ou mardi peut-être, elle avait l'air en pleine forme. Par contre, je n'ai pas vu ton frère de la semaine, désolée...

Elle aurait surement aimé pouvoir m’en dire plus, mais ces quelques infos me rassuraient déjà un peu. Et puis s’il était arrivé quelque chose de grave à mon Joey on m’aurait quand même tenu au courant malgré l’isolement réclamé par la cure.

- Pas grave… Faut que je les appelle de toute façon.

Contente que l'une de ses propositions ait au moins plu à Chad, Rachel est encore plus satisfaite de le voir choisir l'activité à laquelle elle même participera. Elle ignore encore si elle sera elle aussi amenée à jouer en compagnie des patients, mais cette idée ne lui déplait pas le moins du monde. Au contraire, plutôt sportive même si elle ne pratique que très rarement les sports collectifs, la jeune femme se ferait une joie de participer, encore plus si sa présence peut servir à motiver les troupes, et tout particulièrement Chad.

-Bonne réponse, commente-t-elle avec un sourire.

Outrepassant par la suite ses fonctions, la jeune femme se décide finalement à perdre sa place au sein du centre afin de venir en aide à Chad en lui donnant son numéro de téléphone personnel.
Elle tient à ce qu'il ne se sente pas seul lorsqu'il sera dehors, qu'il sache qu'il peut compter sur quelqu'un en cas de crise. Elle ne le jugera pas si il décide un jour de recommencer, chacun est libre de ses choix, les bons comme les mauvais, seulement, si il ne résiste pas à la tentation de reprendre un jour sa relation destructrice avec la drogue , l'infirmière préfère qu'il ne soit pas seul à ce moment là. Elle l'a déjà vu à l'article de la mort une fois, et aussi étrange soit-il, elle ne souhaite pas recommencer.

Le sujet finalement clos, chacun ayant exprimé ses espérances quant à l'utilisation de ce bout de papier sur lequel figure le numéro de l'infirmière, Rachel ne se fait pas prier pour communiquer à Chad le peu d'information qu'elle possède au sujet de sa famille. Elle n'a pas souvent l'occasion de croiser les Matthews, en particulier Joey, mais elle sait en revanche que Katie a l'air d'aller plutôt bien.

-Je pense que ça leur ferait plaisir oui... Répond-t-elle finalement lorsque Chad fait savoir qu'il doit de toute façon téléphoner chez lui.

De nouveau muette, ne sachant quoi dire, Rachel se contente d'esquisser un sourire en direction de Chad. Elle est satisfaite d'avoir pu écouter et rassurer au moins un minimum le jeune homme. Elle aimerait faire plus pour lui malgré tout.

-Est-ce que tu as besoin de quelque chose ici? De quoi grignoter, un livre, des magasines, je pourrais peut-être t'en rapporter demain...?

Ce n'est une fois de plus pas grand chose, mais Rachel tient à ce que le séjour de Chad ici se déroule du mieux possible.

La journée du lendemain ne s’annonçait pas aussi démoralisante que prévue ! Occupé à jouer au volley avec les autres patients sous l’arbitrage des soignants, il y avait peu de chance que je trouve le temps de me préoccuper de mes problèmes avec la dope. Heureusement mes idées n’étaient plus aussi noires qu’avant d’avoir cette discussion avec Rachel. D’ailleurs, je n’étais pas certain d’avoir pu me remettre aussi rapidement de mes doutes et des mes peurs concernant la came si une autre infirmière que ma voisine avait pris le temps de m’écouter… il fallait bien avouer que la blondinette prenait soins de moi bien au delà de la limite imposée par son métier. D’accord, je n’allais pas m’en plaindre, mais j’espérais que mon comportement dans les jours de déprime ou de rechute ne lui ferait pas regretter ce numéro de téléphone griffonné sur un morceau de papier.

Et puis, ma voisine pouvait me donner des nouvelles de ma famille… Chose que je devrais faire rapidement par moi-même si je ne voulais pas m’éloigner encore plus longtemps de Joey et Katie. Mais pour ça, j’allais devoir me secouer et surtout accepter de pardonner. Pas sur que j’en sois encore capable même s’ils me manquaient terriblement.

