I need a doctor

❝ I'm running out of time I need a doctor Call me a doctor I need a doctor, doctor To bring me back to life I'm running out of time I need a doctor Call me a doctor I need a doctor, doctor To bring me back to life❞

Cette fois, mon histoire avec Abi était belle et bien terminée. Deux ans ensemble à affronter les critiques et les reproches pour finir comme ça… pris pour un con par la fille que j’aimais. Même si j’essayais de garder bonne figure devant la famille et les potes, tout au fond de moi je me sentais vraiment brisé en milles morceaux. Jamais je n’aurais pu imaginer qu’une rupture pouvait faire aussi mal… Je l’avais dans la peau cette gonzesse et elle venait de tout gâcher pour un plan cul.

Après que les commérages aient faillis me rendre complètement fou, j’avais pris la décision de m’adresser directement à Evan pour tirer ces rumeurs au clair, mais je m’y étais clairement brulé les ailes… Je n’avais jamais crus que les racontages qui couraient à Great Falls pouvaient être vrais, et pourtant ils ne reflétaient que le fond de la vérité. Alors face à cette trahison, je n’avais pas eu d’autre solution que de mettre fin à ma relation avec la lycéenne. Je pouvais supporter bien des choses en amour, mais pas ça !

Ça faisait quinze jours, mais j’avais encore du mal à trouver mes nouveaux repères sans elle. Complètement paumé, je venais de passer ma soirée à me shooter avec Ines pour essayer d’oublier tout ça, multipliant les doses de poudre jusqu'à ne plus rien avoir dans mes poches et arrosant copieusement la soirée à coup de verres de whisky. Après quelques heures je ne pensais plus du tout à mon ex, mais le prix à payé était cher : j’étais complètement déchiré ! La brunette aussi d’ailleurs vu qu’elle ne supportait pas vraiment la dope. A tel point que nous avions tous les deux perdus le contrôle de nos inhibitions et que nous nous serions retrouvé à coucher ensemble si mon esprit ne m’avait pas rappelé à l’ordre… me poussant à prendre a fuite avant de regretter cette soirée trop festive. Je m’en voulais, car même si en restant avec Ines j'allais sans doute passer un cap pour lequel je n’étais pas encore prêt, je ne me serais pas retrouvé seul à déambuler sans but dans les rues de Milwaukee au petit matin.

Je me sentais mal comme jamais, et pas uniquement à cause de ma souffrance morale totalement atténuée par l’héroïne. Non c’était bien plus que ça. J’avais envie de dormir et je luttais pour ne pas me poser contre une porte pour pioncer. D’ailleurs j’y fus contrains quand je perdis l’équilibre, me retrouvant violemment face contre terre, le nez explosé et du sang dans la bouche. Pas vraiment conscient de mon entourage, je parlais sans que mes propos de junkie n’aient ni queue ni tête… Je ne voulais qu’une chose, piquer du nez quelques minutes avant de repartir boire un verre dans le bar le plus proche. C’est d’ailleurs la dernière chose à laquelle je pensais avant de sombrer dans l’inconscience malgré les voix que j’entendais autour de moi… Puis plus rien.

La nuit est bien avancée, a vrai dire, le jour ne devrait plus tarder, et je suis de service à l'hôpital. J'aime cette ambiance qui règne la nuit dans les couloirs quasi déserts où seuls les "bip" réguliers de certaines machines troublent le silence. Ca change de la musique assourdissante qui rythme habituellement mes nuits. C'est pour cette raison que je suis contente d'être de nouveau en période de stage à l'hôpital de Milwaukee.
Et puis, ici au moins, pas de raison d'avoir peur que le prochain patient que je visiterais me reconnaisse et aille crier partout que je me déshabille pour quelques dollars glissés entre les lanières de mes dessous...

Une fiche de suivit entre les mains, je me dirige vers la chambre que vient de m'indiquer ma chef de service afin de vérifier les constantes d'un patient victime d'une overdose au cours de la nuit. Il est arrivé il y a quelques heures sans connaissances alors que j'étais en pause. J'ignore qui il est, je n'ai pas encore consulté clairement le dossier, je sais seulement qu'il n'est toujours pas sortit du "coma" dans lequel il a sombré après une trop forte dose d'héroïne.
Ouvrant la porte de la chambre, je constate qu'il n'est pas sous respirateur puisqu'aucune machine n'émet le moindre son dans la pièce. Attrapant un stylo pour noter l'heure de mon passage sur le dossier, je jette pour la première fois un coup d'oeil à son contenu.

Chad Matthews.

Le regard fixé sur l'écriture brouillon du médecin, je relis plusieurs fois le nom de mon patient pour en avoir le coeur net avant de m'avancer vers le lit où gît effectivement Chad Matthews, mon voisin. Moi qui pensais ne pas avoir à me soucier d'être reconnue par mon prochain patient, voilà qui complique les choses.
J'inspire un grand coup pour calmer mon coeur légèrement affolé avant de jeter un oeil à Chad. Heureusement, il est encore inconscient et je parviens à retrouver un calme relatif, tout au moins suffisant pour me permettre de vérifier ses constantes sans faire d'erreurs.
En l'observant, je remarque finalement que son nez comporte quelques restes de sang coagulé sous la narine. Prenant une compresse sur le chariot placé dans la chambre, je l'humidifie légèrement avant de nettoyer sa peau avec précaution.

C'est un peu étrange de prendre "soin" de lui. Cette fois, les rôles sont inversés, il est celui qui a besoin d'aide. Seulement, dans l'état où il se trouve, heureusement qu'il n'a pas comme moi, cherché à éviter l'hôpital...!

Spoiler:

Spoiler:

« Putain, cette quoi cette odeur ? » Alors que je retrouvais petit à petit la possibilité de penser, contrairement au trou noir dans lequel je m’étais retrouvé quelques instants-minutes-heures-plus tôt, ma première pensée concernait uniquement ces émanations de produits de… de quoi d’ailleurs ? … nettoyage ? Pharmacie ? Impossible de déterminer avec certitude d’où pouvait bien provenir cette foutue puanteur qui me montait au cerveau. Déjà que tout mon corps n’était qu’une enveloppe douloureuse, c’était trop à supporter et je sentais la nausée de me saisir la gorge… Heureusement une sensation de frais sur mon visage et un parfum féminin nettement plus agréable calma rapidement cette envie de gerber.

J’ignorais totalement où je me trouvais et je n’avais pas la force d’ouvrir les yeux. Vidé de toutes mes forces, je tentais de faire le tri dans mes derniers souvenirs, malheureusement j’avais bien trop mal au crâne pour réussir à me concentrer pour réussir à remettre les images dans le bon ordre. Tout était flou. Je me rappelais vaguement avoir retrouvé Ines dans une boite de nuit, puis plus rien…

- Où j’suis… réussis-je à articuler d’une voix caverneuse alors que ma gorge me brulait à chaque mouvement d’air dans mes poumons

J’entendais des bruits autour de moi et j’avais à présent la certitude de ne pas être dans ma chambre à Burroughs Street. Alors où? Je me demandais dans quel lieu merdique j’avais pu atterrir. Katie ne portait pas ce parfum, et puis ma sœur ne se serait jamais occupée de me nettoyer le visage si j’étais rentré couvert de sang ou d’alcool. Ce qui n’était pas rare en ce moment… Non, elle m’aurait plutôt laissé trainer comme ça le restant de mes heures de sommeil pour que ça me serve de leçon au réveil. Pas hyper convaincant comme méthode d’ailleurs mais qui lui permettait de se décharger si on venait à lui poser la question sur ce comportement distant.

Mais cette fois je ne vivais pas une simple gueule de bois… J’en avais bien conscience, mais refusais d’admettre ce que ça pouvait dire.

