Le café Coffee Time se trouvait tout près de la librairie. J'avoue, j'ai toujours été une addict du café, café au lait surtout. Je n'ai non plus jamais dit non à un bon cappuccino glacé par une chaude journée d'été. Je crois que c'est un des seuls petits plaisirs qui me reste : savouer à la paille un bon café glacé, couvert de crème fouettée et d'un coulis au chocolat, tout en profitant du bon temps sur une terrasse, les cheveux dans le vent. Oublier tout simplement. Les papilles gustatives sont douées pour ça. Gourmandise, merci d'être là pour moi...

J'ai pris beaucoup de poids dans les premiers mois suivant ma rupture avec Reggie, justement pour cette raison. J'ai trouvé en la nourriture un plaisir insoupçonné : je dévorais chocolat et crème glacée jusqu'à ce que leurs doux parfums ne soit plus que caoutchouc dans ma bouche. Jusqu'à en être écoeurée. Aujourd'hui, ça va mieux, je peux me contrôler. Mais une règle subsiste : jamais sans mon café!

Ainsi, je passai à la caisse et commandai un café au lait - pas de cappuccino ce matin, le temps était relativement fraid.J'ai toujours aimé les coffee shop qui s'attardent sur la présentation, et celui-ci ne faillait pas à la tâche : mon café me vint dans une très grande tasse ronde, presque un bol, à l'européenne. Un petit plaisir de plus.

Je m'assis à une des tables du shop, à l'extérieur, et m'attaquai à ma boisson. Je n'aimais pas comme les regards de ces gens s'attardaient sur moi. Que ce soit mon style vestimentaire ou ma seule présence qui choquait - après tout, les nouveaux sont rares dans les petites villes de campagne -, je ne manquais pas d'attirer l'attention, et dans un moment où j'aurais préféré être invisible, cela me rendait très mal à l'aise. Plus que mal à l'aise : presque malheureuse. Foutez-moi la paix, par pitié. Mais, après tout, je l'avais cherché.

Je me demandais si certains me reconnaissaient. Parfois certains visages me paraissaient familiers, mais je n'aurais su dire qui ils étaient, ce que nous avions vécu ensemble. Tout était très lointain... À vrai dire, de mes visites à Great Falls, je me rappelais surtout un parfum de bonheur, mais rien de bien précis... Peut-être m'étais-je fait des films à propos de cet endroit, après tout. On est bête quand on est enfants...

Bientôt la reprise des cours. Mais bon, il restait encore quelques semaines. Enfin, pas heureusement, parce que les cours commençaient à manquer au jeune blond. Certes, il pouvait faire la grasse mat', faire des aprems jeux vidéos, faire augmenter le pouvoir d'achat, et tout un tas de choses plus passionnantes les unes que les autres. Mais il préférait passer largement son temps avec Talya, quand elle ne bossait pas. Il adorait tellement sa présence et passer des heures - à rien faire - avec elle. Juste à parler, à se chamailler, à se reposer, à regarder la télé. C'était les seuls moments qu'il adorait de ses vacances.

Seulement, elle bossait et il ne pouvait profiter d'elle que le soir, quand elle n'était pas trop fatiguée. Il décida de sortir avec Rambo - son chien, un husky - pour s'occuper et pour prendre l'air. Il faisait beau alors autant en profiter. Il alla se balader en ville, se demandant s'il n'allait pas plutôt du côté du lac ou du Tom's pour aller saluer Jen, ou bien ailleurs. Tiens pourquoi pas le Coffe Time. Un chocolat froid, cela le tentait bien. Et puis y'avait du monde. Peut-être y'aurait-il une de ses connaissances et il s'occuperait comme il se doit. Ou bien rencontrerait-il une superbe jeune femme et s'occuperait encore mieux à draguer ...
Et Rambo se mit à s'exciter et à tirer sur la laisse, d'un coup, tellement que Jax fut propulser, à deux doigts de se retrouver les quatre fers à l'air. Il se rattrapa de justesse et avant de regarder la cause de cette excitation soudaine, il râla après son chien :

- Rambo ! Sérieux t'abuses ...

Il leva les yeux, et vit une belle blonde. Il ne put s'empêcher de sortir son sourire charmeur. Il a tellement l'habitude de draguer, qu'il trouvait toujours une bonne raison d'accoster les jolies filles. Surtout quand Rambo est là.

- Dites, ça vous dérangerez de me garder mon chien le temps que je vais m'acheter un café ?!

Bon, il ne savait pas s'il avait le droit de rentrer avec son chien, mais il en doutait. Et puis Rambo semblait avoir flashé sur la demoiselle et était à deux doigts de lui sauter dessus.

- Ah et s'il te saute dessus, n'hésites pas à le repousser, il le prendra pas mal t'inquiète !

