Le soleil éblouissant me tira du sommeil, pourtant j’espérais replonger dans les bras de Morphée pour une heure ou deux en posant le bras sur mes yeux. Peine perdue ! Le chant des oiseaux résonnait beaucoup trop fort dans me ptite tête pour que je puisse retomber dans l’inconscience des rêves… Mais d’ailleurs, d’où j’entendais aussi bien ces putains de bestioles ?! En ouvrant les paupières je découvris que je n’étais pas au fond de mon lit comme je l’avais cru en me réveillant, mais bien vautré dans l’herbe près du lac Michigan ! Comment-est-ce que j’avais atterri là ? Je me souvenais vaguement d’un début de soirée bien arrosée avec les potes… mais absolument pas qu’on ait trainé nos carcasses jusqu’ici. J’étais peut-être venu seul après tout. Aucune trace des autres autour de moi, à l’exception d’une bouteille de bière qui devait être la mienne. La dernière d’une longue série… Même l’herbe restait droite partout, sauf sous moi où elle était complètement aplatie. Pas de doute je m'étais trimbalé seul sur la route en pleine nuit pour venir me perdre au bord du lac!

Whouuuu, sympa le blackout! Puissante cette nouvelle dope !

En fouillant dans mes poches je constatais que je n’avais rien perdu. Ouf ! Mes papiers, mon fric et mon portable étaient bien au fond de ma poche de veste, alors que je sentais mon paquet de clope s’écraser peu à peu dans la poche arrière de mon jean. D’ailleurs j’allais m’en griller une vite fait avant de me tirer d’ici ! Hummm et pourquoi pas l’aromatiser un peu ?! Me relevant machinalement jusqu'à me retrouver assis, je sortis mes feuilles, mon tabac et le restant de shit qu’il restait au fond de ma petite boite métallique à l’effigie de ce cher Bob !

Une minute plus tard, je tirais une bonne taffe pour commencer la journée en beauté.

Les mains sur les genoux, je scrutais les alentours à la recherche d’un pigeon pour me ramener à Great Falls en bagnole. Il n’y avait malheureusement pas grand monde… A part une jolie blonde assise sur un banc un peu plus loin. Elle avait l’air plutôt cool et comme je n’avais pas franchement le choix, je me levais pour m’installer à l’autre bout du banc.

- Besoin de prendre un peu l’air ? Demandai-je sans prendre le temps des présentations trop barbantes à mon gout. Sympa le décor !Ça a une meilleure gueule qu’il y a six mois.

Sans me soucier de sa présence, je continuais à tirer sur mon joint pour ne pas en perdre une miette.

Plutôt méfiante, Juliet a prit soin de s'installer le plus loin possible de la personne endormie dans l'herbe un peu plus loin. Certainement un SDF qui ne savait pas où dormir la nuit dernière et qui a opté pour le lac...Les yeux rivés sur ce dernier, la jeune femme en oublierai presque la présence de la silhouette recroquevillée par terre. Elle ne s'est même pas interrogée sur le fait qu'il soit vivant ou non. Ça aurait pu être un cadavre ou une personne sacrément amochée suite à une bagarre, elle ne s'en serait pas tellement préoccupée. Ça ne lui vient même pas à l'esprit de s'approcher pour voir. Elle reste dans son coin et ne demande rien à personne. Le temps est clair, beau. Le vent est doux. Bref, elle adore être ici et laisser la brise caresser son visage. Le chant des oiseaux dans les arbres est une véritable symphonie. On en entend de tous les côtés, c'est presque impressionnant.

Tout le monde ne semble pas être du même avis qu'elle puisque, plus loin, la personne endormie sur le sol semble être justement réveillé par cette mélodieuse représentation. Du coin de l'oeil, Juliet l'observe et se surprend à sourire devant l'air complètement perdu du jeune homme. D'ici, on dirait qu'il se demande comment il est arrivé jusqu'ici. Peut-être une soirée trop arrosée, ou pire. Les jolis yeux bleus de la demoiselle se reportent sur le paysage, oubliant le jeune homme. Cet oubli ne dure que quelques minutes puisqu'il lui adresse maintenant la parole. Très vite, Juliet se demande comment éviter la conversation, réalisant bien vite qu'elle ne peut pas réellement y échapper. Elle hésite entre se montrer agréable ou le contraire, mais opte pour la première solution.

« Je ne suis pas la seule, visiblement. »

Lance-t-elle en souriant, l'air presque taquin. Elle fait bien sur allusion à la nuit que le jeune homme a passé sur l'herbe, en plein air.

« Pas trop désagréable, le sol ? »

Demande-t-elle alors, lui faisant bien remarqué qu'elle l'a vu, débauché sur le sol. Elle ne le juge pas, elle suppose qu'elle n'a pas que ça à faire, de toute façon. Il fait bien ce qu'il veut, elle ne le connait pas et s'en contrefiche, donc. Mais bon, l'idée de lui montrer qu'elle a remarqué sa mauvaise posture la fait sourire. Elle aurait au moins le mérite de se faire rire, si lui ne réagit pas.

« Ouep, il était temps qu'ils fassent quelque chose ici ! »

« Il faut peu pour être heureux, vraiment très peu pour être heureux… » Cette débilité de chanson Disney tournait en boucle dans ma tête alors que je marchais pour m’installer près de la seule âme vivante près du lac ce jour là. Aller savoir pourquoi ! En attendant, les paroles du livre de la jungle correspondaient assez à mon état d’esprit du jour… Du soleil, un joint, une jolie fille pour compagnie, que demander de plus ?! Une petite partie de baseball peut être ! Et pourquoi pas une bière fraiche !

N’empêche, la dope que j’avais sniffé la veille devait vraiment être bonne pour continuer à me faire de l’effet après plusieurs heures. Habituellement je ne me réveillais pas d’aussi bonne humeur après une nuit de débauche.

