Peter avait élu domicile depuis quelques temps maintenant chez sa grand-mère. Après avoir passé un long moment au dispensaire à Kaboul puis avoir été rapatrié dans un hôpital militaire à proximité de chez ses parents, il avait finalement rejoint Great Falls pour y prendre un peu de repos et continuer de se soigner du côté de Milwaukee. Sans compter qu’il espérait bien se remettre rapidement sur pied et retourner au travail à l’Etat-Major de Madison dans lequel il pourrait retrouver une place différente mais tout aussi utile à l’armée.

Il s’était fait discret au tout début, préférant ne pas se montrer sous un trop mauvais jour mais depuis, il marchait à nouveau correctement avec l’aide de sa canne et avait meilleure mine.
Peter passait ses journées à braver les recommandations de sa grand-mère qui le voulait au repos. Hyperactif, il sortait de temps à autre boire un verre ou un café en ville mais la plus part du temps, il traînait dans les centres d’examens, l’hôpital ou encore le cabinet de kinésithérapie. Le Capitaine avait hâte de subir cette ultime intervention à la hanche pour enfin faire une croix sur cet accident.

En attendant, il prenait son mal en patience, s’occupant l’esprit du mieux qu’il pouvait. L’environnement l’aider beaucoup, Great Falls lui rappelait de bien meilleurs souvenirs que ses blessures. Installé au salon un bouquin d’aventure entre les mains, Peter venait de finir son chapitre lorsqu’on frappa à la porte. Parfait timing pensa-t-il avant de se lever et de claudiquer lentement jusqu’à pouvoir atteindre sa canne.

« J’arrive ! » cria-t-il à travers la pièce le temps de finalement atteindre l’entrée.

Mina était partie comme toujours à son club de couture, une fois par semaine quelques vieilles se réunissaient chez les unes ou les autres et continuaient leurs tricots tout en se bâfrant de thé et de petits gâteaux. Laissé seul pour la journée, Peter se demanda qui pouvait bien venir frapper. Il jeta un œil discrètement par la fenêtre découvrant seulement la silhouette d’une jeune femme de dos.

Il ouvrit donc la porte avec bonne humeur.

« Bonjour. » dit-il.

Le visage apparut lui était familier mais il ne fit pas le rapprochement avec une personne connue. Il remarqua le plat dans ses mains et releva le regard par politesse, supposant que c’était sa grand-mère qu’elle venait voir, Peter ne tarda pas à indiquer son absence.

« Je suppose que vous venez pour Mina, elle n’est pas à la maison pour le moment, désolé. »

Près de 10 ans auparavant, alors que Peter n’était encore qu’un jeune sous-officier, il était venu passer un été de plus chez sa grand-mère. Il avait enchainé huit mois d’opérations à l’étranger et avait obtenu une longue permission d’un mois et demi. Six longues semaines durant lesquelles il ne se doutait pas vivre une histoire d’amour aussi incongrue qu’illégale.

Il n’imaginait pas que cette jeune fille pouvait être encore à Great Falls, à vrai dire, Peter avait préféré l’oublier, passer à autre chose et se concentrer sur sa carrière. Il imaginait encore moins la découvrir en allant ouvrir la porte de sa maison.

Alors qu’il ne pensait avoir à faire qu’à une gentille voisine venue saluer sa grand-mère, celle-ci semblait le connaitre ou en tout cas le reconnaitre. Alors qu’elle venait de prononcer son prénom, Peter fronça les sourcils, un peu étonné.

« Euh, oui ? On se connait ? »

Il y avait bien un petit quelque chose, un air de déjà vu qui l’interrogeait mais il avait beau creuser, il ne faisait pas le rapprochement entre cette adolescente amoureuse et cette femme plantureuse face à lui.

Il fallait dire qu’à l’époque où il avait connu Elisabeth, elle n’avait que 16 ans et lui en avait 10 de plus, de quoi leur donner de bonnes raisons de garder leur liaison secrète.