Dans mon observation de la foule, je notai la présence d'un jeune homme à l'air soigné; cheveux lisses et bien coiffés, tenue décontractée, visage avenant, regard franc. S'il n'était pas spécialement de mon goût, il fallait avouer que sa personne dégageait un certain charme, et que le charisme faisait partie de ses cordes. Or, ce n'étaient pas ces atouts qui m'avait amenée à le détailler à la base, mais bien un détail plutôt différent : la présence d'un superbe chien à ses côtés, retenu dans sa joie frénétique par une laisse que ce même jeune homme agrippait de toutes ses forces. Il s'agissait d'un husky, une de mes races préférées pour leurs yeux bleus profonds, leur air calme et mystérieux, leur pelage à la texture particulière. D'ailleurs, si je ne me trompais pas, il semblait se diriger vers moi... Je baissai la tête, intriguée, et comprit la raison de son engouement : un petit écureuil s'était arrêté tout près de mon pied pour ramasser une miette égarée. À cet instant précis, il sentit la menace et détala à toute allure comme un petit éclair de fourrure brun. Un sourire en coin étira mes lèvres; c'étaient ce genre de scènes animales qui me remontaient imperceptiblement le moral, à tous les coups.

À ce moment le jeune homme sembla réaliser ma présence, il s'était d'ailleurs vachement rapproché - ces chiens peuvent être capables d'une force de boeuf lorsqu'ils ont quelque chose derrière la tête! Lorsqu'il m'aperçut, son expression faciale changea drastiquement, un sourire bien particulier s'esquissa sur ses lèvres; indices caractéristiques que j'étais probablement de son goût. Ce genre de choses me procuraient encore un bête plaisir - quelle jeune fille écervelée n'aime pas qu'on se pâme devant son joli minois? -, mais si peu. Merci quand même, joli inconnu.

Joli inconnu m'aborda. Garder son chien? Un jeu d'enfant! Je fis un effort pour lui offrir mon plus beau sourire, et répondit aimablement par l'affirmative.

- Bien sûr, prenez votre temps.

Il ajouta un commentaire, auquel je répondis par un hochement de tête et un sourire, puis entra dans la bâtisse. À nous deux, monsieur Rambo. L'excitation du chien était loin de s'être refroidie, et cette fois, il semblait en avoir après moi. Battant frénétiquement de la queue, il reniflait furieusement mes vêtements, et glissa même un nez impertinent dans mon sac à main. Lorsqu'il posa une patte sur ma cuisse, je le réprimandai fermement. « Non! » Le gentil animal obéit sans broncher. Il était plutôt bien dressé.

La présence de Rambo me rappelait mon enfance. Dans la maison familiale, en Ontario, c'était toujours plein de chiens. Mon père en était gaga. Nous avions une énorme cours arrière, assez grande pour accueillir une deuxième fois la superficie de notre maison. Des arbres à perte de vue, de l'herbe haute, de petits ruisseaux... Un petit paradis pour notre élevage de canidés de toutes races et de tous caractères. J'avais appris très tôt à me faire respecter de ces compagnons à quatre pattes. En échange, il semblerait que la plupart m'appréciaient d'emblée. Tant mieux, parce que je ne les détestais pas vraiment non plus, même si mon père les appréciait davantage encore que moi.

Je caressai affectueusement la tête de Rambo, qui s'était assagi, observant tranquillement les passants. Belle bête, va. Je me pris à lui parler, à lui radoter des bêtises comme une vieille dame galeuse. En fait, sa compagnie était très... rassurante. Un chien, peut-être était-ce la solution à mon mal-être?

La jeune femme ne semblait pas rebuter par l'attitude du blond. Un bon point pour lui, au moins il pourrait taper la discute en revenant. Merci Rambo ! Mais que ferait Jax sans son vieux chien ?! Bien des choses en moins. Et il se ferait chier pendant les vacances certainement aussi. Il le laissa donc à la jeune femme, se faisait plus d'inquiétude pour cette dernière quant au comportement euphorique du husky. Mais vu qu'il l'avait bien éduqué, il savait quand on voulait dire non qu'il fallait faire l'inverse de ce qu'il était en train de faire. Le blond avait bien galéré à l'éduquer, mais au final, il trouvait que le résultat n'était pas si mal que ça, à part quand cet idiot avale ses jouets ... Enfin bon, heureusement, le jouet était aussi facilement sorti qu'il était rentré. Beurk !

Jax rentra donc chercher son café. Il fit la queue tout en se demandant bien ce qu'il allait commander cette fois-ci. Depuis toutes ces années qu'il était dans cette petite ville, il avait testé et retesté tous les cafés que proposer ce shop. Même lorsque les Warner proposait quelque chose de nouveau. Mais il faisait chaud et un bon caffé latte froid serait le bienvenue. Ils sont juste excellent ici, donc autant en profiter. Une fois à son tour, il commanda son café froid, paya et retourna dehors avec son savoureux encas. Il se mot à sourire quand il vit que la jeune femme tapait la discute avec Rambo.