Concentrée sur mes gestes que j'essaye de rendre les plus doux possibles, je ne perçois pas les premiers signes de réveil de Chad. C'est pourquoi, lorsqu'il se met à parler, mon coeur fait un bon monumental dans ma poitrine tandis que mes doigts s'éloignent rapidement se son visage pour se poser sur mon coeur.Je le sens pulser à la vitesse de la lumière contre ma paume tandis que j'essaye de retrouver de nouveau mon calme.

Mettant malgré tout mes émotions de côté, j'inspire profondément avant de lui donner une réponse.

Vous êtes à l'hôpital de Milwaukee

J'essaye de prendre une vois douce et rassurante tandis que j'humidifie à nouveau ma compresse pour la lui passer doucement sur le visage. D'abord son front, puis ses joues, et enfin ses lèvres qui semblent aussi sèches que sa gorge qui laisse échapper de ses profondeurs une voix rocailleuse. J'imagine que ça peut lui faire du bien, même si au fond, je n'ai aucune idée de ce qui pourrait vraiment le soulager.

Vous avez fait une overdose... Mais tout va bien maintenant.

Le vouvoyer de nouveau après notre dernière rencontre qui s'est plutôt mal finie m'est difficile. Faire comme si je ne le connaissais pas l'est tout autant. Malgré tout, je me surprend à espérer que cette overdose lui ait fait tout oublier de sa malheureuse rencontre avec "Shelly", ou encore qu' "elle" ne l'ai pas marqué au point de faire le rapport avec moi.

Quoi qu'il en soit, malgré la peur qui me serre l'estomac, je m'applique à être une bonne infirmière, car ce métier là, je l'aime, et je l'ai choisi pour cette raison.

Vous voulez boire un peu? Que je vous redresse...? Vous avez besoin de quelque chose?

Je quitte un instant son chevet pour reposer la compresse devenue chaude entre mes doigts sur le plateau du chariot et j'en profite pour verser à l'avance un verre d'eau fraiche à l'attention de Chad. Je me surprend moi même de l'attention dont je fais preuve. C'est toujours comme ça lorsque je franchit les portes du service, j'ai l'impression d'être une autre Rachel, plus humaine...

Incapable de bouger. Pris au piège de ma propre peau, mon corps me rappelait douloureusement à l’ordre à chaque fois que j’essayai de bouger ne serait-ce que d’un centimètre. Je vivais un véritable enfer à chaque respiration et ce n’était pas parce que j’étais un mec douillet. Non. Même sans me souvenir de la soirée de la veille, il semblait logique que j’avais passé un sale quart d’heure. Mais où, comment et pourquoi ? Cela restait une grande question…

Vous êtes à l'hôpital de Milwaukee

La voix, qui devait appartenir au parfum féminin qui s’occupait de nettoyer mon visage, arriva assourdie à mes oreilles. J’avais l’impression que ma tête n’était qu’un bocal à poisson rouge et que je n’entendais que les réverbérations des différents son de la pièce. C’est ce à quoi je pensais avant de prendre en compte l’importance de ces quelques mots… Milwaukee. Hôpital. Cela n’annonçait rien de bon pour mon cas et malgré la douleur, je réussis à serrer les points pour ne pas hurler sous l’effet de la colère. Mais ce sentiment passé rapidement quand la jeune femme continua à nettoyer mon visage en m’exposant un peu plus de détails sur ma pauvre situation
.
Vous avez fait une overdose... Mais tout va bien maintenant.

- Hé merde… soufflais-je en tournant ma tête sur l'oreiller.

J’imaginais déjà la tronche de Joey quand il apprendrait ça… Si ce n’était pas déjà fait. Et puis celle de Katie, qui m’en collerait surement une avant de me serrer dans ses bras, sans parler de Luke Hansen qui se vanterait de m’avoir prévenu, et Abi… Non, elle, elle en rirait sans doute en prétextant que c’était bien fait pour moi.

Moi qui pensait être au contrôle des mes doses, c’était une belle claque que je me prenais dans les dents. Putain je revenais d’entre les morts ! Jamais je n’avais été aussi loin avec la dope et cette fois je commençais à flipper… A nouveau je sentis la gorge me serrée et la nausée me prendre la poitrine.

Vous voulez boire un peu? Que je vous redresse...? Vous avez besoin de quelque chose?

- J’crois que je vais…

Pas le temps de finir ma phrase, juste de trouver la force de me redresser dans un sursaut d’énergie… et de vider le contenu de mon estomac sur le sol de la chambre.

- Désolé, je suis désolé, désolé... chuchotais-je en sentant les larmes monter le long de mes yeux alors que je me recroquevillais sur moi-même pour tenter d’affronter ma douleur avec pudeur.

Tellement désolé pour tout. Pour avoir vomi bien sur, mais pour avoir commencé la drogue, pour avoir fait du mal autour de moi, pour ne pas avoir écouté les conseils qu’on me donnait… Malheureusement le mal était fait.

Précise dans mes gestes, j'éponge le visage de mon malade avec précaution tout en lui annonçant sans le moindre tact ce qui lui est arrivé. C'est l'un de mes gros défauts, je suis incapable de mentir. Enfin... Presque incapable. Quoi qu'il en soit, je préfère largement lui dire la vérité sur ce qui lui est arrivé plutôt que d'user de milles stratagèmes. De toute façon, je ne doute pas du fait qu'il sache ce qui l'a conduit ici. Quand on prend de la drogue, c'est un risque à prendre, que de finir à l'hôpital, ou pire, entre quatre planches.

Malgré tout, la nouvelle semble le secouer et je ne peux m'empêcher de me mordre légèrement la lèvre inférieure dans un accès de remords. Mais il est trop tard à présent pour faire marche arrière, ce qui est dit est dit. Au fond, peut-être que cette malheureuse expérience lui servira de leçon. C'est ce que j'espère pour lui.

Le laissant digérer la nouvelle tranquillement, je lui propose tout de même d'améliorer son confort. Un peu d'eau, un oreiller en plus, n'importe quoi. Seulement, je n'ai pas l'occasion d'entendre de réponse claire de sa part. A peine un bribe de phrase avant qu'il ne redécore le sol de la chambre d'un flot abondant de bile...
J'ai à peine le temps de me retourner que déjà le pantalon de ma blouse ainsi que mes chaussures se retrouvent éclaboussées tandis qu'une horrible nausée me noue la gorge. Réflexion faite, je déteste aussi ce job...!

Oh c'est pas vrai...!

C'est plus fort que moi. J'ai envie de le tuer en lui abattant froidement son oreiller sur le visage, seulement ma légère colère et mon dégout sont bien vite balayés par la vision de Chad effondré qui s'excuse à plusieurs reprises. Quelque chose au fond de moi se serre face à ce spectacle pathétique. Peut-être mon coeur, mais je n'en suis pas persuadée.
Me radoucissant quelque peu, je prend la peine d'appuyer sur le bouton d'appel pour que quelqu'un vienne nettoyer avant d'enjamber tant bien que mal la flaque dont monte une odeur nauséabonde.
Puis, posant une main compatissante sur l'épaule du jeune homme, je m'efforce de le calmer.

C'est pas grave...Dis-je en me baissant à sa hauteur, cherchant à capter son regard.On va nettoyer tout ça, et ça va aller. Vous voulez boire? Ca vous fera du bien...

Overdose… Ce mot résonnait dans ma tête alors que je prenais conscience de la gravité de mon état de consommation. Et franchement je flippais comme un dingue! C’était bien le moment alors qu’une équipe de médecins et d’infirmières avaient dû s’acharner sur moi pour me ramener à la vie. Mon gars, fallait t’en rendre compte avant de prendre des doses de poney, pas maintenant que t’es dans un lit d’hôpital… à vomir sur les pieds de la demoiselle qui prend soin de moi depuis mon réveil. Ma conscience s’amusait à me torturer en m’envoyant les images des réactions de mes proches quand il apprendrait pourquoi je n’étais pas rentrer cette nuit. Je m’en voulais tellement pour tout… Incapable de retenir mes larmes, je les laissais couler le long de mes joues, impuissant face à l’évidence.

