-Comment dire? Je suis carrément raide dingue de ce que vous faites!

Une après midi banale c'était assez vite dessinée dans l'horizon de Liv qui, sortant de cinq heures de cours sur l'art abstrait et les natures mortes, flânait dans les rues de Milwaulkee, un sandwich sans goût à la main. La jeune femme avait tenté de trouver un chauffeur parmi les étudiants qui suivaient les mêmes cours qu'elle, tout comme elle le faisait depuis la reprise des cours. Seulement, les promesses ne semblaient pas avoir grande importance aux yeux de l'inconnue qui avait proposé à Liv de la raccompagner et, finalement, l'avait abandonnée sur le parking. Bref, n'ayant nul envie d'emprunter, une nouvelle fois, un taxi mais sentant qu'elle y était contrainte, l'ex new-yorkaise repoussait au maximum le moment tend redouter du trajet jusqu'à Great Falls. Ce qui la dégoûtait le plus, c'était la présence de son permis de conduire qui la narguait au fond d'un tiroir de son bureau mais, sans voiture, il ne servait à rien. Seulement, l'achat d'une maison ayant été prioritaire à celui d'un véhicule, elle devait se contenter de transports en commun.

A cette heure, la ville était monotone et silencieuse ce qui ennuyait profondément Liv. Quel intérêt des boutiques sans brouhaha et des vendeurs ambulant sans clients aux remarques idiotes qui faisaient rire l'assemblée? Peut-être n'étais ce qu'une excuse à son addiction au shopping mais elle se disait que l'ambiance lui plaisait plus que les achats en eux même. Alors qu'elle s'appuyait contre un mur pour terminer son repas fade acheté excessivement cher dans un snack non loin de l'université, une affiche colorée l'interpella. A peine son regard posé sur la première ligne, l'étudiante était déjà intéressée, deux clichés plus bas, elle sentait une étrange adrénaline l'envahir, mélange de stress et de doute et, finalement, découvrant le nom du photographe ayant installé son exposition à deux pâtés de maison, elle retint un cri d'enthousiasme et s'en alla courant presque vers l'adresse indiquée.

C'est ainsi qu'après avoir retouché sa tenue devant la vitrine d'une agence de voyage et patienté un quart d'heure que le couple de bicentenaires qui s'accaparaient l'artiste soit partit, Liv lâcha sa fameuse phrase sans pouvoir s'en empêcher alors qu'elle avait passé l'heure durant laquelle elle avait admiré les clichés à se préparé un joli petit spitch bien poli pompeux.

-Vous êtes un grand photographe...et moi une gourde qui n'a aucun tact, je ne voudrais pas que vous aillez une mauvaise opinion de moi !

Liv s'embrouillait comme elle savait si bien le faire devant le photographe dont les clichés la faisaient rêver depuis quelques années déjà. Son père avait acquit toute une exposition de Noah deux ans au paravent et la jeune femme en avait décoré les murs de sa chambre chez son père, Le lieu ou elle se sentait stable et humaine. Plus que le robot qu'elle jouait, moins que celle qu'elle avait été et qu'elle regrettait, Là ou elle s'était sentie si bien dans un univers qui ne lui ressemblait pas, D 'ou son admiration pour ce photographe en particulier.

-Vous savez quoi? Je vais partir et puis je reviendrais...dans un demi-siècle, c'est bien ça!

Une expression déçue et fatidique sur le visage, Liv tourna les talons avec un dernier regard pour un cliché particulièrement vivant, son favoris. S'il n'y avait eu que ses phrases confuses, elle se serait tout simplement excusée mais son expression avait été presque enfantine, les visiteurs l'avaient fixée car elle parlait bien trop fort, cela dû à l'enthousiasme. Bref, un désastre.

