« Pour la prochaine fois vous ferez quelques recherches sur le courant musical baroque, d’où il vient, quels sont les principaux représentants et vous essaierez de me trouver des exemples de musiciens qui ce sont inspirés de ce style aujourd’hui. »

Craig ne donnez pas souvent de devoirs aux élèves qu’il avait en cours, la plupart du temps ils demandaient aux lycéens d’écouter quelques morceaux ce qui n’était pas la corvée pour eux. Craig avait l’impression d’être un bon prof, il était rare que des élèves sèchent son cours, il se faisait écouter sans problème, sans trop de mouvement. Il y avait sans doute deux raisons à cela. La première était que les lycéens qu’il avait en classe étaient, pour la majorité, volontaires pour cette option, la seconde était que Craig, passionné par la musique, n’avait aucun mal à s’exprimer sur ce sujet. Solfège, histoire, création, tonalités, … sa timidité naturelle s’envolait lorsqu’il parlait de musique, toute la musique, celle qu’il adorait, celle qu’il trouvait mauvaise.

Alors qu’il donnait ses instructions au peu d’élèves qu’il avait en cours, ceux-ci commençaient déjà à ranger leurs affaires et à quitter la salle saluant leur jeune professeur. Craig rangea les partitions dans son dossier et interpella une élève.

« Abigail, tu veux bien rester un moment, je voudrais te parler. » dit-il avec autorité.

Il n’y avait rien de méchant dans son ton de voix, Craig assurait juste son rapport de prof. Il ne volait d’ailleurs pas faire de remarques désobligeante à Abigail Cook. Il avait beau n’être qu’un intervenant extérieur à l’école, Craig s’impliquait beaucoup dans ses cours et s’il remarquait que quelque chose clochait avec ses élèves, il n’hésitait pas à comprendre ce qu’il se passait. D’autant plus avec Abigail qui prenait également des cours particuliers de guitare avec lui. Craig avait remarqué que la jeune fille, qu’il avait connue très motivée commençait à se laisser aller au niveau de son cours ce qu’il trouvait dommage puisqu’elle était très douée.

J'avais somnolé tout le cours. J'avais veillé tard dans la nuit, et ce matin, j'avais eu toutes les peines du monde à me lever. Je n'avais rien pris qu'un pauvre café pour me booster, et même si ce genre de matin je pensais à me prendre un petit remontant pour m'aider à tenir le coup, je ne l'avais jamais fait. Pour le moment, mes prises avaient lieu exclusivement le week end, en présence de Chad. De toutes façons, il gardait tout chez lui, je n'aurais donc pas pu prendre quelque chose.

Le coude sur le bureau, a tête posée sur ma main, j'avais à peine pris quelques notes, et avais tracé de petites rosaces sur tout le reste de ma feuille. Je n'avais pas du lever une seule fois le nez de ma feuille, concentrée à ne pas m'endormir, ce qui était, en soi, un véritable miracle.

La sonnerie retentit alors, et je notais malgré tout les devoirs qu'énonçait Monsieur Carter. La musique baroque... Thème intéressant que je connaissais pour m'être documentée de moi même sur les courants musicaux les années passées.

Au moment où j'allais mettre mon sac sur mon épaule et sortir de la classe, il m'interpella sur un ton assez froid et autoritaire. Je m'approchais donc de son bureau, prête à entendre ce que j'entendais depuis plusieurs semaines maintenant... que je me relâchais, que je devais plus travailler, que j'avais les capacités, etc etc... Aucun de mes professeurs n'avait pris le temps de savoir comment j'allais. Peu importe, je ne leur aurais pas répondu de toutes façons.

Attendant qu'il prenne la parole, il était en train de rassembler les feuilles éparpillées sur son bureau, mon regard glissa vers l'instrument de musique posé derrière lui. Une guitare... Depuis quand n'avais je pas gratté la mienne? Mis à part les cours particuliers que je prenais encore, sans réelle envie toutefois. Mes parents avaient payé pour l'année, et je m'y rendais par obligation, tout comme j'allais au lycée chaque matin. Même si par le passé j'avais été accro à la musique à et ces séances, je n'en voyais plus réellement l'intêret à présent.

Reportant mon attention sur mon professeur, je lui dis:
- Oui Monsieur, vous vouliez me voir?

Être un professeur de musique conférait à Craig un statut spécial aux yeux des élèves de l'école de Great Falls. A l'âge où les cours théoriques commençait à terriblement les saouler, les classes d'art étaient un souffle au milieu de la semaine. Le jeune professeur faisait d'ailleurs de son mieux pour ne pas être trop rébarbatif, il les faisait travailler sur tout types de courants et leur permettait de s'exprimer. Mais il fallait bien qu'ils ressortent de là avec un minimum de culture, il était loin de considérer son domaine comme une récréation.

