Un lap dance pour dix dollars?




Les rues et les bars de Milwaukee étaient devenus mon refuge depuis quelques nuits... Je ne voulais qu’une chose : être le plus loin possible de la maison de Burroughs Street, loin de Great Falls et surtout loin d’Abi !

Mon frère et ma sœur s’inquiétaient de me voir fuir comme ça, mais j’avais pu justifier mon comportement distant en prétextant un stress à cause des résultats des exams qui ne tareraient plus à tomber. Même s’ils firent ceux qui crurent à ce bobard, ils savaient parfaitement que je m’en foutais pas mal… Mais ils me laissèrent évacuer ma peine, seul dans mon coin, et c’était la meilleure chose à faire pour éviter une énième engueulade. Non, la véritable raison de cet isolement n’était autre que mon mal être d’entendre des rumeurs courir sur ma petite copine et Evan Carter ! Ils se seraient envoyés en l’air pendant mon voyage en Floride…

Comme la blondinette de mon cœur était encore en période d’évaluations, j’avais une bonne excuse pour ne pas passer mon temps libre avec elle… mais c’était surtout une manière d’éviter une conversation que je n’avais pas envie d’avoir. Rien que le fait que je puisse douter de sa fidélité n’était pas bon signe. J’avais un mauvais pressentiment pour la première fois depuis le début de notre histoire.

Croiser Evan pour lui poser la question en face, en mecs, me paraissait beaucoup plus simple, mais je n’avais pas vu sa ptite gueule depuis plusieurs semaines !

En solitaire, je me rendis donc dans un petit bar de la ville pour oublier mes problèmes, les noyant sous une bonne dose d’alcool et de shoots d’héroïne.

Le « Paradise » semblait m’attendre… alors j’entrais sans me poser de question.

Debout devant la coiffeuse qui m'est réservée dans les loges, j'observe sous tous les angles le nouveau costume qui m'a été remis pour les trois prochaines semaines. Ironie du sort, sans même que Douglas ne sache quoi que ce soit des études que je mène, me voilà affublée d'un costume d'infirmière ultra sexy qu'il a choisit pour moi.
Heureusement, la déguisement que je porte en ce moment n'a rien à voir avec les blouses bleues que je porte habituellement lors de mes stages en milieux hospitalier. Celui ci se résume simplement à une paire de gants blancs qui m'arrivent jusqu'aux coudes, de bas blancs sur le côté desquels sont cousus deux petits noeux rouges,d'une toque blanche sur laquelle figure une croix rouge,d'une paire de dessous en dentelle rouge criard et d'une blouse blanche très décolletée et inévitablement très courte.

Me tournant vers ma collègue Mona, Alice de son vrai prénom qui vient de terminer son service et se démaquille avant d'aller rejoindre chez elle ses deux enfants dont elle a la charge, j'attrape le stéthoscope fournis en guise d'accessoire et fait mine de m'étrangler avec pour la faire sourire.
J'aime beaucoup Alice, elle me rappelle que je ne suis pas là seule à faire ça sans plaisir et que j'ai de la chance de n'être là que depuis moins d'un an. Elle en est à sa septième année en tant que "danseuse" au "Paradise" et n'a pas l'air de songer à s'arrêter. Il faut dire que nous sommes plutôt grassement payées pour nous déshabiller.

En piste Shelly!

La voix de Douglas me rappelle à l'ordre alors que je relâche la pression sur ma gorge. Shelly c'est moi, ou plutôt le surnom que j'ai choisis de porter en tant que danseuse. Une contraction plus ou moins réaliste de Rachel et Molly, pour me rappeler pourquoi je suis là, même si, soyons honnêtes, je n'ai pas vraiment l'occasion de l'oublier.
Enfilant la dernière partie de mon costume, à savoir mes stilettos rouges vernis, le must en matière de goût ("berk") je glisse, correctement cette fois, mon stéthoscope de plastique autour de mon cou avant de m'élancer sur scène après avoir glissé quelques mots à Alice.

Souhaite moi bonne chance!

C'est l'heure de sourire Rachel...

Me glissant sur le podium qui m'est réservé, je commence par quelques mouvements les plus simples afin de m'échauffer. Comme mon costume n'est pas très élaboré, je préfère perdre un peu de temps à danser avant de commencer à me déshabiller même si au fond, je n'ai qu'une envie, me retrouver rapidement nue pour courir me réfugier en coulisses. Seulement, je sais que jamais Douglas ne me laissera filer si facilement. J'ai un horaire à respecter...

La déco de ce bar n’était pas franchement originale, ni tape à l’œil pour attirer les clients, mais l’ambiance était plutôt sympa. Alcool à prix abordable, musique de bon gout et stripteaseuse plutôt canon même si celle qui évoluait sur scène en ce moment n’était pas de première jeunesse… Mais il en faut pour tous les gouts ! Certaines adresses de Milwaukee ne pouvaient pas se vanter d’être aussi « propre ». Et c’est ce dont j’avais besoin ! Me détendre sans personne pour venir me prendre la tête.

