Lisa ignorait toute l’histoire concernant la relation Hannah/Callan. Tout ce qu’elle savait, c’était que Callan ne l’aimait pas elle, mais cette fille dont elle ignorait beaucoup. La situation avait été houleuse entre elles deux pendant un certains temps. Les deux fois à cause d’un ou de plusieurs verres de trop. La petite blonde s’étonnait d’ailleurs que le soupçon de son alcoolisme ne se soit pas davantage répandu.

Mais malgré tout ça, Callan était resté et avait voulu continué cette amitié. C’était difficile pour Lisa mais elle ne voulait pas le perdre. Elle s’en était rendu compte lors du silence radio qu’il lui avait imposé. Lisa avait essayé de lui en vouloir, mais elle n’y était pas parvenue plus de quelques minutes.

Ils s’installèrent finalement à table pour reprendre une conversation bien plus ordinaire.

« Oui, je fais une semaine à l’école et une semaine à l’auberge mais je suis qu’à l’auberge pendant les congés, du coup ça colle bien. » dit-elle toute heureuse à l’idée de recevoir Callan sur son lieu de travail.

Il se confia ensuite à elle concernant ses rapports avec son frère Julian. Lisa se souvenait que les deux Mars n’étaient pas particulièrement complices, elle ne connaissait pas bien Julian même s’il était sortit un moment avec Lauren sa meilleure amie. Cal’ commença à en parler, ne pouvant rendre Lisa plus heureuse.

« Oui, j’imagine. »

Elle proposa un muffin à Callan tout en l’incitant à se confier davantage.

« Et oui, comme d’habitude. » dit-elle à propos des gâteaux avant de sourire. Callan expliqua alors la situation à Lisa concernant son frère et une mystérieuse fille. La curiosité de Lisa était piquée au vif mais elle n’avait pas l’intention de jouer les commères. Pas avec son ami.

Lisa connaissait la situation de la famille Mars et elle pouvait comprendre qu’il s’agisse d’un sujet difficile pour lui.

« En effet, c’est bizarre. Et vous avez eut l’occasion de vous confronter à elle tous les deux en même temps ? »

Elle lisait le trouble dans le visage de Callan.

La conversation qui débute ensuite est effectivement beaucoup plus « simple », mais leur permet sans nul doute de renouer avec leurs habitudes passées. Callan sait parfaitement qu’il peut compter sur Lisa, et il n’a qu’une envie : lui faire comprendre qu’elle peut se reposer sur lui également. Il décide donc de lui faire savoir qu’il lui rendra certainement visite à l’auberge des Andrews. Il veut lui montrer qu’il s’intéresse à elle, et la soutenir dans ses choix, d’autant qu’il sait que celui-là n’a certainement pas été des plus simples. Il remet en question tout son avenir, ça n’est pas rien… !

Parfait !

Répond spontanément le jeune homme, dans un sourire franc, avant qu’il ne soit finalement question de lui. L’étudiant n’hésite pas à faire comprendre à Lisa qu’il est soulagé que les choses se soient arrangées avec son frère. La situation s’est bien améliorée entre eux deux, si bien que partager la maison familiale n’est plus une tâche aussi compliquée qu’avant.

Lorsque son amie lui confirme que c’est bien elle qui a réalisé ces muffins, le jeune homme ne peut qu’afficher un air heureux, avant de plonger sa main dans le sachet pour en prendre un. Il aurait sans doute été moins enthousiaste si elle ne les avait pas faits elle-même – il faut dire que les siens sont tout à fait délicieux. Cela dit, accaparé par leur discussion et par ses explications, Callan ne mord pas à pleines dents dans le gâteau pour le moment. La discussion n’est pas simple pour lui, d’autant qu’il y parle de son père, un sujet qu’il n’a jamais aimé évoquer, et qui a même souvent tendance à l’énerver pour tout dire. Heureusement, ce n’est pas sur lui que la conversation se porte, mais bel et bien sur cette fameuse Jordan. Lisa l’interroge en effet sans plus tarder à ce propos, pour connaître la suite de l’histoire.