Sans gêne, je me vautrais sur le banc et entamait la conversation sans prendre la peine d’user de politesse. C’était quitte ou double ! Soit elle me jetait lamentablement à coup d’insultes bien placées, se barrait pour fuir la présence d’un dépravé ou alors entrait dans le jeu… Je la vis hésiter quelques secondes, mais elle finit par me répondre en souriant largement.

« Je ne suis pas la seule, visiblement. Pas trop désagréable, le sol ?»

- J’ai connu mieux ! Lançai-je en soufflant ma fumée de joint vers le ciel alors qu’elle m’arrachait mon premier rire de la journée. L’herbe et la terre c’est pas hyper confort, mais pour regarder les étoiles y a rien de mieux…

Il était clair qu’elle m’avait vu dormir comme une loque un peu plus loin, mais je m’en foutais pas mal. Autant prendre la chose avec humour plutôt que de prendre la mouche. Je détournais donc un peu la vérité en racontant que je m’étais allongé pour regarder les constellations du verseau ou de la grande ourse, mais je n’allais quand même pas lui raconter que j’ignorais comment je m’étais retrouvé à roupiller ici. Autant la jouer plutôt rêveur qu’amnésique si je comptais sur elle pour me ramener dans les rues de Great Falls. Et pour préparer le terrain, je parlais aussi de l’état des abords du lac, nettement plus propre qu’après le passage de la tempête.

« Ouep, il était temps qu'ils fassent quelque chose ici ! »

- Tu m’étonnes ! Il leur a fallu cinq mois quand même… mais bon, on est à Great Falls quoi ! Fallait pas s’attendre à voir réagir les agents de la mairie une semaine après le coup de vent.

Mon ressentiment à l’égard de ma petite ville ne pouvait pas être plus manifeste, mais, ça, j’étais incapable de le dissimuler… même totalement shooté ! Ce qui n’était pas le cas à ce moment là.

- Heureusement, ça valait le coup d’attendre apparemment.

Juliet n'est pas ce que l'on peut appeler une personne très sociable. Parfois ça accroche, et parfois non. Ca dépend de l'instant, de la personne, de son état d'esprit...Bref, tout un tas de facteurs qui font qu'elle va être ouverte à la conversation ou non. en venant au lac aujourd'hui, elle ne pensait pas rencontrer quelqu'un. Il fait beau, mais peut-être pas assez chaud pour une balade. Elle n'imagine pas le lac plein de monde ce jour, d'où l'envie de s'y retrouver un peu seule. C'est avec surprise qu'elle se rend compte, une fois assise, qu'un jeune homme est allongé par terre. D'ici, on pourrait croire qu'il dort. Ou qu'il est mort, au choix. Le voyant bouger, la deuxième solution ne tient plus. En y pensant, la jeune femme sourit. Elle ferme les yeux un moment pour profiter du soleil mais les ouvre de nouveau lorsqu'elle entend qu'on lui adresse la parole. En ouvrant les yeux, elle reconnait le jeune homme qui traînait par terre quelques minutes plus tôt. Elle hésite un instant à lui répondre, mais se dit qu'en plein jour, elle ne risque pas grand chose, au pire (a).

« Regarder les étoiles ? Et t'as réussi à voir quelque chose avec le ciel couvert d'hier soir ? »

Demande-t-elle surprise. Les étoiles, c'est quelque chose qu'elle adore regarder. Des fois, même, sans s'en rendre compte. Lorsqu'elle était petite, sa mère lui a apprit que chaque étoile représentait une personne montée au ciel. Pour la jeune fille, c'était donc une manière d'y voir son père, elle qui l'a si peu connu. Avec le temps, elle a apprit que ce n'était pas du tout ça, mais fascinée par le ciel si vaste, elle a continué son rituel. Hier soir, si le jeune homme a réussi à voir des étoiles, alors il doit avoir d'excellents yeux, capables de voir à travers les nuages, car en rentrant de chez Max, hier soir, Juliet a bien tenté d'y voir quelque chose ! En vain ! Le sujet dérive sur l'état actuel du lac. Il n'a pas la même tête qu'après la tempête, ça c'est sûr. Juliet a eut la curiosité de passer il y a encore quelques semaines et il y avait encore des tas d'arbres couchés sur les allées, des troncs penchés sur le point de chuter...Et puis, le lac était tout plein de débris emportés par la tempête...C'était triste à voir.

« C'est sûr que le Lac c'est tellement moins important que la façade presque pas abîmée de la Mairie....!

Heureusement, que ça valait le coup ! Il manquerait plus que ça ! »

Répond la jeune femme avec un brin d'ironie. Elle a trouvé ça honteux de la part des services publics de leur petite ville de s'attaquer à une rénovation de la façade de la mairie, à peine touchée par la tempête, plutôt qu'à la rénovation de bâtiments ou lieux qui en avaient besoin de manière beaucoup plus urgente. Enfin, chacun sa priorité, comme on dit.

« J'imagine que tu viens souvent ici ? Pour avoir remarqué la différence. »

Tout en parlant avec la jolie blonde, je continuais à tirer sur mon joint pour me détendre au maximum. Je me sentais bien assis sur ce banc, à prendre le soleil pour me réveiller en douceur après cette nuit passée dans l’humidité de l’herbe. Et puis cette fille avait plutôt l’air sympa, alors je n’allais pas me prendre la tête en cherchant à me cacher. Totalement à mon aise, je me laissais aller contre le dossier et m’amusais à souffler des cercles de fumée qui s’éloignaient lentement en direction du lac avant de s’estomper dans l’air.

« Regarder les étoiles ? Et t'as réussi à voir quelque chose avec le ciel couvert d'hier soir ? »

Hahaha ! Quelle bonne blague ! Comme si elle avait compris que je la mythonnais sur les véritables raisons de ma présence sur les berges du lac, cette fille essayait de me piéger à mon propre jeu. Et ça me faisait bien marrer !