A part m’excuser pour mon comportement des dernières années jusqu'à ces dernières secondes, je ne voyais pas quoi faire d’autre.

C'est pas grave... Me dit l’infirmière en s’agenouillant devant moi et en posant sa main sur mon épaule pour tenter de me rassurer. .On va nettoyer tout ça, et ça va aller. Vous voulez boire? Ca vous fera du bien...

D’un simple signe de la tête et sans doute d’une grimace de tristesse, je lui répondis par la positive et commençait à me redresser sur l’oreiller. Ma poitrine me faisait souffrir le martyre, tout comme mes épaules, mon cou et bien d’autres parties de mon corps, mais pour le moment je ne me sentais pas prêt à demander pourquoi… Apprendre mon surdosage était suffisamment traumatisant sans que je demande de quelle manière le médecin avait fait son taff pour me ramener à la vie en m’obligeant à quitter des yeux la lumière au bout du tunnel.

Mon dos bien calé sur le coussin, j’essayai d’ouvrir les yeux une nouvelle fois pour attraper le verre d’eau, mais l’éclat de la lampe du plafond me brula les pupilles, réveillant mon mal de tête déjà carabiné. Je n’y voyais déjà pas grande chose de net, mais avec cette lumière c’est un écran blanc qui s’installait devant mon regard.

- Pourquoi j’ai mal aux yeux ? Murmurai-je à bout de force après ce dernier effort. C’est possible de baisser la lumière ?

Légèrement contrariée par la petite "surprise" que vient de me faire Chad, je ne suis pas pour autant aveuglée par la colère au point de ne pas voir qu'il souffre. Au contraire, sa détresse me fend le coeur. C'est la première fois que je vois un homme pleurer, et autant dire que c'est assez surprenant.
Touchée par sa détresse, j'en oublie tout le dégoût que m'inspire la flaque qui s'étale à mes pieds pour venir me poster près de lui et tenter de le rassurer du mieux que je le peux. Il faut dire que je ne suis pas très douée avec les sentiments si ce n'est la colère qui domine facilement le reste de ma personne. Alors forcément, je me sens assez maladroite dans ma façon d'agir, mais ma méthode semble fonctionner un tant soit peu. Pour preuve, le voilà qui se redresse afin de boire un peu.

Me redressant à mon tour, j'enjambe de nouveau la marre de bile avant d'attraper le verre d'eau déjà préparé puis de faire le chemin inverse jusqu'au lit afin de lui donner son verre. Seulement, alors que je m'apprête à le lui donner, il me fait part du fait que la lumière lui brule les yeux et demande des explications. Attrapant sa main avec précaution, j'y loge le verre d'eau avant de lui donner les informations qu'il réclame.

Ce sont les médicaments, ils ont du dilater la pupille et vous rendre plus sensible à la lumière. Je vais allumer l'allogène derrière vous et éteindre le plafonnier. La lumière viendra de derrière et vous pourrez ouvrir les yeuxDis-je tout en m'exécutant.

Appuyant sur le bouton sur la barre situé au dessus du lit, je me dirige ensuite vers l'entrée de la pièce afin d'éteindre la lumière. Au même moment, l'une de mes collègues fait irruption dans la pièce et grimace face à l'odeur acide qui s'y élève.

On a eu... Un petit accident, il faudrait nettoyer ça et j'aurais besoin d'un autre pantalon aussi...

A voir sa tête, elle n'apprécie pas beaucoup d'avoir à nettoyer, mais il faut bien que quelqu'un le fasse, et je dois m'occuper de mon patient (a). Patient auprès duquel je retourne rapidement après avoir entre-ouvert la fenêtre afin de renouveler l'air et chasser l'odeur pestilentielle.

Ca va mieux? Vous devriez pouvoir ouvrir les yeux maintenant...

La gentillesse et la douceur de l’infirmière réussit à me calmer un peu… Assez pour que j’accepte de prendre un verre d’eau pour faire passer le sale gout qui me reste dans la bouche après avoir refait la déco du sol de la chambre. Loin de me juger pour mes actes destructeurs, la jeune femme continue à prendre soins de moi et même si c’est son job, je me sens un peu moins dévaloriser que si elle m’avait accablé de reproches en me soutenant que je l’avais bien cherché en consommant de la drogue pour me défoncer. Contrairement à certaine vielles soignantes aigries par des années passées entre les quatre murs d’un hôpital, elle restait à l’écoute et disponible.

En me redressant pour pouvoir boire, j’essayai d’ouvrir les paupières pour ne pas louper le gobelet en plastique, mais avec l’éclat de la lumière il m’était impossible de distinguer quoi que ce soit. A tel point que je lui demandais s’il était envisageable d’éteindre le plafonnier et pourquoi cela me faisait aussi mal. Toujours aussi serviable, elle m’expliqua que cet aveuglement n’était que bénin et seulement dû aux traitements qu’on m’avait administrés pour me sortir de la belle merde dans laquelle je m’étais fourrée en prenant de trop grosses doses d’héroïne…

Je vais allumer l'allogène derrière vous et éteindre le plafonnier. La lumière viendra de derrière et vous pourrez ouvrir les yeux

- Merci.

Elle s’exécuta aussitôt avant de parler nettoyage avec l’une de ses collègues qui venait d’entrer dans la chambre. J’appris par cette petite discussion que j’avais lamentablement taché son pantalon avec mes régurgitassions de junkie et j’aurais voulu m’en excuser, mais elle ne m’en laissa pas l’occasion

Ca va mieux? Vous devriez pouvoir ouvrir les yeux maintenant...

Suivant son conseil, je fis une tentative pour ouvrir les yeux. Avec la lumière tamisée de l’allogène, il m’était beaucoup plus facile de les laisser ouvert et même si j’y voyais encore très trouble au delà d’un mètre, il m’était plus facile d’appréhender l’environnement dans lequel on m’avait isolé, Une petite pièce sobre et carrelée de blanc… sans doute pour facilité le nettoyage quand des abrutis comme moi vidaient le contenu de leur estomac sur le sol… avec tout le matériel nécessaire pour suivre mon état de santé à la seconde prêt.

- J’ai l’impression d’avoir encore trois grammes, mais ouai, ça va, lui dis-je en essayant de distinguer son visage. Et là, surprise, il me semblait l’avoir déjà croisé quelque part… mais où ? Il ne fallait pas trop m’en demander.

- On se connait ? Demandai-je en levant les sourcils comme si en plus de l’overdose, je me tapais une amnésie.

Evitant du mieux possible de patauger dans le vomis, je m'efforce de garder mon calme et de faire preuve de gentillesse. Rien ne sert d'accabler un peu plus mon patient de reproches inutiles. Après tout, ce genre d'accidents arrivent à tout le monde, et si ça n'avait pas été lui, sans doute un autre patient m'aurait-il relooké un peu plus tard au cours de ma ronde.

Me montrant le plus possible à l'écoute du jeune homme qui se plaint de l'intensité de la lumière, je lui explique brièvement que le traitement de cheval qu'ont du lui administrer les médecins pour parvenir à éliminer les toxines de son corps ont sans doute atteints son nerf optique de façon provisoire. A sa demande, je finit par allumer l'allogène fixé au mur derrière lui avant d'aller éteindre le grand plafonnier. Avec la lumière venant de derrière, il risque de moins souffrir, voir même de ne plus souffrir du tout. Pour ce qui est de ses yeux en tout cas. Pour le reste de son corps, je ne peux rien faire pour le moment. La dose de médicaments dans son organisme est encore trop forte, mais sous peu, une dose régulière de méthadone lui sera administrée, pour palier au manque de drogue que son corps risque de manifester tôt ou tard.
Mais pour le moment, la question ne se pose pas.

