Je me suis levée tôt ce matin et papa n'est toujours pas rentré, cela fait plusieurs jours que je suis seule à la maison, il me manque. Heureusement je ne salis jamais rien contrairement à lui dans la maison, sinon je passerais mon temps à faire le ménage, c'est le cas quand il est présent, car quand il rentre il marche partout chaussé de ses bottes pleines de terres. Ce qui m'ennuie le plus est de devoir manger seule à table, je cuisine depuis que je suis jeune alors on peut dire que je suis douée pour cela, mais ce n'est pas amusant de cuisiner pour seulement une personne. Parfois je suis bien obligée d'allumer la télévision pour avoir un peu de compagnie, c'est plus agréable d'avoir un bruit de fond. En parlant de cela, j'entends beaucoup les bêtes que papa a récemment acheté, des vaches, des poules, des chevaux... Tout cela a besoin de beaucoup d’entretien, ça plus le jardin, en fait je n'ai pas le temps de m'ennuyer. C'est pourquoi depuis ce matin je passe mon temps à brosser les chevaux, ils ne sont pas très nombreux cependant ils sont grands et je m'amuse à prendre mon temps pour m'occuper d'eux. J'aimerais beaucoup les monter et me balader avec en ville. En plus il fait beau, quel gâchis de ne pas savoir encore chevaucher. C'est en pensant à cela que je mis la brosse dans le seau pour shampooiner la jument noire, et à peine me redressais-je que je vis une silhouette s'approcher de la maison. Il est rare que je reçoive de la visite, était-ce une petite protégée à grand mère? Je n'en sais rien. Mais je me mis à aller à sa rencontre, même si j'avais les mains mouillées, mon carnet de notes et mon crayon se révèleraient utiles pour une fois. J'ouvris la porte de la clôture et la refermais après mon passage pour ne pas que les chevaux s'enfuient et je marchais joyeuse vers la jeune fille en songeant le sourire aux lèvres "Faisons de ce jour un grand jour".

Erika adorait rencontrer de nouvelles personnes malgré sa timidité, et on gardait en général une bonne impression d’elle. Silhouette chétive, visage angélique, cheveux blonds, regard qui pouvait être tour à tour malicieux et larmoyant. Elle appréciait cette image qu’elle projetait d’elle-même. De ce fait, elle était capable de plaire à tout le monde – chose assez rare – mais également d’embobiner qui elle souhaitait. Ce jour-là, elle avait entendu parler de l’arrivée d’une jeune fille à Great Falls, plus précisément dans son quartier, et selon les rumeurs, cette même adolescente serait bientôt dans sa classe au lycée. Débarquer dans un nouveau « monde » n’était jamais facile et elle avait dans l’optique de lui proposer une aide quelconque pour se familiariser avec la petite ville et surtout, le complexe scolaire assez imposant.

La jeune fille possédait bien une ou deux connaissances dans sa classe qu’elle appréciait, avec qui elle discutait cours devant un sandwich, mais ça n’allait pas au-delà. En dehors de sa meilleure amie Samantha, il n’y avait pas grand monde. Et une nouvelle à Great Falls lui apparaissait comme un cadeau inespéré. Ainsi, vêtue de son habituelle tenue jean converses, elle se rendit à la ferme où logeait l’arrivante, bien décidée à faire connaissance. Presque immédiatement, Erika discerna les traits d’une adolescente qui venait à sa rencontre et un sourire éclaira son visage. Elle inspira profondément pour se donner du courage, en s’efforçant de penser que c’était l’inconnue qui devait être le plus stressée. Débarquer ici sans connaître personne devait être assez éprouvant.

« Bonjour ! » clama la blonde d’un ton jovial.

Erika marqua un temps d’arrêt en avisant les traits asiatiques de l’adolescente. Ce n’était pas bien courant par ici. Son visage lui plût, elle le trouva instantanément beau ; un sourire étira les lèvres de l’inconnue, qui ne paraissait pas bien méchante.

« Je m’appelle Erika Carter, j’habite dans le quartier… J’ai entendu dire que tu étais nouvelle ici, alors… je voulais seulement te souhaiter la bienvenue chez nous ».

Certes, le comité d’accueil était un peu maigre. Mais c’était mieux que rien. Et croiser enfin une adolescente de son âge lui faisait un bien fou !

