Thomas & Emily

“ Need a place to call home „

Pour Thomas, il s’agit de sa dernière visite de la journée. Il n’est que 18 heures 30, et il est déjà arrivé au jeune homme de finir le travail bien plus tard, mais l’été le pousse à vouloir raccourcir ses journées de boulot, d’autant que l’activité a chuté à l’agence, du fait des départs en vacances. Déjà qu’il trouvait cette ville ennuyeuse, Tom doute que les choses s’améliorent en cette période on-ne-peut-plus creuse. Il aurait aimé partir en voyage, loin de cette morosité, mais a finalement préféré ne pas demander trop de vacances à ses patrons. Après tout, ça ne fait que 10 mois qu’il bosse au sein de l’agence, et le jeune homme sait qu’il doit encore faire ses preuves, pour montrer aux Morgan qu’il est un élément sérieux, et fiable. Il a donc pris suffisamment de vacances pour se reposer, et passer quelques week-ends en famille, à Chicago, mais rien de mirobolant non plus. Ce n’est donc pas cette année qu’il pourra s’offrir le voyage de ses rêves, mais ça, Thomas ne préfère pas y songer, histoire de ne pas se miner le moral pour une chose qu’il ne maîtrise pas.

Le jeune homme est arrivé sur le lieu du rendez-vous – un immeuble sur Burroughs Street – avec quelques minutes d’avance. Il attend patiemment l’arrivée de sa cliente, une jeune femme au budget très serré à la recherche d’un studio. A choisir, Thomas préfère s’occuper de clients plus fortunés, et pour des achats plus pour que pour des locations, car la marge financière qu’il peut se faire alors est bien plus intéressante. Malheureusement, en cette période creuse, les Morgan n’avaient pas pu lui confier meilleure affaire. Enfin, pour lui, il s’agissait tout de même d’un challenge, car l’endroit n’avait rien d’accueillant. Charge à lui, donc, de tenir le discours adéquat pour convaincre sa cliente. Pas sûr qu’il y parvienne, vu son manque de motivation aujourd’hui… !

La chaleur à Great Falls l’avait poussé à retirer sa cravate un peu plus tôt dans la journée. Ne portant pas de veste, le jeune homme, lunettes de soleil sur le nez, retrousse adroitement les manches de sa chemise sur ses avant-bras, en attendant l’arrivée de la jeune femme qu’il est censé retrouver d’une minute à l’autre. Ses pensées s’égarent, lorsqu’il voit une ravissante demoiselle passer sous ses yeux, dans une petite robe d’été tout ce qu’il y a de charmant. Tom a toujours eu les yeux un tantinet baladeurs… (a) Il décroche même un sourire en direction de la fille, qui le lui rend bien, avant de se ressaisir.

Ce n’est pas le moment de s’égarer…

[J'espère que ça te convient, dis-moi si tu veux que j'y apporte des ajustements ^^]

C'est plus possible. Enfin, je veux dire, j'adore mes parents, mais là, c'est-plus-po-ssible ! Autant quand Zoo' - ma soeur, Zoey - était encore à la maison ça allait, mais depuis qu'elle est partie s'installer dans la ville voisine pour aller travailler avec le vétérinaire de là-bas, ils sont tout-le-temps-sur-mon-dos. C'est invivable ! En plus, ils n'arrêtent pas d'essayer de me convaincre d'une manière ou d'une autre de reprendre d'autres études que celles de musique. Soi-disant que l'époque des ménestrels est révolue. Ha-ha, très drôle.

Du coup, j'ai décidé que j'allais me mettre à la recherche d'un appart', d'une chambre d'étudiant, d'un placard, d'un pont, whatever. Même si ça n'aboutit pas, ça ne mange pas de pain, pas vrai ? Ah oui, parce que j'ai rassemblé mes économies, et franchement ça va être serré. Même en incluant la somme que je gardais de côté pour mon violon électrique. Pfiou. Allez, c'est pas grave, j'en achèterai un quand je serai riche et célèbre !