Une fois les lumières réglées, je revient finalement auprès de lui afin de lui demander si il se sent un peu mieux et je suis rassurée de voir qu'il est encore capable de faire de l'humour. Si il s'agit bien là d'humour, ce dont à vrai dire je ne suis pas certaine. Car c'est à n'en pas douter, bien plus de trois grammes de médicaments se baladent dans ses veines à l'heure actuelle. Cependant, c'est avec un sourire que j'accueille cette remarque.

Ca devrait passer d'ici quelques heures

Je lui adresse un nouveau sourire encourageant avant d'être légèrement déstabilisée par sa question. Qu'entend-t-il par "on se connait?"? A-t-il reconnu en moi sa voisine, ou bien Shelly? Peut-importe, au fond je n'ai pas beaucoup le choix quant à la réponse que je peux lui donner.

Non, enfin pas vraiment... On habite dans la même rue, à Great Falls il me semble...

Ca vaut toujours mieux qu'un "oui oui, c'est moi l'idiote qui suit tombée de sa barre l'autre soir...".
Heureusement, ma collègue fait de nouveau irruption dans la chambre, un sceau d'eau et une serpillère dans une main et un pantalon de blouse encore sous plastique dans l'autre qu'elle me lance sans grande sympathie. L'attrapant au vol, je m'éloigne rapidement de Chad pour enfiler le nouveau pantalon.
Retirant mes chaussures d'un geste rapide du talon, je fais glisser mon pantalon tâché le long de mes jambes. Heureusement, le tee-shirt ample qui constitue le haut de mon "uniforme" cache suffisamment mon corps pour que je n'ai pas à en rougir jusqu'à ce que le nouveau pantalon soit enfin en place.

Merci Vera

Comme un lendemain de cuite, mais avec des sensations biens pires qu’avec l’alcool, je me sentais vaseux, à coté de mes pompes, et pas du tout rassuré à cause de ce que j’avais subi durant la nuit. Une overdose putain ! Moi qui me pensais intouchable et à dix milles kilomètres de ce genre de risque, je me prenais vraiment une claque monumentale. Je me doutais un peu des raisons qui m’avaient poussé à prendre de telles doses d’héroïne, mais ça n’excusait pas mon comportement débile. Aucune fille ne méritait qu’on risque la mort pour elle… et encore moins quand elle venait de vous prendre pour un con. Le souvenir d’Abi vint effleurer mes pensées, mais je me forçais à penser à autres chose, comme à ouvrir les yeux sur les conseils de l’infirmière qui s’occupait de moi.

Douloureux jusqu’au bout des ongles et des mèches de cheveux, je bougeais le moins possible pour éviter de souffrir. Sans parler de ma vision trouble que je comparais à celle que j’aurais eue en passant plusieurs heures en pilier de bar.

Ça devrait passer d'ici quelques heures, me rassura la petite blonde dont le visage éveilla des souvenirs dans ma mémoire encore plus embrumée que mes yeux.

Trop occupé à détailler son visage en espérant avoir le déclic, j’évitais sciemment de penser à devoir rester plusieurs heures de plus ici… voir plusieurs jours. J’aurais donné n’importe quoi pour retrouver le cocon protecteur de ma chambre, mais je devais être lucide : j’allais avoir besoin de soins sérieux après ça ! Alors au lieu d’y penser, je préférais demander à l’infirmière si nous ne nous étions pas déjà croisé quelque part.

Non, enfin pas vraiment... On habite dans la même rue, à Great Falls il me semble...

Tête enfoncée dans l’oreiller, je continuais à fixer son visage en le remettant rapidement en place dans mes souvenirs quand elle me parla de Burroughs Street. Une voisine ! Voila pourquoi j’avais l’impression de la connaitre un peu… de loin… de très loin…

- Ha ouai on s’est croisé de temps en temps, c’est pour ça que ton visage me disait quelque chose.

J’essayai de garder un semblant de stature, mais intérieurement je ne faisais pas le fier. La loose, se faire soigner par une habitante de ma rue. Ho, j’étais bien content qu’elle s’occupe de moi avec autant de gentillesse et de professionnalisme, mais j’allais surement le regretter encore plus si cette fille était amatrice de commérages, comme beaucoup de gens à Great Falls. Mais j’étais bien trop épuisé pour aborder ce sujet avec elle… J’avais d’autres ennuis plus graves et nettement plus préoccupant pour le moment. En plus elle devait changer de vêtement à cause de mes exploits et elle s’éloigna pour se changer.

Mes yeux habituellement baladeurs ne s’attardèrent même pas sur sa silhouette et je préférais fermer les paupières pour me laisser aller à quelques secondes de sommeil. Et puis cette Vera me regardait d’un air méprisant, comme si je n’étais qu’un sale déchet de la société qu’il fallait éliminer dans la seconde. Je n’avais pas la force de lui répondre et de tout façon je ne me sentais pas meilleur qu'un vieux débrit bon pour la poubelle à cet instant… Je me laissais donc aller dans l’inconscience des rêves avant même que ma charmante voisine est eu le temps de réajuster son pantalon.

Tandis que je m'occupe de Chad, j'en viens finalement à m'interroger sur les motivations d'un tel acte, à supposer qu'il ait intentionnellement ingéré une dose mortelle de drogue. Je trouve dommage de gâcher ainsi sa vie. Et en matière de vies gâchées par les addictions, j'en connais un rayon. Avec Fiona qui passe sa vie avec 3 grammes d'alcool dans le sang, du moins dans les "bons jours", je suis vaccinée de ce genre d'attitudes. Jamais une goutte d'alcool, jamais de drogue, mes seuls vices sont le café et la cigarette. Ce n'est sans doute pas beaucoup mieux, mais je reste au moins assez lucide pour offrir à Molly la vie qu'elle mérite.

Quoi qu'il en soit, même si je trouve regrettable de voir quelqu'un de mon âge risquer la mort si bêtement, je ne juge pas Chad pour autant. Chacun ses problèmes.
Le rassurant sur l'effet provisoire des médicaments qui devrait s'estomper au fil des heures, je suis un peu surprise par la question qu'il me pose ensuite. Il semble m'avoir reconnu cette fois, mais heureusement, il se contente de l'explication que je lui donne, nous sommes voisins. Une chance qu'il n'ai pas fait le rapprochement entre l'infirmière que je suis aujourd'hui, et celle que j'étais quelques soirs plus tôt...

Sans doute oui...

Je lui adresse un nouveau sourire avant de m'éloigner pour changer de pantalon. Avec le temps, je suis devenue légèrement moins pudique. Il faut dire qu'à force de me déshabiller devant des dizaines d'hommes, j'ai appris à oublier leur regard sur moi. Et puis, je doute que mon patient soit en état d'être attentif à ce genre de détails. D'ailleurs, une fois changée, je m'aperçois qu'il a fini par se rendormir. Ce n'est sans doute pas plus mal, au moins il aura peut-être la chance de ne pas souffrir durant son sommeil.
Jetant un coup d'oeil à ma collègue qui éponge avec un dégout manifeste le reste de vomis qui a éclaboussé le sol, je me résous à lui prêter main forte malgré les quelques haut le coeur qui me secouent l'estomac par moment. Puis, une fois la chambre nettoyée, je profite que Chad soit encore perdu quelque part dans ses rêves pour finir ma tournée.