Le destin peut-être intensément cruel. En une seconde il brise une vie comme en à peine plus de temps il peut en sublimer une autre. Liv s'était souvent demandée à quel point il pouvait s'acharner sur certain. Jusqu'où une existence pouvait être dévastée par des coups du sort. Elle n'avait jamais obtenu de véritable réponse et n'avait que sa propre expérience sur quoi s'appuyer mais cela lui semblait déjà bien suffisant. Elle n'aimait guère se considérer comme une grande désespérée, elle avait de quoi avoir une belle vie en comparaison à d'autres mais nier que le destin n'avait rien contre elle était un peu fort! Son père refusa de l'élever, sa mère devint dépressive, son adolescence se joua entre boites de nuits et une école de cité, sa vie sexuelle est un million de fois plus évoluée que celle affective et, au final, alors qu'elle tombe enfin dans les bras DU BON, de l'homme parfait, le Roméo de ses rêves...il fait tout tomber à l'eau. Il, elle, Liv est consciente d'un peu trop rejeter la faute sur lui mais puisqu’elle regrette amèrement son choix sans pouvoir revenir en arrière pour autant, elle se permet de rager sur Aaron. Au fond, vu l'effet qu'il a put avoir sur elle, il ne viendra pas lui reprocher cela! Great Falls se devait d'être un nouveau départ. Ces trois derniers mois avaient été parfaits, sans problèmes quelconques, sans difficultés aucunes. Il fallait que cela arrive avec lui.

Imaginez vous avec votre acteur préféré, si la photographie ne vous inspire guère. Il est merveilleux à vos yeux, évidemment, mais aussi inaccessible que la maison blanche - du moins d'en votre esprit. Par hasard, alors que votre journée est mal en point, vous le rencontrez. Enfin. Et vous vous brocarder avec suprématie. C'est une affaire à finir aux suicidaires anonymes pour le reste de votre morne vie! Et c'est ce qui s'ajoute à la liste de Liv. Une liste certainement dérisoire face à celle de l'univers mais elle se fout magistralement des malheurs du monde à ce moment précis.

- Attends !

Mais voilà. Voilà un simple mot. Un mot qui change tout.
Un léger sourire adoucit les traits de Liv tandis que ses pas résonnent avec moins de violence dans l'allée toujours déserte. Si elle ne s'arrête pas de suite, c'est qu'une centaine de questions se mêlent dans son esprit. De la plus banale à la plus intime, le simple mot prononcé par Noah est retourné dans tous les sens durant deux longues minutes durant lesquelles la demoiselle a finit par stopper sa fuite sans pour autant se retourner. Au finale, elle conclut qu'elle vient tout simplement de rêver. A la rigueur, il l'interpelle car il considère qu'un comportement si étrange doit être celui d'une voleuse qui s'est enfouie avec un de ses clichés. Si au moins elle avait eu cette idée!


- Un demi-siècle, t'es sûr ? Ça fait un peu long ...
Enchanté, je suis Noah.
Et si on rentrait pour discuter un peu ?

Puisqu'il la rejoint, l'ex new-yorkaise se retourne à moitié terrorisée, à moitié ravie d'avoir une nouvelle chance de lui parler. Lorsqu'elle le voit qui lui sourit sans tenter d'attraper son sac pour y trouver une photographie -inexistante, évidemment, Liv croit s'évanouir. Et pourtant, elle tient droite sur ses pieds et affiche toujours ce sourire ravi mais timide qui avait accueillit son appel. Il lui faut malgré tout un certain temps avant de pouvoir acquiescer. Elle n'a encore rien dit mais il semble clair qu'elle n'a nullement l'intention de retourner dans la galerie où elle ne serait qu'une sorte de bête de foire sans grand intérêt.

Liv ne saurait vraiment dire ce qui lui rendit une constitution habituelle, la parole et son tempérament bien à elle mais l'incroyable eut bien lieu avant que l'artiste ne s'enfuit d'ennuit.

-Ravie de vous rencontrer Mr Butler! (...) Je tente d'être polie au cas où cela vous semblerais impossible après ma crise de toute à l'heure...

Elle n'imaginait pas qu'il soit possible d'autant douter de ses paroles. Un sourire accompagnait malgré tout ses dires.

-Je m'appelle Liv et c'est presque vexant de vous entendre vous présenter! Je connais toute votre biographie mon cher!

Détendre l’atmosphère, un don du ciel qu'elle avait reçu avec le tact en moins!

-Plus sérieusement, je n'aime pas l'idée d'être observée avec les mêmes regards que tout à l'heure...Mais, puisque vous me laissez l'occasion de m'excusez sans attendre les cinq décennies à venir, je vais le faire avec grand bonheur!

Elle toussota théâtralement, un sourire amusé aux lèvres qu'elle voulait partager bien qu'elle regretta de suite son geste. Comme souvent. Il finirait par ne plus croire un mot de ce qu'elle allait lui dire.

-Je trouves que vous êtes un artiste incroyable et vous ne pouvez le nier! Observez le jeu des couleurs sur vos clichés, on oublie l'objet pour découvrir le sentiment...C'est fantastique! Je tiens à ce que vous acceptiez mes excuses quant à mon monologue et aux questions gênantes qui risquent peut-être de le suivre...