Bref, je suis allée sur Internet, et j'ai déniché les coordonnées de la - semblerait-il - seule agence immobilière de tout Great Falls. Au moins, y a pas à se casser la tête pour savoir qui prend la plus petite commission. Je composai le numéro et tombai sur une voix de femme, plutôt accueillante à première ouïe. Je lui expliquai mon histoire, ce que je recherchais, et la hauteur de mon budget. Elle me répondit qu'elle allait consulter ses dossiers et me rappeler dès que possible, puis elle raccrocha. Après quelques dizaines de minutes, pas de nouvelles. Flûte, j'ai encore dû donner trop de détails inutiles, elle a dû me prendre pour une écervelée. Faut que t'arrêtes ça Emily, apparemment les gens n'aiment pas trop ! Du moins, pas tous !

J'hésitais à la rappeler - ça risquait de me desservir encore plus - quand mon téléphone vibra enfin. La même femme, Sally Morgan, c'est le nom qu'elle me donna, m'informa qu'elle avait peut-être trouvé quelque chose qui correspondait à la fois à mes désirs et à mon budget. Top ! Elle m'en communiqua l'adresse et me donna rendez-vous à 18h30 devant ledit immeuble, tout en me précisant que ce ne serait pas elle qui représenterait l'agence, mais un jeune homme du nom de Thomas Taylor. Elle me transmit également le numéro du fameux Thomas, en cas de souci. Je la remerciai vigoureusement avant de couper la communication.

Impatiente de découvrir mon peut-être futur nouveau chez-moi, je ne tenais pas en place. Je m'exerçai un peu au violon, mais mis fin rapidement à mes exercices. Trop d'énervement, trop de fausses notes ! M'allongeant sur mon lit, je décidai d'imaginer à quoi ressemblait Thomas Taylor. Je le voyais grand, mince à maigre, avec des lunettes et une mallette en cuir. Costume cravate, un balai dans l...es fesses. Bref, l'agent immobilier type qu'on voit dans les films et les séries télé. ... Pouah, non, en fait, j'espérais vraiment qu'il ne soit pas comme ça.

L'heure H arriva, et je quittai ma douce rue de Fletcher Street pour me rendre à Burroughs Street, en suivant les indications reçues par téléphone. Moins classe que Fletcher Street, l'endroit avait quand même l'air sympa. Il y avait beaucoup d'étudiants - j'en reconnus même quelques uns, et la proximité du lac m'enchantait. Peut-être que mon studio aurait une vue sur le lac ! Mouais, arrête de rêver Emily !

J'aperçus l'immeuble devant lequel j'avais rendez-vous avec Thomas. Justement, un jeune homme faisait le pied de grue devant l'habitation. Beau gosse, chemise plutôt classe, lunettes de soleil à la mode, tout le contraire de ce que j'imaginais ! Youpi ! Amusée, je le vis reluquer une jolie jeune femme qui passait devant lui, robe d'été au vent. Me voilà rassurée sur le caractère du bonhomme, je suis mal à l'aise avec les gens coincés, surtout si je n'arrive pas à les décoincer.

Prenant une profonde inspiration - après tout, c'était un grand pas pour moi aujourd'hui ! - je m'approchai du mignon agent immobilier. Enfin, si c'est lui, après tout.

- Bonjour ! Je suis Emily Owen ! Je crois que nous avons rendez-vous !

[C'est parfait ♥]

Des maisons, ou des appartements, Thomas a bien eu l’occasion d’en vendre ou d’en louer cette année à Great Falls. La ville est petite, et les classes sociales particulièrement bien réparties, peut-être trop d’ailleurs. Il est clair que Burroughs Street n’est pas la rue la plus charmante du coin. Même si c’est celle qui est la plus proche du lac, c’est aussi la plus reculée, et la moins charmante. Tous les immeubles de la ville, ou presque, donnent d’ailleurs sur cette rue. On y trouve bien moins de maisons, et la plupart sont petites, ou alors dans des états qui laissent franchement à désirer. Mais Burroughs Street comporte tout de même un avantage non négligeable, à savoir le prix des loyers. Ils sont particulièrement abordables, voire deux à trois fois moins chers que les logements sur Saint Oakes Street, et ce même pour une superficie similaire. Du coup, lorsqu’il avait su qu’il devait se rendre sur Burroughs, l’agent immobilier n’avait pas sauté de joie. Il sait que c’est là-bas que sont les loyers les moins chers, et donc que ce n’est pas en louant un appart' dans le coin qu’il se fera la meilleure des commissions. Seulement, Tom n’a pas le choix, d’autant que la période creuse des vacances estivales réduit considérablement le nombre de clients pour l’agence.