Julian avait son numéro, il a essayé de l’appeler mais elle n’a pas répondu. On n’a pas essayé de la re-contacter après, parce qu’on craignait que ça lui mette la puce à l’oreille, et depuis j’ai été pas mal accaparé par mes études, on n’en a plus trop reparlé lui et moi…

Les deux frères cogitent certainement chacun de leur côté, mais n’ont pas osé pour le moment évoquer de nouveau cette histoire ensemble. Ils avaient certainement besoin de digérer la nouvelle. Cela dit, Callan compte toujours confronter Jordan, à un moment ou à un autre. Reste à savoir quand. En attendant, pensif, le jeune homme regarde le muffin qu’il tient dans ses deux mains. Avec tout ça, il en aurait presque oublié la méchante brûlure qu’il s’est faite à la main un peu plus tôt.

Il fallait remettre le pied à l’étrier, déclenché cette discussion n’avait été qu’un mal pour un bien finalement puisque les deux amis parvenaient désormais à reprendre leurs marques et leurs habitudes passées. Lisa annonça à Callan son changement de voix universitaire et son nouveau job par la même occasion, ce que Cal’ approuvait. Il savait sans doute à quel point Lisa avait besoin du soutien de ses amis. Il promit d’ailleurs de venir lui faire un coucou à l’auberge dés qu’il aurait un peu de temps.

Ne voulant pas monopoliser la conversation, Lisa retourne la sempiternelle question du quoi de neuf à Callan. Comprenant que les choses s’étaient arrangées entre Callan et Julian, Lisa ne pouvait que se réjouir pour eux deux. Elle savait à quel point une fratrie unie pouvait être merveilleuse même si la sienne n’était pas liée par le sang, c’était du pareil au même. Tout en grignotant son muffin alors que Cal’ n’avait toujours pas gouté au sien, la jeune fille tendit son oreille la plus attentive à propos de l’histoire que lui racontait son ami.

Il évoquait son père et connaissant la situation familiale de Callan, Lisa ne pouvait que se montrer délicate dans ses questions.

« Tu crois qu’elle pourrait être … »

Être qui ? Lisa ne savait pas vraiment donner de mot pour ce qu’elle imaginait sur cette fille. L’histoire était louche, c’était certain et à ce moment précis, Lisa aurait voulu avoir une réponse à donner à Callan, mais elle n’en avait aucune. Le silence s’installa tandis que le garçon regardait son muffin, les yeux un peu vagues.

« Je te rassure, j’ai pas mis d’arsenic dedans! » dit-elle en plaisantant cherchant un peu à dérider le jeune homme si sérieux.

Callan s’efforce de ne plus songer à leur conversation précédente, essentiellement parce qu’il aimerait désormais passer un moment en toute simplicité avec Lisa, comme ils en avaient l’habitude par le passé. C’est essentiel pour lui, et ça l’est sans doute pour elle aussi. Lisa lui a bien fait comprendre les sacrifices qu’elle était prête à faire pour leur relation amicale, signe que c’est quelque chose d’important pour elle. C’est d’ailleurs ce qui pousse l’étudiant à lui faire part de son soutien, quant à son choix de cursus universitaire.

Plus que de parler comme ils en avaient l’habitude, le musicien en arrive finalement à se confier à Lisa. Il reste assez vague pour ce qui concerne sa relation avec Julian, parce qu’il n’a pas envie d’impliquer son amie à toute cette histoire compliquée. Par contre, il n’hésite pas à lui en dire davantage sur la situation avec Jordan, parce qu’il a besoin d’en parler, et parce qu’il sait qu’elle sera de très bons conseils. Pourtant, Cal’ n’a pas forcément l'habitude de faire appel aux autres, ni d’ouvrir son cœur, mais il a envie de s’impliquer dans sa relation avec Lisa, et de lui donner peut-être un peu plus qu’avant. Il aimerait lui faire comprendre tout ce qu’elle représente pour lui.

La jeune femme à ses côtés ne lui pose pas de questions directes, et fait preuve d’une certaine délicatesse. Il n'empêche que Callan se sent soudainement un peu perdu. Il faut dire qu’il ne s’explique pas cette situation avec Jordan, et que l’évocation de son père a toujours cet effet sur lui. Relevant son regard un peu triste vers Lisa, il lui donne finalement réponse :

Moi j’ai tout de suite pensé à une sœur. Elle est dans nos âges, et physiquement… elle nous ressemble, à Julian et à moi ! Bon, ça saute pas aux yeux, mais en tout cas c’est pas une blonde aux yeux bleus de 2 mètres, tu vois…

Parfois, il a vraiment l’impression de se faire des films, et à d’autres moments, il sent vraiment qu’il a vu juste. En tout cas, il sait que pertinemment que son père serait capable d’une chose pareille, d’avoir une seconde vie, ou tout simplement d’avoir semé ses « graines » un peu partout dans le pays… Son sourire réapparaît lorsqu’il entend la plaisanterie de Lisa, quant à son muffin.

