Un truc important ... Impossible de lui arracher les mots de la bouche. J'avais l'habitude à force mais ma curiosité était dure à contenir. Je ne voulais pas l'embêter davantage, même si je lui avais demandé de nouveau s'il allait vraiment bien, vu la tête qu'il tirait en regardant son téléphone. Peut-être une mauvaise nouvelle ? Tout ce qu'il lui répond c'est que c'est une histoire réglée. Bon. Je n'insiste pas. Même s'il semble assez contrarié. Ça me contrarie forcément aussi, mais je ne sais pas comment aborder le sujet avec lui.
Mais je n'ai pas le temps d'y songer plus longtemps vu qu'il me demande alors :

« Chloe ? Je voudrais pas abuser mais… ce serait possible que je dorme chez toi ? J’ai pas trop envie voir mes vieux là maintenant si tu vois ce que je veux dire.
- Je vois totalement. Et si le canapé te convient, tu es bien sûr le bienvenue ! »

Pour l'instant je suis sûrement un peu trop inquiète pour rester sur mes remontrances envers lui. Peut-être plus tard dans la soirée, enfin, si je ne m'endors pas. Je ne suis pas très fatiguée, mais en arrivant chez moi, j'ai toujours un coup de barre, que je n'ai pas eu le temps d'avoir avec l'appel de Colin juste avant que je ne dîne. D'ailleurs mon dessert m'attend avec impatience. Au moins j'aurais aussi de quoi lui proposer un petit morceau à manger, si jamais il avait faim. Je n'aime pas trop recevoir quand j'ai rien dans le frigo, mais ce n'est pas le cas heureusement, et de toute façon je me vois mal rembarrer la demande de mon ami. Si moi je mettais à lui refuser mon toit, je n'aurais jamais eu personne comme ami.
Je me dirigeais donc vers ma petite voiture et m'installa à l'intérieur. J'attendis que Col' soit installé avant de démarrer et de partir en direction de ma maison.

- J'espère que t'as faim, parce que j'ai des restes de gâteau et même de pot au feu délicieux ! Je te rassure je ne l'ai pas cuisiné pour moi toute seule ! Ce sont les restes d'un petit dîner entre filles !

Je n'ai pas l'habitude de cuisine ce genre de choses quand je suis toute seule, je me contente de simple en général. Pâte, riz, viande et yaourt. Rien de bien extraordinaire. A part quand j'ai des restes de soirée évidemment.

Il me remercia alors de bien vouloir l'héberger, ce qui est tout à fait normal, mais je lui fais tout de même mon petit sourire. Cependant, ce dernier s'efface, et laisse place à un petit souffle de désespoir quand il me répond au fait que j'avais de quoi manger s'il avait faim :

« J’ai pas vraiment faim mais c’est gentil, en revanche, si t’as une petite bière fraiche à me proposer, c’est pas de refus.
- Et ben faut croire que te faire arrêter ne t'as pas servi de bonne leçon ! ... Mais oui, j'en ai. »

J'avais tenté de lui faire comprendre mon point de vue, encore une fois, qu'il ferait mieux de reprendre sa vie en main, mais au final, je craquais toujours. Une pauvre petite guimauve. Je suis certaine que si on était pas des amis, je lui aurais déjà remonté les bretelles et l'aurait emmené par la peau du c** se trouver un boulot, quitte à le faire bosser dans mon salon de coiffure ... Mais c'est pas bête ça !! J'avais trouvé une bonne petite technique, que je gardais bien au chaud quand on serait arrivé chez moi.

En parlant de ça, cinq minutes plus tard, on s'y trouvé déjà. Arrivés à l'intérieur, je dis à Colin Fais comme chez toi ! Et je me dirigeais droit vers la cuisine, nous sortir deux bières bien fraîches. J'avais mon sourire sadique, que je gardais tout le long et rejoint mon ami au salon. Je tendis le bras vers lui avec une bière et lui dit Si tu la veux vraiment, va falloir que tu te trouves un job, disons, dans le mois ! Je n'avais pas fini, au non. Parce que ça, je savais que ça ne marchait pas. Alors, je rajoutais après quelques secondes en suspens Mais ! Si ce n'est pas le cas, je suis sûre que je peux te trouver un petit truc à faire dans mon salon ! Lui dis-je avec mon éternel sourire et un petit clin d’œil bien sadique. Alors il en pense quoi le chauffard ?