Celle-ci se passe sans encombre. La plupart des personnes présentes dans le service sont plutôt sympathiques et quelques personnes du troisièmes âge sont particulièrement attachantes. Une heure passe, deux, trois, il est finalement près de huit heure du matin lorsque je franchit à nouveau la porte de la chambre 105 où Chad dort toujours.
Je l'envie. Après une nuit passée à déambuler dans les couloirs du premier étage, je commence à sérieusement fatiguer. Seulement, j'ai encore plusieurs heures de travail devant moi et j'aurais sans doute de la chance si le manque d'effectifs que subit en ce moment l'hôpital, me permet de rentrer dormir avant 16heure cet après midi. Heureusement, le café que j'avale en grande quantité devrait me permettre de garder les yeux ouverts encore quelques heures.

M'approchant du lit, je vérifie les moniteurs reliés à sa perfusion et contrôle le goutte à goutte dont j'augmente légèrement le débit pressant les boutons qui émettent un léger "bip". Tout semble normal. Pas de raison de s'alarmer pour le moment.

A peine mes yeux fermés sur ma vie merdique et les dernières heures épouvantables que je venais de vivre, le sommeil m’emporta vers l’insouciance des rêves. C’était surement le meilleur moyen pour m’éviter de trop penser aux conséquences de mes gestes de la veille qui me revenaient par bribes de souvenirs, même si au réveil rien n’aurait changé… Je serais toujours dans ce même lit d’hôpital, des sacs de liquide colorés reliés à mes bras, le corps en vrac et l’esprit brisé.

Malgré les efforts de ma petite voisine infirmière pour me remonter le moral, je m’endormis avec bien peu d’incertitude concernant mon avenir et la peur angoissante de mourir. J’étais heureusement trop assommé par les drogues qu’on m’administrait pas intra veineuse pour y penser plus longtemps…

Quand je rouvris les yeux avec le sentiment que tout n’avait été que cauchemar, je constatais avec amertume que mes songes n’étaient que le reflet de ma triste réalité. La même odeur d’hôpital assaillit mes narines et la douleur dans mes membres ne s’était pas vraiment estompée avec le repos. La seule différence marquante était qu’il faisait jour à présent... La vie continuait à l’extérieur et personne ne devait ce soucier de l’overdose d’un pauvre junkie dans mon genre. Mon frère et ma sœur n’avait peut-être même pas remarqué mon absence.

Un léger BIP me fit tourner la tête et je découvris la même infirmière que tout à l’heure, occupée à régler l’une des nombreuses machines qui surveillait mon état de santé. J’y voyais là au moins un point positif même si j’aurais plutôt dû souhaiter ne jamais la revoir pour éviter qu’elle n’aille raconter dans tout Great Falls comment Chad Matthews s’était retrouvé aux urgences… Mais je me sentais étrangement en sécurité avec elle. Peut-être parce qu’elle était le premier visage que j’avais vu en sortant de mon coma et qu’elle avait pris soins de moi alors que sa collègue m’aurait laissé croupir dans mon vomi.

- Rachel, c’est ça ? Lui demandai-je dans un éclair de lucidité qui me rappela son prénom. J’suis en train de mourir ou c’est les bruits que font toutes les bécanes dans cet hosto ?

Concentrée sur mes réglages afin de ne pas faire d'erreur qui puisse nous coûter gros, aussi bien à Chad qu'à moi, je ne l'entend pas remuer légèrement sous ses draps. C'est donc avec un nouveau sursaut que j'accueille sa question. A force de sursauter ainsi, les gens vont finir par croire que j'ai quelque chose à me reprocher. Heureusement, je ne met pas longtemps à calmer mon coeur et j'adresse un sourire à mon patient avant de hocher la tête.

C'est bien ça oui

Je confirme tout en souriant avant de le rassurer sur son état de santé. Non, il n'est pas en train de mourir. Il ne manquerais plus que ça, qu'après avoir tout tenté pour le sauver, nous soyons en train de le laisser mourir aussi bêtement.

C'est le bruit des machines... C'est désagréable au début, mais ensuite vous... Tu...? Ne les entendra plus

J'hésite sur la formule de politesse à employer. Je crois me souvenir qu'il m'a tutoyé un peu plus tôt alors je me permet de faire de même. Après tout nous avons presque le même âge et puis, si ça ne lui convient pas, je suis certaine qu'il n'hésitera pas à me le faire remarquer.
Quoi qu'il en soit, je quitte la surveillance du moniteur pour lui accorder toute mon attention.

Tu as mal quel que part? Je peux faire quelque chose pour toi?

Je pose la question car parfois, certaines personnes, trop timides, ou de peur de nous déranger, n'osent pas nous demander quoi que ce soit. Pourtant, nous sommes là pour ça, rendre leur séjour agréable, ou à défaut, tout du moins supportable. Pour Chad d'ailleurs, le séjour risque d'être long. Il faut dire que l'hôpital ne plaisante pas avec les overdoses. Il va sans doute être contraint de suivre une thérapie pour éclaircir les raisons de son comportement, quant à la cure de désintoxication, il ne risque pas d'y échapper.
Les médecins ont d'ailleurs déjà donnés des ordres pour lui administrer de la méthadone en cas de crise de manque. Celles ci n'ont pas encore commencées, mais elles risquent d'être inévitables dans les prochaines heures.

Bien que l’infirmière m’ait assurée être ma voisine, je ne retenais guère que son visage dans les quelques souvenirs qui me revinrent en mémoire. Ce n’est qu’en me réveillant d’un sommeil rempli de cauchemars et pas franchement réparateur malgré mon besoin de repos évident, que je retrouvais enfin un semblant d’idée de prénom que la demoiselle pouvait porter. Je lui demandais d’ailleurs confirmation alors qu’elle semblait occupée à régler un quelconque problème avec l’une des machines reliées à mon corps. L’attention qu’elle y portait en me répondant pas l’affirmative m’inquiéta, et même si je ne voulais pas me montrer trop trouillard, je ne résistais pas à prendre des nouvelles de mon état de santé en prétextant une destination finale plutôt morbide…

C'est le bruit des machines... C'est désagréable au début, mais ensuite vous... Tu...? Ne les entendra plus

Si elle hésita à me tutoyer, moi je ne m’étais même pas posé la question. Plutôt rassuré par sa réponse sans prendre conscience de la notion du temps que j’allais devoir passé ici, je ne pris pas la peine de la tranquilliser sur la manière dont elle pouvait s’adresser à moi. Je préférais cette manière de toute façon. Le vouvoiement serait bien ridicule entre nous de toute façon.

En professionnelle qui se respecte, Rachel quitta alors la surveillance des machines et s’approcha du lit en me demandant :

Tu as mal quel que part? Je peux faire quelque chose pour toi?

Je n’étais pas franchement habitué à ce qu’on se soucie de moi comme ça, et si ce n’avait pas été ma voisine j’aurais sans doute envoyé chier la personne qui aurait cherché à me tirer les vers du nez de la sorte. J’avais une sorte de respect pour elle. Peut-être parce qu’elle était la première que j’avais vu en me réveillant et que je ne me sentais absolument pas jugé pour mes actes.

- J’ai l’impression qu’un bus de touriste m’est passé dessus, mais j’imagine que c’est normal et que ça passera pas d’un jour à l’autre…

Loin d’être un pauvre débile, j’imaginais assez bien pourquoi j’avais un mal de chien dans la poitrine à chaque respiration, pourquoi ma gorge me brulait comme la pire des angines… Les cours de prévention sur la drogue au lycée avaient été assez explicites sur la manière dont les secours agissaient en cas d’overdose.

Mais comme elle me proposait son aide, j’oubliais les vidéos de mon adolescence pour me concentrer sur le présent.

- Tu m’aiderais à me lever ?