- Pas vraiment… J’ai attendu une trouée dans les nuages pour les apercevoir, mais j’ai dû pioncer avant que ça arrive !

Mensonges ou pas ? C’était peut-être effectivement pour voir des étoiles que j’avais trainé ma carcasse jusqu’ici… Pas celle du ciel, mais plutôt celle que la dope allumait dans mes yeux quand j’en prenais un peu trop. Les potes me le diraient sans doute bien assez tôt.

Après ce petit échange amusant, le sujet dériva sur l’état du lac. Les agents de la mairie avaient enfin eu le temps de venir s’occuper des dégâts occasionnés pas la tempête du début d’hiver. Pas trop tôt ! Mais comme la blondinette le fit remarquer, la façade de la mairie était bien plus importante aux yeux des élus ! Heureusement, leur boulot, même tardif, était propre et on ne trouvait plus aucune trace du coup de vent qui avait ravagé les arbres qui bordaient cette partie du plan d’eau.

« Heureusement, que ça valait le coup ! Il manquerait plus que ça ! »

Sa réaction soudaine me fit vraiment plaisir ! Je n’étais donc pas le seul à trouver que les dirigeants de cette ville n’étaient qu’une bande de minable qui voulait se remplir les poches.

« J'imagine que tu viens souvent ici ? Pour avoir remarqué la différence. »

Même si j’aimais bien l’endroit, je ne pouvais pas dire que je venais régulièrement… sauf quand j’avais besoin de solitude. Le lac Michigan était bien le seul endroit où on pouvait être tranquille à Great Falls !

- Non, j’viens pas trainé par ici très souvent, mais assez pour voir que le maire avait d’autres priorités ! M’enfin, c’est cool de voir qu’on pourra revenir ici pour être au calme et en prendre plein les yeux. C’est pour ça que t’es là tout aussi, non ?

Juliet a peut-être jugé un peu trop vite le jeune homme. Sur le coup, elle l'a franchement prit pour un clochard venu ici pour dormir (a) En même temps, en voyant quelqu'un dormir par terre, comme ça, c'est probablement la première chose à laquelle on pense. Du moins, c'est comme ça qu'elle elle voit les choses. Lorsqu'il lui parle des étoiles, elle sourit, parce qu'elle se dit qu'il utilise cette excuse pour justifier le fait que le sol lui ait servi de lit cette nuit. Elle-même une grande fan des étoiles, elle sait que la veille, ce n'était pas un temps pour observer le ciel. Elle le lui fait remarquer, d'ailleurs, mais sa réponse lui laisse un doute. Peut-être a-t-il vraiment voulu regarder les étoiles alors...Sa version tient debout, en tout cas.

« Ouai, j'imagine...»

Répond-t-elle simplement, reportant son regard vers le lac. Savoir si ce qu'il lui dit est vrai ou non, au fond, ce n'est pas ce qui est important. Elle s'en fiche. Il dit probablement la vérité, elle ne le connait pas, elle ne sait rien de lui. Elle s'amuse juste, intérieurement, à imaginer que c'est un SDF qui lui sort une excuse bidon, elle trouve ça plus amusant comme ça, ça lui décroche même un petit sourire, mais lorsqu'elle s'en rend compte, elle reprend son air sérieux, ne voulant pas passer pour une folle. A Great Falls, il est arrivé qu'on dise d'elle qu'elle est complètement tarée suite à un petit mensonge de rien du tout, alors elle ne veut pas alimenter ces dires en se mettant à sourire toute seule maintenant.

Heureusement, elle profite du sujet du lac pour que son sourire passe inaperçu. Le lac a été l'un des derniers sites à être rénové. Les élus ont fait passer certains bâtiments officiels en priorité alors qu'ils n'étaient pas particulièrement touchés par la tempête. C'était juste une bonne excuse pour les rénover, même s'ils pouvaient attendre encore quelques années. Le lac est donc passé en dernier sur la liste de leurs priorités. Il y a encore quelques semaines, le site était totalement inaccessible à cause, notamment, des arbres couchés et des débris qui traînaient un peu partout. Ils s'y sont prit pile au bon moment pour reprendre le lac en main car avec le retour des beaux jours, c'est l'un des lieux préférés pour faire bronzette.

« Pour être au calme, oui. C'est le seul endroit où je trouve mon inspiration ! »

Déclare-t-elle, en souriant. Et voilà, fidèle à elle-même. C'est son petit jeu préféré : passer pour quelqu'un d'autre. Elle n'a jamais tenté de se faire passer pour une artiste avant aujourd'hui, mais là, se la jouer artiste solitaire en quête d'inspiration, elle trouve que ça fait un peu "challenge". Elle n'y connait pas grand chose, ni en musique, ni en peinture, ni en quoi que ce soit qui touche au monde artistique, en fait. A part peut-être en comédie (a) Reste à voir si son petit jeu passe avec le jeune homme. Elle ne le connait pas, ni de vue, ni de nom, elle a donc une occasion en or pour tenter l'expérience, bien qu'elle reste méfiante. Si elle voit que le jeune homme se doute de quoi que ce soit, alors elle n'insistera pas trop, pour ne pas se trouver dans la même situation qu'avec Jack ~

Comment expliquer à cette fille ma présence sur les bords du lac et mon petit somme improvisé dans l’herbe humide ? Parce que je venais de temps en temps ici pour regarder les étoiles bien sur… Mais ouai, je me passionnais pour l’astronomie et la conquête de l’espace c’était bien connu ! Jupiter, la grande ourse, la constellation du verseau… qu’est-ce qu’en j’en avais à foutre sérieux ?! Alors même si mon mytho passait plutôt bien la barrière de mes lèvres, je n’étais pas franchement persuadé que la blondinette allait gober toute cette histoire.