Arrivé avec quelques minutes d’avance, le jeune homme se tient devant l’immeuble dans lequel il est censé faire visiter deux appartements à une jeune femme. En attenant son arrivée, le jeune homme s’occupe comme il peut, allant même reluquer une superbe rouquine, vêtue d’une toute petite robe d’été. Il n’y a pas à dire, c’est sa saison préférée ! Entre la chaleur, le soleil, l’ambiance, et les filles court vêtues, ça ne fait pas un pli pour Thomas, l’été l’emporte sur toutes les autres saisons (a)

Trop occupé à regarder les jolies gambettes de la fille en question, Tom ne voit pas qu’on l’observe, et ne réagit que lorsqu’une autre jeune femme s’avance finalement vers lui. Elle se présente, et, immédiatement, l’agent immobilier comprend que ce n’est pas la timidité qui l’étouffe. Elle a l’air très sociable, ce qui tombe très bien, puisque c’est avec ce genre de personnes qu’il s’entend le mieux. Après avoir retiré ses lunettes de soleil pour les pincer sur le col de sa chemise, Tom s’empresse de serrer la main de sa cliente.

Tout à fait !

Thomas Taylor, enchanté.

Souffle-t-il poliment, avant de reprendre la parole :

Vous allez bien ?

Demande-t-il, l’air concerné. En fait, ça fait partie du job. Il faut s’intéresser un minimum à ses clients avant d’entrer dans le vif du sujet. Question de courtoisie d’abord, et puis, pour vendre quelque chose à quelqu’un, c’est bien connu, il faut d’abord le mettre en confiance.

[Merci, toi aussi ^^]

En ayant assez d'avoir mes parents systématiquement sur mon dos depuis le départ de ma soeur, je m'étais renseignée sur des locations accessibles au faible revenu, et c'est ainsi que j'étais tombée sur l'agence des Morgan. J'avais dégoté un rendez-vous avec Thomas Taylor, un de leurs agents, pour deux appartements situés sur Burroughs Streets.

Je ne savais pas encore vraiment si cette envie de quitter le cocon familial était fondée ou simplement due à un ras-le-bol momentané. Vous savez, la fameuse goutte qui fait déborder le vase. Ou encore la cocotte-minute qui finit par exploser. Pour autant, je n'étais pas le moins du monde fâchée avec mes parents. Simplement, je ressentais le besoin de prendre mon indépendance de façon plus marquée. Je suis grande, je m'assume, je fais ce que je veux !

M'installer ici, sur Burroughs Street, aurait plusieurs avantages. Hormis le côté indépendance, le coin était peuplé d'étudiants de tous âges et de toutes origines. Autrement dit, nouvelles rencontres, fiestas... Du côté des inconvénients, il y avait évidemment les corvées que j'aurais à assumer seule : courses, cuisine, ménage, vaisselle, lessive, repassage... J'étais assez grande pour le faire, évidemment, mais il me faudrait sûrement un petit temps d'adaptation. Du coup, une colocation me semblait être le parfait compromis : partage des tâches ménagères, émancipation... Restait le plus difficile, trouver la personne parfaite pour ça ! Je pourrais toujours demander à Thomas s'il connaissait quelqu'un qui cherchait une coloc'. Sinon, je pourrais toujours mettre des petites annonces dans tout Great Falls !

Bref, revenons à nos moutons. J'avais donc devant moi le bel agent immobilier répondant au doux nom de Thomas Taylor et qui était en train de se rincer l'oeil sur une jeune femme rousse qui venait de passer devant lui en roulant allègrement des fesses. Amusée par ce petit manège, je rejoignis Thomas et me présentai. Il déclina également son identité.

Thomas Taylor, enchanté. Vous allez bien ?

Sexy et poli, que demande le peuple ! Enchantée, je tentai de freiner mes ardeurs pour ne pas me lancer dans une de mes habituelles tirades.

Oui merci, et vous ? Belle journée pour des visites, pas vrai ?

Bon, pas trop mal. A moi de tenter de distiller tout ce que j'avais encore envie de lui dire au fil de la conversation qui allait suivre. Dans la limite du raisonnable évidemment. Parce que les compliments qui me venaient actuellement à l'esprit, il valait mieux que je les garde pour moi, pour l'instant !