Faut bien que je le savoure, c’est pas tous les jours que tu me fais à manger !

S’exclame-t-il, taquin, avant de lui adresser tout de même un sourire tendre, et de donner un coup de dents dans le gâteau ~

Finalement, leur relation reprenait un cours normal, ce qui ne déplaisait pas tant à Lisa. La jeune femme voulait en finir avec la frustration et la jalousie tout autant qu’avec le sentiment de honte qu’elle se trainait alors que leur histoire avait été trainée sur la place publique. Elle se sentait même rassurée de voir Callan se confier à elle aussi facilement.

Lisa l’écouta attentivement tout en dégustant le petit-déjeuner improvisé. Cette histoire de fille débarquée de nulle part l’intriguait vraiment, d’une part parce qu’elle touchait son ami, d’autre part parce que Callan savait ménager son suspens. La bouche de Lisa s’entrouvrit pour proposer une solution au mystère, mais rien de vraiment concluant n’en sortit.

« Une sœur ? Tu penses ? Tu crois que ton père … qu’il aurait pu l’envoyer pour prendre contact avec vous ? »

C’était un peu tiré par les cheveux, mais c’était la première chose à laquelle avait pensé Lisa. Elle avait toujours eu du mal à comprendre qu’un homme puisse être lâche au point d’abandonner ses propres enfants mais n’étant pas vraiment familière avec cette situation, la pauvre petite avait tendance à laisser son imagination être guidée par les romans et films dramatiques qu’elle pouvait croiser. Cela dit, le fait que cette fille soit une demi-sœur des fils Mars semblait tout à fait vraisemblable. Mais si c’était le cas, que venait-elle faire ici ?

Lisa voyant son ami absorbé dans le vague, chercha à la ramener à la réalité sans dureté avec une petite plaisanterie. La remarque de Callan lui arracha un rire tandis qu’elle le regarda avec fierté mordre dans son muffin (a).

« Tu parles, j’t’oublie rarement quand je fais des douceurs, tu vas pas te plaindre non plus ! » ajouta-t-elle en souriant.

Callan ne s’explique toujours pas vraiment ce qu’il ressentait encore quelques minutes en arrière, mais il n’en est plus vraiment là désormais. En effet, la conversation qui suit lui change radicalement les idées, et pas forcément dans le bon sens. Se confier n’a jamais été dans ses habitudes, mais il tient à le faire auprès de Lisa, d’autant qu’il sait qu’elle sera une oreille attentive, et qu’elle pourra peut-être même le conseiller. En parler, qui plus est, lui ôte un poids des épaules. Ce n’est pas si désagréable que ça au final, d’autant que son amie prend des gants avec lui. Elle fait preuve de délicatesse, sans doute parce qu’ayant conscience de la complexité de la situation. Lorsqu’il parle de son père, le jeune homme est souvent abattu, mais aussi, et surtout, en colère. C’est peut-être le seul sujet qui serait capable de lui faire perdre ses moyens, de le faire sortir de ses gonds ~

Ouais, je pense.

Souffle-t-il, en hochant légèrement la tête. Sa mâchoire se resserre quand il est question de son père. Serait-il capable d’une chose pareille ? Callan, le regard beaucoup plus sombre, acquiesce alors. Il observe son amie.

Je ne connais pas cette fille, je ne sais pas de quoi elle est capable, mais en tout cas venant de mon père, rien ne pourrait me surprendre.

C’était peut-être de la paranoïa pure et simple, mais c’était une possibilité que le jeune homme n’avait pas écarté pour autant. La gorge nouée, l’étudiant pose finalement les yeux sur le muffin qu’il tient entre ses deux mains, et qu’il n’a toujours pas entamé. La remarque amusante de Lisa l’aide à se détendre, et même à faire un brin d’humour.