Oui, elle l'adorait! C'était une sensation abstraite mais elle ne doutait pas pouvoir la confesser sans trop se tromper dans son interprétation. Outre son travail que la demoiselle admirait et observait avec plaisir, ses réactions, la manière qu'il avait eut de la tutoyer instinctivement et la simplicité naturelle qui émanait de lui insufflait à Liv un enthousiasme inouïe face à cette rencontre. Cette conclusion faites, la jeune femme tenta de comprendre pourquoi il ne l'avait pas laissée partir, tout simplement. A New York, elle aurait mit sa réaction sur le compte de la fortune de son père mais ici, totalement inconnue, qu'est-ce qui avait bien put le pousser à s'occuper d'une "fan" parmi tant d'autres? Cela rendait la rencontre en un sens plus plaisante puisqu'elle réalisait pouvoir être retenue sans que cela ne tienne à ses liens de sangs mais, en un autre, elle était presque gênée de cette affaire.


Elle en avait eut des conversations avec de beaux inconnus depuis son arrivée à Great Falls et, comme elle avait ut le réaliser, il y avait tout d'abord un temps ou Aaron hantait ses pensées, ou chaque mots prononcés l'écrasait de culpabilité et puis une fase ou elle ne pensait plus qu'à se venger de celui qui avait brisé son rêve d'avenir. Celui qui l'avait forcée à fuir son monde. Celui qui lui arnachait encore des larmes malgré toute la haine qu'elle lui portait. C'était fort différent, à cet instant. Liv se sentait juste totalement bien et totalement nerveuse. Incroyablement heureuse, incroyablement loin de ce qu'elle était normalement.


Puisqu'elle avait finit par le suivre à l'intérieur, elle tenta d'afficher le maximum de dignité qui lui restait en une expression charmante et un sourire poli. Quelques regards et une grand-mère plus tard, ils reprenaient le fil de leur conversation.

- En tout cas, ça fait toujours plaisir de rencontrer des gens qui apprécient mon travail. Surtout d'aussi jolie rencontre.


Liv en sourit. Sincèrement. Elle se détendait enfin et ne réagit pas vraiment à la remarque. Enfin si, évidemment, une Liv qui se respecte ne pouvait que réagir mais elle ne s'enfuit pas en courant, les joues baignées de larmes de regrets. Une main qui retenait ses cheveux, un sourire et un regard charmant, elle prit une posture théâtralement sexy avant de se relâcher et de rire de bon coeur. Elle n'avait rien d'autre à ajouter.


Une bourgeoise hautaine et ridiculement maquillée s'approcha de Noah pour le complimenter. Liv allait s'éclipser discrètement le temps qu'il écoute et remercie son long monologue certainement peu original lorsqu'elle le vit la snober complètement. La femme disparut, outrée tandis que la jeune femme se retenait d'applaudir. Elle n'était pas du genre à apprécier les comportements injustes mais là, vu l'air de la dame, c'était parfaitement justifié, elle n'aurait pas fait mieux!

- Je ne veux pas jouer au faux modeste ... mais comment se fait-il que tu connais mon travail ? Je ne suis pas très connu et je ne suis pas le photographe le mieux côté de la région ...


-J'étudies l'histoire de l'art et j'ai donc été amenée à analyser plusieurs facettes de la photographie. Puisque mon père possédait une de tes collections, je m'en suis inspirée et j'en suis tombée amoureuse!


Liv réalisa une demi seconde trop tard ce qu'elle venait de dire. En soit, cela se rapportait aux clichés et cela aurait put passer comme anodin si la teinte des joues de la demoiselle ne la trahissaient pas cruellement. Elle regrettait, pour la première fois, son hypocrisie semble-t-il abandonnée à Big Apple qui lui aurait fait afficher un sourire charmeur qui aurait tout changé.
Elle fixa Noah presque paralysée de longues secondes avant de se mordre nerveusement la lèvre à tel point qu'une petite goutte de sang vint perler sur celle-ci. Elle enchainait les gaffes comme elle avait enchaîné les remarques piquantes à peine un an auparavant.


-Je suis désolée, tu me déstabilises!


Il était complexe de déceler l'humour dont elle avait voulut accompagner sa remarque mais elle espérait que son sourire plein d'excuses suffirait.

