Les courses, c’est pas tout à fait l’activité préférée de Peter. Il aurait préféré aidé sa grand-mère à d’autres travaux dans la maison mais avec sa convalescence, pas le choix, il devait retomber en enfance et faire ce que Mina lui demandait et de bon cœur.

Le voilà donc à l’épicerie Lowell pour faire les courses du mois. L’épicerie, haut lieu de rencontre sociale, Peter du même discuter quelques minutes avec une mamie, amie avec Mina, qui l’avait reconnu (avec sa canne, ça n’était pas compliqué). Conversation sans saveur, Peter souriait gentiment puis finit par enfin se défaire de la vieille dame et finalement commencer les courses.

Peter jeta dans son panier deux boites de céréales, un paquet de biscotte et continua. Sa canne le gêné un peu dans ses moments là mais il se rassurait l’opération future étant imminente. Il devrait passer sur le billard courant septembre et hormis les deux ou trois mois supplémentaire pour retrouver une mobilité correcte, il serait bientôt complètement autonome.
Au détour d’une gondole, son regard croisa un visage bien connu. Aussitôt, faisait preuve d’un peu de lâcheté pour une rare fois dans sa vie, Peter fit fuir son regard ailleurs espérant que Parker ne l’avait pas vu.

Loupé, le son de la voix de la patronne du Coffee Time le rappela à la réalité.
En revenant à Great Falls, Peter avait passé un temps fou dans ce café et bien naturellement, il s’était rapproché de cette amusante petite femme discutant avec elle de tout de rien. Il était loin de se douter qu’elle pouvait avoir un secret certain (secret ou pas d’ailleurs). En effet, peu après avoir rencontré cette fabuleuse blonde au café, au détour d’une conversation avec une voisine, Peter avait appris que Parker Warner était du genre à préféré les filles. Loin de lui l’idée d’aller tuer des gens pour s’être ouvertement montrés homosexuels, mais Peter avait vraiment du mal avec ces gens là, ne comprenant pas du tout ce « choix ».

Bon, il restait poli et n’allait pas non plus fuir aussi ouvertement. Il s’approcha donc un léger sourire au coin des lèvres et la salua.

« Hey, salut Parker, ça va ? »

Ses paroles étaient peut être un pe froide, mais il ne se voyait plus la traiter autrement.

Depuis son retour sur Great Falls, Peter avait eu l’occasion de faire de nombreuses nouvelles rencontres, l’une d’entre elles était Parker Warner, la gérante du Coffee Time, café dans lequel Peter passait la plupart de son temps jusqu’à présent. Il fallait dire qu’il avait bien aimé le caractère pétillant et la franchise de Parker mais quelque chose le gênait désormais. Depuis, le militaire s’évertuait à éviter la demoiselle, c’était selon lui l’attitude la plus raisonnable à adopter. Il savait qu’il valait mieux éviter tout prosélytisme, essayer de la convaincre qu’elle avait choisit un mauvais chemin de vie serait peine perdu et ne se terminerai que sur une belle dispute. Alors pour son propre bien et pour celui de Parker, l’ignorance et l’indifférence semblait bienvenues.

Seulement, Great Falls étant une petite ville, c’était peine perdue d’avance d’essayer d’éviter l’un des habitants plus d’un mois, la preuve était là en chair et en os, Parker Warner faisant ses courses chez Lowell au même instant que Peter.

Pris au piège, Peter regarder la jeune femme un peu dérangée et bien obligé de la saluer, politesse obligeant. Mais c’était ainsi, dans son éducation, dans les valeurs qu’il défendait, pour Peter, l’homosexualité n’était qu’une dérive perverse de la société et il préférait ne pas avoir à faire avec ce genre de personnes. D’autant que, malgré tous leurs points communs, Peter était persuadé que cette grosse différence briserait tout entre eux. Et c’était sans doute le cas mais c’était son intolérance à lui qui ferait sans doute tout échouer.

« Ah, oui, bien sûr. » constata Peter froidement alors qu’elle lui disait faire des courses, en même temps, c’était logique.

Elle lui demanda alors comment il allait et ajouta que cela faisait un bout de temps qu’ils ne s’étaient pas vus. Oui, forcément puisque Peter évitait gentiment le Coffee Shop et s’empressait de changer de trottoir s’il la voyait. Il ne voulait pas lui donner les raisons de ce changement radical persuadé qu’elle ne comprendrait pas et se contenta donc d’une réponse un peu toute faite.