J’estime que tu pourrais m’en livrer tous les matins !

Répond le jeune homme, sur le ton de la plaisanterie. Une fois la première bouchée du gâteau avalée, le musicien ne peut reconnaître que le grand talent de son amie.

Un délice ! S’exclame-t-il, en en reprenant une bouchée. Dès qu’il n’a plus la bouche pleine de nouveau, Callan demande, dans un autre sourire, et en posant son regard sur Lisa : Combien de temps, pour que l’arsenic fasse effet ? ^^

Parfois un peu fofolle et égo-centrée, Lisa mettait tout de même un point d’honneur à être une très bonne amie. Elle y travaillait tous les jours, cherchant à apporter sa bonne humeur et son oreille et son soutien à chacun de ses amis. L’amitié était vraiment importante pour Lisa, une famille que l’on choisit, des gens sur qui on peut compter en toute circonstance, voilà pourquoi elle ne pouvait pas se résoudre à abandonner Callan.

Le sujet était délicat. Rarement Lisa avait entendu Cal’ évoquer son père, mais cete fille mystérieuse semblait bien lui être rattaché.

« Peut être bien qu’il n’est pas derrière tout ça, peut être qu’elle est comme vous, en un peu plus perdue. Je veux dire, Julian et toi n’êtes peut être pas les parfaits frères, mais vous pouvez au moins compter l’un sur l’autre, elle est peut être toute seule. »

Lisa divaguait un peu sur le sujet cherchant plus à aider Cal’ à trouver un début de réponse aux questions qu’il se posait.

Elle n’était pas en reste pour essayer de le divertir, plaisantant sur ses pâtisseries. Lorsque Callan suggéra qu’elle pourrait au moins le livrer tous les matins, Lisa voulut plaisanter sur le sujet disant qu’il aurait eu droit à ça s’ils s’étaient mariés. Mais elle décida qu’il était trop tôt pour faire des plaisanteries de ce goût, trop tôt pour elle.

« Mais bien sûr, à vos ordres maîtres ! » dit-elle finalement avec ironie tout en faisant une mini révérence.

Il finit par y gouter sous les yeux attentifs à la moindre réaction de Lisa. La blague sur l’arsenic la fit rire avec joie.

« Tu ressentira les premières douleurs après que je sois partie le temps que je trouve un alibi. » dit-elle toute sérieuse.

Avant de rencontrer Lisa et de se lier d’amitié avec Ryan, Callan était un grand solitaire. Il avait constamment la tête dans le guidon et ne pensait qu’à ses études. Au contact des autres, et de ces deux amis tout particulièrement, le jeune homme a découvert les richesses de l’amitié. C’est encore un concept un peu flou pour lui par moment, parce qu’il a tout simplement peur de mal faire. Il ne connaît pas les « codes » de ce genre de relations sur le bout des doigts, mais il veut faire de son mieux, tout spécialement avec Lisa, et l’année difficile qui vient de se dérouler pour eux deux.

La conversation n’est pas simple car elle pousse le jeune homme à parler de son père. Même s’il n’entre pas complètement dans le vif du sujet, le simple fait de le mentionner dans une discussion le met à fleur de peau. C’est systématique.

C’est une possibilité.

Répond le jeune homme, avec sérieux. Il a envisagé pas mal d’explications possibles depuis qu’il connaît l’existence de cette fille. Il n’empêche que quelque chose lui reste en travers de la gorge, et ça se sent quand il en parle.

Mais dans ce cas, pourquoi nous raconter de tels bobards, hein ? Elle est peut-être toute seule, mais ça excuse pas ce qu’elle a fait.

A la base, Callan n’est pas si rancunier, mais pour le coup, ça le touche tout personnellement, lui et toute sa famille d’ailleurs. Et ça, c’est trop pour lui. Sa famille, c’est sa priorité, et elle le sera toujours ! Et il se sent trahi par Jordan. Heureusement, la blonde à ses côtés parvient à le divertir, avec son habituel sens de l’humour, et son beau sourire. Du coup, l’étudiant parvient à se détendre, il se met même à rire quand Lisa lui fait une petite révérence.

Je préfère ça !