« Ouai, j'imagine...»

Non, clairement, elle n’y croyait pas, mais ça me faisait bien marrer ! Et elle aussi à priori vu le petit sourire qu’elle affichait. Tant mieux ! J’aurais été franchement mal barré si elle décidait de partir à cause de mon bobard. D’un autre coté, je n’allais pas lui raconter que je n’avais plus franchement de souvenir de cette soirée… Pour le coup, il était clair qu’elle allait prendre la fuite et adieu mon retour en bagnole sur Great Falls.

La conversation dériva heureusement sur le lac que nous avions sous les yeux. Après les banalités du genre « ho que c’est beau ! », je me mis à insulter les dirigeant de la ville qui avait mis autant de temps à remettre les lieux en état et la blondinette semblait partager mon avis ! Ce que ça pouvait faire du bien d’entre ça !

Curieux, je lui demandais si elle venait ici juste pour en prendre plein les yeux ou si elle avait des raisons particulières ? Comme regarder les étoiles tranquillement par exemple…

« Pour être au calme, oui. C'est le seul endroit où je trouve mon inspiration ! »

Waouuu ! Quelle réponse ! Je ne m’attendais pas à ça je devais bien l’avouer. Venant d’une fille, une blonde qui plus est, je l’imaginais plutôt à me servir une phrase du genre « j’aime le chant des petits oiseaux et le bruit du vent dans la cime des arbres ». Ok c’était clairement débile comme raisonnement, et injustifié car cette fille semblait bien plus maline que ça… mais je mis un peu de temps à m’en remettre. Mes idées étaient encore endormies.

- L’inspiration ?! T’es un genre d’artiste alors ?

En la regardant plus sérieusement je me demandais dans quelle forme d’art elle pouvait donner. La peinture ? L’écriture ? La chanson ? Non vraiment, je ne la voyais pas la dedans… mais les apparences sont souvent trompeuses. La preuve, elle avait du me prendre pour un sdf tout à l’heure, alors je devais me laisser surprendre !

Juliet ne sait pas trop si elle doit croire ou non ce que lui raconte ce parfait inconnu. Elle, elle est tentée de croire que c'est, au choix, un SDF ou un looser qui a été obligé de dormir par terre soit parce qu'il s'est fait viré de chez lui, soit parce qu'il a trop bu la nuit dernière et que le seul endroit où il était capable de dormir était l'herbe, n'étant pas capable de bouger ailleurs. Son excuse, elle est tentée d'y croire, même si au fond, elle préfère penser que c'est un looser (a). Elle ne se pose pas la question plus longtemps, puisque la discussion dérive. C'est le lac qui devient leur grande attention. Suite à la tempête, il a été en très mauvais état et les élus ont mit un sacré temps avant de le réaliser et de venir réparer et nettoyer les dégâts, plusieurs mois plus tard.

Juliet était particulièrement enragée lorsqu'elle passait près du lac et qu'elle constatait que rien avançait. Elle avait presque envie de s'y mettre elle-même, même si elles n'étaient pas capables de faire grande chose, elle et sa force en guimauve. Disons que l'envie et le coeur y étaient, au moins.

Tout de même heureuse de voir le lac resplendir et qu'elle n'est visiblement pas la seule à partager cet avis, elle se met à jouer à son jeu favoris. Elle ne sait pas trop pourquoi, mais l'artiste en quête d'inspiration, ça la tentait bien. Elle ne sait pas encore quel genre d'artiste elle fait semblant d'être vu qu'elle n'y connait rien, et compte d'ailleurs sur un coup de chance pour pouvoir baratiner le jeune homme.

« Je suis écrivain, en fait. »

Précise-t-elle, non sans l'envie d'éclater de rire. Écrivain ? Elle qui déteste lire XD. Reste à voir comment elle va se sortir de ça, maintenant !

« Je suis écrivain, en fait. »

En l’entendant me dévoiler son véritable métier derrière le coté artistique de la chose, je ne pus m’empêcher de lui jeter un petit regard en coin en rehaussant les sourcils. Un peu sceptique le garçon c’est vrai. Cette fille pouvait vraiment être écrivain ? J’avais un peu de mal à le croire, mais bon, qu’est-ce qu’elle aurait gagné à me raconter des mythos ? Je ne la voyais pas essayer de m’impressionner ou quoi, alors ça devait être vrai au final. Et puis l’habit fait pas le moine alors… pourquoi pas.

- Ca claque ! Et t’écris quoi, des romans à l’eau de rose ?

Mon intérêt pour la littérature, et les livres en général, ne dépassait mon gout pour la BD comics, alors elle allait bien pouvoir me sortir n’importe quel style de travail de texte sans que je ne comprenne rien. J’avais posé la question par curiosité polie, rien de plus… Mais un détail me sauta aux yeux en y repensant, si elle était bien venue chercher l’inspiration, où cachait-elle son bloque note et son crayon ? Tout dans la tête sans doute… Elle était peut-être juste venu pour choper deux trois idées avant de retourner écrire tout ça derrière son ordinateur.

- Et ça va, t’es inspirée ? Parce que sinon j’ai un truc plus rapide que le lac et le soleil pour t’ouvrir l’esprit, plaisantai-je en pensant lui rouler un joint.

Y avait pas mieux comme solution ! Même le matheux que j’étais réussissais à aligner des phrases sur un bout de papier quand je fumais, alors un écrivain… il devait pourvoir pondre un chapitre complet ! Pas forcément quelque chose de cadrer avec le contexte, mais bon… aurevoir le syndrome de la page blanche !