En tant qu'infirmière, mais aussi en tant que voisine sans doute même si nous n'avons jamais échangé guère plus qu'un "bonjour/bonsoir" de circonstance, et encore..., je prend le cas de Chad à coeur. Ce n'est sans doute pas très professionnel de m' "attacher" plus à un patient qu'à un autre, mais tout de même, je m'en voudrais de laisser quelqu'un qui fait parti du voisinage dans un mauvais état. Et puis, même si il ne le sait pas, je lui suis reconnaissante de la façon dont il s'est comporté avec moi lors de notre "rencontre" au Paradise même si par la suite il s'est montré aussi bête que possible (a).

Lui proposant finalement mon aide, quelle que soit la raison pour laquelle il puisse en avoir besoin, je ne suis pas surprise qu'il me fasse part de sa douleur. Après tout, les médecins n'ont pas du y aller de main morte pour le ramener à la vie. Les massages cardiaques et autres méthodes ont étés nécessaires pour le réanimer, et ce genre de pratiques ne sont pas dénuées de violence. Sans doute a-t-il d'ailleurs quelques côtes fêlées sans le savoir...

Oui c'est normal, ton dossier dit qu'il a fallut te réanimer, ce genre de choses laisse des "séquelles", mais j'ai augmenté légèrement la dose d'anti-douleurs, ça devrait faire effet rapidement maintenant

Acquiesçant finalement lorsqu'il me demande de l'aide pour se lever, je m'empresse de m'exécuter. Tirant sur les draps bordés autour de lui, je révèle ses jambes laissées nues par sa blouse d'hôpital qui cache par chance son intimité sans doute nue elle aussi. Malgré l'habitude, je ne suis toujours pas vraiment très à l'aise avec la nudité masculine qui me gêne bien plus que la vision d'une femme nue et je suis donc soulagée de voir que la blouse est assez longue pour dissimuler cette partie de son anatomie.
Passant ensuite son bras autour de mes épaules, je glisse une main dans son dos pour l'aider à se déplacer le temps qu'il balance ses jambes sur le côté du lit.

Ca va aller? Dis moi quand tu seras prêt, je ne voudrais pas te faire plus mal que tu n'as déjà... Lui dis-je avec un sourire encourageant.

Après quelques heures de sommeil, même peu réparateur, je me sentais l’esprit plus à même d’affronter la réalité de ma situation, mais je devais bien admettre que j’étais terrifié d’apprendre par quelle manière on m’avait amené dans cet hôpital, et comment les médecins avaient dû agir pour lutter contre cette overdose d’héroïne. Je n’étais pourtant pas assez stupide pour ignorer les bases d’une réanimation dans ce genre de cas désespéré… et c’est d’une façon un peu détourné que j’en parlais à mon infirmière.

Si je n’avais pas le courage de mettre des mots réels sur la nuit que je venais de passer entre la vie et la mort, Rachel n’hésita pas une seule seconde pour m’en parler.

Oui c'est normal, ton dossier dit qu'il a fallut te réanimer, ce genre de choses laisse des "séquelles", mais j'ai augmenté légèrement la dose d'anti-douleurs, ça devrait faire effet rapidement maintenant.

- J’espère, j’ai pas l’intention de passer le restant de ma vie entre ses quatre murs…

A vrai dire, je pensais même à rentrer le plus rapidement à la maison. Le lendemain matin peut-être ? Les médecins ne me laisseraient sans doute pas partir sans une nuit d’observation supplémentaire et il fallait bien leur prouver que malgré la descente aux enfers de la nuit précédente, je me sentais assez bien pour me lever et faire quelques pas. Si mes jambes réussissaient à me porter suffisamment longtemps, je pensais même passer un peu de temps sous l’eau brulante d’une douche pour me décrasser et retrouver mes propres vêtements… Avec cette chemise d’hôpital je devais vraiment avoir l’air d’un con.

Heureusement Rachel me proposa son aide et avec des gestes d’habituée elle m’aida à m’asseoir au bord du lit. J’aurais pu me sentir mal à l’aise d’être aussi peu présentable devant ma voisine, mais la douleur qui me serra la poitrine quand mes jambes basculèrent dans le vide m’arracha une grimace et toute la pudeur qui aurait pu me traverser l’esprit.

En sécurité avec son bras contre mes épaules et sa main dans son dos, je me sentais pourtant assez en sécurité pour essayer de me mettre debout.

Dis moi quand tu seras prêt, je ne voudrais pas te faire plus mal que tu n'as déjà...

En fermant les yeux quelques secondes, je visualisais les images de ma famille pour me donner la force dont j’avais besoin pour me sortir de là. Si mes cotes ne me faisaient pas aussi mal, j’aurais sans doute pris une grande inspiration, mais je savais que je ne récolterais qu’une dose de souffrance qui me forcerait à rester coucher. Alors je me contentais de serrer les dents.

- On y va, j’ai vraiment besoin de faire un tour dans la salle de bain dis-je en prenant déjà appui sur mes jambes alors qu’elle m’aidait à me soulever du matelas. Putain, on dirait un papi!

Boitant, le dos courbé et gardant mon équilibre uniquement parce que Rachel me retenait, j’avais vraiment l’impression d’avoir quatre vingt dix ans…

Je comprend Chad, lorsqu'il dit ne pas vouloir passer le restant de ses jours à l'hôpital. Moi même, je ne supporte ma présence ici que parce que je sais que je vais rentrer chez moi tôt ou tard. Je plains mes patients forcés à rester cloués au lit durant des semaines ou des mois entiers.
Heureusement, Chad va rentrer chez lui, mais sans doute pas aussi vite qu'il l'espère. Ce sera l'affaire de quelques jours, peut-être de semaines, mais une chose est sure, les médecins ne le laisserons pas rentrer chez lui sans un suivit adéquat. Psychologique tout d'abord, pour comprendre les raisons de son choix, mais médical aussi. Je serais surprise qu'il s'en sorte sans faire un détour par un centre de désintoxication. Mais ça, seuls les prochaines heures nous le diront, son passage devant le psychologue sera déterminant, en admettant que la décision n'ai pas déjà été prise par les médecins. Après tout, une overdose, ce n'est pas rien...

T'en fais pas, c'est l'affaire de quelques jours...

Ma réponse ne risque pas de lui plaire, elle ne plait à personne de manière générale, mais je ne préfère ne pas lui mentir. Et encore, je n'ai parlé que de son séjour à l'hôpital, la suite risque de durer au delà de quelques jours... Mais pour le moment, rien ne sert de lui plomber le moral. Sa présence à l'hôpital doit sans doute déjà l'abattre, inutile d'en rajouter...

L'aidant finalement à se lever, à sa demande, je fais attention à suivre son rythme afin de ne pas le faire souffrir plus qu'il n'est nécessaire, seulement mes précautions ne semblent pas êtres suffisantes puisque le simple fait de pivoter sur lui même lui provoque une grimace de douleur.
Les yeux rivés sur lui afin de vérifier qu'il n'est pas sur le point de s'évanouir sous la douleur, j'esquisse à mon tour une légère grimace désolée de le voir endurer de telles souffrances.

C'est parti, on va y aller doucement

Quand il me donne enfin son accord, je l'aide du mieux que je peux à se hisser sur ses jambes encore faibles et le soutient de toutes mes forces. J'ai beau être forte, ce n'est pas chose aisée, mais je parvient tout de même à le garder debout.
Sa remarque concernant son état m'arrache un léger rire que je ne cherche pas à contenir. Il faut dire qu'il n'a pas tort, mais qui pourrait lui en vouloir? Après ce qu'il vient de subir, je trouve qu'il se porte d'ailleurs plutôt bien.
Prenant soin de ne pas faire bouger sa chemise qui doit sans doute lui laisser les fesses à l'air, je fait attention à ne regarder que son visage ou le chemin devant moi afin de le mener sans encombre jusqu'à la salle de bain.
Le trajet est laborieux, mais nous parvenons tout de même à la rejoindre au bout de quelques minutes.

