Lumière.

Noah venait à peine d'ouvrir les yeux, luttant face à l'éblouissante lumière du jour. Un grand soleil brillait déjà dans le ciel et éclairait chaque centimètres de la pièce. La chambre de Noah était vaste, sous les combles de la maison, et la fenêtre se trouvait en plein est, c'est à dire face au levé du soleil.
Foutus rideaux. Pourquoi n'avait-il pas pensé à les fermer avant de se coucher ?

Désormais réveillé - et de ce fait, aigri - le jeune homme se décida enfin à se lever, et fila directement vers sa salle de bain personnelle. Car oui, chaque membres de la famille avait sa propre salle de bain, chez les Butler. Une belle connerie. Comme il y en avait tant d'autres dans cette maison. L'étalage du fric en était flagrant ,ce qui avait le don de dégouter intérieurement l'ainé des Butler. Mais comme pour beaucoup d'autres choses, il n'y pouvait rien. Soit.

Lorsqu'il quitta la salle de bain, douché et rasé, Noah ne savait pas encore ce qu'il ferait de sa journée. Jusqu'à qu'il regarde son téléphone. Parmi les messages qu'il avait reçu pendant la nuit, un nom l'interpella plus que les autres. Andréa. Andréa Morgan. Une nana sympa. Plutôt jolie d'ailleurs, mais que Noah ne fréquentait plus des lustres. Elle avait - autrefois - été la petite amie de Shaun, le petit frère de Noah. Leurs histoire avait duré quelques temps ... jusqu'à que la jeune femme ne le quitte, l'estimant trop drogué pour elle. Ou trop drogué tout court. Elle avait eu raison, d'ailleurs. Voici de nombreux mois que le petit dernier des Butler accentuait sa dépendance à tout et n'importe quoi : coke, ecstasy, héro, ... Tout y passait. Noah le savait. Mais ne faisait rien. Allez savoir pourquoi.

Parfois, il avait envie de ne pas s'en mêler du tout. De faire comme Andréa, de couper les ponts à tout jamais. Mais c'était impossible, pour la simple et bonne raison qu'on ne choisit pas sa famille. Et encore moins ses petits frères, en l’occurrence ...

Andréa lui donnait rendez-vous près du lac Michigan. Elle lui fit comprendre qu'elle voulait lui parler de son frère.

Pourquoi, bon dieu de merde, voulait-elle encore aborder ce sujet ? Ça ne la regardait plus au final. Elle l'avait largué. Alors, qu'est-ce que ça pouvait lui foutre de l'état de Shaun, ou de n'importe quoi le concernant ?
Noah avait un peu de rancœur envers elle. Avec elle, son petit frère aurait pu avoir une chance. Désormais c'était cause perdue. Mais ce n'était pas que de la rancœur. Il y avait de la peur ... Car après tout, elle pouvait très bien nourrir de vieilles intentions. Avec ce qu'elle savait sur Shaun, elle avait la terrible possibilité de ternir l'image des Butler, pourtant si glorieuse.

Mais il y avait aussi de l'appréhension. Celle de la revoir, et de repenser à cette fois-là. Ce jour-là. Non, il ne fallait pas y penser. Absolument pas.

Bref, Noah montait déjà dans sa voiture, une cigarette dans la bouche, et se dirigea vers le lac Michigan. Il ne tarda pas à arriver et à se garer. Il descendit de son habitacle et scruta les environs. Aucunes traces de la jeune femme. Il se résigna à faire un tour à pied, dans l'espoir d'enfin la trouver.
Quand il la vit.

Restant impassible, il se dirigea vers elle. Aucun sourires, ni signes de la main. Il commençait un peu à flipper. Que lui voulait-elle ? Il était déjà à sa hauteur. Poliment, il lui adressa un léger sourire et dit :

- Salut Andréa. Content de te voir, ajouta-t-il, sans être très sur de ce qu'il disait.

Il s'assit ensuite à ses côtés. Il avait envie de directement aborder le sujet de ce rendez-vous, mais ne voulait pas paraître pressé ni impoli. La politesse était un art qu'il maniait avec aisance. Honnêtement ou pas.