Même si Thomas aurait préféré s’occuper d’un dossier plus alléchant, avec des clients plus fortunés par exemple, il n’est pas mécontent d’aider une jeune femme à trouver le studio de ses rêves, et à dégoter, ainsi, son indépendance. Il peut tout à fait comprendre qu’avoir ses parents sur le dos est une sacrée plaie… ! Lui, il a vécu sur le campus universitaire tout le temps de ses études supérieures ! Cela lui a indéniablement permis d’acquérir une sacrée indépendance. Seulement, quand il a décroché son diplôme, et le chômage qui va avec, et qu’il a dû s’installer de nouveau chez papa / maman, Tom a cru péter un câble. Non pas qu’Evelyn et Frederick soient des gens horribles, mais ils sont, tout bêtement, des parents, et à son âge, le jeune homme n’envisageait pas de rester chez eux plus longtemps. Il a donc sauté sur l’occasion qui se présentait à lui, même si elle impliquait de devoir s’installer dans une ville aussi petite et ennuyeuse que Great Falls (a) Cela dit, à ce jour, l’agent immobilier n’éprouve pas le moindre regret. Son emménagement dans cette ville lui a permis d’acquérir de l’expérience, et de retrouver son meilleur ami Adrian.

Le jeune homme, étant arrivé sur le lieu du rendez-vous avec quelques minutes d’avance, se retrouve à patienter sagement – ou presque. En effet, quand une beauté rousse, dans une petite robe d’été, passe sous son nez, Tom est bien incapable, de ne pas la suivre des yeux (a) Il jette un coup d’œil à ses jolies jambes dénudées, puis esquisse un sourire, qui lui est rapidement rendu par la rouquine en question. Cela dit, l’agent immobilier sait bien vite se ressaisir quand sa cliente fait soudainement son apparition. Après avoir retiré ses lunettes de soleil, Tom se dépêche de se présenter, tout en saluant sa cliente en lui serrant la main.

Oui, c’est vrai !

Répond Thomas dans un sourire, bien qu’il ne soit pas franchement convaincu. Avouons que, de ce temps-là, il aurait préféré ne pas s’enfermer dans un immeuble miteux ! Aller faire bronzette au bord du Michigan Lake aurait été un programme nettement plus alléchant mais ça, l’agent immobilier ne peut pas l’avouer à sa cliente.

On y va ?

Les deux appartements que j’ai à vous faire visiter sont dans cet immeuble.

Indique le jeune homme, en tournant la tête vers le bâtiment derrière lui. D’extérieur, il ne fait pas particulièrement envie, sans pour autant être une véritable catastrophe non plus. Disons qu’il y a mieux, mais ça, même chose : Thomas se doit de le garder pour lui.

C’est un immeuble qui date des années ’70. Il y a 6 étages, et pas d’ascenseur. L’autre façade donne sur la forêt et sur le lac.

Toujours finir sur un point positif : une des règles à retenir quand on veut vendre ou louer un logement. Sourire fait aussi partie du cérémonial, bien sûr.

On y va ? Les deux appartements que j’ai à vous faire visiter sont dans cet immeuble.
Je vous suis !

Lui répondis-je gaiement. J'espérais trouver mon bonheur. L'immeuble n'était pas des plus modernes, mais il était encore en assez bon état. Disons qu'il ne menaçait pas de s'écrouler dans l'immédiat quoi. Avant de rentrer, le jeune agent immobilier me donna encore des précisions sur le bâtiment.

C’est un immeuble qui date des années ’70. Il y a 6 étages, et pas d’ascenseur. L’autre façade donne sur la forêt et sur le lac.

Ah, pas mal ça, j'espère que les logements qui peuvent m'intéresser sont côté lac et forêt ! Sinon, qu'est-ce qu'il a dit déjà ? Ah oui. 6 étages. Sans ascenseur. Waouh ! J'espère que les appartements qu'il veut me faire visiter ne sont pas tout en haut. Ca fait les cuisses et les fesses, vous me direz !

D'accord, très bien ! A quels étages se trouvent les deux appartements qu'on va visiter ? J'espère qu'ils sont du bon côté !