Après avoir commandé un whisky, je m’installais à l’une des tables les plus en retrait possible pour fuir les regards indiscrets. Un peu de tranquillité ne me ferait pas de mal… Mais seul l’appel de l’héroïne me harcelait alors que le liquide ambré diminuait dans mon verre. Pas la peine d’insister, je savais très bien que je ne pourrais pas résister bien plus longtemps. L’alcool ne serait de toute façon pas suffisant pour m’aider ce soir… En temps normal j’avais déjà beaucoup de mal à espacer mes shoots, mais avec les doutes qui envahissaient mon esprit c’était carrément impossible de lutter !

Cédant à la tentation, j’abandonnais mon verre vide pour me trainer jusqu’au toilette du bar. Même avec l’habitude de prendre mes shoots dans ces conditions, je ne pouvais m’empêcher de regarder tout autour de moi, stressé, Je me sentais observé par des regards invisibles jusqu'à ce que je m’enferme à double tour dans la petite pièce aux faïences blanches et bleues. Là, assis à califourchon sur la cuvette, mon matos sur la réserve d’eau, je préparais ma dose. Seringue entre les dents, cuillère dans la main droite, briquet dans la gauche, mes doigts ne tremblaient à peine et uniquement par impatience de voir venir le flash de plaisir que la piqure entrainait toujours, me faisant oublier ma vie de merde. Incapable de dire depuis combien de temps j’étais enfermé dans la cabine, je ne pris même pas le temps de ranger tout ce bordel avant de me piquer. L’effet ne tarda pas. Me laissant glisser par terre, tête contre le mur, je laissais mon esprit divaguer… jusqu'à ce que des coups à la porte me sortent de ma léthargie.

- Ouai ça va, je sors ! Lâchais-je sans savoir qui pouvait bien tambouriner contre le bois.

Ramassant mon matos et balançant tous les déchets dans la cuvette, je tirais la chasse avant de sortir. Un mec plutôt pressé me bouscula pour prendre la place. Un autre junkie ? Ou tout simplement un client avec des problèmes de digestion ? Dans tous les cas, il ne chercha pas à comprendre ce qui avait pu me retenir dans les toilettes.

Je n’avais plus rien à foutre ici, et même si j’étais bien ralenti, je retrouvais mon verre. Entre temps nouvelle stripteaseuse avait fait son entrée sur le podium à coté de moi. Sexy dans son costume d’infirmière, je m’installais confortablement pour la voir danser… et se déshabiller. Pourquoi ne pas profiter de la soirée puisque certain ne s’en était pas gêné d’après les rumeurs!

Comme prévu, je prend ma place sur le podium que vient de quitter Alice au fond de la salle. Plusieurs autres filles se déhanchent déjà lascivement sur leurs podiums répartis un peu partout dans la grande salle, entourée de dizaines de clients. Certains sont "fidèles" à telle ou telle fille parce qu'elles éveillent en eux quelque chose. Pour ma part, je n'ai pas encore assez d' "ancienneté" pour avoir ce genre de faveurs. Mes "admirateurs" ne sont jamais les mêmes et ce soir, par chance, je n'en ai pas un seul. Seul un verre vide trône sur la table près de mon stand.

Malgré tout, parce que c'est pour ça qu'on me paye, je commence à danser. Ma peau glisse sur la barre qui n'a pas eue le temps de refroidir depuis le passage d'Alice quelques minutes plus tôt. Elle est encore tiède et glissante. J'ai horreur de ça, j'ai toujours l'impression que mes doigts vont finir par riper et que je vais m'écrouler sur le sol la tête la première. Et ce n'est pas avec mes talons de douze que je risque de retrouver mon équilibre.
Heureusement pour moi, ce genre de scénario catastrophe ne m'est encore jamais arrivé.

Encore habillée parce que Douglas ne me pardonnerais pas de me dévêtir sans en faire profiter quelqu'un, je danse inlassablement, ou presque, priant pour que quelqu'un arrive enfin et que je puisse en finir. Par chance, mes prières sont rapidement entendues et un jeune homme vient finalement s'installer dans l'un des fauteuils. Aveuglées par les spots, je ne distingue pas son visage et lui lance un sourire accompagné d'un clin d'oeil approximatif. J'ignore s'il me regarde ou s'il s'ennuie ferme, mais je commence malgré tout mon "spectacle".