Tu... auras besoin d'aide ici aussi?

Vu son état, je suppose que oui, même si cette situation me met légèrement mal à l'aise. Je suis pourtant habituée à donner leur douche aux patients, ou à leur faire leur toilette aussi intime soit-elle, mais aucun de ceux que j'ai aidé jusqu'ici n'étaient mes voisins...

Ma présence dans cet hosto ne remontait seulement qu’à quelques heures, et malgré l’overdose qui m’avait amené directement ici après un passage par les urgences et les soins intensifs, je pensais déjà à ma date de sortie. Pas aujourd’hui à l’évidence, vu mon état pitoyable, mais j’espérais que les médecins m’autoriseraient à rentrer chez moi dés le lendemain. Que je me repose ici, ou chez moi, je ne voyais pas vraiment la différence ! Rachel était un peu moins optimiste…

T'en fais pas, c'est l'affaire de quelques jours...

- Ouai… le plus vite possible quand même, ajoutai-je en espérant ne pas paraitre trop inconscient sur mon état de santé.

J’étais plutôt du genre bohème comme mec. Jamais vraiment posé. Un jour ici, le lendemain ailleurs… Alors me retrouver bloquer dans cette chambre n’était pas dans mes projets d’avenir. D’ailleurs, c’était quoi mon avenir ? Me lever de ce plumard pour commencer ! Et rien que ce geste banal de la vie quotidienne allait être un objectif difficile à atteindre.

C'est parti, on va y aller doucement

Avec l’aide de mon infirmière je fis mes premiers pas de la journée. Pas vraiment glorieux puisque ma démarche ressemblait plutôt à celle d’un ancêtre qu’a celle d’un mec dans la vingtaine. J’avais l’impression de découvrir des parcelles de mon corps que je ne connaissais pas tellement chacun de mes pas était douloureux. Un peu comme là fois où j’avais voulu faire mon malin en me remettant brutalement au sport et où je n’avais pu me lever le lendemain matin… Heureusement, avec Rachel je réussis à gagner en équilibre et à faire quelques pas jusqu'à la salle de bain.

Tu... auras besoin d'aide ici aussi?

Si j’avais accepté son aide pour venir jusque là, je ne me voyais pas lui demander de me frotter le dos. J’avais un peu trop de fierté pour ça ! Il y avait suffisamment de points d’ancrages pour que je puisse me tenir debout le temps de prendre une douche sans qu’elle n’est besoin d’entrer dans mon intimité. Je n’étais de toute façon pas prêt pour ce genre de rapprochement avec une fille, même si cela faisait partit de son taff. Et, au risque qu’elle appelle un de ses collègues masculins, je préférais vraiment me débrouiller seul.

- Non ça devrait aller. Par contre j’aurais besoin de mon jean et ma chemise… dis-je en inspectant les lieux et en ne voyant aucune trace de mes vêtements. J’veux pas trop rester là dedans.

M’agrippant ensuite au lavabo, puis à une chaise en plastique comme un gamin qui apprend à marcher et n’ose pas faire un pas sans appuis, j’avançais jusqu'au robinet de la douche et ouvris l’eau.

J'esquisse un sourire encourageant à l'adresse de Chad lorsqu'il parle de sortir d'ici le plus vite possible. Je ne voudrais pas avoir l'air d'une briseuse d'espoir, mais il y a tout de même très peu de chances qu'il puisse quitter l'hôpital très rapidement. Les médecins en lui sauvant la vie lui ont causés trop de dommages pour le rejeter dans la nature avant de s'être assurés qu'il soit en état de s'y débrouiller.
Quoi qu'il en soit, je ne relève pas sa phrase afin de ne pas le déprimer d'avantage. Il a besoin de toute sa volonté pour s'en sortir et supporter les semaines/mois qui l'attendent.

Muette, je l'aide donc à se diriger jusqu'à la salle de bain où il désire se rendre. Sa nudité sous sa chemise d'hôpital me dérange légèrement. Je ne suis pas très à l'aise avec le corps des hommes. Il faut dire que je n'en ai jamais côtoyé un seul de cette façon, et si je m'entends mieux avec la gente masculine qu'avec la gente féminine, je n'en suis pas pour autant familière de leur corps. J'ai pourtant déjà aidé plusieurs patients à faire leur toilette, mais la plupart sont des hommes âgés très peu susceptibles d'éveiller en moi autre chose qu'une certaine "pitié" et non pas un de mes voisins dans la fleur de l'âge.
C'est pour cette raison d'ailleurs que je questionne Chad quant à la nécessité de rester avec lui durant sa douche. Tant qu'à faire, j'aimerais mieux éviter, autant pour lui que pour moi.
Par chance, il pense pouvoir se débrouiller seul, ce qui me soulage grandement.

Lui adressant un sourire tout en hochant la tête, j'essaye de me souvenir où sont les vêtements qu'il me réclame. Il me semble qu'ils sont en piteux état quelque part dans un sac sur lequel est noté son nom dans la salle des infirmières. Pour le prendre en charge rapidement, les médecins n'ont pas perdu de temps à le déshabiller. Ils ont découpés son jean et son tee-shirt sans le moindre remords...

D'accord... Seulement... Je ne vais pas pouvoir te donner tes vêtements, ils ont... eux aussi subits quelques dommages...

Je me mords légèrement la lèvre inférieure après lui avoir annoncé la "mauvaise nouvelle". J'espère qu'il ne risque pas de prendre trop mal le fait que ses vêtements aient étés ruinés sans le moindre état d'âme. Mais après tout, il s'agissait de lui sauver la vie, pas de lui permettre d'effectuer un peu plus tard, un défilé de mode, n'est ce pas?

Si tu veux, je peux te donner une blouse comme la mienne, tee-shirt pantalon...? Seulement, je préfère ne pas te laisser seul durant ta douche. Juste au cas où je vais rester derrière la cloison le temps que tu finisses. Si tu as le moindres souci tu peux m'appeler et j'irais te chercher des vêtements dès que tu auras fini... Ca te va?

A vrai dire, ce n'est pas tant par préférence que par obligation que je lui propose de rester dans la petite pièce attenant à la salle de bain. Si il lui arrive le moindre accident durant sa douche, je devrais en assumer la responsabilité, je préfère donc prendre mes précautions et rester non loin, juste au cas où...

Arrivé jusqu'à la salle de bain ressemblait presque à un exploit tellement je marchais lentement. Si je n’avais pas eu aussi mal à la poitrine, je me serais surement amusé à lever les bras en signe de victoire comme les grands sportifs qui passent la ligne d’arrivée, mais vu mon état, c’était totalement impossible. Sans parler de ma tenue qui n’était pas franchement adaptée à ce genre de mouvement… A coup sur, cet excès de zèle aurait révélé une partie de mon anatomie que je préférais dissimuler à ma chère voisine.

D’ailleurs je préférais me débrouiller seul pour me laver, quitte à y passer trois heures et à ne pas réussir à me frotter les orteils. Il faut avoir certaine priorité dans la vie et pour le moment l’hygiène de mes pieds n’en faisait pas vraiment partie.

D'accord... Seulement... Je ne vais pas pouvoir te donner tes vêtements, ils ont... eux aussi subits quelques dommages...

Comme si elle s’attendait à ce que je me mette à hurler comme un putois, je remarquais que Rachel se mordait la lèvre d’angoisse. Ok, j’étais pas franchement heureux d’apprendre que mes fringues se trouvaient sans doute à la poubelle, tant pis pour le look d’homme en robe, mais c’était surtout ce qui se trouvait dans les poches de ma veste qui m’inquiétait.