Maintenant qu'elle est devant la maison de Mina, elle ne s'attend pas à ce que cela soit son amoureux d'il y a près de 10 longues années qui lui ouvre la porte. Elle réfléchit à ce qu'elle pourra dire à ce nouvel arrivant, espère que sa grand mère favorite va lui ouvrir la porte pour la présenter au nouveau... Mais elle se retrouve juste avec le cœur en vrac lorsqu'une voix masculine retentit dans le couloir . Elle a vraiment l'impression de retourner 10 ans en arrière, lorsqu'elle venait sonner à cette même porte pour faire un tour en ville avec Peter et qu'il hurlait qu'il arrivait pour que cela ne soit pas sa grand mère qui ouvre à sa place et se rende compte de la supercherie... D'ailleurs, Elisabeth la soupçonne de savoir toute l'histoire... Mais bon !

Nerveuse, elle ne sait que dire lorsque c'est bel et bien lui qui lui ouvre pour lui expliquer que Mina n'est pas là... Alors, elle se contente de prononcer son nom, comme pour être sure que c'est bien lui. Lorsqu'il confirme, mais qu'il ne semble pas la reconnaître, Elisabeth se retrouve à réfléchir à toute vitesse. Elle a deux possibilités. Lui dire qui elle est, ou ne pas lui dire et lui faire en quelque sorte « payer » de ne pas se souvenir d'elle. Voir combien de temps il pourrait tenir avant d'enfin la reconnaître. Étrangement, elle se sent blessée qu'il ne se souvienne pas de son visage, et décide donc de lui raconter un bobard.

Je... Mina... Elle m'a dit que Peter, son petit fils, serait là alors... Je... - ne sachant pas trop si elle arriverait à le vouvoyer et ne voulant pas le tutoyer, elle hésite un instant – j'ai fait un clafoutis...

Explique t elle finalement tant bien que mal en lui tendant le plateau, les mains toujours un peu trop crispée sur les rebords du moule. Pour le moment, elle ne lui a pas menti hein (a) Enfin, si... Juste un peu. Elle n'avait aucune idée qu'il serait là. D'ailleurs, le revoir, même 10 ans après, lui fait toujours de l'effet. Elle ne sait pas si c'est par nostalgie ou si elle le trouve toujours aussi attirant, mais en tout cas... La jolie brune ne mangerait pas que du clafoutis si elle pouvait (a) Secouant la tête en se rendant compte qu'elle doit sans doute le dévisager, elle continue de parler, bien qu'un peu nerveuse.

...Je dérange pas?

Finalement, Peter reprenait ses marques petit à petit dans cette ville qu’il n’avait connu qu’à mi-temps. Les gens semblaient agréables et polis ce qu’il appréciait tout particulièrement. D’ailleurs une prétendue nouvelle voisine venait de frapper à la porte. Un gâteau bien appétissant entre les mains, Peter ne pouvait que lui sourire.
Elle semblait d’ailleurs le connaitre ce qui étonna Peter. Il avait bien comme une impression de déjà vu en la présence de cette jeune femme, mais impossible pour lui de faire un rapprochement avec son passé et pourtant, il avait bien toute sa tête.

La demoiselle s’expliqua alors disant qu’elle avait entendu parler de lui par Mina sa grand-mère. Ça l’étonnait d’autant plus que la situation n’ait pas été inversée, Mina avait l’habitude de tout lui raconter qu’il le veuille ou non.
Il resta immobile et silencieux l’espace de quelques secondes le temps que sa voisine lui demande si elle dérangeait.

« Euh, non, non, pas du tout, je vous en prie entrez. »

Il dégagea le passage et la laissa faire un pas dans l’entrée avant de refermer la porte sur elle.

« Il a l’air délicieux ce gâteau, ça vous va si je fais du café pour l’accompagner ? » demanda-t-il ensuite souriant essayant encore de se rappeler où il avait pu déjà voir ce visage. Ne se torturant pas d’avantage, il demanda le prénom de la jeune femme.