Répondis-je en riant. Nous pénétrâmes dans le hall du bâtiment. Deux vélos étaient appuyés contre un mur, et la plupart des boîtes aux lettres débordaient de publicités en tout genre. Globalement, l'endroit n'était pas nickel mais ça restait acceptable. Une nouvelle question me vint. Il faut dire que je n'avais pas spécialement préparé tout ça, donc les idées et les interrogations me venaient au compte-gouttes.

Excusez-moi, comme c'est un immeuble un peu ancien, vous croyez qu'il est un peu insonorisé ? C'est que je suis étudiante en musique, et que je joue du violon. Je ne voudrais pas que mes relations de voisinage en souffrent, vous voyez ?

Si tel était le cas, autant économiser du temps et de la salive ! J'avais besoin de pratiquer mon violon plusieurs heures par jour, et notamment après les cours, quelquefois jusque tard dans la soirée. Enfin, jamais après 22h ou 22h30 grand maximum. Il en allait de la réussite de mes études ! Car rien ne vaut une pratique régulière pour connaître ses morceaux sur le bout de l'archet. Mais le problème avec le violon, c'est que c'est bruyant - pas moyen de brancher un casque sur un Stradivarius, tout le monde n'aime pas forcément, et quand vous jouez un morceau pour la première fois, c'est pas forcément toujours très beau, jusqu'à ce que vous le maîtrisiez un minimum. Du coup, l'insonorisation du bâtiment était bien un argument primordial quant à la poursuite ou non des préliminaires des négociations.

Thomas aurait très bien pu se tourner vers un autre travail. En fait, à la sortie du lycée, il ne savait pas vraiment quoi faire de lui. Il aurait pu se tourner vers le sport, pour lequel il était plutôt doué, mais n’avait pas envie de gérer toute cette pression, d’autant qu’il aurait dû beaucoup travailler pour en faire à un niveau professionnel. En fait, à son arrivée à la fac, il avait essentiellement envie de glander, ce qu’il a fait le temps d’une année seulement, qu’il a redoublée bien sûr. Devenir agent immobilier, ce n’était clairement pas son objectif dans la vie, mais c’est un métier qui lui convient comme un autre. Peut-être qu’il en changera un jour. En attendant, il débute dans ce domaine mais se débrouille plutôt bien. Il faut dire qu’il a la « tchatche » qu’il faut pour ce job.

Les appartements sont en largeur dans cet immeuble, ils ont à la fois une vue sur la rue et une vue sur le lac, en fait. La pièce de vie devrait donner sur le lac.

Indique Thomas, tenant absolument à mettre en avant les bons côtés de cet endroit, bien que peu avenant au premier abord. En effet, le hall n’est pas des plus accueillants, mais malgré tout, ça reste correct, et on voit que c’est tout de même entretenu au moins un minimum. Le jeune homme sait que le gardien gère plusieurs immeubles à la fois. Il emboite le pas pour accéder aux escaliers, et donne enfin réponse à sa cliente, concernant l’étage :

Le premier est au 2ème, et le deuxième est au 4ème. Le premier fait 35m² et le second en fait 43 ou 45, quelque chose comme ça.

Explique le jeune homme, toujours avec assurance, mais sans jamais cesser de sourire. Il est à l’aise dans cet exercice, et puis la jeune femme a l’air sympa, ce qui ne gâche rien.

Vous savez, dans le coin, c’est majoritairement de l’ancien, alors l’insonorisation est pas terrible… ! Mais tant que vous ne jouez pas au beau milieu de la nuit, ça devrait le faire x)

L’agent immobilier est honnête, ce n’est pas avec son budget que la jeune femme trouvera un appartement dans un immeuble récent, et encore moins à Burroughs Street. Et puis, pour le violon, comme pour bien des instruments, il existe bien des systèmes de sourdines. C’est une concession que devra faire sa cliente si elle veut s’installer dans cet immeuble et s’entraîner à jouer jusqu’à tard la nuit.

Ils arrivent sur le pallier du deuxième étage et, une fois de plus, l’agent immobilier décide de faire preuve d’honnêteté, en essayant d’ouvrir la porte de l’appartement avec la mauvaise clé pour commencer :

Je ne vais pas vous mentir, je n’ai pas visité ces deux appartements-là en fait, juste des appartements similaires dans ce même immeuble. Les propriétaires nous ont apporté les clés très tardivement et… Au lieu de forcer, Thomas décide d’utiliser une autre clé du trousseau qui, elle, finit par fonctionner. Ah, je crois que c’est bon, là ^^

Sourire en direction de sa cliente. Faites qu'elle ne le prenne pas pour un amateur...! Il pousse la porte.