J'avais quitté tantôt les chevaux que je me faisais une joie de laver et brosser pour venir à la rencontre de celle qui s'aventurait par chez moi. Cette visite me faisait plaisir car c'était la première depuis la semaine dernière où on est arrivés. L'emménagement avait été assez rapide car des collègues à mon père étaient venus aider pour porter les meubles les plus lourds, c'était toujours agréable de voir qu'on n'était pas isolés malgré cette petite ville, d'ailleurs je m'entendais assez bien avec l'équipe de papa, ils sont beaux, intelligents, forts et drôles. Tout ce que j'aime.

Bref, revenons-en à notre mystérieuse visiteuse que je découvrais au fil des minutes. Je m'arrêtais face à elle en essuyant mes mains sur un torchon propre et je lui fis un sourire timide au départ mais qui s'éclairait lorsqu'elle me dit "bonjour!". Quelle jolie voix! Il m'arrive parfois d'être jalouse de ceux qui peuvent encore parler et de regretter de ne pas pouvoir en faire autant mais c'est la vie, on y peut rien et cela ne m'empêche pas pour autant de bien m'entendre avec eux. Je sortis mon carnet et mon stylo et lui écrivis rapidement quelques politesses alors qu'elle se présentait. "Je m’appelle Erika Carter, j’habite dans le quartier… J’ai entendu dire que tu étais nouvelle ici, alors… je voulais seulement te souhaiter la bienvenue chez nous" Ainsi fini, je lui donnais le papier en mains propres tout en gardant mon sourire. "Bonjour. Enchantée de te rencontrer, moi c'est Mayu Kobayashi, merci pour ton accueil."

La demoiselle était jolie, elle avait un visage agréable à regarder et elle paraissait gentille. Cependant, je ne la fixais pas trop, il était impoli de faire une telle chose à un visiteur, c'est pourquoi je me devais de réécrire sur mon carnet. Elle devait certainement se demander pourquoi je ne lui prononçais pas de vive voix les premiers mots, et je lui redonnais un autre bout de papier. Oui c'est un fait, je suis une éternelle gâcheuse de papier! "Tu dois certainement te demander pourquoi j'écris au lieu de parler alors je me dois de t'informer : je suis muette depuis un an."

Quelle ne fut pas la surprise d’Erika quand l’adolescente, plutôt que d’ouvrir la bouche comme tout le monde pour s’exprimer à voix haute, sortit un petit carnet pour griffonner quelque chose sur la page, à l’aide d’un simple stylo. Erika eut le tact de ne pas pousser d’exclamation d’étonnement, et sa figure resta impassible. Malgré tout, elle ne put s’empêcher de trouver cela étrange. Elle n’avait encore jamais rencontré personne communiquer de la sorte, surtout pas une jeune fille de son âge !

La blonde s’empara du papier que lui tendait la jeune inconnue et ses yeux se posèrent sur l’écriture. Ainsi, son interlocutrice se nommait Mayu… Là encore, nom qu’elle n’avait jamais entendu de sa vie. Décidément, la nouvelle venue à Great Falls était bien singulière. Mais Erika avait vu juste : elle était bien muette. Erika aurait aimé en connaître la raison, curiosité oblige, mais elle s’abstint de poser la question. Inutile d’effrayer Mayu dès les premières minutes ! A la place, elle lui répondit par un sourire compréhensif et avenant.

« Ravie de te connaître ! Et pas de problèmes, je comprends. Cela ne me dérange pas. »

Que comprenait-elle ? Pas grand-chose. Mais elle décida de ne pas s’éterniser sur la question. L’idée de discuter avec quelqu’un qui ne parlait pas était assez bizarre à imaginer. Erika avait l’impression de faire un monologue ; elle s’y habituerait probablement mais pour l’instant, elle était légèrement déboussolée.

Elle décida d’exprimer directement l’objet de sa venue, pour ne pas laisser de blanc s’installer.

« J’ai entendu dire que tu serais bientôt nouvelle au lycée… Je crois qu’on sera dans la même classe. Alors si jamais tu as besoin d’aide pour quoi que ce soit, n’hésite pas… »

Erika jeta un coup d’œil derrière Mayu et avisa la ferme dans laquelle cette dernière vivait. Visiblement, il y avait encore beaucoup de travaux à faire pour lui rendre toute sa splendeur d’antan. Erika n’avait jamais vécu dans une ferme, certes, mais elle venait de la campagne et y avait toujours vécu. Elle s’y connaissait suffisamment, pouvait aisément s’occuper des bêtes et savait aussi monter à cheval.

« Ou même si tu as besoin d’un coup de main ici, je pourrais trouver du temps » conclut-elle avec une bienveillance sincère.