« Je suis désolé mais… comment avez-vous dit que vous vous appeliez ? ? »

Les gens changent, évoluent, tout ne reste pas comme on l’avait toujours connu. Du haut de ses ans, le célibataire endurcie qu’était Peter n’ignorait pas qu’en retournant à Great Falls il y retrouverait quelques visages connus et cela le réjouissait d’ailleurs. Il n’avait pas peur de son passé au contraire, bien sûr tous les souvenirs n’étaient pas les meilleurs, mais Peter s’en accommodait bien.

Il venait d’ouvrir à une charmante voisine dont le sourire lui rappelait quelque chose, mais bien loin de se douter de qui il s’agissait en réalité, Peter se contenta de saliver devant son beau gâteau. Il la laissa entrer bien sûr, il lui était fort agréable d’être accueillit de la sorte par le voisinage. A l’intérieur, il ne manqua pas de remarquer le regard lourd et inquiet de la belle brune sur sa jambe soutenue par la canne. Rien d’étonnant, il n’était pas encore rôdé des regards curieux mais Peter commençait à s’y faire. Il lui sourit alors de plus belle au moment où elle releva le regard.

S’engageant dans la cuisine suivit de son invité, le militaire demanda le prénom de celle-ci.

« Enchanté Elisabeth. »

Il se plaça devint la cafetière et commença à servir le café gardé chaud dans son thermos. Elisabeth… Il prit les deux tasses pleines et claudiqua lentement jusqu’à la table à quelques centimètre. Elisabeth… Son regard croisa de nouveau celui de la jeune femme, ces yeux, ce sourire.

« Elisabeth ?! » s’exclama Peter.

Il resta interdit vers ce fantôme des noëls passé. Elisabeth Harding, la jeune et jolie Elisabeth n’avait pas tant changé en fin de compte. Il laissa ses yeux s’aventurer sur son visage puis sur son corps entier ne se souciant d’être impudique. Il n’avait pas besoin de confirmation, sa mémoire revenue il était clair qu’il s’agissait d’Elisabeth, son Elisabeth. Cette adolescente qu’il avait aimée le temps d’un été, lui le jeune sous-officier qui revenait d’Irak. Il était déjà très discret sur son métier à l’époque et sur ce qu’il avait vécu en opérations extérieures et c’était sans doute la joie de vivre et la fraicheur d’Elisabeth qui l’avaient tant attiré lui qui avait assisté à des scènes macabres.

Ne pouvant lâcher son sourire, Peter s’en voulait de ne pas l’avoir reconnue immédiatement. Elle était toujours aussi radieuse et curieuse de toute évidence. Mais il fallait avouer qu’elle était plus femme aussi, bien normal. Quel âge devait-elle avoir maintenant ? 25, 26 ans. Bouche bée, il restait silencieux, un peu béat.

Quelle étrange sensation que de se retrouver face à un visage qui vous est si familier. Peter ne pouvait s’empêcher d’imaginer que cette jeune voisine qui venait de débarquer était sans aucun doute déjà connue de son esprit. Alors qu’il servait le café, il lui demanda son nom pour finalement rompre ses doutes. Elisabeth.

Il y avait tellement longtemps qu’il ne l’avait vu. Même lorsqu’il était de passage à Great Falls après l’été qu’il avait passé avec elle, il ne l’avait pas revue, il ne l’avait donc pas vue grandir. Peter imaginait même qu’elle avait quitté la petite ville pour voler de ses propres ailes ailleurs. Maintenant qu’il savait qu’il avait à faire à son amour passé, Peter oscillait entre malaise et bonheur des retrouvailles.

Elisabeth gardait sourire, elle se leva et détourna son regard tandis que Peter n’en croyait toujours pas ses yeux.

« C’est que… tu as changé… »

En fait pas tant que cela, elle s’était surtout sublimée à vrai dire. Il ne pouvait le pas le nier. Elle était déjà une très jolie jeune femme à 16 ans, sans quoi elle n’aurait sans doute pas attiré le regard de Peter, mais elle avait quelque chose de plus, comme si la maturité qu’elle avait acquis pouvait se lire sur les traits de son visage.