Juliet ne sait pas trop ce qui lui est passé par la tête en se faisant passé pour un écrivain. Elle trouve ça à la fois amusant mais aussi très risqué. Il faut dire que c'est un métier pour lequel elle n'a aucune connaissance alors....si le jeune homme s'y connait un minimum, elle risque de se faire repérer bien vite et de passer pour une dingue, ce qui risque de ne surprendre personne à Great Falls, d'ailleurs. Pour eux, la jeune Miller est déjà bien timbrée alors ça n'aurait rien d'étonnant pour eux.

Comme elle s'y attendait un peu, Chad commence à lui poser une question pour savoir quel style de roman elle écrit. Quel genre pourrait-elle écrire, sérieusement ? Elle n'en a strictement aucune idée, à vrai dire vu que ce n'est pas un truc qu'elle aime faire, en fait. Elle ne veut pas répondre un truc trop évident, sinon ce n'est pas drôle. Mais répondre un truc trop complexe risque de la mettre dans une situation délicate. Autant rester dans le simple.

« J'écris des romans sentimentaux »

Précise-t-elle. Elle ne veut pas que le terme "A l'eau de rose" soit comme une vanne dans la bouche de Chad. Et puis, utiliser ce genre de mot lui donne forcément une sorte d'intelligence, la rendant donc forcément crédible. Lorsqu'il lui demande si l'inspiration lui vient et que, si besoin, il a un autre moyen de lui donner de l'inspiration, la jeune femme grimace en étouffant un rire. C'est quoi ce plan pourri ? Il peut se mettre le doigt dans l'oeil pour qu'elle accepte quoi que ce soit venant de lui !

« Non merci, je n'ai pas besoin de ça...»

N’y connaissant pas grand-chose en littérature, j’avais un peu mal à déterminer dans quel style d’écriture je l’imaginais évoluer. Pas en théologie, ni science fiction, mais pourquoi pas jeunesse ou non… plutôt roman d’amour. Ouai ça devait être ça ! Qui d’autre qu’un auteur romantique aurait besoin d’un paysage calme et ensoleillé pour trouver l’inspiration ? Sans doute pas ceux qui envoyaient leurs lecteurs dans des contrées reculées de l’espace pour combattre des monstres à trois têtes et aux trente tentacules gluantes… Eux, ils devaient plutôt tourner au LSD ! Des mecs bien cool en gros ! Et la blondinette ne semblait pas vraiment une adepte de ce genre de délires.

« J'écris des romans sentimentaux »

Hé ba voila, pas trop dur à deviner au final. Et quelle belle manière d’enrober les choses ! Romans sentimentaux s’il vous plait… Romans à l’eau de rose cachée sous un nom plus travaillé, mais au final les héros devaient se retrouver dans le même plumard au dernier chapitre.

- Ouai… des trucs pour gonzesses quoi ! Mais ça se vend bien y parait...

Mais en tout cas si les oiseaux et l’eau du lac ne l’aidaient pas à avoir l’inspiration, moi j’avais un remède plutôt radical. Et comme j’étais un type sympa, j’étais près à lui rouler un joint, mais comme je le pensais quelques instants plus tôt, ce n’était pas son truc.

« Non merci, je n'ai pas besoin de ça...»

Pourtant malgré mon ignorance dans le domaine, j’en connaissais un rayon sur les drogues… Ba ouai on peut pas être parfait ! Et je me souvenais avoir entendu dire que de grands écrivains et poètes fumaient du shit pour accéder au « Paradis Artificiel ». Et ça ne datait pas d’aujourd’hui !

- Dommage, Baudelaire trouvait ça pas mal quand il avait du mal à aligner trois mots.

Ecrivan de romans d'amour. Le truc qui ne lui colle pas du tout à la peau, elle qui n'a jamais été fichue d'écrire autre chose qu'un journal intime. Et encore, elle a finit par l'arrêter après ses dix-sept ans...Elle n'est pas non plus une grande lectrice, elle n'affectionne pas particulièrement les bouquins, alors pourquoi se vanter d'en écrire ? Juliet est un peu timbrée parfois. Mais ça l'amuse, alors elle continue, surtout que les gens la croient, la plupart du temps, donc pourquoi se priver de ce plaisir ? Tant que ça ne tourne pas en "dispute" comme ça s'est passé avec Jack...Il faut dire que sur ce coup là, la jolie blonde n'a pas choisi le plus simple. Se faire passer pour une policière et mener un interrogatoire, elle était quand même bien barrée ce jour là...Un épisode qu'elle regrette assez car il lui a créé une sacrée réputation de folle. Du coup, elle n'est plus complètement libre d'agir, ça craint.

« Oui, ça se vend plutôt bien, en effet...»

Affirme-t-elle, pour lui faire entendre que pour elle ça marche bien et qu'elle est pétée de thune (a). Ce n'est pas ce qu'on se dit en premier lorsqu'on voit la poubelle qui lui sert de voiture, mais bon, depuis la tempête elle ne roule presque plus, Juliet ne s'en sert vraiment qu'en cas d'urgence. Il va peut-être être temps pour elle d'économiser pour s'en payer une nouvelle ou soudoyer son garagiste de petit ami à base de câlins pour trouver une solution (a). Le jeune inconnu lui propose visiblement un joint pour que l'inspiration lui revienne. Elle décline, avant de comprendre qu'il la prend certainement pour une fille pas cool du tout...Un sourire au lèvre, feignant un certain malaise, la jeune femme passe aux "aveux".

« C'est possible, mais j'imagine qu'il ne s'est jamais retrouvé en cure de désintox', lui...»

La jeune femme relève le regard vers Chad, une sorte de sourire embarrassé aux lèvres, comme pour s'excuser d'avoir refuser son joint, à la fois gênée par cet aveu complètement inventé.

La romance, c’était vraiment un truc de gonzesse… Quel mec sain d’esprit irait lire ça ?! Je ne voyais pas ce qu’il pouvait y avoir de passionnant dans l’histoire d’une rencontre d’un couple, de suivre son évolution mielleuse et barbante malgré quelques péripéties pour qu’ils ne tombent pas immédiatement dans les bras l’un de l’autre. Pour peu que l’auteur décide de mettre un peu de fantaisie à son texte, en donnant un coté « monstre à grande dents » à son héros et c’était l’apothéose pathétique !