-Je pense que ça leur ferait plaisir oui...

Vu comme la famille Matthews apparaissait soudée en arrivant à Great Falls, les gens ne pouvaient pas vraiment se douter des tensions existantes au n° 22 depuis la sortie de taule de mon frère et mon addiction à l’héroïne… Rachel ne pouvait le savoir, même si nous habitions dans la même rue, à quelques jardins de distance.

- Ça sera la prochaine étape, dis-je en souriant pour parler des différents objectifs de la cure.

Et puis le silence retomba entre nous… Le sujet n’étant pas franchement idéal pour les grandes discussions. Je ne voulais pas non plus la souler avec l’étalage de tous mes problèmes personnels, ceux concernant la dope suffisaient largement !

-Est-ce que tu as besoin de quelque chose ici? De quoi grignoter, un livre, des magasines, je pourrais peut-être t'en rapporter demain...?

Je n’avais pas besoin de grand-chose ici, et encore moins depuis que je pouvais ressortir en ville, mais Rachel continuait à me « protéger » en essayant de couvrir tous mes besoins et donc éviter que je rechute. Le moral était important ici, et m’apporter ce qu’il me manquait lui donnait surement l’espoir de me voir aller mieux.

- J’crois que j’ai tout ce qu’il me faut… lançais-je en réfléchissant à ce qu’il pouvait bien me manquer, mais je ne trouvais rien. J’ai mes clopes pour la semaine, là, c’est bon. D’ailleurs on s’en grillerait pas une petite avant que tu rentres te coucher ?

Bien sur, je n’allais pas la retenir toute la nuit. Elle avait vraiment d’autres choses à faire sur son temps perso que de rester ici à faire des heures supp.

Parce qu'elle n'est pas du genre à se mêler des affaires des autres, Rachel ignore se qui se passe une fois les portes de ses voisins closes. Elle ignore donc que l'entente n'est pas toujours cordiale chez les Matthews, mais elle est certaine qu'avoir des nouvelles de Chad ferait plaisir à Katie et à Joey. Après tout, ils sont une famille non?
Pour sa part, Rachel a beau détester sa mère et son comportement, la jeune femme sait que malgré tout, si il devait arriver malheur à Fiona, elle serait la première à en être attristée et à s'inquiéter de son sort. Quoi qu'il arrive, il s'agit malgré tout de sa mère, et même si elle ne s'est pas toujours, pour ne pas dire jamais, comportée comme tel, la caissière a malgré tout une place dans le coeur de l'infirmière.

- Très bonne idée, commente-t-elle avec un sourire avant de se murer dans le silence.

L'espace de quelques secondes qui s'éternisent, Rachel reste silencieuse. Elle espère que Chad reprenne la parole, ou que quelque chose se passe, mais rien ne vient. Finalement, soucieuse du bien être de son patient auquel elle tient tout particulièrement bien qu'elle ne soit pas sensée exprimer le moindre signe de favoritisme, la jolie blonde reprend la parole pour proposer au jeune homme de lui ramener quelques affaires qui pourraient lui manquer ici. Après tout, la vie au centre n'est pas toujours des plus joyeuses, alors peut-être aimerait-il se divertir?

Face au refus de Chad qui la rassure sur le fait qu'il soit en possession de tout ce dont il a besoin, Rachel esquisse un sourire compréhensif qui s'agrandit de façon perceptible lorsqu'il lui propose de sortir fumer une cigarette en sa compagnie avant de rentrer.

-Je suis pas pressée pour rentrer, mais je dois dire qu'une pause cigarette me ferait un bien fou! Approuve-t-elle avec un nouveau sourire.

Après une journée éprouvante et de courtes pauses, la jolie blonde n'est pas contre une dose de nicotine supplémentaire. Prendre l'air lui fera du bien, tout autant qu'à Chad d'ailleurs.
Se levant avant d'attraper son sac posé sur le sol, la jeune femme ouvre la marche en direction de la sortie, récupérant dans l'intervalle sa cigarette derrière son oreille qu'elle glisse entre ses lèvres avant d'ouvrir la grande porte et d'humer l'air frais et humide de la nuit.