« Oh, bah tu sais, c’est la vie, les occupations tout ça, ça prend du temps. »

Si franc d’ordinaire, Peter s’en voulait un peu de se montrer si hypocrite avec Parker, mais il n’avait vraiment pas envie d’entrer dans une grande discussion fondamentaliste sur la tolérance d’une pratique qui n’avait pas lieu d’être. Il se dit que peut être sa froideur seule pourrait faire fuir la pâtissière et ainsi il n’aurait plus à se prendre la tête avec sa conscience.

Mais malheureusement, vu la réaction de Parker, Peter comprit bien vite qu’elle n’allait pas en rester là. C’est compréhensibles après tout, ils étaient cul et chemise et voilà que Peter l’évite à tout prix. Mais il avait ses raisons, de bonnes raisons et c’était même faire preuve de maturité que de réagir comme il le faisait, c’était une question de diplomatie. Bon, c’était entendu, l’excuse de l’emploi du temps surchargé pour un gars en arrêt maladie chez sa grand-mère, c’était un peu gros.

Peter avait du mal à regarder Parker dans les yeux, quelque part, il s’en voulait de ne pas essayer de rester ami avec elle, mais ça le gênait, sans cesse il aurait envie de lui faire des réflexions, et il n’avait pas envie de se lancer dans un débat. Parker chercha son regard et finit par le capturer lui demandant avec un sourire s’il ne se moquait pas d’elle.

« Non, non, c’est juste… »

Il s’arrêta en cours. C’est juste que j’ai un peu de mal avec les homos… Même si la société s’évertuait à vouloir les imposer comme la normalité, pour Peter, ce n’était pas … naturel.

Après tout, ce n’était peut être qu’une rumeur, il avait entendu dire que Parker préférait les filles mais n’aurait-il pas du en parler avec elle avant ? Peut être que c’était faut. Maintenant qu’il se retrouvait face à elle, le militaire se demandait qu’il avait bien fait de couper les ponts de cette manière sans en avoir vraiment discuté. Mais encore une fois, ce n’était pas le genre de conversation qu’on abordait entre deux muffins. Dans le doute, il avait fait ce qui lui paraissait être le mieux.

Peter, pourtant si franc en tant normal, avait du mal à se dépatouiller avec les interrogations de Parker, il ne la regardait pas dans les yeux et alors qu’il essaya de se justifier, la jeune femme le pressa.

« Oui, enfin non, rien de mal. »

En fait, pour lui, si, mais c’était délicat à avancer. Il savait bien que ces idées un peu rétrogrades ne lui apportaient que des ennuis et pourtant, Peter ne pouvait se résoudre à changer son esprit.

« C’est rien, c’est juste que je pense qu’on peut pas vraiment être amis. »

C’était un peu con comme remarque mais c’était ce qu’il ressentait. Il fallait dire que le lieu n’était pas forcément bien choisit.

Peter se pencha un peu vers Parker et baissa d’un ton pour exprimer la suite.

« C’est juste que … j’ai certaines valeurs et je me vois pas vraiment trainer avec des gens qui en ont d’autres diamétralement opposées… »

En effet, les explications de Peter étaient plus que confuses, mais comment pouvait-il expliquer ce qui n’allait pas dans un lieu public comme celui-ci et surtout alors qu’il aurait espéré ne jamais avoir à s’expliquer. Déjà qu’il n’avait jamais aimé rompre avec ses copines, voilà qu’il devait le faire avec une amie. Il aurait pu aussi passer outre cette particularité, mais il en était sûr, ça ne collerait pas, il serait trop … mal à l’aise, trop gêné en sa présence. Maintenant qu’il savait, il ne verrait plus Parker du même œil.

Le manège d’expressions diverses que Peter lisait sur le visage de son amie … ex-amie le torturait absolument. Il fallait qu’il lâche le morceau une bonne fois pour toute. Histoire de se protéger encore un peu, Peter laissa quelques indices à la demoiselle en chuchotant mais elle en voulait plus, une réponse claire et nette.