De voir mon ami aussi naïf face à ma ténacité et face à mon sérieux - quelque peu amusé - me faisait sourire davantage. Il croyait vraiment que j'allais céder si facilement. Je n'hésitais pas à retirer mon bras quand Col essayait d'attraper sa bière. Je restais de marbre, même quand il évoqua le fait qu'il n'avait pas besoin de job. Okay, il avait peut-être tout l'argent donc il avait besoin, mais peut-être qu'un jour la roue tournerait et qu'il se retrouverait sur la paille, et devra s'en sortir tout seul. J'avais vraiment envie de lui dire d'arrêter de faire son gamin, et se bouger un peu, comme l'homme qu'il était. Le travail n'a pas été seulement créer pour faire chier le monde, mais surtout pour aider à la communauté et pour s'occuper de ses journée, pour essayer de les rendre moins ennuyeuse. Il ne semblait pas bien comprendre ce concept, mais j'étais prête à l'y aider. Surtout ce soir.

Il était à présent debout, et il semblait enfin comprendre que j'étais on ne peut plus sérieuse. J'allais répondre à sa dernière réplique, quand il me confia :

« Tu veux que je trouves quoi comme job, je suis bon à rien ! »

Alors, là, je restais sur le c**. Je m'y attendais pas du tout à celle-là. Je ne pouvais pas le comprendre, sachant depuis longtemps ce que je voulais faire de ma vie. Mais je comprenais qu'il n'est toujours rien fait pour se trouver un boulot. Était-ce vraiment un manque de confiance en lui ? Jamais j'aurais pu me douter de ça.
J'avais rabaisser mon bras, un peu surprise par sa réponse. Je fronçais alors les sourcils et lui répondis :

- Bon à rien ? T'es pas sérieux ? Personne n'est bon à rien ! Encore moins toi ! Mais est-ce que t'as déjà essayé quelque chose au moins avant de penser ça ? Est-ce que tu t'es lancé complètement dans quelque chose ? Que cela te plaise ou non ?

Non je ne suis pas déçue de mon ami, j'essaie juste de comprendre pourquoi mon ami se dévalorisait autant. J'attendais avec impatience les réponses de Col', avant de pouvoir lui donner sa bière chérie.

Je comprenais rien à ce qu'il me disais. Il s'embrouillait tout seul et essayais de me sortir tout un tas d'excuses. Pas vraiment valable à mes yeux, m'enfin bon. On aurait vraiment dit un gamin qui redoute le jour où il allait devoir se lancer dans la vie active. Parfois, avoir le choix et de l'argent, n'avait pas quelque chose de très avantageux finalement. J'aimerais vraiment pas être à sa place. Ça doit pas être facile de se lancer quand on a été assisté toute sa vie, quand on a toujours eu ce qu'on voulait. Et ne pas savoir quoi faire de sa vie parce qu'on a jamais rien eu l'occasion de tester. J'aurais bien voulu rajouter qu'être son propre patron n'avait rien de jouissif parfois, parce qu'il faut tout gérer et gérer les clients mécontents aussi ... Mais autant ne pas lui faire trop peur puisque :

« Et puis franchement, si tu m’embauches, tu me ferais faire quoi ? Tu m’imagines moi dans un salon de coiffure ? »

Chercher pas à comprendre, mais je me suis mise à rire. Oui, à rire. Imaginer Col' dans mon salon me faisait bien rire. C'est pour les femmes ou les gays, et imaginait Col' version gay me faisait davantage rire. Il allait croire que je me fichais de lui, alors je me mis à tousser pour arrêter de rire, mais mon sourire persistait toujours :

- Bah je t'apprendrais à couper les tifs des hommes. Parce que je t'avoue que ça m'ennuie sincèrement parfois. Je préfère faire des couleurs et des coupes spectaculaires plutôt que couper simplement plus court. Et puis je m'ennuierai moins aussi, parce que c'est le néant de temps en temps. Ah et tu me servirais de garde du corps, au cas où je me ferais braquer encore une fois !