S’exclame le jeune homme, le front plissé, et l’air faussement sévère. Tout en continuant de manger, il interroge la blonde sur l’arsenic qu’elle a mis dans son muffin. L’attitude de Lisa l’amuse, l’aide à se changer les idées. Elle est si sérieuse pour finir qu’il pourrait presque commencer à se poser des questions ! Heureusement, il sait que son amie ne lui veut aucun mal, malgré tout ce qu’elle a enduré par sa faute depuis des mois.

Tu connais sans doute pas Audrey Hilley ? Elle était originaire de l'Alabama. C’était une femme super souriante et très entourée, comme toi ! Elle a tué trois personnes de sa famille à l’arsenic, et elle en a empoisonné sept autres je crois ! Elle a jamais su expliquer pourquoi ! XD

Oui, Callan avait souvent ce genre de petites anecdotes tout à fait… réjouissantes o/

En fait l'empoisonnement est une méthode utilisée très couramment par les meurtrières.

Callan ne devrait pas s’inquiéter d’être un bon ou un mauvais ami. Il était un ami, c’était déjà énorme, et ça comptait beaucoup pour Lisa. Bien sûr elle attendait plus, mais cela ne voulait pas dire qu’elle ne pourrait pas, avec le temps promis, se contenter de ce qu’elle avait. Et puis, ne serait-ce qu’en se confiant ainsi sur un sujet sensible comme celui de son père, Cal’ prouvait bien qu’il avait confiance en elle et en son jugement. Lisa essaya d’ailleurs d’orienter sa réflexion cherchant à l’aider même si elle n’avait aucune idée de ce qui pouvait se passer dans la tête de cette fille.

« J’en sais rien, elle a peut être la trouille de votre réaction. » dit-elle posément sans porter de jugement ni sur la réaction de Callan, ni sur les possibilités d’agissement de cette fille en question.

« Il doit y avoir une explication à tout ça, peut être qu’elle vous laissera tranquille dés que vous aurez eue cette explication… » Proposa-t-elle à nouveau cherchant le regard de Cal’.

Lisa sentait bien qu’il avait du mal à contrôler ses émotions sur ce sujet là, et elle ne pouvait pas lui en vouloir. Au contraire, elle chercha naturellement à l’apaiser, et pour cela, quoi de mieux qu’une petite plaisanterie ?

Lorsque Callan sortie l’une de ses petites anecdotes morbides du matin, Lisa ouvrit les yeux ronds comme des billes. Elle finit par pousser un petit sourire ironique sur ses lèvres.

« Ah, Audrey, mon maître à penser. » lança-t-elle dans un long soupir.

Elle venait à peine d’apprendre l’existence de cette femme, mais autant la jouer meurtrière jusqu’au bout.

« C’est pour ça que j’aime tant la cuisine tu sais, j’apprends à perfectionner le gout de mes plats pour que ceux que je tuerais avec ne sentent rien arriver. »

Lisa termina ensuite avec un petit rire diabolique tout en portant la tasse de café en carton à ses lèvres.

Callan a envisagé bien des possibilités, pour justifier le comportement de Jordan, mais l’avis de Lisa est toujours bon à prendre. Il est même précieux à ses yeux. Acquiesçant, l’étudiant écoute la jolie blonde, mais ne s’avère pas aussi diplomate qu’elle pour finir. Il a un peu de mal à accepter les mensonges de cette fille, et à lui trouver des excuses. C’est encore trop tôt, d’autant qu’il ne peut s’empêcher de relier cette Jordan à son père, cet homme qu’il déteste et qui réveille en lui un agacement certain.

Je n’accepte pas qu’elle nous ait menés en bateau.

Souffle le jeune homme, avec sérieux. Il veut bien lui donner le bénéfice du doute, mais de là à l’excuser, certainement pas. Il faudrait déjà qu’ils aient eu une explication, comme l’indique Lisa par la suite. Callan hoche la tête.

On devrait peut-être essayer de la recontacter, t’as raison. J’en parlerai à Julian.

L’étudiant ne sait pas quoi ajouter de plus sur la question. En tout cas, tout ça le retourne, et pas qu’un peu, à tel point même qu’il ne parvient pas réellement à camoufler ses émotions. Heureusement, il peut compter sur Lisa, mais cette fois dans un tout autre registre, puisque la jeune femme parvient finalement à le faire rire. Toute cette discussion pousse Callan à lui raconter une petite anecdote, qu’il sort tout droit, bien sûr, de ses études de criminologie. La réaction de son amie lui arrache un énième sourire. Elle aurait fait une grande actrice ! Même dans le rôle de la meurtrière froide et sans cœur, Lisa parviendrait presque à être crédible.