Parler… Je devais bien admettre que les infirmières avaient raison, ça me faisait franchement du bien ! Ok, je n’étais pas encore franchement à l’aise pour déballer mes problèmes à une inconnue, mais cette fois la personne qu’on avait envoyée pour m’écouter n’était autre que ma voisine. Alors lui avouer que j’avais réellement envie de craquer pour un shoot ne me dérangea pas plus que ça… Rachel m’avait vu dans des états pire que ça, alors m’entendre dire ça devait ressembler à une discussion banale… même si ça ne l’était pas vraiment pour moi. Je flippais grave de replonger.

Heureusement la blondinette trouva les mots pour me rassurer, allant jusqu'à me donner son numéro de portable pour me calmer complètement. Sa proximité avec ma famille me poussa aussi à lui demander des nouvelles de Burroughs Street… Là, elle ne put pas trop me dire grand-chose, mais c’était surement préférable que de m’annoncer que Joey ou Katie allaient mal. Ce qui n’était pas le cas sinon tout le quartier l’aurait su !

Je proposais ensuite d’aller fumer une petit clope avant de la lâcher avec mes emmerdes… Elle en avait déjà assez fait pour moi.

-Je suis pas pressée pour rentrer, mais je dois dire qu'une pause cigarette me ferait un bien fou!

- On bouge alors !

Pas question d’allumer nos clopes ici ! Mais juste un peu plus loin, sur la terrasse à la sortie du bâtiment. Le fond de l’air était plutôt frais et je refermais ma veste zippé en m’adossant à la rambarde en fer avant de sortir mon feu et d’allumer la cigarette que j’avais glissé entre mes lèvres. En tirant une taffe, je sentis rapidement la nicotine calmer mon restant de nerfs.

- Ça je pourrais pas m’en passer, lâchai-je en soufflant la fumée au dessus de ma tête en pensant à un de mes collègue de cure. Ya Will qui à tout arrêter lui : la came, l’alcool et la clope. J’crois qu’il boit même plus de café ce taré… J’sais pas comment il fait.

Acquiesçant d'un signe de tête lorsque Chad annonce qu'il est temps pour eux de se bouger les fesses pour aller fumer ensemble une cigarette, Rachel prend la tête de leur petit cortège et se dirige d'un pas ferme vers la sortie où les attends un coin tranquille où ils pourront continuer de discuter tout en savourant leur pause clope.
Allumant rapidement la cigarette qu'elle vient de glisser entre ses lèvres après s'être remplis les poumons d'air frais, l'infirmière soupire d'aise lorsqu'elle recrache lentement la fumée accumulée dans ses poumons avant d'adresser un sourire au jeune homme qui vient de reprendre la parole. Elle comprend tout à fait ce qu'il ressent vis à vis de la cigarette. Si elle n'a jamais touché à la moindre goutte d'alcool ou à la moindre petite substance illicite, la jeune femme sait en revanche à quel point elle est addict à la cigarette et au café. Sans ces petits substituts au bonheur, la jolie blonde serait bien en peine de se lever le matin et de tenir le rythme de vie effréné qu'elle mène depuis la fin de ses études. En quelques mois, elle est devenue quasi-insomniaque à force d'enchainer les services de nuit et de journée, sans oublier ses trois soirs de "danse" par semaine, seule sa cigarette et les litres de cafés qu'elle bois la journée lui permettent encore de tenir le coup, pour un temps.

-Pareil pour moi... J'finis par devenir dingue quand j'ai pas le temps d'aller acheter un paquet... Souffle-t-elle avec un sourire avant d'hausser un sourcil lorsque Chad lui parle de la situation d'un de ses collègues de cure.

Rachel n'est pas au centre depuis assez longtemps pour connaître tous les patients et les troubles qui les affectent, elle ne connait donc pas le fameux Will dont lui parle son voisin, mais une chose est sure, ce type l'impressionne.

-Et ben... C'est ce que j'appelle de la détermination... Commente-t-elle avec un nouveau sourire avant de tirer une nouvelle fois sur sa cigarette.

- T'y a déjà songé toi, à arrêter? Questionne-t-elle avec curiosité.