Le succès de ce genre de lecture restait un mystère ! Mais les filles aimaient ça… La preuve, puisqu’Abi avait ce genre de connerie dans sa chambre.

« Oui, ça se vend plutôt bien, en effet...»

Comme par hasard ! Mais, même écrire quelque chose d’aussi naze et banal ne semblait pas protéger de la page blanche… Il me semblait pourtant que rien qu’en ouvrant ses oreilles aux rumeurs ou en regardant par pour regarder les gens s’engueuler, suffisait à trouver de quoi écrire ! Il fallait croire que les abrutis de Great Falls n’étaient pas suffisamment convainquant pour l’aider, alors je lui proposais un ptit joint qu’elle refusa aussi sec ! Son traitement de la page blanche ne devait pas être le même que certains auteurs célèbre. D’ailleurs la blondinette semblait gênée par cette éventualité car elle détourna les yeux.

« C'est possible, mais j'imagine qu'il ne s'est jamais retrouvé en cure de désintox', lui...»

Plus surpris que touché par cet aveu, je me contentais de m’installer au fond du banc sans l’accabler d’un regard curieux. Je détestais qu’on me joue se genre de plan, alors je n’allais surement pas lui imposer ça… Surtout qu’elle semblait vraiment pas à l’aise avec ce soit disant passé de junkie. D’ailleurs j’avais un peu de mal à l’imaginer se shooter au point de se faire enfermer, mais dans le doute je préférais fermer ma gueule.

- J’pense pas que ça existait à l’époque d’façon… Mais sérieux, t’as du te faire soigner parce que tu te défonçais ?

En même temps ça m’intriguais !

Quelle idée d'aller se faire passer pour une écrivain, sérieusement ? Parfois, elle se met dans des situations, quand même...Le pire, c'est qu'elle ne réfléchit même pas, lorsque ça arrive. Elle dit ce qui lui passe par la tête, sans vraiment penser à la crédibilité de ses propos. Alors maintenant, elle à l'air bien maline. Le syndrome de la page blanche, et puis maintenant cette pseudo vocation pour l'écriture de romans sentimentaux. Elle ne colle pas du tout avec le personnage, elle a déjà du mal à se croire elle-même x) Mais bon, avec lui ça a l'air de passer, alors tant mieux...Tant qu'il ne pose pas plus de questions, elle devrait s'en sortir sans mal.

« Je suppose que t'es pas très littérature, du coup...»

Demande-t-elle sans vraiment savoir pourquoi. En fait, elle espère qu'elle voit juste car, si c'est un mordu de livres, et qu'il lui sort quelques titres ou quelques auteurs célèbres, elle risque de ne pas s'en sortir de manière brillante avec les quelques bases qu'elle a. A ça c'est sûr, elle est loin d'être une experte en la matière ! Cela dit, elle suppose qu'il n'est pas nécessaire d'avoir une très grande culture dans ce domaine pour avoir envie d'écrire des bouquins. Enfin, elle n'en sait trop rien, finalement...

C'est probablement parti d'une bonne intention, mais Juliet refuse gentiment le joint que lui propose l'inconnu. Ce n'est pas son délire ce genre de truc. Le jeune homme se montre plutôt insistant, peut-être malgré lui. Juliet se sent obligée de se justifier, sans vouloir passer pour celle qui ne sait pas s'amuser ou quoi (a) Elle se fait donc passer pour une ancienne patiente d'un centre de désintoxication. A la belle excuse pour justifier son refus ! Une personne normale s'en serait tenue à un simple "non merci" très clair, mais elle....Elle est visiblement une personne hors du commun. Elle a conscience d'aller un peu loin pour ce dernier mensonge, et s'attend à une réaction par rapport à ça. Pour anticiper, elle se montre rapidement mal à l'aise, espérant lui faire comprendre sa gêne. Comme prévu, il l'interroge à ce sujet.

« Fais comme si je n'avais rien dit, tu veux ? »

Demande-t-elle en se levant, jouant son malaise au maximum. Elle ne peut pas rester plus longtemps au risque de se voir poser trop de questions auxquelles elle n'est pas capable de donner de réponses sans se faire griller.

« Je suppose que t'es pas très littérature, du coup...»

- Ha non pas vraiment ! J’suis carrément plus intéressé par les maths et la physique que par les mots…

La seule chose que je connaissais en matière littéraire ne volait pas plus haut que les goûts de certains auteurs célèbres en matière de défonce… Ouai pas franchement le genre de truc utile dans une conversation comme celle que j’avais avec la blondinette, mais ça me permettait de trouver une excuse pour lui avoir proposé un joint pour briser son syndrome de la page blanche. De la à imaginer qu’elle avait pu finir en cure de désintox… ? ? ? J’avais vraiment du mal à croire à cette histoire, comme celle d’une héroïne d’un roman d’ailleurs, mais il me restait un semblant d’éducation qui m’empêchais de lui balancer en pleine face que je pensais qu’elle me mythonnais ! D’ailleurs je commençais à douter du mensonge quand sa mimique vira du sourire à l’affliction, comme si certains souvenirs étaient trop douloureux à porter. Hé merde ! J’avais encore mis le doigt où ça fait mal. Quel con !

« Fais comme si je n'avais rien dit, tu veux ? »

Mes chances de retourner à Great Falls autrement qu’a pied commençaient à se réduire… et de plus en plus quand elle se leva pour me fuir. Je ne sais pas ce qui me poussa à me lever à courir jusqu'à sa hauteur… L’envie de m’excuser pour mon indiscrétion débile ou la fainéantise de devoir marcher jusqu'à la baraque. Aucune idée, mais je continuais néanmoins à parler pour ne pas que la conversation tourne aussi mal.