Tu me donnes froid dans le dos !

S’exclame le jeune homme, sans la quitter des yeux.

C’est vrai, tu serais presque crédible !! T’as déjà fait du théâtre ?

Demande-t-il, par simple curiosité, et en imitant le geste de la jeune femme, à savoir porter son gobelet de café jusqu’à ses lèvres.

Les méninges de Lisa travaillaient plein gaz pour essayer d’imaginer tout ce qui avait pu se passer dans la tête de cette fille, mais les éléments réels étaient minces et elle n’avait pas la capacité d’enquêtrice de Callan. Enfin, elle faisait de son mieux pour l’aider et ça semblait déjà être beaucoup puisqu’il prenait en compte ses conseils.
Il était aussi impliqué sentimentalement, voilà en quoi elle pouvait l’aider, à se détacher un peu de tout ça et à considérer ce mystère comme un parmi tous ceux qu’il devait étudier à la fac.

« Oui, ça vous coûtera rien. » dit-elle sérieuse avant d’afficher un léger sourire.

« Et puis, je peux te débarrasser des cadavres au pire, mon père aurait besoin d’engrais dans ses champs. »

Lisa plissa le nez, rit un peu et bu une nouvelle gorgée de son café. Il faudrait qu’elle arrête de se faire passer pour une psychopate ou c’est elle qu’on finirait par accuser pour tous les maux de Great Falls. Mais Callan ne voulait pas quitter ce jeu et elle en rajouta encore une couche, jouant à la perfection le rôle de l’aliénée. Enfin, elle réussit à le faire rire, c’était ce qui comptait le plus pour elle. Cal’ la complimenta d’ailleurs sur son jeu d’actrice, lui demandant si elle avait déjà fait du théâtre.

« Non, jamais mais c’est pas la première fois qu’on me fait la remarque, c’est pas cuisinière que je devrais devenir, c’est actrice. » ajouta-t-elle dans un élan de fausse prétentieux.
Elle releva alors un coin de son sourire jusqu’à bomber sa pommette rose, flattée.

« Je vais peut être essayé tiens, qui sait, ça peut m’aider à me canaliser. » dit-elle très sérieuse. Après tout, pas besoin de rêver à la célébrité pour faire un peu de comédie.

Callan a déjà essayé de s’expliquer les agissements de Jordan à bien des reprises. Il a l’impression d’avoir envisagé toutes les possibilités dans sa tête, mais en règle générale, c’est au feeling, à l’intuition, qu’il préfère se fier. Ce n’est pourtant pas très terre-à-terre, mais le jeune homme a une sorte de « sixième sens » pour ce genre de choses. C’est comme ça d’ailleurs qu’il en est arrivé à se dire que Jordan n’était peut-être pas qu’une cousine. Il ne se l’explique pas, mais cette impression est plus forte que toutes les autres. Pour le reste, par contre, il y voit encore un peu flou. Il ne peut s’empêcher de l’associer à son père, ce qui l’agace pour tout dire. Cet homme ne lui inspire rien de bon, et il n’a pas envie de le voir faire son come-back dans sa vie, ou dans celle de Julian…

J’ai parlé de la confronter, Lis’, pas de la tuer ! XD

Lui rappelle Callan, avant de partir à rire. Non, vraiment, son amie commence à lui faire peur. Bon, pas sûr qu’elle ait le profil de la parfaite psychopathe, mais ses dires pourraient presque porter à confusion si le jeune homme ne la connaissait pas aussi bien. D’ailleurs, il ne tarde pas à le lui dire ! Il lui demande même dans la foulée si elle n’a pas fait du théâtre par le passé. Elle aurait certainement fait une très bonne comédienne.

Ah non, hors de question ! Hollywood c’est beaucoup trop loin, moi j’ai besoin de toi ici ! Sinon qui m’apportera des muffins et du café le matin, hein ?

Lui demande le jeune homme, le plus sérieusement du monde, avant d’esquisser un sourire. Ce ne sont évidemment pas les gâteaux de Lisa qui lui manqueraient le plus si la belle blonde décidait de quitter la ville. En fait, la jeune femme fait partie des raisons qui poussent Callan à reconsidérer sa décision de quitter Great Falls après l’obtention de son diplôme.