A la fin du cours, après avoir donné ses instructions pour la prochaine classe, Craig interpella Abigail Cook. Son cours était le dernier de la journée, elle ne pourrait donc pas esquiver cette demande d’entretien en prétextant risquer un retard. Elle s'approcha alors, attentive.

Monsieur. Craig avait encore du mal à s'habituer à ce mot. Pourtant, c'était ça qui lui permettait de mettre une certaine distance avec ses élèves. C'était moins évident s'il se retrouvait avec Erika ou Evan face à lui. Dans une si petite ville, il était difficile d'ignorer leurs liens de parenté, surtout que la grande famille Carter ne passait pas inaperçu dans la ville. Ce petit mot lui permettait aussi de se sentir au dessus des ados, pas dans un sens péjoratif, Craig ne se croyait pas supérieur à tous, il avait juste besoin de montrer qu'il était adulte et responsable .

C'était d'ailleurs ces traits de caractère qui l'avaient poussé à parler avec Abigail. Il regarda la jeune fille avec un sourire paternel.

"Je voulais savoir si tu allais bien en ce moment."

Craig avait remarqué que l'attitude d'Abigail avait réellement changé ces derniers temps. Elle qui était toujours pleine d'entrain, elle ne faisait plus qu'acte de présence. Craig ne savait pas comment elle se comportait dans les autres cours, mais il trouvait son attitude intrigante. Même durant les cours particuliers qu'il lui donnait, elle ne faisait plus d'effort pour progresser.

Il me reporta son attention sur moi puis me demanda comment j'allais. Cette question, tellement inattendue, et si inconfortable pour moi, me mit immédiatement mal à l'aise et je baissai les yeux pour ne fixer plus que son bureau.

- Ca va merci, je suis juste un peu fatiguée, c'est tout, lui mentis je alors.

Comme il ne répondait rien, je relevais les yeux vers lui et voyait qu'il voulait en entendre d'avantage. Mais pour lui dire quoi? "Je me prends la tête bien trop souvent avec mon frère, parce que je sors avec un mec qu'il n'aime pas, et avec qui je sors tous les week end, voir parfois dans la semaine, ce qui explique mes absences fréquentes"

Voila, c'est ce que j'aurais pu lui dire... Ou ce que j'aurais du lui dire en tous cas. A la place, je lui sortis quelque chose de moins personnel.

- Je ne sais pas vraiment ce qu'il le se passe en ce moment, j'ai du mal à me concentrer, lui dis je comme s'il pouvait avoir recourt à un problème qui n'existait pas. Entre les cours à réviser, mes cours de guitare, que je ne bossais plus réellement, mais bon, il fallait bien me défendre contre les reproches qu'il allait me faire juste après cette première question en apparence sympathique et proche de moi.

Je devais avouer que j'aimais beaucoup Monsieur Carter, c'était vraiment un bon professeur, agréable, ouvert, qui prenait vraiment nos avis en considération lors des cours. cependant, il restait un professeur, et je me devais de lui servir les habituels mensonges que je servais aux profs qui me convoquaient.

- Est ce qu'il y a un souci avec moi? Demandais je l'air faussement ennuyé, alors qu'il m'importait peu de savoir mes résultats, l'état de mes notes ou ma moyenne de l'année.

C'était toujours délicat de s'immiscer dans la vie privée des élèves. D'ailleurs, ce n'était pas tellement entrer dans leur intimité que de leur demander comment ils allaient lorsqu'une baisse de niveau se faisait ressentir. Craig était persuadé qu'avec un peu d'écoute et beaucoup d'encouragement, n'importe quel gamin pouvait s'en sortir. Lui-même à l'adolescence avait eut à traverser des moments difficiles concernant des matières auxquelles il n'était pas très attaché, mais avec un peu de maturité, il s'était rendu compte qu'il ne fallait rien négliger pour arriver à ce que l'on voulait dans la vie. Il n'y avait rien de mieux pour foutre sa vie en l'air que de croire que rien n'avait d'importance.

Abigail ayant accepté de lui accorder un instant, il commença avec gentillesse par lui demander comment elle allait. Évidement, il se doutait qu'elle ne lui donnerait pas la cause de sa baisse de régime tout cru dés la première seconde. Il remarqua son malaise et sourit avec douceur au moment où elle releva les yeux vers lui. Ses réponses étaient loin d'être satisfaisantes. Craig avait remarqué son comportement, il ne lâcherait pas l'affaire tant qu'il ne saurait pas ce qui se passait et comment l'aider.