- J’suis désolé, je savais pas ! J’ai pas voulu être blessant ou quoi… C’est juste que je suis un gros boulet qui se rend pas compte quand il devrait fermer sa gueule.

Ce qu’il fallait pas dire comme conneries pour essayer de sauver les apparences quand même. Moi, j’en étais réduit à ça ?! Hé ba c’était du beau.

- Là d’ailleurs je devrais peut-être me taire ? Dis-je en m’arrêtant de marcher.

Juliet se plait dans ses petits mensonges. Elle ne fait de mal à personnes en s'inventant des vies complètement différentes. Ça lui permet d'être un peu le centre d'attention quelques minutes dans sa journée. Sans ça, elle est plutôt transparente. Les gens ne s'intéressent pas beaucoup à elle. Comme elle aime, de temps en temps, attirer l'attention, c'est la seule manière qu'elle a trouvé. Avant, ça ne lui servait qu'à fuir sa réalité, mais avec le temps, c'est devenu bien plus que ça ! Elle n'en abuse pas trop non plus, elle le fait juste pour s'amuser. Depuis quelque temps, elle apprend à se méfier lorsqu'elle joue à ça, pour ne pas se faire avoir comme ça a pu lui arriver il y a quelques temps à Milwaukee. Elle est juste un peu plus prudente dans ses mensonges désormais. Enfin....au début, parce qu'elle se laisse souvent dépasser par ses histoires...Pour le moment, elle gère encore son histoire, mais pour combien de temps, encore ?

« C'est rarement un truc de mec, la littérature, de toute façon....»

Ajoute-t-elle avec un léger sourire, comme si ça pouvait la déranger de voir que "son" art n'était pas assez respecté ou répandu. En réalité, elle s'en fiche bien vu qu'elle n'est pas plus écrivain que vous et moi. Elle ne possède même pas de journal intime, alors c'est pour dire...Pour ne pas trop avoir de questions à ce sujet elle passe à autre chose en laissant sous-entendre qu'elle a été en cure de désintoxication. Encore un autre mensonge dangereux. Elle n'y pense que maintenant en voyant l'air dubitatif de l'inconnu. Elle se rattrape bien vite en montrant de la gêne et en adoptant des expressions liées à ce passé qui n'existe pas réellement. Lorsqu'elle se sent finalement en danger, elle décide qu'il est temps pour elle de sortir de 'scène'.

« Tu ne pouvais pas savoir, personne ne sait de toute façon....

Mais t'inquiète pas, c'est rien....Tiens juste ta langue, d'accord ? »

La jeune femme fait mine de le mettre dans la confidence, histoire qu'il ne sente pas l'entourloupe. Elle se montre presque suppliante, adoptant un regard vraiment gêné, qui ne serait rassuré que s'il accepte de garder le secret. Elle sent qu'il est temps qu'elle parte, tout de même, car elle risque de vraiment se faire avoir sinon....Son dernier mensonge va probablement l'aider à fuir.

« Je dois y aller....»

Résoudre des équations, plancher sur des formules interminables, passer des heures avec des chiffres en tête, voila ce qui me passionnait ! Contrairement au monde des mots qui manquait trop de logique et de cohérence à mes yeux. J’avais un esprit de matheux alors il ne fallait pas me demander d’avoir des connaissances en matière littéraire… Contrairement à la blondinette à coté de moi qui semblait maitriser parfaitement le sujet même si elle n’était pas dans l’un de ses meilleurs jours.

« C'est rarement un truc de mec, la littérature, de toute façon....»

Si j’avais été un peu susceptible, sa remarque hautaine m’aurait légèrement énervé, mais je m’en foutais pas mal. Ca ressemblait trop à un jeu de gamin : celui qui voulait toujours avoir le dernier mot, pour que j’ai envie d’en rajouter une couche. Je n’avais plus dix ans… Et puis elle me balança une info qui me cloua sur place ! En me parlant de désintox je pensais qu’elle se foutait de ma gueule. Je ne l’imaginais pas une seule seconde en train de sniffer de la poudre dans un recoin noir, ni se piquer à l’héro… mais lorsque son petit sourire disparu pour laisser place à une mine défaite, je me retrouvais bien con. A tel point que je m’excusais.

« Tu ne pouvais pas savoir, personne ne sait de toute façon....Mais t'inquiète pas, c'est rien....Tiens juste ta langue, d'accord ? »

- J’vois pas à qui j’irais raconter ça d’façon. Et puis c’est pas mon genre de baver dans le dos des gens, alors ça vient à se savoir, ça viendra pas de moi.

N’importe qui aurait eu envie de tenir sa langue vu l’air triste et blessé qu’elle affichait, mais c’était bien inutile avec moi puisque je détestais les ragots. Aucune chance pour que ce secret sorte de ma bouche. D’autant plus que je ne connaissais pas son prénom et encore moins son nom de famille, j’aurais bien eu du mal pour lancer une telle rumeur.

J’étais encore en train de marcher à coté d’elle quand elle me dit :

« Je dois y aller....»

Sa détresse ne me fit pas pour autant oublier pourquoi j’étais venu à sa rencontre… et tout comme je n’étais pas un mec littéraire, je n’étais pas non plus un mec sensible, alors même si elle paraissait affaiblie après cette dérive de notre conversation, je me risquais quand même à lui demander :

- Ok… Mais dis… tu pourrais me déposer au centre ville au passage steuplait ?