A l’époque, leur relation était restée complètement secrète. Les qu’en dira-t-on menaçant leur sérénité. Après tout, un homme de 26 ans se permettant de faire la cour à une adolescente de 16 ans, aurait-on pu reprocher aux habitants de désapprouver un tel lien. Peter lui-même en avait soupé de culpabilité mais ils étaient pourtant bien tous les deux. Leur rupture était déjà programmée, est-ce qu’une jeune fille dans la fleur de l’âge aurait pu attendre un jeune homme partit à la guerre ? Il avait préférait mettre les choses au clair bien rapidement, avouant à Liz qu’il repartirait bien trop loin pour elle dés le mois de septembre venu.

Elisabeth debout face à lui, Peter s’approcha un sourire en coin.

« Ça fait tellement longtemps. »

Peut être Peter avait-il la mémoire courte. Il avait l’impression de ne reconnaitre personne vraiment depuis qu’il était à Great Falls, si bien qu’après la révélation d’Elisabeth, il se demande s’il n’avait pas subit des dommages cérébraux en plus de la surdité de son oreille et de sa hanche. Mais, a priori, les médecins ayant fait leur boulot, ce ne devrait pas être le cas. Il savoura donc la vision d’Elisabeth avec nostalgie réalisant en sentant sa poitrine se soulever au rythme des battements de son cœur que cette histoire avait été importante.

Il lui dit à quel point elle avait changé. L’adolescente était devenue femme, c’était bluffant. Elle lui dit que lui non se qui lui arracha un léger rire. Il n’osait pas trop s’approcher d’elle tellement elle avait l’air irréelle. Il finit tout de même par se lancer en s’approchant, à ce moment, le regard de Lizzie et sa main posé sur son torse l’arrêtèrent. Elle lui posa une question à laquelle il lui était difficile de répondre. Le regard droit dans celui de son ex, il baissa les yeux.

« Je, euh … »

Que pouvait-il lui dire, il ne voulait pas la blesser, mais il ne voulait pas lui mentir non plus. Oui, elle lui avait manqué, les six premiers mois, puis il s’était fait à son absence et avait eu d’autres aventures et il espérait qu’elle avait fait la même chose.

« Je t’ai pas reconnue mais je ne t’ai pas oubliée Lizzie. » finit-il par dire, diplomate. Il en profita pour glisser sa main le long de la joue de Lizzie d’un geste presque paternel.

Pouvait-on lui en vouloir d’avoir oubliée cette jeune fille qu’il avait pourtant aimée ? Peter ne pouvait le nier, il regrettait infiniment de n’avoir jamais pu voir ce que faire de cette relation une relation durable aurait donné, mais c’était perdu d’avance. Elisabeth était bien trop jeune et sa place n’était nullement aux côtés d’un militaire sans cesse en vadrouille. Ce serait-elle mariée à cet âge ? Sans doute que non et si jamais ils avaient fait cette erreur, leur relation se serait détériorée comme jamais, pas de quoi regretter en fin de compte. Finalement, ils avaient eu beaucoup de chance de vivre ces quelques semaines à fond.

Elle était devenue une femme, Peter en était d’ailleurs plutôt étonné. Bien sûr, c’est le genre de choses qui arrivent après tout. Lui avait vieillit, un peu. C’était juste, ce visage, ces yeux, maintenant il la reconnaissait et retrouvait dans chaque détail de son visage l’adolescente de seize ans qu’il avait connu. Aujourd’hui l’écart d’âge était le même mais choquerait bien moins de toute évidence. Mais Peter aussi avait changé, et ce changement était plus présent à l’intérieur qu’à l’extérieur. Il était devenu un homme, un soldat, un officier, blessé par la guerre et ses horreurs. Ce n’était pas parce qu’elle avait lieu loin d’ici qu’il fallait l’oublié et ce qu’il avait vu et vécu, jamais il ne pourrait l’oublier. Déjà à l’époque, son apprentissage avait été dur, mais c’était pire depuis qu’il avait vu ses hommes mourir sous ses yeux. Ceux qu’il devait protéger en tant que chef. Et voilà qui allait-il devenir, sur la touche à peine 35 ans. Ces préoccupations ne devaient pas être celles de Lizzie.