Après tout, ce n'est pas parce qu'il vient de lui dire qu'il ne pourrait pas arrêter la cigarette que l'idée ne lui a jamais traversé l'esprit, right?
Pour sa part, Rachel y a déjà songé plusieurs fois lorsque ses moyens financiers étaient au plus bas, seulement, la jeune femme a toujours trouvé le moyen de se priver sur quelque chose d'autre afin de pouvoir s'acheter au moins un paquet. C'est ce qui l'aide à tenir le coup, à ne pas envoyer chier la vie. Une cigarette et c'est repartit. Et puis après tout, ce n'est pas comme si elle pouvait se permettre de tout envoyer en l'air, Molly a besoin d'elle, alors quand les choses tournent mal, la blonde se venge sur une cigarette. Le temps d'en fumer une ou plus, la jeune femme parvient en général à se résonner, à relativiser et à oublier ses soucis avant de repartir du bon pied.

Une petite clope ! Rien de tel pour terminer la journée après avoir mis de coté mes problèmes avec la came. Bien sur, mon envie de reprendre des shoots n’allait pas s’envoler juste parce que je venais de la dire à la l’infirmière, mais je me sentais quand même nettement mieux. Et une bonne dose de nicotine finirait de me calmer. Aujourd’hui j’en étais surement à la quinzième ! Pas bon pour les poumons, mais j’étais incapable de m’en passer. Surtout dans une période aussi difficile que celle du sevrage…

-Pareil pour moi... J'finis par devenir dingue quand j'ai pas le temps d'aller acheter un paquet... Me dit-elle avec un sourire avant que je lui parle d’un collègue de la cure qui avait tout arrêté d’un seul coup. Un psychopathe ! Ok, il avait tout à perdre si jamais il ne se sortait pas de la merde dans laquelle il s’était fourré en devenant héroïnomane, mais pourquoi la clope ?! Pour la santé ?! Je l’admirais, sérieux. Sauver son mariage et regagner la confiance de sa famille devaient le booster un ma s’il ne voulait pas finir divorcé et interdit d’approcher ses mômes... Sans parler de finir à la rue. Dommage que je n’ai pas une telle motivation pour me garder sur les rails.

-Et ben... C'est ce que j'appelle de la détermination...

- Tu m’étonnes ! Même s’il a sa femme au cul, il gère le type.

J’aurais été curieux de voir si Will prenait le même traitement que moi ou s’il avait droit à d’autre cachetons pour tenir le coup. Ce ne serait pas étonnant. Perso, je préférais continuer à fumer plutôt que de me charger de médocs. Parce que sans ça, les médecins devraient forcément augmenter les doses… Et non, il fallait que je sois lucide pour reprendre le contrôle de ma vie, pas une vieille loque qui ne fait rien de ses journées.

T'y a déjà songé toi, à arrêter?

- Bof… J’en ai parlé une ou deux fois au moment de prendre des résolutions, mais j’ai jamais vraiment essayé.

A la base se devait surement être pour accompagné ma sœur qui se faisait ce genre de promesse tous les 31 décembre, mais au final cette idée ne lui restait jamais en tête que jusqu’au 2 janvier. Et puis, comme avec la came, j’avais toujours une bonne excuse pour dire que ce n’était pas le bon moment pour arrêter.

- T’as déjà réussi à t’en passer plus de deux jours ?

Une fois parvenus dehors afin de partager une dernière cigarette, Rachel et Chad se mettent à échanger leurs impressions sur cette addiction à laquelle aucun d'eux ne semble pouvoir, ni même vouloir échapper.
Béquille émotionnelle, une cigarette aide souvent la jolie blonde à y voir plus clair, à se détendre et surtout, à se sentir bien. Elle a fumé sa première à l'âge de 16 ans. Un garçon avec qui elle faisait un exposé lui en a proposé une avant de se raviser en la traitant de fillette. C'est ce mot qui a précipité les choses, "fillette", un mot bien innocent en apparence qui avait résonné dans les oreilles de l'adolescente qu'elle était à l'époque comme la pire des insultes. Et pour lui prouver le contraire, Rachel lui avait pris sa cigarette des mains et l'avait fumée jusqu'au filtre, sans tousser une seule fois, en le regardant droit dans les yeux. Un excès de fierté qui lui a valu de longues minutes à se sentir légèrement groggy, détendue, légère. Il ne s'agissait pourtant que d'une simple cigarette, mais par la suite, l'infirmière n'a plus jamais été capable de s'en passer.