Il inspira et souffla un bon coup, jeta un œil à droite, puis à gauche et se pencha encore pour parler encore plus doucement au fur et à mesure que Parker élevait la voix.

« Je sais que .. tu … que tu préfères les filles, voilà c’est dit et franchement, je me vois pas trop continuer de trainer avec toi, ça serait de l’hypocrisie. »

Oh, bien sûr il avait dépassé les clichés de la peur de l’inconnu et ou de la contagion. Peter était un grand garçon, il avait vu des films comme tout le monde, seulement voilà, c’était pas naturel donc pas normal. Il en restait là. Et quelles discussions pourrait-il avoir avec une lesbienne qui se révélerait sans doute rapidement être une activiste socialiste prête à défendre le mariage, l’adoption et tout ce qui s’en suivait pour le plus grand bonheur des homosexuels et mener la famille à sa perte.

Spoiler:

Ce genre d'histoire, ces conflits ridicules avaient toujours mit Peter très mal à l'aise, mais cela ne changeait en rien son opinion et il ne se laisserait pas avoir par le système pour autant. Le militaire était bien conscient que les mœurs avaient évolué mais était-ce une raison pour dire qu'elles étaient meilleures? Après tout, avec l'évolution était venue la déchéance aussi.
Parker apprenant le fin mot de l'histoire ne se calma pas du tout ce qui augmenta le malaise de Peter. D'autant qu'elle laissa échapper une arme qui toucha l'homme aussi déterminé qu'il pouvait être. Il n'imaginait pas que ça la ferait autant souffrir, il pensait qu'elle se mettrait en colère bien sûr, mais pas qu'elle montrerait des signes de sensibilité. Alors il baissa le regard, un peu désolé et commença à faire grincer ses ongles sur le pommeau de sa canne.

"Mais enfin, ça définit complètement qui tu es. Et puis, pour le moment on en était aux copinages et de toute manière on aurait finit par être en désaccord alors voilà, j'ai pas voulu t'emmerder, je suis resté à l'écart."

Il essayait de se justifier cherchant les mots justes pour exprimer son ressentit. Et plus il parlait pas, plus Parker montait le son.
Les arguments de la jeune femme tenait la route. Peter savait bien qu'il y avait en effet des homosexuels parmi ses soldats et bien sûr qu'il ne les aurait jamais laissé mourir. Peter n'approuvait pas ces comportements sexuels, mais il ne lui serait jamais venu à l'idée d'aller tabasser ou tuer quelqu'un pour ça. Peut être en avait-il émit l'idée un peu bourré lorsque l'environnement s'y prêtait mais ça n'était jamais allé plus loin. Seulement il ne se voyait pas non plus copiner avec des gays, sous peine qu'on remette en question ses avis à longueur de temps.
"Je sais, tu fais ce que tu veux, je trouve pas ça ... normal, mais tu fais ce que tu veux, t'as pas à te justifier. Je te veux pas de mal Parker, mais c'est juste ..."

Il s'arrêta de parler pour penser à ce qu'il voulait vraiment dire. Parce qu'après tout, lui aussi se sentait blessé.

"C'est juste ça, c'est la normalité et c'est moi qui ne suis pas intelligent? Si le seigneur avait approuvé ce genre de comportement il vous aurait donné la possibilité de vous reproduire tu vois. On est dans un pays libre et j'ai encore le droit de penser ce que je veux et c'est exactement pour éviter ce genre de débats à la con que je t'évitais toi. Parce que j'aurais pu accepter tout ce que tu veux sans sourciller, à partir du moment où tu aurais su que je n'étais pas totalement en accord avec ton style de vie, ç'aurait été moi le paria."

Peter parlait doucement mais son ton était incisif. Bien sûr qu'il appréciait Parker, mais s'il avait couper tout contact c'était justement pour éviter ce genre de situation. celle où lui doit se justifier d'être un mec tout à fait libre de ses opinions.

"Arrêtes, j'ai pas dit que tout ce que tu touchais devenait ... homosexuel. Mais tu peux pas dire que ça fait pas parti de toi, ça fait parti de tes valeurs et moi j'ai pas les mêmes c'est tout."