Le jeune homme me confirma qu'étant donné la vétusté des lieux, il est possible que l'insonorisation ne soit pas top. Mais selon lui, les voisins sont cool et ne devraient pas trop râler, tant que je ne joue pas à des heures impossibles. Ce qui n'est jamais le cas ! Soit je sors et je ne suis donc pas en train de jouer chez moi, soit je ne sors pas et je suis aux plumes à 9 heures grand max !

Il me fit un sourire auquel je répondis. C'était agréable d'avoir affaire à quelqu'un d'aussi affable, quelque chose qui se fait rare dans ce monde de brutes. En montant au deuxième étage, nous entendîmes des drôles de bruits, plutôt inidentifiables. Espérons que ça ne vienne pas d'un appartement voisin de ceux que nous devons visiter !

Arrivés devant la porte du premier logement, l'agent immobilier m'avoua qu'il n'avait pas eu le temps de visiter les appartements avant aujourd'hui, ceux-ci ayant été libérés tardivement.

- Pas de soucis,

Lui répondis-je joyeusement. Il avait toujours le sourire aux lèvres. Un peu comme moi. C'est bizarre en fait les gens comme ça !

Il trouva la bonne clé et poussa la porte. Nous restâmes muets devant le décor qui s'offrait à nous. L'appartement était dans un état absolument pitoyable. Ca sentait le moisi, d'ailleurs il y en avait partout. Un gros insecte traversa tranquillement la pièce principale, juste sous notre nez. Une fuite d'eau avait endommagé le mur d'en face, et des excréments de petits animaux - souris, probablement - étaient dispersés un peu partout.

- Je crois que les derniers locataires ne sont pas passés par l'étape "état des lieux" !

Dis-je, ironiquement, en passant le doigt sur un meuble et en contemplant la quantité de poussière que je récoltai. Si ça n'était encore que la poussière ! Le prochain truc auquel je m'attendais, c'était de trouver un cadavre. Oh là là, sortez-moi de là !

Dans son travail, Thomas est amené à faire preuve d’optimisme. Il faut qu’il voie les choses du bon côté pour que ses clients fassent de même, et parviennent à se projeter dans le lieu qu’ils visitent. Cela dit, en même temps, l’agent immobilier ne doit pas dissimuler la vérité, et encore moins mentir à ses clients. C’est pour ça que c’est un exercice très périlleux. Lorsque la jeune femme lui parle de l’insonorisation de l'immeuble, Tom est obligé de préciser que le bâtiment est ancien, mais se dépêche de la rassurer sur un autre point : les voisins ne peuvent rien dire tant que certains horaires sont respectés. Toujours trouver du positif pour contrebalancer. A ce jeu-là, Thomas est assez doué.

Faisant à nouveau preuve d’honnêteté, l’agent immobilier préfère confier à sa cliente qu’il ne s’est jamais rendu sur les lieux avant ce rendez-vous. Il a eu les clés trop tard pour cela. Heureusement, la jeune femme, très sympathique, ne semble pas le lui reprocher. A nouveau, le jeune homme esquisse un sourire dans sa direction. Sourire qui finit rapidement par se dissiper en passant à l’intérieur de l’appartement…

De toute sa carrière, Thomas n’avait jamais vu un endroit si peu entretenu. Sur le coup, cette vision lui coupe la chique. Les yeux ronds, le jeune homme n’ose même pas poser ses clés sur un meuble à l’entrée. Tout semble crasseux, poussiéreux… ! Et l’endroit a l’air habité de différentes espèces, des insectes comme des animaux plus imposants. Dérangé par l’odeur, Tom s’empresse de replier sa main sur sa bouche. Il est dégouté de voir sa cliente passer son doigt sur un meuble, et en recueillir une épaisse couche de poussière. Cette fois, l’agent immobilier est incapable de faire preuve d’optimisme. Ça lui fait froid dans le dos, et son sourire n’est plus.

En effet… !

Lance finalement Thomas, les sourcils froncés. Il n’arrive toujours pas à y croire.