C’est vrai que ça te ferait pas de mal… (a)

Murmure-t-il pour finir, taquin. Craignant tout de même que Lisa le prenne mal, et s’inquiétant d’être allé trop loin, Callan s’empresse de rajouter un petit « je plaisante », dans un sourire bienveillant, avant de reprendre une gorgée de son café, devenu tiède désormais. De toute manière, il l'a presque terminé.

Un peu tarée, oui, on pouvait considérer Lisa ainsi, cela dit, c’était un vrai compliment à ses yeux. Lisa Desmond n’était pas le genre de fille à s’encombrer de la bienséance, elle était polie et correcte, mais dés qu’elle en avait l’occasion, elle préférait faire le pitre. Cela dépendant de son humeur cependant. S’il était plus que souvent au beau fixe, il lui arrivait de broyer du noir, n’est-ce pas… Dans un sens, ça la rassurer de pouvoir à nouveau plaisanter ainsi avec Callan, elle retrouvait leur complicité passée et se sentait de plus en plus à l’aise alors que les minutes passaient.

Elle resta tout de même sérieuse lorsqu’il évoqua le souci qui le turlupinait ces derniers temps mais se permit une petite blague au moment où la discussion se termina.

« Oui, oui, je dis juste ça au cas où… »

Elle exagérait naturellement les expressions de son visage lorsqu’elle s’amusait. Lisa savait bien qu’il n’y aurait aucun meurtre nulle part, en tout cas pas un impliquant Callan.
Ces petits canulars orientèrent la conversation sur la carrière ratée de comédienne de Lisa.

« Ah ouais, tu t’habitues un peu trop vite toi ! » dit-elle en finissant son gobelet de café et replongeant la main pour prendre un autre muffin.

Lisa expliqua alors très sérieusement qu’elle avait pensé prendre des cours de théâtre pour se canaliser un peu et Callan rebondit là-dessus pour confirmer. Elle fit mine d’être vexée un instant avant de reprendre son sourire habituel.

« Et puis, je vais pas partir à Hollywood, c’est plus facile de devenir une star ici. » ajouta-t-elle faussement prétentieuse.

Le jeune homme est lui-aussi content de pouvoir constater que leur complicité n’a pas disparu. Qui plus est, il arrive à se confier à Lisa sur un problème qui occupe beaucoup ses pensées dernièrement : le cas Jordan Mars. Il tient à l’évoquer avec elle, parce que l’étudiante a toujours été de bons conseils, parce qu’il ressent le besoin d’en parler, et de mettre de l’ordre dans ses idées – mais aussi parce qu’il veut se sentir proche de Lisa à nouveau. Il sait que leur relation ne sera peut-être plus jamais la même désormais, mais il veut mettre toutes les chances de son côté pour leur permettre d’être liés à nouveau, d’une manière ou d’une autre. Il ne veut pas la perdre. Elle est trop chère à son cœur ! Très importante.

Oui, après tout, on sait jamais.

Répond Callan, qui décide de rentrer dans son jeu, en prenant un faux air sérieux. Il n’a pas besoin de se forcer pour ça, c’est un peu la tête qu’il tire naturellement en fait (a)

En tout cas, merci. Ça compte énormément pour moi de savoir que tu serais prête à couvrir les preuves d’un meurtre pour me sauver la mise.

Ajoute le jeune homme, toujours du même ton, avant de décrocher un sourire, en entendant les propos de son amie ensuite. Il trouve bien vite une réponse à lui fournir :

On s’habitue vite aux bonnes choses !

Ce n’est pas nouveau, Callan a toujours raffolé des pâtisseries de la jeune femme. Qui plus est, le petit déjeuner qu’il avait prévu initialement s’est terminé en catastrophe. Il s’est même brûlé au passage. Autant dire, donc, qu’il ne serait pas contre l’idée de se faire livrer café et muffins tous les matins. Bien sûr, cela ne pourrait pas se reproduire si son amie partait faire carrière à Hollywood ! Et c’est ce dont il est question par la suite. Toujours pour rire, bien évidemment. De toute manière, la jolie blonde n’envisage pas de partir là-bas, mais plutôt de devenir une star ici, à Great Falls.

