~Shake up everything I am~



La vie n’est rose pour personne, mais par moment j’avais l’impression que le destin s’amusait particulièrement à s’acharner sur moi. Je me trouvais bien égoïste de me plaindre de la sorte alors que ma vie n’était pas franchement celle d’une malheureuse, mais cela n’empêchait mes pensées d’être moroses une nouvelle fois aujourd’hui. C’était d’ailleurs devenu une habitude depuis quelques temps… Le stress des exams n’était qu’une excuse pitoyable pour justifier mon état nerf et mes mauvaises humeurs quotidienne, mais au fond j’avais parfaitement conscience que mes sentiments inavouables pour Jake me rongeait secrètement. Les gens ne pouvaient pas le voir derrière le masque souriant que j’affichais en public et ils croyaient sur parole à mes mensonges de petite fille studieuse… mais il n’en était rien.

Pour calmer mes crises de larmes, je me plongeais à corps perdu dans mes études. Oubliant mon entourage réel, je préférais passer des heures le nez dans mes bouquins incompréhensibles pour le commun des mortel, ou les yeux rivés sur l’écran de mon ordi à programmer, à monter des projets ou à chercher dans les archives du monde informatique la révélation qui éveillerait ma curiosité. Les journées passaient beaucoup trop vite, augmentant mon stress bien réel pour les exams, même s’il était bien moins important que pouvait l’imaginer mes parents…

Je m’étais juré à mon réveil à l’hôpital de ne jamais prendre autre chose que mes traitements quotidiens quelque soit le degré de douleur de ma vie, mais la tentation était trop forte ! Si je pouvais gagner quelques heures sur mes nuits pour réviser, il fallait que je tente le tout pour le tout ! Et je savais qu’un de mes collègues de fac avait ce genre de remède miracle… On me disait isolée ?! Pourtant il me suffit de quelques clics pour démarrer une discussion avec Matt et lui demander s’il pouvait me faire essayer ce produit miracle dont il m’avait parlé quelques mois plus tôt dans l’amphi… Sa réponse ne se fit pas attendre plus de quelques secondes : Il me donnait rendez vous l’après midi même à Great Falls pour ne pas que je galère à venir sur Milwaukee un dimanche. Attentionné le garçon ?! Ou simplement consciencieux pour attirer une nouvelle cliente ?! J’men moquais totalement. Seul le bénéfice temps gagné m’importait !

Je me retrouvais donc à avancer mon fauteuil dans les rues de la ville alors que toutes les boutiques avaient portes closes, à l’exception du Coffee Time et du Tom’s qui semblaient ne jamais fermer. Le soleil de ce début de printemps poussait pourtant les habitants à sortir de chez eux et les rues n’étaient pas aussi désertes que ça… C’était sans doute mieux ainsi, plutôt que d’attirer l’attention des voitures à être la seule âme qui vive pour arpenter les trottoirs. Même si je ne faisais pas vraiment quelque chose de mal, la discrétion restait de mise.

Je passais devant la librairie de Sydney lorsqu’un homme, qui arrivait en face de moi, attira mon regard. Son visage éveilla des souvenirs dans ma mémoire, mais j’étais bien incapable de lui remettre un nom. Essayant de ne pas paraitre trop malpolie en le dévisageant, je cherchais à toute vitesse où est-ce que j’avais bien pu le voir ou le croiser… A l’hôpital où il m’aurait soigné après mon accident ? Sur le campus ou dans une soirée étudiante ? Lors d’une soirée mondaine où mon père m’emmenait parfois quand j’étais petite ? Aucune de ses théories ne faisait naitre l’étincelle dans mon esprit. Ce n’est que lorsqu’il passa à ma hauteur que j’eus le déclic ! Nahuel Bardsley ! Ce génie de l’informatique que je cherchais à rencontrer depuis plusieurs jours ! Ses travaux que j’avais pu feuilleter sur le net m’avaient complètement scotchés par leur perfection, malheureusement je ne pouvais pas les consulter en entier… d’où ma frustration et les recherches que j’avais entreprises pour le joindre ! Tout ça pour qu’il me raccroche brutalement au nez avant que je n’ai eu le temps de terminer une seule phrase.

Malgré la différence entre la photo et l’homme que je venais de croiser aurait pu me faire douter, je ne réfléchis pas plus longtemps et fis un léger demi tour pour l’interpeler. J’allais peut-être avoir la honte de ma vie si je me trompais sur la personne, mais ma spontanéité ne me laissa pas le temps d’y penser. Quelle chance avais-je de le croiser à Great Falls ? Une sur un million ?! Je n’allais sans doute pas passer à coté par peur du ridicule.

- Nahuel ?! Lançai-je avec l’espoir qu’il se retourne.