Je ne pensais pas que c’était dans un état pareil, je suis vraiment navré… !

Se confondre en excuses. C’est bien la seule chose qui lui reste. Heureusement, Thomas n’a pas l’impression d’être tombée sur une cliente antipathique.

Le ménage sera fait avant votre emménagement, cela va de soit, mais… je comprendrais que vous ne souhaitiez pas poursuivre la visite ^^’

- Hé bien disons que... Y a pas de soucis hein, c'est pas de votre faute, mais c'est vrai que tout ça m'a assez refroidie par rapport à cet appartement !

Le pauvre était tout gêné, il se confondait en excuses. Je ne lui en voulais absolument pas, mais toute cette saleté et surtout toutes ces bestioles, c'était un peu trop pour moi. Brrr ! Ne voulant pas le décourager totalement, je l'encourageai à poursuivre, et j'étais tout à fait sincère.

- Mais par contre, je suis toujours partante pour visiter l'appartement suivant !

Cela ne peut pas être pire, pensai-je. Je n'osais cependant pas révéler cette pensée à voix haute, craignant de vexer ou blesser le jeune agent immobilier. Pour appuyer mes dires, je lui décochai un nouveau sourire.

- Allons-y, je ne sais pas vous, mais j'ai passé assez de temps en compagnie de ces bestioles, je n'ai rien contre les cafards, mais... Non, vraiment, on peut y aller !

Alors que nous montions l'escalier pour gagner le deuxième appartement, je décidai d'étancher ma curiosité. Ce genre de surprises ne devait pas être très fréquent, et heureusement, mais j'étais sûre que comme dans quasiment tous les métiers, les agents immobiliers devaient en voir de belles quelquefois !

- Vous devez pas voir ce genre de choses souvent, enfin je l'espère ! Les gens sont terribles quand même. Vous en avez déjà vu d'autres comme ça ?

Devant l’ampleur de la catastrophe, Thomas ne peut aucunement faire preuve d’optimisme, et ne peut clairement pas trouver un point positif à la situation. Il préfère reconnaître ouvertement l’état apocalyptique de l’appartement, et faire à sa cliente de plates excuses. Dans un cas aussi exceptionnel que celui-là, c’était sans doute la meilleure attitude à adopter. Heureusement pour lui, Tom n’est pas tombé sur une jeune femme exigeante et hautaine. Même si elle ne souhaite pas poursuivre la visite, elle ne lui en tient pas rigueur non plus, et heureusement ! Le jeune homme se sent aussitôt allégé d’un sacré poids.

Je comprends parfaitement.

Souffle Thomas, en acquiesçant, et sans essayer de la faire changer d’avis. Lui-même n’a qu’une envie : quitter les lieux. Heureusement pour lui, la jeune femme semble tout de même partante pour découvrir l’autre appartement. Il n’y a pas à dire, l’agent immobilier n’aurait pas pu tomber sur plus arrangeante ! Et ça le soulage pas mal pour tout dire.

C’est vrai ?

Demande le jeune homme, tout de même un peu surpris. Cela dit, sa cliente lui fait tout de même très vite comprendre qu’elle n’a pas envie de traîner dans les parages. L’agent immobilier acquiesce vivement, très compréhensif pour le coup.

Bien sûr, allons-y !

S’exclame Thomas, en faisant un signe de tête à sa cliente, pour l’inviter à quitter l’appartement. Il ferme bien sûr à clé derrière leur passage, encore tout retourné par ce qu’il vient de voir. Il ne voudrait pas être la personne qui va se taper le ménage dans un tel endroit… ! Heureusement, ça ne fait pas partie de ses attributions. Il doute, en tout cas, que le locataire actuel accepte de s’en charger. Ensemble, Emily et Tom finissent par s’engager dans les escaliers, pour accéder au second appartement, deux étages plus haut. Sur le chemin, sa cliente l’interroge, poussant Tom’ à s’exprimer sur la question, et à prendre les choses avec le sourire cette fois.

Je vous le cache pas, c’était la première fois que je voyais un appart’ à ce point déplorable ! Va falloir que je le signale, histoire qu’on ne le fasse pas visiter par d’autres gens !

Nos clients ne sont malheureusement pas tous aussi conciliants que vous x)

Tom esquisse alors un sourire charmant à l'attention de la demoiselle.