Bien sûr, elle avait raison dans ce qu'elle disait, mais elle ne pouvait pas non plus se faire passer pour une saintes. Les saintes ne couchent pas avec des filles. La voix de Parker portait encore plus alors que Peter essayait d'être discret. Il n'avait pas honte de ses opinions mais s'il pouvait éviter de se donner en spectacle, ça l'arrangeait. Mais c'était un peu tard, quelques regards interrogés se tournaient déjà vers eux. Heureusement, ils étaient assez éloignés pour ne pas se retrouver avec des fauteurs de troubles décidés à défendre l'un ou l'autre.

Peter ne s'était jamais qualifié d'homophobe. Pour lui, l'homophobie était à juste titre une peur des personnes homosexuelles, une haine de ceux-ci pas l'ignorance, mais lui, le grand Peter Ellington, valait mieux que ça, il n'avait pas peur, il n'approuvait pas c'était tout. Il regretta rapidement d'avoir impliqué la religion et sa foie là-dedans, il s'était mis à découvert tout seul et venait de donner le bâton pour se faire battre.

"Le Seigneur, la nature, c'est la même chose. Dieu aime le pêcheur mais hait le pécha, sauf que moi, je suis pas Dieu, je peux pas prétendre avoir cette capacité là et même si c'était le cas, je préfère encore que tu me détestes parce que j'ai osé afficher mon opinion plutôt que ce soit à toi de faire cette démarche parce que tu me trouves trop ... extrême."

Il entendait bien tout ses arguments et n'avait pas assez de temps pour se défendre. Et le sujet des enfants, voilà, c'était bien ce qu'il pensait.

"Tu me parles d'amour mais c'est ce que tu ressens pour ces femmes, c'est de l'amitié mal placé, quoi, t'as été déçue par les hommes c'est ça? Ou alors c'est de la perversion sexuelle, je ne vois rien d'autre."

Il allait peut être un peu loin, mais Peter refusait de se laisser abattre, après tout, il la sauvait peut être de l'enfer en adoptant cette attitude, au moins ce n'était pas elle qui devrait mettre fin à leur amitié parce qu'elle le considérerait trop étroit d'esprit. Lorsqu'elle reprit l'histoire des enfants, Peter leva les yeux au ciel et soupira. Mais sérieusement, pouvait-on donner un tel modèle à des enfants? Il avait connu un couple d'hommes en Arizona, tout fier d'arborer leur nouveau joujou made in Vietnam, le genre de truc absolument radical pour davantage détester ce soi-disant choix de la sexualité.

Peter faisait du mal à Parker, il s'en doutait bien mais il n'imaginait pas à quel point. Il ne voulait pas la faire souffrir c'était pour ça qu'il s'était contenté de l'éviter, pour qu'ils n'aient jamais cette conversation et qu'elle reste dans son monde merveilleux. Parce que ce qu'il disait et pensait sur les homo ne s'appliquait pas forcément à elle. Il aurait pu être plus malin et se douter qu'en insultant les gays en général elle se sentirait insultée.

La tension de Peter avait monté en flèche, son cœur battait bien plus vite et il sentait la chaleur de l’énervement envahir ses veines. Tout ça le dérangeait beaucoup, il aurait préféré jouer la carte de l’indifférence mais son caractère l’empêchait de se montrer hypocrite. Il pensait ce qu’il pensait, savait détenir la vérité bien sûr, comme tout homme convaincu et n’arrivait pourtant pas à annoncer des arguments clairs. Et puis le lieu, l’épicerie n’était pas bondée mais quelques uns des clients commençaient à les regarder d’un œil un peu interrogé. Peter n’avait rien contre l’idée de se faire remarquer, mais pas dans ce genre de contexte.

Parker semblait ne pas vouloir s’éterniser ce qui rassurait un peu Peter mais il ne put s’empêcher de rajouter une petite réflexion. Parker remonta au créneau en moins de deux.

La nouvelle information lui tira un rire nerveux.

« Ah bah okay, c’est encore mieux… » dit-il avec une ironie non déguisée.

C’était tellement inconcevable pour lui ces histoires de sexualités déviantes. Parker s’approcha alors de Peter et l’embrassa sans que celui-ci ne puisse rien faire. Peter garda les yeux grands ouverts, surpris. Il resta interdit, immobile pendant quelques longues secondes le temps de voir Parker quitter l’épicerie sans vraiment savoir quoi penser de ça …

[Fin de la scène]