« Huit, dix ans. Je dois avoir des rides maintenant. » dit-il en plaisantant.

Puis il s’installa après avoir servit le café. Elisabeth semblait ébranlée par ces retrouvailles. Chose que ne comprenait pas bien Peter qui une fois le choc de la surprise passé, n’aspirait qu’à une chose : savoir ce que devenait cette jeune femme.

« Alors, tu es toujours à Great Falls. Tu travailles ? » demanda-t-il avec un léger sourire.

La venue d’Elisabeth perturbait un peu Peter. Il était heureux de la revoir malgré tout et de constater qu’elle avait bien grandit. Une belle jeune femme, toujours aussi attirante, il ne pouvait pas le cacher. Elle s’était montrée très adulte lors de leur séparation, acceptant la fatalité comme une évidence et ne faisant pas d’esclandre.

Il plaisanta sur son âge avançant, et oui, il venait de fêter ses 35 ans, c’était presque un vieux croutons face aux 25 belles années de Lizzie. Elle le taquina d’ailleurs à ce propos, lui arrachant par la même occasion un sourire doux-amer.

Peter ne tarda pas à lui demander des nouvelles, que devenait-elle ? Elisabeth répondit sans détour lui expliquant qu’elle bossait pour son père au Tom’s et qu’elle s’était mise à la photo. Peter était heureux de voir qu’elle s’en sortait. Assise face à lui, Peter ne pouvait s’empêcher de la regarder d’un œil amical bien sûr. Il croisa son regard plusieurs fois, faisant naître un peu de nostalgie dans son cœur.

« Et bien ça fait quelques mois. Je ne sortais pas beaucoup au début, je suis en convalescence. »

Il n’allait rien lui cacher, c’était Elisabeth, elle connaissait son métier et comprendrait les blessures qu’il avait reçu en intervention.

« J’étais en Afghanistan jusque là, j’ai été rapatrié suite à un … un accident, une embuscade. »

Il baissa le regard et bu un peu de café essayant de refouler les mauvais souvenirs.

« Et s’en est finit pour moi des allers-retours à l’étranger, je suis plus bon pour le terrain. »

Sur ce, il porta automatiquement une main sur sa hanche blessée qui le faisait souffrir depuis ce temps.

C'était un peu comme se retrouver face au fantôme du temps passé. ce sourire, ce regard, tout en Elisabeth provoquait chez Peter un immense retour en arrière. Il s'était beaucoup interrogé sur les raisons de son coup de coeur pour l'adolescente à l'époque. Il fallait dire que Lizzie était une jeune femme exceptionnelle et faisant preuve d'une grande maturité. Peter, quant à lui, était un jeune officier un peu paumé que la guerre en Irak avait invariablement changé. Il avait alors profité de la vie tant qu'il le pouvait.

Peter n'avait jamais autant redouté la mort que depuis qu'il était revenu en Amérique après l'embuscade en Afghanistan. Là-bas, il l'aurait accueillie à bras ouverts alors que son corps souffrait le martyr et qu'il apprenait au compte goutte la mort des hommes qu'il devait protéger. Son impuissance l'avait poussé à abandonner toute envie de vivre. Puis on l'avait soigné et Peter avait réalisé à quel point il était important qu'il reste encore un peu dans ce monde pour au moins honorer la mémoires des soldats tués lors de cette opération. Voilà comment le chevalier sans peur et sans reproche s'était retrouver à craindre de perdre bien plus qu'un peu de mobilité et d'audition. Finalement, il devait se montrer chanceux de n'avoir pas de famille à lui qui aurait vécu dans la peur de ne jamais le voir revenir. Il avait connu ça avec son père mais il le comprenait clairement désormais.

Il raconta rapidement ce qui lui était arrivé à Elisabeth, elle avait bien le droit de savoir. Quant à elle, il était ravi d'apprendre que tout allait bien, du moins d'après ses conclusions.

"Tu n'as pas besoin d'être désolée." dit-il d'un ton doux et chaleureux n'oubliant pas de lui sourire.

"Ah oui, tu vas aller où? Tu restes à Great Falls?"