- Ça fait un bail ... Qu'est-ce que tu racontes depuis le temps ?

Tandis qu'il enchaînait un pas après l'autre en direction d'Andréa, qu'il avait aperçut sur un banc non loin de l'eau, Noah ne savait pas vraiment si il avait eu raison de venir. Et aussi si il était content de la voir. Les deux jeunes gens ne s'étaient plus adressés la parole depuis des lustres, et Noah en serait presque venu à l'oublier. Et oui, presque. Et cela à cause de Shaun, son petit frère.

Le jeune homme était toujours fou amoureux d'Andréa. Ils s'étaient séparés voilà deux ans, et il pensait encore et toujours à elle ... Noah avait plus d'une fois essayé de le raisonner. De l'aider à tourner la page et passer à autre chose. Pour ne plus qu'il se fasse du mal. Mais se faire du mal était un don, chez les Butler. Leurs aptitude à la souffrance était remarquable. À commencer par la mère. Femme au foyer, comédienne ratée, soumise à son mari ... elle avait tiré le gros lot. Le père de famille, enfoiré notoire, n'était pas plus heureux. Tentant - vainement - de noyer ses soucis personnels dans le travail, il n'arrivait qu'à les aggraver. Quant à Noah ... Il faisait comme il pouvait.

Assez réfléchit, Noah venait de saluer Andréa et de s'installer à ses cotés. Son sourire, timide, n'avait rien de convaincant. Il ne savait pas comment aborder ce rendez-vous. Comment était-il censé se comporter avec Andréa ? Devait-il la considérer comme une vieille amie ou comme son ex-belle sœur ? Ou pire encore ... comme une ennemie ?

Il lui demanda des nouvelles et, après l'avoir assuré que tout allait bien pour elle, Andréa lui retourna la question :

- Oh, pas pire, pas pire … rétorqua-t-il, avec le petit sourire en coin qu'on lui connaissait bien.

Mais Noah sentait qu'elle n'était pas là pour parler de tout et de rien. Son petit air impatiente trahissait chez elle une évidente envie de passer « aux choses sérieuses ».

- J'ai vu Shaun, hier.

La réaction de Noah ne se fit pas attendre. Comme traversé par un spasme, il releva immédiatement les yeux et demeura immobile. Il fixait intensément Andréa. Il ne cillait pas. Son regard était froid et impassible, tandis que l'air de son visage n'exprimait aucunes émotions.
Il ne dit rien.

Il continuait de la fixer. Pourquoi lui parlait-elle de Shaun, au final ? Et surtout, pourquoi maintenant ? Elle avait bien fait comprendre que leurs histoire était terminée. Elle n'avait laissé aucun doutes à ce sujet. Pour Noah, en tout cas. Shaun, c'était une autre histoire …

- Très bien. Ok. Et alors ?

Impuissant, il se rendit immédiatement compte qu'il avait été très sec. Coupant. Il n'aimait pas qu'on parle de Shaun. Il ignorait pourquoi, mais il était très susceptible à ce sujet. La moindre remarque le mettait dans un état pas possible, lui qui était pourtant si calme …

Il n'avait pas bougé d'un poil. Ses yeux paraissaient vides et lui, ailleurs. Il ne sentit pas la légère brise automnale qui venait de traverser ses cheveux courts, les laissant vire-volter au rythme du vent.

- Tu peux me dire où tu veux en venir ? Je croyais que tu l"avais lamentablement abandonné ?

Réaction de grand frère. Il était peut-être allé un peu trop loin. Après tout, la phrase de la jeune femme avait été assez évasive … pour les autres. Mais pas pour Noah. Lui comprenait très bien où elle souhaitait en venir. Et ça ne l'intéressait pas du tout.

Il ne tenait pas vraiment à la voir jouer le rôle de la fille parfaite qui s'inquiète pour un vulgaire ex-petit ami. Mais pour le coup, il ne valait mieux pas s'emballer.

- Excuse-moi, c'est juste que je … je comprends vraiment pas pourquoi tu me donnes ce rendez-vous et tu me parles de Shaun. Surtout maintenant. Et ça m'énerve.