Tant pis si je me prenais un vent…

[Je te laisse clôturer ? ]

La littérature n'est pas un truc qui semble intéresser Chad, tant mieux. Juliet se sent sauvée sur ce coup là. Les improvisations, ça fonctionne rarement quand on est pas sûr de la personne qu'on a en face de nous. Ne connaissant pas le jeune homme, elle s'est quand même bien mise à flipper lorsqu'il a commencé à poser des questions, comme s'il allait comprendre la supercherie. Heureusement, non, elle a plutôt bien géré son truc. Elle s'en étonne encore, d'ailleurs, car c'était loin d'être gagné. Cela dit, risquer de se faire grillée ne lui a visiblement pas suffit puisqu'elle part sur un nouveau terrain glissant. Elle prétend être déjà allé en cure de désintoxication, tout ça pour justifier son refus devant la proposition de l'inconnu. Elle n'est pas bête, elle a très bien comprit quel genre de mec il est et quel genre de 'produit' il allait lui proposer. Elle savait également qu'en disant 'non', elle passerait pour une fille inintéressante qui ne sait pas s'amuser etc...Elle ne comprend pas cette manière qu'on les gens de nos jours de juger quelqu'un qui n'a tout simplement pas les mêmes centres d’intérêts. On peut savoir s'amuser sans avoir les mêmes manières de le faire. Enfin, ce n'est pas ça le sujet, en fait...

Pour lui faire croire qu'elle dit la vérité, elle prend un air extrêmement confus, comme si elle se sentait en danger en sachant son secret 'révélé' par erreur. Visiblement, ça fonctionne, puisque le jeune homme s'excuse. Elle ne perd pas son air paniqué, histoire de bien montrer qu'elle n'est pas à l'aise avec cette révélation et surtout pour avoir l'occasion de fuir pour une bonne raison. Elle acquiesce, comme soulagée, lorsqu'il lui assure qu'il n'ira rien dire à personne. Elle espère bien, d'ailleurs parce que, s'il venait à en parler, les gens seraient soit tentés de croire à cette histoire, soit repartis pour dire qu'elle est folle. Il n'y comprennent rien, de toute façon, ces gens.

« Merci »

Murmure-t-elle simplement, gardant son air de fille abattue, histoire d'être crédible jusqu'au bout. Si elle le pouvait, elle s'attribuerait un golden globe, là, tout de suite, pour son talent (a). Elle tente une esquive en annonçant qu'elle doit partir mais, pas de chance, le jeune homme saute sur l'occasion pour lui demander de le ramener. Elle peut difficilement dire non, en fait. Elle s'est bloquée elle-même avec ce mensonge et se dit, d'un coup, que si elle refuse, il risque de lui en vouloir et de raconter tout ça pour se venger. S'il venait à le faire, elle serait bien embêtée...Et puis, elle ne peut pas tenter de lui mentir une nouvelle fois en lui disant qu'elle est venue à pieds ou quoi que ce soit, car il risque fortement d'entendre le bruit du moteur de sa voiture au moment où elle démarrera...

« Heu....Oui, mais, j'espère que tu n'as pas facilement peur, alors, parce qu'on peut pas appeler ça une voiture, en fait...»

L'informe-t-elle en montrant du doigt le parking, plus très loin maintenant. Il n'y a que quelques voitures. Des voitures parmi lesquelles ont aperçoit facilement la poubelle roulante de la blondinette. Elle a arrêté d'avoir honte de son véhicule depuis qu'elle a réalisé qu'elle n'arriverai pas à en changer avant un bon moment. Ça lui sert bien pour le moment, alors elle ne va pas s'en plaindre. Tant que ça roule, c'est l'essentiel.

Si au début de la conversation je m’étais senti parfaitement à l’aise avec Juliet en parlant du lac, des problèmes de ces chers dirigeants de la ville et autre banalités du genre, je déchantais petit à petit… Apprendre qu’elle écrivait des romans à l’eau de rose reconnus dans l’univers littéraire féminin m’avait clairement impressionné même si je n’avais rien laissé paraitre, mais qu’elle refuse un joint à cause d’un passé de drogué qui l’avait conduite en désintox, là, je me prenais une belle claque ! Si son visage souriant ne s’était pas transformé en masque malheureux j’aurais sans doute pris la liberté de me foutre d’elle, en la traitant ouvertement de mytho, mais ses yeux tristes me coupèrent toute envie de me moquer. Au contraire, je préférais m’excuser pour avoir douté de ses paroles et cherché à en savoir plus alors que cette histoire la blessait visiblement encore beaucoup… Dans le genre boulet, on ne devait pas pouvoir faire mieux.

La rattrapant alors qu’elle prenait la fuite, je tentais de rattraper le coup et elle me fit promettre de ne rien dire à personne sur ce petit secret que je n’aurais sans doute pas dû découvrir aussi facilement. Par chance, elle n’avait pas à faire à un mec accro aux rumeurs et je n’allais surement pas raconter cette histoire à qui que ce soit.

« Merci »

- Pas d’quoi !

Il valait pour moi que je là joue cool si je voulais qu’elle me ramène jusqu'à Great Falls en bagnole… Je n’avais pas du tout envie qu’à cause de mon aberrante maladresse elle me condamne à rentrer à pieds jusqu'à Burroughs Street.

« Heu....Oui, mais, j'espère que tu n'as pas facilement peur, alors, parce qu'on peut pas appeler ça une voiture, en fait...»

J’allais répliquer que même un vieux tacot ne me ferait pas peur, mais quand elle désigna une… poubelle… sur le parking un peu plus loin, je commençais à avoir peur pour ma vie. Mais j’avais vraiment trop la flemme de marcher pour refuser de monter dans cette voiture, aussi pourrie soit-elle.

- C’est pour garder ton anonymat ? Lui demandais-je tout sourire en essayant de me persuader qu’elle gardait cette épave pour éviter d’être pourchassée par des fans déchainés… Du moment que j’arrive vivant c’est tout ce que je demande.

Et c’est bien en entier que j’arrivais devant chez moi quelques minutes plus tard après avoir remercié la blondinette d’un geste de la main.