Elle finit par demander s'il avait un soucis avec elle. Craig inspira longuement avant de répondre, gêné à son tour.

"Oui, on peut dire ça. Tes notes sont catastrophiques, tu es souvent absente, en retard, quand tu es là c'est comme si tu étais ailleurs, que ce soit au lycée ou en cours privé. Et ça ce n'est que dans mon cours, mais j'imagine que ça doit être à peu près pareil ailleurs. "

Craig ne voulait pas lui remonter les bretelles, il se trouvait très mal dans ce rôle. Il chercha le regard d'Abigail avant de reprendre.

"Écoutes, je suis pas là pour t'engueuler, je suis juste inquiet parce que tu avais l'air plutôt passionnée par la musique il y a quelques temps. "

J'avais horreur de ce genre de convocation après les cours... Je n'avais qu'une envie, partir d'ici, retrouver ma chambre, même si Devon ne serait sans doute pas très loin. Etre seule, ou avec Chad, c'était tout ce que je demandais. M'expliquer sur mes mauvais résultats, sur mon absentéisme ou sur ce que je voulais faire de ma vie ne m’intéressait absolument pas. Qu'on me laisse tranquille! Je n'avais besoin de personne, et surtout pas de quelqu'un qui jugerait ma conduite ou mes baisses de notes! Je savais que je m'enfonçais, j'en étais bien consciente, et non, je ne le vivais pas bien. C'était bien plus facile d'être une élève modèle, les profs vous laissaient tranquilles, j'étais celle qui n'avait pas d'histoire, avant. Mais je savais aussi que je pouvais redresser la barre, simplement, aujourd'hui, je n'en avais pas la moindre envie.

Toutes mes certitudes s'étaient envolées depuis quelques mois, réussir mes études... mais pour faire quoi? C'était plus fort que moi, je n'avais pas envie de me battre contre moi même, j'avais baissé les bras, je n'avais plus envie de réussir. Je voulais juste que le temps passe, j'attendais les week end avec impatience, et il n'y avait plus que ça qui m'importait. Oui soyons honnête, je savais bien que j'avais un problème. Pourquoi m'être dégoûtée ainsi du lycée? de mes amis, que j'avais perdu petit à petit parce que je m'étais rapprochée de Chad. Oui, je savais que me désintéresser de mes études était très mauvais pour moi, et pour mon avenir. Mais je n'y arrivais plus.

Lorsque les professeurs voulaient me voir, je jouais la jeune fille dépassée, innocente, un peu idiote. C'était tout ce que j'avais trouvé pour leur faire passer la pilule, et surtout, qu'il me laisse tranquille. Mais Monsieur Carter, même s'il n'enseignait pas de matière principal, ne semblait pas décidé à se satisfaire de mes piètres excuses.

"Oui, on peut dire ça. Tes notes sont catastrophiques, tu es souvent absente, en retard, quand tu es là c'est comme si tu étais ailleurs, que ce soit au lycée ou en cours privé. Et ça ce n'est que dans mon cours, mais j'imagine que ça doit être à peu près pareil ailleurs. Ecoutes, je suis pas là pour t'engueuler, je suis juste inquiet parce que tu avais l'air plutôt passionnée par la musique il y a quelques temps. "

Son regard dans le mien, je ne pouvais éviter ses questions. Il ne me restait plus qu'à mentir, comme bien souvent en ce moment.

- Je... Je cherchais mes mots, fuyant son regard à présent. Je serrais un peu plus la pile de livres que je portais dans les bras et continuais avec un air un peu plus triste. J'ai des soucis personnels. Familiaux à vrai dire. Mes parents traversent une crise de couple, et je m'inquiète pour eux... je vais redresser la barre Monsieur, ne leur en parlez pas s'il vous plait, ils ont déjà assez à gérer avec tout ça.

Le fait de fréquenter des adolescents dans son travail vieillissait un peu Craig selon lui. Il avait l'habitude de tout faire pour garder une certaine distance et évidemment c'était assez difficile de dissocier vie scolaire et vie privée dans une petite ville telle que Great Falls. Il n'était pas rare que rumeur ou non, tout se sache, la communauté était plutôt bavarde. Même s'il n'écoutait pas ce genre de ragots, Craig ne pouvait pas constamment se boucher les oreilles. C'était sans doute ce qui le gênait le plus à Great Falls et une des raisons pour lesquelles il aimait beaucoup avoir de la diversité dans son boulot. Être juste le prof de musique du complexe scolaire de la ville l'aurait très rapidement ennuyé, il aimait aussi donner des cours particuliers et enseigner en dehors de Great Falls lui permettait de s'aérer un peu.