Au final, elle ne s'en sortait pas trop mal question journée sans intérêt, morose et déprimante. La matinée et leur rencontre avait mal commencées mais, en réalité, Liv accepterait un milliard d'autres journées de cours infernales simplement pour le recroiser et échanger quelques mots. A la rigueur, elle voulait même bien rejouer son monologue et sa fuite catastrophique s'il rejouait sa part. Le sentiment qui l'envahissait dès qu'elle croisait son regard la troublait. Vraiment. A quel point le comprenait-elle? A quel point voulait-elle le fuir? A quel point le rejetterait-elle? Elle ne se serait jamais posée ces questions s'il n'y avait pas eu Aaron. Soit, si elle ne savait pas à quel point succomber à cet infime frison pouvait vous faire tomber bas.

En même temps, tout cela restait un vague questionnement dans une part lointaine de son âme. A cet instant elle n'avait nullement la possibilité de réfléchir à autre chose qu’aligner correctement quelques mots. Liv l'observait pensive et, pourtant, on ne peut plus présente. Noah la fascinait. Plus que son travail, bien sur. Elle redécouvrait dans ses réflexions, a voix et chacune de ses attitudes ce qui l'avait fait accrocher à ses oeuvres. Seulement, avouer, ne serais-ce qu'à elle même, qu'elle tombait, lentement, amoureuse de tout ce qui pouvait le concerner, serait fort compliqué. Tellement de paradoxes se jouaient en même temps. Elle voulait l'embrasser et qu'il l'étreigne, elle voulait s'enfuir et oublier qu'elle l'avait rencontrer. Elle voulait ressentir, à nouveau, tout ce que l'amour pouvait offrir mais elle ne voulait plus entendre parler de ce sentiment qui l'avait détruite.

Liv avait peur de revivre une perte. Et, au final, plus parcqu'elle doutait d'elle qu'en les hommes. Elle n'avait plus confiance en ses réactions, en sa personnalité. Elle avait changé et n'assumait pas sa fragilité et tout ce qu'elle n'était plus. A cause d'une relation. Jusqu'ou tomberait-elle si elle se laisser aller à ce sentiment et qu'il la repoussait?

Au moment ou Liv se faisait jurer de ne plus penser Noah vint essuyer le sang qui avait perler sur sa lèvre. Aurait-elle voulut penser qu'elle n'aurait pas put, après ce contact son esprit était totalement vide, seul la merveilleuse sensation au contact de sa peau sur la sienne restait.

- Alors comme ça tu étudies l'histoire de l'art ? C'est super ça. J'ai toujours pensé que l'Art était la plus belle création de l'Homme. Et que s'y consacrer était passionnant. Si tu aimes la photo, on pourrait travailler ensemble ? ... Je serai ravi de te revoir

Puisqu'il s'était tourner vers l'exposition, Liv avait fait de même tout en haïssant ce qui se jouait en elle et la rendait tendue et pourtant gaga. Faisant de son mieux pour se détendre, elle fut aidée par la proposition du photographe. Elle avança de quelque pas pour se mettre à son niveau et observer certains clichés. Vaguement. Elle ne les voyait pas en réalité trop préoccupée par celui qui se tenait juste à coté.

-L'Histoire est une fort belle création aussi...ne put-elle s'empêcher d'ajouter. Mais bref, j'adorerais te revoir...

La demoiselle tourna vers lui un regard qui en disait long.

-Mais je n'ai que peu de connaissances en photo et puis il me reste deux ans d'études et...Mais si t'as besoin d'aide et que tu me fais confiance, je ne dis pas non.

Ses dires étaient on ne peut plus contrôlés et elle s'en félicitait vu la petite guerre qui se jouait en pensée mais sa voix avec quelque chose de fragile qu'elle ne se connaissait pas. Elle était la seule chose qui trahissait son manque de confiance en elle mais ce doute était inratable.

Ce qu'elle regrettait le plus dans son attitude c'est qu'elle se sentait parfaitement bien et, en un sens, détendue mais ne parvenait pas à le lui prouver contrairement à lui qui paraissait totalement à l'aise.

-J'adore...elle s'approcha d'une des photographies, celle qu'elle avait admirée un temps avant de fuir quelque minutes auparavant ce cliché! Il m'intrigue et me déstabilise!

Le rappel était calculé et elle échangea un regard amusé avec Noah. Elle avait été longtemps si franche que sa manière de faire comprendre les choses avec distance la surprenait. En même temps, elle n'avait rien au à perdre à New York, ici, à Great Falls, cela lui semblait si différent.