La deuxième question qu'il venait de lui poser trahissait un peu son envie de la voir rester ici maintenant qu'il était de retour, il était heureux de revoir des amis de longue date.

Elisabeth s'était montrée incroyablement mature face à leur séparation annoncée. Peter mentirait s'il disait qu'il n'en avait pas souffert. Il avait conservé quelques photos d'eux deux dans une boite qu'il emportait partout au début, puis le temps passait et Peter avait rencontré d'autres femmes qui en une nuit ou plus lui avait fait oublier petit à petit ses amoures passées. Il était loin d'imaginer que la relation de Lizzie avec Mina avait pu garder le souvenir de Peter bien vivant dans son coeur.

Peter ne voulait pas mentir à Elisabeth aussi lui raconta-t-il dans les grandes lignes ce qui lui était arrivé. Elle lui demanda s'il avait subit une opération.

"Oui, et je dois en avoir une dernière à la fin de l'été. On va m poser une prothèse de hanche, comme un pépé." dit-il avant de rire.

Peter avait en tout déjà été opéré deux fois. La première dans le dispensaire en Afghanistan, le chirurgien traumatologue avait en urgence essayé de limiter les dégâts sur l'articulation du Capitaine. La deuxième à Washington, cette fois c'était une petite opération bénigne ayant pour but de lui faire recouvrer un peu d'audition. Opération peu fructueuse, mais heureusement, il avait deux oreilles.

Peter lui demanda ensuite des précisions sur son déménagement.
"Non, je ne la connais pas. Donc ça veut dire qu'on sera encore voisins?" dit-il souriant.

Peter ne savait pas que sa grand-mère était restée relativement proche d’Elisabeth. Il fallait dire qu’il fut un temps, elle était souvent fourrée dans la maison Ellington. Et puis, Mina était une femme influente en ville. Elle était née et avait grandit ici, y avait rencontré son mari, un petit employé agricole, Popsy comme ses petits enfants l’appelaient. Elle connaissait du monde, surtout à l’Eglise et savait se lier facilement avec les nouveaux. Peter avait sans doute hérité de cette sociabilité. Popsy était mort peu après la première opération extérieure de Pete, cette perte l’avait grandement affecté mais il n’avait rien laissé paraitre.

Toujours étant qu’Elisabeth Harding trônait dans la cuisine de Mina, face à Peter.
Il expliqua dans les grandes lignes ce qui était arrivé pour qu’il se retrouve obligé d’utiliser une canne et qu’il allait devoir encore subir un acte chirurgical.

« C’est gentil Lizzie, mais je vais être sous morphine, ça risque de pas être beau à voir. Mina avait déjà prévue de m’accompagner. »

Il déclina gentiment sa proposition. Il ne voulait pas ennuyer Elisabeth et puis il ne serait sans doute pas en très grande forme.

Peter apprit ensuite qu’elle s’installait en colocation. Ravi de l’apprendre, il s’assura qu’elle ne partait pas trop loin.

« Ah, ça je veux bien, tu connais le chemin maintenant. »

Tout en buvant son café, Peter sourit regardant Elisabeth lui promettre d’apporter des clafoutis. Il n’était pas contre rattraper le temps perdu avec elle. Il avait forcément une tendresse particulière pour Lizzie et la retrouver lui faisait du bien. Ces souvenirs étaient plus agréables que ceux des manœuvres en Asie mineure.

Elisabeth avait bien évidemment rencontré le grand père de Peter. C'était une personne absolument géniale, qui traitait la serveuse comme si elle avait été sa petite fille. Et c'est d'ailleurs suite à son décès que Lizzie a décidé de passer plus de temps encore avec Mina. Bien que souvent chez la grand mère, jamais elle n'avait croisé Peter. Elle avait pourtant grandie avec elle, dans un premier temps pour continuer d'avoir des nouvelles de celui avec qui elle avait passé un bel été ; puis, par habitude, parce qu'elle se sentait bien. Elle n'avait jamais réellement oublié le jeune homme. Elle s'était juste habitué à son absence et savait qu'elle devait continuer de vivre.