Le professeur de musique n'avait eut vent d'aucune rumeur concernant Abigail Cook et malgré son emploi du temps très chargé (réglé comme du papier à musique x), il avait décidé de consacrer quelques minutes de son temps à la jeune fille qui semblait perdre pied dans son cours. Qu'elle ne devienne pas une grande musicienne ne vexerait pas Craig, il savait bien que ce domaine demandait une passion sans limite afin de parvenir à en vivre, mais il ne pouvait pas s'empêcher de s'inquiéter lorsqu'il voyait des élèves changer du tout au tout de comportement sans véritable raison apparente. Il ne savait pas si son approche était la meilleure, mais il faisait de son mieux avec toute la pédagogie qu'il avait appris en étant le deuxième de six enfants.

Les excuses d'Abigail ne furent pas vraiment convaincantes à son écoute. Craig s'assit à califourchon sur une chaise face à l'adolescente, l'invitant à s'installer aussi.

"Je vais pas appeler tes parents, c'est pas mon rôle, je ne suis pas ton prof principal donc ne t'inquiètes pas. Je voudrais que tu saches que si tu as besoin de parler, je suis là, je veux pas jouer les donneurs de leçons, juste t'aider."

Mes excuses ne passaient pas vraiment auprès de Mr Carter, j’en avais bien conscience, mais je continuais à lui faire le numéro de la fille triste en espérant qu’il finisse par me libérer. Je n’attendais que ça ! Quitter cette salle pour passer aux autres cours de la journée et puis enfin rejoindre Chad ! Nous ne nous étions séparés que ce matin, mais il me manquait déjà. Ses bras glissant contre mes épaules, ses mains se serrant autour de ma taille alors qu’il glisserait sa tête dans mon cou et que ses lèvres déposeraient des baisers contre ma peau… Bref...! Peut être que c’est à cause de ses pensées que mon jeu d’actrice ne fonctionnait pas vraiment aujourd’hui…

Tout en essayant de me faire la morale, je vis le prof s’installer à la cool sur sa chaise et me désignant la chaise devant lui. J’allais devoir passer à des explications plus sérieuses… Poufff ! Je ne me gênais pas pour souffler, montrant ainsi ma lassitude, en m’installant, mes livres posés sur les genoux comme unique protection contre son blabla. Pas très efficace. Il faudrait bien qu’ils inventent ça, à l’occasion, comme application pour Iphone : Le filtre à baratin.

"Je vais pas appeler tes parents, c'est pas mon rôle, je ne suis pas ton prof principal donc ne t'inquiètes pas. Je voudrais que tu saches que si tu as besoin de parler, je suis là, je veux pas jouer les donneurs de leçons, juste t'aider."

Je ne m’inquiétais absolument pas. Si je devais m’en faire pour un truc, ce n’était surement pas sur ce qu’il pourrait dire à ma mère ou à mon père. Ils seraient de toute façon mis au courant de ma situation scolaire en recevant mon bulletin scolaire de fin d’année. Un peu plus tôt ou un peu plus tard… Quelle importance ?

Mais pourquoi ce prof s’acharnait-il à tenter de m’aider ? Je n’arrivais pas à comprendre ce qui pouvait le pousser à s’occuper de mon cas en particulier, plutôt que celui des autres cancres de la classe… Quelque chose m’échappait ? Je ne comprenais pas vraiment sa réaction.

- Je n’ai pas besoin qu’on m’aide ou qu’on essai de me sortir de cette situation familiale un peu difficile. Tous les ados passent pas là, je ne vois pas pourquoi je ferais exception ! Mais je vais bien…, merci de vous en soucier.

La lycéenne n’était pas très réceptive aux inquiétudes de Craig. Celui-ci se demanda un instant s’il ne perdait pas son temps à essayer de comprendre ce qui lui arrivait ces derniers temps. Il ne passait pas vraiment la plupart de son temps au complexe scolaire, n’étant qu’un intervenant extérieur, il n’était pas forcément la personne la plus indiquée pour conseiller et écouter la jeune fille. Pourtant, il voulait bien faire. Son instinct le pousser à croire qu’Abigail ne lui donnait pas des excuses valables. Il décida donc qu’une petite discussion s’imposait.

Craig s’installa sur une chaise et invita la demoiselle à en faire autant. Elle ne rechigna pas ouvertement mais n’y mit pas non plus tout son cœur. Après avoir expliqué qu’il voulait juste l’aider, Abigail se braqua et continua à lui servir un baratin bien calculé.