Disons que c’est un rêve plus… accessible !

Répond Cal’, avant d’esquisser un sourire tendre en direction de son amie.

Les efforts de Callan et ceux considérables de Lisa leur permettait de retourner un peu à leur relation originelle. Elle en était plutôt fière mais savait aussi que tout n’était pas gagné. Pour le moment elle souriait encore et ne prévoyait pas encore de coup de blues, mais il viendrait. Parce que ce n’est pas si évident de faire taire son cœur.

Enfin, elle se sentait proche, plus proche encore depuis qu’elle avait pu donner conseils et avis sur ce qui chagrinait Cal’. Lisa n’était peut être pas la meilleure conseillère, la plus fine psychologue, mais elle faisait toujours en sorte de se montrer ouverte et de bonne écoute. Elle savait aussi dédramatiser les choses et se permit de plaisanter sur le sujet pour aider Callan à l’aborder plus calmement. Le garçon rentrant finalement dans le jeu, Lisa sourit en plissant le nez et lui fit un clin d’œil.

« Toujours là ! »

Oui, elle serait toujours là s’il avait besoin d’elle, après tout, c’est ce qui se fait avec ses amis.

Le mot de Cal’ suivant était un joli compliment envers le talent de cuisinière de Lisa, elle rougit légèrement et se contenta d’un sourire pour le remercier changeant par là de sujet pour traiter de son talent de comédienne. Lise était plus à l’aise lorsque les choses n’étaient pas sérieuses, elle n’y pouvait rien, c’était son mécanisme de protection.

Elle le rassura lui disant qu’elle ne partirait pas si loin de Great Falls. Et puis sincèrement, qu’irait-elle y faire ? A part une petite visite ?

« Ouais, mais le cinéma devra se passer de mon talent, j’ai commencé dans la cuisine, j’y reste. »

Elle répondit au sourire de Callan, le regard pétillant.

Callan sait pertinemment qu’il ne suffira pas d’une discussion autour de cafés et de muffins pour tout oublier, et repartir du bon pied. L’année qui s’est écoulée a été très tumultueuse du côté de la relation des deux amis. Tout ne pourra pas se résoudre en un claquement de doigt, et l’étudiant en est conscient. Il est tout de même content de constater que Lisa et lui sont tout aussi capables qu’avant d’avoir une conversation, à la fois simple par certaines côtés, mais sérieuse aussi par d’autres. Leur complicité n’a pas complètement disparu. Ça lui donne, donc, un espoir quant à la suite de leur relation ; et c’est très important pour lui. Il n’a vraiment pas envie de la voir sortir de sa vie. Elle compte énormément à ses yeux, sans doute plus qu’elle ne l’imagine d’ailleurs.

Son clin d’œil, sa manière d’être, font rapidement sourire le jeune homme. Il est touché par les mots qu’elle lui dit ensuite. Cela dit, même s’il sait qu’il peut compter sur Lisa, il ne veut pas trop non plus se reposer sur elle. Il sait qu’il ne doit pas être trop étouffant, trop présent dans sa vie. Et puis, de toute manière, il préfère rester sur une discussion légère.

J’en ai de la chance !

Se contente-t-il de répliquer, donc, en détournant les yeux. Il est cela dit parfaitement sincère. Après lui avoir glissé un compliment sur sa cuisine, le jeune homme évoque les talents de comédienne de son amie. L’étudiant lui parle de conquérir Hollywood, mais Lisa semble avoir un rêve plus accessible. Callan esquisse un sourire tendre dans sa direction. Il aime voir ses yeux pétiller, et il aime tout autant l’engouement dont elle fait preuve en évoquant cette passion.

Tant mieux alors ! Il était temps qu’une star résiste un peu aux faveurs hollywoodiennes !

Le jeune homme humecte ses lèvres, puis se redresse, et attrape les gobelets vides de leurs cafés, et autres papiers qui trainent sur la table, pour les jeter dans la poubelle. La conversation entre les deux amis se poursuit alors, toujours dans la plus grande simplicité. Callan jettera finalement un regard plus serein sur leur relation. Il n’est pas mécontent que Lisa lui ait fait cette surprise ce matin, elle aura sans nul doute été le soleil de sa journée.

Fin de la scène