Légèrement agacé, Noah sortit d'un geste vif un paquet de cigarette de la poche de son jean, et ne tarda pas à s'en allumer une.

[Désolé si tu trouves ça supra-pourrit, mais j'ai du recommencer mon rp depuis le début, la faute à mon ordi qui plante quand ça lui chante >< ]

[arf, ça nous est déjà tous arrivé ! La haine quoi ! Mais ne t’en fait pas, ton message était très bien.]


A vrai dire, ça arrangeait bien Andy d’être arrivée la première au bord du lac, parce qu’elle avait l’avantage du lieu. Elle se sentait plus forte en étant déjà assise que si elle n’avait dû arriver après le garçon. Le pire dans cette histoire, c’est qu’elle ne le déteste pas. Elle ne le considère pas comme un ennemi. Elle préfère juste être méfiante et le garder à l’œil. A partir du moment où on partage un secret en commun, ça veut tout de même dire qu’on est un minimum allié, non ? En tout cas, c’est ce dont elle a l’impression, même si la situation n’est pas la plus plaisante du monde.

Déjà la veille, lorsqu’elle avait envoyé un message à Noah, elle était un peu nerveuse. Comment allait-il réagir à son texto ? Allait-il l’envoyer paitre ? Ferait-il le déplacement ? Elle avait été soulagée d’apprendre que oui, il ne restait à présent plus qu’à lui exposer les faits et la raison qui l’avait poussée à lui demander un rendez-vous, alors qu’ils ne se voient pas, habituellement. En fait, ils ne se voient plus depuis qu’elle a mit un terme à sa relation avec Shaun. Et c’est mieux comme ça, au final.

L’un et l’autre se demandèrent comment ils vont, banalité d’usage avant d’entamer les choses sérieuses. De toute façon, même s’ils étaient au plus mal, ils ne se confieraient sans doute pas l’un à l’autre. Il y a déjà bien trop de secrets dans leur relation, même si la balance penche du côté d’Andrea. En effet, elle pourrait causer du tort aux Bulter si l’envie lui en prenait. En fait, dans l’histoire c’était elle l’ennemie. Nul n’ignore à Great Falls qu’elle peut se montrer sans cœur lorsqu’elle veut se venger de quelque chose ou de quelqu’un. Il ne reste donc à Noah qu’à se tenir à carreau (a).

La brune annonça directement la nouvelle. Elle avait vu Shaun hier. Peut-être aurait-elle dû être plus précise dès le départ, en expliquant que c’est le toxicomane qui avait insisté pour la voir, qui lui avait fait du chantage affectif pour qu’elle se déplace, bref qui ne lui avait pas vraiment laissé le choix. La réaction de Noah la surprit, dans un premier temps. Il semblait vouloir savoir où elle voulait en venir… Tout en ne lui laissant pas le temps de répondre, en annonçant qu’elle devrait s’en moquer, puisqu’elle l’a vulgairement « abandonné », selon lui. Sa réflexion n’est pas très agréable, mais la brune se contente dans un premier temps de déglutir, réfléchissant à comment amener les choses pour ne pas empirer la situation. Elle n’est pas venue pour créer une guerre, mais pour trouver des solutions. Elle a envie de faire quelque chose de bien, pour quelqu’un qu’elle aime bien. Noah finit par s’excuser et Andrea hocha la tête.

« C’est normal que tu le protèges, mais franchement, c’est normal aussi que je l’ai quitté. Je lui ai laissé le choix, il pouvait choisir entre la drogue et moi et ça a été plus fort que lui. »

Elle haussa les épaules, se sentant impuissante face à cette situation. En même temps, pour un drogué, ça devait être réellement difficile de vivre ce dilemme, parce que son addiction est plus forte que lui, et sans doute que sa volonté.

« Je ne t’ai pas appelé pour t’énerver, mais juste parce qu’il faut faire quelque chose, mais je ne sais pas quoi. »

Waw, elle est définitivement d’une aide hors-pairs !