- Ok ! Et mes papiers, mes clopes et tout… le reste, ça aussi je peux faire une croix dessus ?

Tout en l’écoutant me proposer une tenue d’infirmier, j’avançais vers le robinet et ouvrais l’eau pour qu’elle soit à bonne température avant de me laver. Je n’étais pas du tout un adepte des douches froides même si c’était sans doute tout ce que je méritais après une telle connerie.

Juste au cas où je vais rester derrière la cloison le temps que tu finisses. Si tu as le moindre souci tu peux m'appeler et j'irais te chercher des vêtements dès que tu auras fini... Ca te va?

Je n’étais pas ultra pudique, mais dans mon état de faiblesse, je me sentais vraiment vulnérable. J’aurais préféré qu’elle ne soit pas là, même derrière un mur, pour surveiller du coin de l’oeil que je ne m’effondre pas lamentablement au sol.

- J’imagine que j’ai pas le choix t’façon… mais je préférerais qu’on appelle ma sœur ou mon frère pour qu’ils m’apportent des fringues. D’ailleurs ils… savent ?

Un nœud me serra l’estomac en y pensant. Qu’est-ce qu’ils allaient dire ?

Soulagée que Chad s'estime en mesure de s'occuper de lui même le temps d'une douche, je préfère tout de même ne pas trop m'éloigner. Après tout, on ne sait jamais, le moindre moment de faiblesse est vite arrivé et je ne tiens pas à perdre ma place avant même d'avoir totalement obtenu mon diplôme. J'ai encore près de six mois de stages à effectuer, à commencer par celui ci, et je ne tiens pas à être renvoyée si vite pour une erreur stupide.

Sagement appuyée contre le mur attenant à la salle de bain, j'écoute Chad s'installer tout en lui expliquant que je ne vais pas être en mesure de lui rendre ses vêtements, ou du moins pas dans l'état où il les a laissé. Il faut dire que son t-shirt et son jean sont à présent coupés en plusieurs lambeaux de tissus. Légèrement inquiète de le voir mal réagir, je suis rassurée lorsqu'il se contente de poser des questions sur les contenus de ses poches. Heureusement pour lui, les secouristes qui l'ont pris en charge ont rangés tous ses affaires dans le sac qui contient déjà ses vêtements.

Non, tout est dans un sac dans le bureau des infirmières, je t'apporterais tout ça tout à l'heure si tu veux... Seulement, il est interdit de fumer ici...

Je préfère préciser, on ne sait jamais, de toute façon, je doute qu'on le laisse sortir du service, même pour se griller une cigarette. Je le plains quelque part, j'ai moi même du mal à tenir sans cigarette durant plusieurs heures, mais après tout, puisqu'il va sans doute être question de le désintoxiquer, peut-être est-ce l'occasion pour lui d'arrêter de fumer aussi?
Quoi qu'il en soit, il ne risque pas de pouvoir toucher à une cigarette avant quelque temps, autant qu'il s'habitue dès maintenant non?

Rejetant la tête en arrière appuyant l'arrière de mon crâne sur le carrelage du mur, j'esquisse une légère grimace lorsqu'une douleur m'assaille. Je subit le juste retour de ma chute au Paradise l'autre soir, une belle bosse, souvenir de ma première vraie rencontre avec Chad. Souvenir plutôt douloureux d'ailleurs. Heureusement, je n'ai pas vraiment le temps de me focaliser sur ma douleur, je dois rester vigilante et tendre l'oreille au cas où mon voisin ai besoin de moi.

Esquissant un sourire lorsqu'il constate que de toute façon il n'a pas vraiment d'autre choix que de me voir rester ici, je perd mon sourire lorsqu'il me questionne à propos de sa famille.

Ils ont étés prévenus, mais le médecin chef leur a demandé de ne pas venir avant les heures de visite pour te laisser le temps de te reposer...

Sans doute mon patron n'a-t-il pas eu là une si mauvaise idée. Je doute que son frère et sa soeur soient très heureux d'avoir appris une telle nouvelle, et mon cher voisin risque de passer un sale quart d'heure à leur arrivée. Il vaut sans doute mieux qu'il profite de ses dernières heures de liberté...

Si je me souciais de mes fringues ce n’était pas seulement pour une futile question de look. Non, car si me balader en robe d’opéré me semblait vraiment être le summum du ridicule, même dans ma situation, je m’inquiétais surtout pour toutes les petites choses que je gardais dans les poches de ma veste. Mes papier d’identité, mon permis, mes sous, mon portable, mes clopes, mon briquet, et aussi les sachets de poudre… J’avais envie d’en apprendre plus sur cette dope qui m’avait directement conduite à l’overdose. Combien de shoots est-ce que j’avais pris pour en arriver là ? Et puis… même si je venais de passer à coté d’y perdre la vie, je recommençais à avoir envie d’en prendre. Pas encore assez puisque j’avais la volonté de chasser cette idée de ma tête, mais quand même…

Non, tout est dans un sac dans le bureau des infirmières, je t'apporterais tout ça tout à l'heure si tu veux... Seulement, il est interdit de fumer ici...

- Déconnes ?! Y a pas moyen que je sorte deux minutes pour m’en griller une ch’tite ?

J’aurais dû me douter que cette chambre d’hosto deviendrait une vraie prison ! Il fallait que je me rétablisse pour me tirer d’ici… et vite. Mais avant de penser à partir, il fallait déjà qu’on m’en donne l’autorisation, ce qui était loin d’être gagné. Alors je fis l’effort de marcher seul pour m’installer dans la douche alors que Rachel s’installait derrière la cloison pour me surveiller. Elle ne pouvait pas me laisser seul à cause des responsabilités de son rôle d’infirmière et tant pis si j’étais mal à l’aise de me retrouver nu à un mètre de ma voisine.

Pour ne pas trop y penser, je lui demandais si ma famille était déjà au courant de mon accident… je ne doutais pas un seul instant que les urgences aient contacté Joey et Katie, mais je préférais avoir confirmation. S’il était encore possible de leur cacher la vérité, j’étais prêt à tout pour éviter de leur imposer cette épreuve.

Ils ont étés prévenus, mais le médecin chef leur a demandé de ne pas venir avant les heures de visite pour te laisser le temps de te reposer...

Et bien j’avais à présent la certitude que j’allais passer un sale quart d’heure quand on leur donnerait l’autorisation de venir me voir. Super.

- Quand je pourrais récupérer mes affaires, je leur enverrai un message pour qu’il m’apporte de quoi m’habiller.

Je préférais ne pas évoquer avec l’infirmière cet état de fait peu réjouissant… mais j’avais merdé alors autant en assumer les conséquences comme un homme.
Balançant la tenue d’hôpital par-dessus la cloison de la douche, je m’avançais jusque sous le jet d’eau chaude. La sensation de chaleur sur ma peau me donna la chair de poule et je laissais les gouttes s’écouler sur mon visage puis sur le reste de mon corps.

Je ne sais pas combien de temps je restais dans cette position, les yeux fermés, muscles détendus, pensées qui divaguaient, mais prenant conscience que Rachel attendait toujours derrière la cloison et que mon silence devait l’inquiéter au point qu’elle puisse jeter des regards par delà le mur pour me surveiller, je me décidais à me bouger.

Cinq minutes plus tard, j’éteignais l’eau et attrapait la serviette pendue au mur que j’enroulais autour de ma taille après m’être sommairement essuyé. Me retournant vers le lavabo en boitant, je m’approchais pour regarder mon reflet dans le miroir… Mon double me donna aussitôt l’envie de tourner les yeux tellement je ne reconnaissais plus le Chad que j’y voyais.

- Je crois que je vais retourner m’allonger, dis-je d’une voix résignée, retenant une nouvelle crise de larme, tout en commençant à marcher vers la sortie.