C'est pour cette raison qu'elle admire ceux qui sont capables d'arrêter, elle même n'y est jamais parvenue. Alors forcément, entendre l'histoire plutôt dingue de ce type qui a tout arrêté d'un coup l'impressionne vraiment. Tout du moins jusqu'à ce que Chad ne précise que sans sa femme pour surveiller ses arrières, il n'aurait sans doute jamais arrêté.

-Je comprend mieux en fait pourquoi il tient le coup. Rien de pire qu'une femme en colère, plaisante-t-elle tout en expirant une longue trainée de fumée.

En réalité, savoir que cet homme fait ça par amour pour sa famille rend Rachel encore plus admirative. Elle même sait de quoi il s'agit, elle ferait n'importe quoi pour sa famille, ou à défaut, au moins pour Molly. Heureusement, si la jeune femme a déjà été amenée à faire des choses qui ne lui plaisaient pas vraiment dans le simple intérêt de sa petite soeur, elle n'a encore jamais été contrainte d'abandonner la cigarette. Sans ce petit substitut de bien être, sans doute la jeune femme ne tiendrait-elle pas le coup.

Curieuse malgré tout de savoir si Chad a déjà songé à arrêter la cigarette, l'infirmière lui pose la question et n'est pas vraiment surprise de sa réponse. Les fumeurs sont tous les mêmes, ou plutôt, les gens sont tous les mêmes, ils se lancent des défis qu'ils ne relèveront jamais, histoire de se donner bonne conscience jusqu'à l'année suivante.

-Je connais ça ouais, les résolutions... Commente-t-elle avec un léger rire avant de porter de nouveau sa cigarette à ses lèvres après en avoir chassé la cendre.

-Ouais, mon plus long record c'est une semaine... Lui apprend-t-elle avec un petit sourire plein de fierté.

Une semaine, ça peut paraitre court, et pourtant, Rachel a eu à l'époque l'impression de passer la plus longue semaine de toute sa vie, chaque minute passée à ne rien faire était une vraie torture et lui rappelait à quel point il était bon de s'en griller une lorsqu'on a rien de mieux à faire. Et puis au bout d'une semaine, la jolie blonde a craqué et a couru jusqu'au tabac le plus proche. Faible.

Histoire de détourner le sujet de mes addictions sur autre chose, je parlais de mon collègue de cure qui disait stop à toute forme de drogue : Héroïne, alcool et clope. Tout ça pour reprendre une vie normale et ne pas perdre sa femme… J’étais loin de pouvoir en dire autant sur mon histoire de cœur et de la fille qui m’avait fait cocu. Mais je n’allais pas me replonger dans un état de déprime puisque Rachel venait de m’aider à en sortir.

-Je comprend mieux en fait pourquoi il tient le coup. Rien de pire qu'une femme en colère,

Son rire entraina le mien dans cette plaisanterie, même si effectivement je redoutais un peu les prises de tête avec la gente féminine, ma frangine en tête. Katie cherchait toujours avoir le dernier mot et réussissait toujours à obtenir ce qu’elle voulait. La preuve, son insistance venait de m’emmener directement en cure de désintox.

- J’confirme ! Mais avec quelques décibels en moins pendant les engueulades ça serait cool.

Et puis la conversation dériva sur l’arrêt de la clope… Ce que je n’envisageais vraiment pas en ce moment, ni même pour mes prochaines résolutions. Déjà m’en passer pendant deux jours relevait de l’exploit alors de là à arrêter carrément, il y avait un cayon à franchir.

-Ouais, mon plus long record c'est une semaine...

Sur ce point on se retrouvait. Le premier à part celui de notre adresse et du temps passé à l’hosto en ce moment.

- Si t’arrête en 2013, j’te suis ! Ou au moins j’essaierai… A deux ça sera peut-être plus facile de se motiver.