« Contrairement à ce que tu crois, je ne l’ai pas largué par plaisir. Ca n’a pas été facile à vivre pour moi. Alors ok, c’était pas l’homme de ma vie, mais ça tu peux pas m’en blâmer ! »

La seule chose qu’il pouvait lui reprocher, c’était de ne pas avoir été la petite amie parfaite, pendant leur relation… puisqu’elle avait terminé un soir avec lui.

Était-elle en train de se foutre de lui ? Noah se posait clairement la question.
Ainsi, elle l'avait appelé - contre toutes attentes - pour lui parler de Shaun ? Pour lui dire qu'il(s) devai(en)t agir et faire quelque chose ? Noah commençait à bouillir de l'intérieur. Mais il ne dit rien. Après tout, il n'avait rien à dire.

Il n'était pas bien placé pour ça. Non seulement il ne faisait pas grand chose pour aider son frère cadet, mais en plus de ça, il lui avait secrètement fait beaucoup de tords avec cette nuit passée avec Andréa. Étrangement, ce n'était pas un mauvais souvenir pour Noah. Les parties de jambes en l'air ne sont jamais de mauvais souvenirs pour un jeune homme comme Noah. Mais celle-ci devait rester secrète, à tout prix. Et Andréa pouvait très bien lui faire du tord en la révélant à tout le monde. Il devait donc se montrer cordiale avec elle. Pour l'instant.

- C’est normal que tu le protèges, mais franchement, c’est normal aussi que je l’ai quitté. Je lui ai laissé le choix, il pouvait choisir entre la drogue et moi et ça a été plus fort que lui.

Noah lâcha un rire agacé. La nervosité commençait dangereusement à l'envahir, et ça ne laissait rien présager de bon. Il resta un instant muet, pompant nerveusement sa cigarette puis releva les yeux vers Andréa.

- Tu penses que c'est aussi facile que ça ? Tu ne crois pas qu'un peu de soutien n'aurait pas été de trop ?

Il la quitta des yeux et fixa le lac Michigan face à lui, cherchant désespérément un peu de calme. Il devait rester calme. Après tout, elle n'avait pas de mauvaises intentions. Elle était seulement ... gonflée de lui dire ça maintenant. Avait-il de la rancœur envers elle ? Probablement.

- Je ne t’ai pas appelé pour t’énerver, mais juste parce qu’il faut faire quelque chose, mais je ne sais pas quoi.

Et puis, silence. Noah fixait toujours le lac, évitant soigneusement de se retourner vers sa convive. Il sentait que s'il ouvrait la bouche, il allait le regretter. Il préféra lui laisser le soin de poursuivre. Peut-être se calmerait-il entre-temps.

- Contrairement à ce que tu crois, je ne l’ai pas largué par plaisir. Ça n’a pas été facile à vivre pour moi. Alors ok, c’était pas l’homme de ma vie, mais ça tu peux pas m’en blâmer !

Certes. Si elle estimait que sa vie n'était pas avec lui, en quoi pouvait-il lui en vouloir pour ça ? On ne contrôle pas tout. Sinon, les choses seraient beaucoup plus faciles. La vie elle-même serait plus facile.

Soupirant, Noah releva les yeux vers la jeune femme et la fixa un instant. Elle n'avait pas tord dans ce qu'elle disait ... au plus grand énervement du jeune Butler. Celui-ci détestait se tromper face aux gens, lui qui était si intelligent ... Mais le pire, c'était son côté têtu qui revenait systématiquement au galop. Il ne comptait pas lâcher l'affaire si facilement. Jamais.

- « Je ne l'ai pas largué par plaisir » ... Manquerait plus que ça, tiens !

Une petite réflexion assassine, une de plus. Noah était très doué pour ça. Et très détestable aussi. Tentant difficilement de garder son calme, le jeune photographe poursuivit :

- En effet, il faut faire quelque chose ... T'as une idée, peut-être ? lui demanda-t-il, un air insolent sur son visage.
Je te remercie, mais je m'en sors très bien tout seul !

Bien sûr, Noah mentait. Il ne s'en sortait pas du tout bien tout seul, au contraire, il ne faisait quasiment rien pour empêcher son frère de s'enfoncer un petit peu plus dans l'addiction. Mais ça allait changer. Oui. Mais quand ?