- Il t'a bien tenu compagnie au moins j'espère ?! Demanda-t-il à la jeune femme. Il l'avait tutoyé instinctivement. A vrai dire, il n'avait jamais vraiment vouvoyer quelqu'un dans sa vie, à part ses profs ou les personnes bien plus âgés que lui. Et puis maintenant il connaissait presque toute la ville, donc plus personne ne se vouvoie à force. Et puis il aime pas ça, il trouve que ce n'est pas agréable, social et ... joli. Oui bon on s'en fout. Il vient s'asseoir en face de la jeune femme Je peux ? Au moins rester poli et même s'il était déjà installé, c'était la moindre des choses. Alors tu viens d'où ? Et pourquoi Great Falls ? Question indiscrétion sans gêne, c'est sûrement le meilleur (a)

Le retour du jeune homme m'apporta une surprise de taille. Il s'assit en face de moi pour taper la discut'. Mieux, il m'en demanda même la permission! Ça, c'était bien le genre de choses qu'on ne voyait jamais dans la grande ville. J'acceptai bien sûr, même si au fond de moi je ne savais pas si je faisais bien. Je me sentais encore si fragile, comme un oisillon fraichement sorti du nid. J'avais peur de craquer au moindre souffle de bonheur. Comment réagit l'humain, lorsqu'il est heureux? Stocke-t-il ces réserves de joie et de chaleur pour pouvoir passer au travers des moments plus difficiles, ou au contraire s'accoutume-t-il à ce que tout soit beau et rose, puis s'éparpille en petits morceaux lorsqu'on lui arrache ses trésors?

Et l'autre qui me regardait aimablement, était sans doute bien loin de ce genre de pensées philosophiques... Je n'avais jamais réalisé à quel point il était bon de pouvoir sourire sans avoir à se forcer, de pouvoir être jovial et détendu juste comme ça, sans raison. J'enviais le jeune blond pour ce sourire qui s'affichait si aisément sur ses lèvres. J'aurais voulu lui dire sa chance, mais comment? Il le réalisera bien tôt ou tard... Si, il le réalisera tard. Trop tard, comme moi, comme nous tous.

Bon, je me résolus à porter plus d'attention à ce qu'il disait. Il me demanda avec une grande franchise d'où je venais et pourquoi j'étais venue ici. Un léger sourire s'afficha sur mes lèvres, comme toujours lorsque je me rappelais mon enfance ici.

- Je viens de Chicago, dis-je posément. Je connaissais un peu le coin. Mes grands-parents y habitaient, je venais leur rendre visite chaque été... J'ai toujours gardé de bons souvenirs de cet endroit.

« ... Alors quand on est déraciné et qu'on cherche à se redresser, on se raccroche au passé. » aurais-je pu ajouté. Peut-être que j'aurais dû retourner à la maison, au Canada... Mais la vie là-bas me paraissait trop monotone, trop déjà-vu. Or Great Falls n'avait peut-être pas grand-chose de mieux à offrir, au fond...

Là, il me faudrait une relance. Une question pour le faire parler. Mais je n'en avais pas le coeur, du tout. Je risquais sans doute de le faire fuir... Ce qui n'était pas sans me procurer un petit pincement au coeur.

Une fois assis, et avec l'approbation de la jolie blonde, Jax s'était confortablement installé et commença à cramer. Heureusement qu'il y avait un petit vent en fond pour rafraîchir un peu. Et puis avec le café froid ça devrait aller aussi. Il lui avait donc demandé d'où elle venait, avant même de lui demander son prénom. Il faisait vraiment tout à l'envers celui-là. Mais c'est ce qu'il aimait, ne pas faire comme tout le monde, changer un peu, prendre des risques et défier les lois de la gravité.

Bon d'accord, c'est un peu trop dans ce cas-là, mais il est quand même comme ça. Son kiffe cet été ? C'est le ski nautique avec un snow. Qu'est-ce qu'il peut adorer ça ! Sauter, voler, se faire éclabousser, tomber, s'écraser comme une merde dans l'eau. Ah les joies de l'été ! Enfin bon, on s'en fout. La blonde lu confia qu'elle était venue pour ses vacances étant petites. Pas sûr qu'ils se connaissent alors, vu qu'il est arrivé il y a à peine 6 ans, et qu'en plus, elle semblait plus âgé que lui. Non mais c'est quoi cette obsession pour les femmes plus âgées ?!!

- Ah ! Donc tu connais un peu la ville, c'est cool. T'as retrouvé quelques amis d'enfance ?

Depuis qu'il était dans cette petite ville il connaissait un peu tout le monde, au moins un membre de chaque famille, enfin, à peu près. Ou il en a déjà au moins entendu parlé. Et Rambo se mit à couiner. Quoi encore ! Il lui faisait les yeux doux et lorgnait sur le café froid de son maître. Non mais il est sérieux ce chien ! Pas possible ! Jax en prit tout de même une gorgée, puis fit couler une goutte sur le nez de son chien, que ce dernier s'empressa de lécher. Il lui en déposa une deuxième et stop. Il revint alors à sa voisine de table et continua la conversation.

- Au fait moi c'est Jackson, mais tu peux m'appeler Jax. Et toi c'est comment ?