Moi qui croyais que cet épisode de ma vie était passé. Fallait croire que c'était toujours là. Même si je m'évertuais à jouer la forte en toute circonstance.

Cela me fit plaisir que Colin réagisse au quart de tour pour l'histoire du braquage. Toutes ses questions me firent prendre conscience que j'avais préféré tout oublier plutôt que de m'en mêler et risquer des ennuis. En même temps je n'avais rien vu, je les avais laissé faire et par chance, ils ne m'avaient fait. Pourtant ils auraient pu, après tout j'étais toute seule dans le salon et ils étaient deux.

- Malheureusement, je ne les ai pas reconnu, j'étais pétrifié et n'attendais qu'une chose, qu'ils partent. Et à la place de porter plainte, j'ai mis une alarme et je fais en sorte de ne jamais rester seule dans le salon. Lui répondis-je avec un sourire attendrissant. Je suis forte et ce genre de malheur m'atteint seulement que lorsque j'en reparle. Le reste du temps, je reste moi-même, souriante, joyeuse, active. Et puis cette histoire-là m'a permis de mettre un peu d'adrénaline dans ma vie, de la rendre un peu moins banale, même si j'ai failli y rester.
Puis mon ami enchaîna :

« Bon, je veux bien essayer de trouver un truc, et si vraiment j’ai trop de mal, je viendrais faire le garde du corps chez toi mais gratuitement ! »

Finalement j'ai bien fait d'évoquer cet incident. Au moins j'aurais réussi ça pour ce soir, à le faire se motiver un minimum pour se trouver un boulot, même si au fond, je sentais qu'il y avait anguille sous roche.
Il essaya une autre fois de récupérer sa bière, mais je reculais de nouveau ma main pour ajouter :

- Et ne sois pas surpris si je viens te rendre visite une fois ton boulot trouvé ! Je finis par lui lancer un petit clin d’œil et lui donner sa bière tant attendu. Je connais mon ami et je sais tout ce qu'il est prêt à faire pour sa tendre et chère mousse. Quitte à mentir un peu sur quelques trucs. Mais je l'avais assez embêter pour se soir, et j'avais juste envie de me détendre avec mon ami avant d'aller me coucher.
J'ouvris alors ma bière avec mon décapsuleur de poche et alluma la télé avant de prendre ma première gorgée.

La petite accolade maladroite de Col' me fit tout de même chaud au cœur. Au moins, il s'inquiétait pour moi et je savais qu'il serait là pour moi en cas d'ennui. Il me fit sourire quand il insista en me proposant de venir faire le garde du corps gratuitement. Je n'allais en aucun cas l'en dissuader, c'est tellement adorable (a).
Puis après quelques dernières indications, je lui avais donné sa bière, tant désirée, et il me remercia comme un gamin qui s'impatientait d'obtenir son jouet préféré, qu'on lui avait confisquer. Je n'en attendais pas moins de lui. C'était peut-être pour cela aussi que je l'aimais beaucoup.

C'est alors, qu'après avoir fini notre bière et l'émission terminée, je me mis à bailler. Un bâillement qui ne dura pas bien longtemps, puisque mon ami se mit à me chatouiller tout en me demandant :

« Bon alors Chlo’, on fait comment, tu m’invites dans ton lit pour dormir ?
- Alors là tu rêves mon petit ! Lui répondis-je tout en riant. Et puis c'est à tes risques et périls, j'adooore les gros coussins ! »

Il fallait que je me venge de ses chatouilles, alors, instinctivement, je pris le coussin tout moelleux sur lequel je m'étais appuyée pour regarder la télé, comme pour illustrer mes paroles, et l'avais cogné avec. Je redoutais les représailles, mais il m'avait cherché, et trouvé. Mais je riais toujours, telle une gamine qui faisait mumuse avec son meilleur ami avant d'aller faire un bon gros dodo. Au moins, une chose est sûre, j'allais bien dormir. Que Colin me serve ou non de coussin. Parce que même s'il avait fait une petite bêtise ce soir, il restait l'ami que j’apprécie et à qui je ne pouvais pas dire non.