« Oh y a pas de souci. C’est pas comme si mes patrons étaient chiants et puis ils ne me surveillent plus vraiment, depuis le temps que je bosse là. »

Il ne m’en fallait pas plus pour déjà m’imaginer raconter mes petites expériences à April lors d’une de mes visites à l’épicerie Lowell en prétextant devoir remplir ma boite à shuppa shupps, ou acheter une ou deux tablettes de chocolat. Cela rendrait la corvée de course nettement plus intéressante… sauf si je n’arrivais pas à mettre les conseils de la brunette en application. Là, je n’aurais surement pas le courage de lui avouer.

« Puis ça me fera plaisir de te revoir. »

- Pareil pour moi… Et puis ça sera toujours mieux qu’ici !

En effet, chacune dans l’attente de notre rendez-vous, avec des patients tout autour de la salle, on ne pouvait pas dire que nous nous trouvions dans le genre d’environnement idéal pour avoir cette conversation. Si je n’étais pas une sainte nitouche, je gardais quand même une certaine pudeur face aux oreilles indiscrètes qu’on pouvait voir trainer ici et là… comme cette grand-mère qui semblait outrée mais qui ne s’était pas éloignée tant que ça.

Il fallait d’abord que je trouve le mec idéal avant de pouvoir raconter quoi que ce soit à « ma marraine » et le Live Bar me semblait le meilleur endroit pour le trouver en respectant les consignes laissées par April. Elle ne partageait pas mon avis à cause d’un ex, préférant sortir sur Milwaukee à la place.

« Mais bon, même là y a quelques cousins intéressants. »

Ma seule réponse fût un clin d’œil avant qu’on appelle mon nom… Après un coup d’œil à ma montre, je vis que comme d’habitude mon cher docteur avait vraiment beaucoup de retard. Heureusement qu’April m’avait aidé à faire passer tout ce temps.

- Je dois te laisser là, mais je viendrais te voir rapidement. Promis ! Et j’espère que ça ira pour toi… lâchais-je en lui mimant une piqure au bout du doigt.

Et après un dernier signe dans sa direction, je suivis mon médecin jusqu'à l’intérieur de son cabinet en lui racontant déjà tout ce qu’il voulait savoir sur mon état de santé du moment.

April et Erin n’avaient rien trouvé de mieux à faire pour passer le temps que de se mettre à papoter. Si au départ, la caissière est un peu récalcitrante, c’est parce qu’elle a un secret qu’elle ne veut dire à personne. Elle doit suivre un traitement pour éviter que ses mélanomes ne deviennent malins. Etant donné qu’elle ne veut en parler à personne, elle se fait passer pour une bénévole. Elle dut donc trouver un stratagème pour expliquer sa présence ici, dans la salle d’attente. Le stress du début passé, elle se comporta vraiment naturellement avec la jeune infirme, parlant de tout, de rien et même de sexe, ce qui eut l’air de déranger une dame d’un certain âge. En même temps, April s’en moque bien !

Les deux ‘malades’ conviennent de se revoir, Erin étant chargée de venir raconter à April les nouveautés de sa vie sentimentale. Bien qu’elles aient une différence d’âge importante, ça n’est vraiment pas le genre de chose qui peut arrêter la brune. D’autant qu’elles s’amusent bien à papoter toutes les deux, comme si elles se connaissaient depuis toujours, presque.

Finalement, un docteur arriva et donna le nom d’Erin, qui dut y aller.

« Pas de problème, je comprends. Merci… et courage à toi aussi. »

Elle lui offrit un dernier grand sourire, en la voyant s’éloigner dans le couloir, d’où apparut l’amour de sa vie – enfin, Gavin quoi – et son sourire à la faire tomber bas de sa chaise. La manière dont il appela son nom, le simple « mademoiselle James » qu’il souffla avec son air angélique lui faisait avoir des papillons dans le ventre. Bien sur, en privé, il l’appelle April, mais il sauvegarde parfaitement les apparences, le petit.

« Bonjour monsieur Sanders. »

Souffla-t-elle, les yeux pétillant de malice, en suivant le garçon dans la salle où elle allait se faire ausculter par un médecin, avant qu’on ne lui inflige son traitement. Pour tout dire, ce garçon là, elle le suivrait jusqu’au bout du monde...


FIN DE LA SCENE.