« Okay, si tu veux en rester là pas de soucis. »

Finit-il par dire jetant son regard sur le visage de la lycéenne, il essayait de lire dans son expression un détails qui lui confirmerait qu’elle avait bien besoin d’un coup de pied aux fesses pour avancer.

« Sache que je ne suis pas vraiment un prof comme les autres ici, je pourrais très bien n’en avoir rien à faire de toi, après tout tu n’es pas la seule au lycée à qui j’enseigne, quant aux cours particuliers, du moment que tes parents me payent, je pourrais très bien de laisser mariner dans la médiocrité. Mais tu vois, je voudrais pas que tu foutes ta vie en l’air sous prétexte de ce que tu appelles une mauvaise passe. T’es pas une fille stupide alors tu comprendras certainement que je veuille t’aider. »

En s’écoutant, Craig avait l’impression de parler comme son prof de solfège au primaire. C’était assez bizarre. Il voulait à la fois être un peu plus sévère tout en restant ouvert à la moindre réaction positive d’Abigail.

« Okay, si tu veux en rester là pas de soucis. »

- Oui, s'il vous plait, restons en là. Laissez moi m'échapper d'ici...pensais je.

Son regard vint se planter dans le mien, et je me sentis soudain très mal à l'aise. Est ce qu'il essayait de me sonder? Quelle attitude devais je adopter pour me sortir le plus vite possible de ce pétrin? Craig était plus jeune et plus ouvert que la plupart de mes autres profs, il me connaissait mieux que les autres, je sentais bien qu'il ne croyait absolument pas à ce que je lui racontais.

« Sache que je ne suis pas vraiment un prof comme les autres ici, je pourrais très bien n’en avoir rien à faire de toi, après tout tu n’es pas la seule au lycée à qui j’enseigne, quant aux cours particuliers, du moment que tes parents me payent, je pourrais très bien de laisser mariner dans la médiocrité. Mais tu vois, je voudrais pas que tu foutes ta vie en l’air sous prétexte de ce que tu appelles une mauvaise passe. T’es pas une fille stupide alors tu comprendras certainement que je veuille t’aider. »

Foutre ma vie en l'air... voila bien ce que Devon me disait à longueur de journée... enfin, ça c'était avant, lorsque nous nous parlions encore. Plus les jours passaient et plus le dialogue se rompait entre nous. Les disputes étaient devenues notre principal moyen de communication, et les reproches pleuvaient toujours. Et l'entendre parler de la même manière que Devon me fit réagir un peu plus violemment que je ne l'aurais souhaité. Je me levais, sans qu'il ne m'y ait autorisée, et me crispais involontairement, ma pile de livres serrée contre moi. Depuis quelques temps, je m'étais rendue compte que je contrôlais beaucoup moins bien mes émotions. Je pouvais avoir des excès de fureur, comme une crise de larmes, ou encore un moral d'enfer sans raison apparente, d'une minute à l'autre! Mais là, je connaissais la raison de mon énervement, et je sentais se former une boule dans ma gorge. J'en avais assez de m'entendre dire que je faisais les mauvais choix et que je faisais n'importe quoi de ma vie.

- Ne vous inquiétez pas pour moi Monsieur Carter, je ne fous pas ma vie en l'air. Merci encore de vous soucier de moi, mais je vais malgré tout plutôt bien. Mes soucis seront bientôt réglés et vous n'aurez plus vous en faire pour moi. Je vais remonter mes notes, vous allez voir.

Craig était impuissant face à Abigail. Elle se fermait comme une huître du moment qu'il lui proposait juste de l'aider. D'un côté, il voyait ainsi ce que ça donnait lorsque lui-même refusait de s'ouvrir aux autres bien qu'il soit plus dans la retenue. En bon professeur, le jeune homme ne voulait pas abandonner trop tôt. Il s'était installé pour faire comprendre à son élève qu'elle pouvait discuter, il lui avait peut être un peu trop forcer la main, après tout, elle était peut être une de ses élèves, mais Craig ne comprenait pas la gente féminine, c'était bien connu. Il suffisait donc de peu à Abi pour passer de l'élève à la femme incompréhensible pour Craig.

Il comprit donc rapidement qu'elle avait envie de fuir. Il ne savait pas si c'était une solution, mais il tenta le coup une dernière fois et employa les grands mots. Finalement, rien n'y faisait, la jeune fille se leva et sortie les mêmes sempiternelles excuses. A ce moment, Craig compris qu'il lui faudrait du temps pour qu'Abi voit en lui un allié. Il baissa les yeux et se leva à son tour avant de laisser la jeune fille partir tout en lui offrant un sourire qui se voulait réconfortant.

TERMINE