Apprendre que le jeune homme pour qui elle avait eu un petit coup de foudre dix ans en arrière allait devoir subir une opération assez lourde, cela ne l'enchante pas beaucoup. Mais elle se doute que c'est pour qu'il aille mieux après... Par contre, elle aimerait beaucoup être présente lors de ce jour difficile pour lui.
Entendre son surnom dans la bouche de son ex petit ami lui donne des frissons, mais elle se reprend pour lui répondre.

Juste... T'attendre ?

Demande t elle avec un léger sourire, jouant avec ses doigts. Le regardant dans les yeux, elle se mordille la lèvre.

Enfin... Si tu veux pas... C'est pas grave.

Le sujet devient un peu plus léger puisqu'ils discutent ensuite de la vie privée de la jeune femme ; elle lui apprend alors qu'elle va déménager pour vivre en colocation avec Hannah. Elle ne sait pas si il a peur ou si il prend juste des nouvelles de son nouveau logement, mais il lui demande si elle vivra toujours près de chez lui ou non.

Tu... Je ne sais pas si je peux te demander ça...

Souffle t elle en souriant timidement, les joues même un peu rouges~

La proposition d’Elisabeth d’accompagner Peter lors de son opération ne l’enchantait pas vraiment. Il était flatté qu’elle s’inquiète pour lui et même très heureux de voir qu’elle était prête à sacrifier un peu de temps pour l’accompagner mais il ne voulait pas vraiment qu’elle le voit faible. Elle insista légèrement arrachant un sourire gêné à Peter puis joua avec ses lèvres et là c’était foutu.

Peter baissa les yeux et soupira dans un sourire.

« Tu pourras passer si tu veux, je vais rester une semaine ou plus là bas. » dit-il. Mina se ferait un plaisir de donner toutes les informations nécessaires à Lizzie pour qu’elle puisse retrouver sa chambre. Et puis, il n’allait pas mourir … normalement. x)

« Mais je veux quand même mon clafouti » précisa-t-il.

Elisabeth devint alors très mystérieuse ce qui attira l’attention de Peter. Il chercha à croiser son regard et pencha sa tête sur le côté constatant les rougeurs sur le visage de Lizzie.

« Me demander quoi ? »

Il était bien curieux de savoir le fonde sa pensée.

Elisabeth n'avait pas envie de mettre son ex petit ami mal à l'aise mais, mine de rien, elle s'inquiète et s'intéresse encore beaucoup à lui. Ils ont vécu une belle aventure qui est restée dans le cœur de la jeune femme et puis, le fait que rien ne fonctionne dans sa vie sentimentale fait qu'elle se sent réellement fragilisée par un rien en ce moment. Elle aimerait accompagner Peter lors de son opération, mais il ne semble pas spécialement emballé par l'idée, bien qu'il finisse par lui dire qu'elle pourra passer le voir. Elle ne demande pas plus ; elle sait bien sur que si elle demande des nouvelles à Mina, celle ci va les lui communiquer.

Qu'il lui offre un sourire la rassure énormément mais elle a tout de même un peu peur de l'avoir mis mal à l'aise avec sa demande.

Ok...

Elisabeth aimerait le remercier ou lui dire que cela lui fait plaisir de faire à nouveau un peu parti de sa vie, mais elle n'en fait rien, et se contente d'un petit « ok ». Elle ne se sentait pas non plus de lui dire « courage » ou quelque chose du genre « tout va bien se passer »... Il doit le savoir tout ça !

Ah bein oui ! Pas de soucis ^^... Il m'arrive d'en faire aux myrtilles aussi !

Précise t elle avec un sourire. C'est fou ce qu'elle peut sourire en compagnie du jeune homme ! Être nostalgique, il faut croire que cela la réussi ! Mais elle aimerait en avoir un peu plus... Bien qu'elle commence sa phrase, elle la finit en se disant qu'elle ne pourra pas lui demander ça mais... Elle en a trop dit pour ne pas attiser sa curiosité.

Tu... Tu voudrais boire un verre avec moi ?...