Bien qu'épuisée, Rachel est heureuse d'avoir pris le temps de venir discuter avec Chad, de le rassurer et de lui changer les idées. Elle ignore si son aide a été vraiment bénéfique au jeune homme, mais elle préfère pense qu'elle lui a été secourable plutôt que le contraire.
Délaissant les angoisses du jeune homme pour reprendre le fil d'une conversation plus détendue, les deux jeunes gens continuent tout de même d'échanger sur le même sujet, celui des addictions.

Visiblement, l'un des compagnons d'infortune du jeune homme s'est décidé à tout arrêter, par amour, et l'infirmière se montre tout aussi impressionnée que son patient à l'évocation du fameux Will avant de plaisanter à propos de la femme de celui ci qui ne doit sans doute pas le lâcher d'une semelle. Rien de pire qu'une femme en colère fait remarquer la jolie blonde, et c'est sans doute vrai.

Esquissant un sourire amusé lorsque Chad fait remarquer qu'il aimerait tout de même que leurs disputes se fassent moins bruyamment, Rachel le plaint silencieusement. Essayer de se remettre après une overdose entouré de personnes bruyantes ne doit pas être facile, Chad a d'autant plus de mérite d'en être arrivé là où il en est actuellement, sur la bonne voie.

Continuant sur leur lancée, la jolie blonde et le jeune homme en viennent à échanger sur une addiction bien plus légale. En effet, si Rachel, contrairement à Chad n'a jamais touché à la drogue, au sens "dur" du terme, la jeune femme partage en revanche son goût pour la nicotine.
Ce n'est pas faute d'avoir déjà songé à arrêter, mais elle n'a jamais été en mesure de le faire, manque de volonté, de force... C'est ce qu'elle explique au jeune homme en lui faisant tout de même savoir qu'elle a déjà réussi à tenir... Une semaine. Un record dont elle n'est pas peu fière, même si au bout du compte, il s'agit plus d'une pause que d'un réel arrêt du tabac.

Quand finalement Chad lance, comme un défi, l'idée qu'ils essayent d'arrêter ensemble pour la nouvelle année, Rachel esquisse une moue, prenant le temps de réfléchir à la question avant de sourire et de tendre la main à plat en direction de son patient.

-Deal... Souffle-t-elle avec un grand sourire.

Rachel n'est pas certaine de tenir sans cigarettes, elle tient vraiment à ses pauses qui lui permettent de souffler, mais elle n'est pas non plus du genre à laisser passer un défit quand on lui en lance un, et c'est ainsi qu'elle voit la proposition de Chad. Un défit...!

Dans cet hosto, les médecins nous rabâchaient que toutes les formes d’addiction étaient mauvaises. Bien sur la came restait leur priorité avec les patients, mais certains Doc faisaient aussi la chasse à la cigarette dans les couloirs. Pas seulement avec nous, les junkies, mais aussi dans les équipes du personnel. Des petites affiches étaient donc affichées un peu partout et incitaient à arrêter la cigarette. Autant dire que ça ne fonctionnait pas vraiment puisque j’étais accoudé à la rambarde de la terrasse, à fumer tranquillement ma clope avec une infirmière du centre.

J’avais déjà pensé à arrêter, comme tout le monde au moment de prendre des résolutions, mais ces bonnes intentions ne duraient jamais plus de deux ou trois jours… Quelle volonté ! Mais Rachel était comme moi, accro à la nicotine. Je me sentais alors un peu moins nul et plus « normal ». Chose qui n’était pas arrivé depuis longtemps et encore moins ce soir où je me serais plutôt enterré six pieds sous terre. Heureusement j’avais pu vider mon sac avec les oreilles attentives de ma voisine et je me sentais nettement mieux… Au point de faire des plans sur la comète en lui disant que si elle essayait de plus fumer pour le nouvel an, j’essaierai de la suivre.

-Deal...

- Deal !

Dans quoi est-ce que je venais de m’engager ? … Arrêter la dope de suffisait pas, il fallait que je force encore la difficulté en projetant d’arrêter la clope. Pas sur que ce soit réalisable, même à deux. Mais nous n’en étions en pas là.

Il était vraiment tard maintenant. Chacun rentra donc de son coté. Moi dans le salon télé de la cure et Rachel à Burrough Street.