Me laissant glisser contre le poteau de fer, j'enchaine les mouvements sans quitter des yeux sa silhouette que je ne peux que deviner. Quelques minutes passent avant que je ne fasse enfin sauter les boutons de ma blouse dévoilant mes dessous rouges criards ainsi qu'une bonne partie de mon corps. Envoyant valser la "robe" de vinyl un peu plus loin, je tourne autour de la bar et me laisse glisser la tête en bas vers le sol et pour la première fois depuis son arrivée je distingue le visage de mon client ce qui m'ôte toute envie de sourire et me déstabilise au point que je fini par perdre le contrôle de ma descente et atterri plus vite que prévu sur la surface noire du podium non sans un certain fracas.
Ma tête viens de heurter le sol, et je suis en train de danser pour l'un de mes voisins...

Outch...

J'ai le souffle coupé et la tête qui tourne légèrement alors que mon coeur lui bat à tout rompre dans ma poitrine. Clouée au sol où mon dos à fini par rejoindre ma tête, je garde les jambes repliées et ne bouge pas avant que la sensation de tournis ne soit passé. A l'autre bout de la salle, Douglas semble avoir vu ma chute puisqu'il se précipite déjà vers moi.

Bien stone après avoir pris mon premier shoot, mais tellement bien dans ma tête et presque heureux, je regardais la stripteaseuse onduler sur le podium devant moi. Le rush était passé et comme la dose que j'avais prise n'était pas assez importante pour me faire perdre totalement pieds, je profitais pleinement du spectacle, les bras étendu sur les dossiers de la banquette.

Suivant le rythme de la musique, la jolie blonde se déhanchait sensuellement le long de la barre de lap dance tout en prenant le temps de se déshabiller. Bouton après bouton, la petite blouse blanche finie par atterrir sur le sol, laissant apparaitre ses dessous rouge vif. Waou ! Sexy ! Même passablement ralenti par l’héroïne qui courait dans mes veines, je sentis une vague de désir me parcourir le corps alors qu’un sourire se dessinait sur mes lèvres. Rien de bien violent, mais juste assez pour être agréable.

Malgré les projecteurs qui éclairaient largement la petite scène, je ne distinguais pas les détails de son visage… Mes yeux ne s’attardaient d’ailleurs pas sur la couleur de ses iris, mais plutôt sur les courbes de sa poitrine, la finesse de sa taille, la couleur brillante de sa peau satinée... Même sis cette fille avait déjà croisé ma route, je n’étais pas en état de la reconnaitre ! Incapable de détacher mon regard de sa silhouette gracile, hypnotisé par ses mouvements, je laissais la serveuse remplir mon verre et le bu lentement sans même m’en rendre compte…

Concentrée sur son show, la danseuse ne devait pas se soucier vraiment de moi, jusqu'au moment où elle croisa mon regard. Sans comprendre vraiment ce qu’il lui arrivait, je la vis s’écrouler sur le sol, tête la première. Hésitant quelques secondes à me marrer de sa perte d’équilibre, je sentis ma conscience qui me poussait à lui porter secours.

- Hey ! Ca va ? Lui demandai-je en m’approchant, alors qu’un autre type en faisait autant. Probablement le patron vu la tronche qu’il tirait, mais je ne m’attardais pas sur sa petite personne, m’intéressant plutôt à la blondinette qui commençait à reprendre ses esprits.

- Original comme numéro, lançai-je tout sourire pour dédramatiser la situation qui ne devait pas être prévue à la base.

Les lumières de la salle, aussi tamisées soient-elles dansent tellement devant mes yeux que je suis contrainte de les fermer de nouveau. La chute n'a pas été tendre et je préfère vérifier mentalement toutes mes fonctions avant d'esquisser le moindre geste. Je sens encore mes doigts de pieds serrés dans mes chaussures à talon, et ma tête me fait si mal que je ne doute pas une seule seconde de son état de fonctionnement. Entre ces deux extrême, tout semble aussi se porter à merveille. Je risque seulement quelques bleus, et encore.
C'est donc légèrement rassurée que je rouvre les yeux pour apercevoir penché au dessus de moi, le visage qui m'a valu cette chute quelques secondes plus tôt. Craignant qu'il ne me reconnaisse, je ne me sens malgré tout pas la force de me relever tout de suite.

Ca va oui...

Je m'efforce d'esquisser un léger sourire histoire de le rassurer, mais la douleur qui tambourine à l'arrière de mon crâne transforme très vite mon sourire en grimace.
L'arrivée tonitruante de Douglas qui semble plus en colère qu'inquiet n'arrange pas les choses puisque très vite il se met à pester contre moi en réaction aux paroles du jeune homme.

Original? Vous plaisantez?T'es vraiment cruche hein! Tu peux pas faire attention?!

Je vais bien merci de t'en inquiéter Doug...Dis-je froidement tout en levant les yeux au ciel.

Je finis par me redresser tandis qu'il continue de s'énerver et m'efforce de m'asseoir sur le bord du podium pour reprendre mes esprits. Ma petite cascade n'a pas chance pas semé la panique dans la boite et tout le monde continue de vaquer à ses occupations tandis que Doug s'éloigne en nous maudissant moi et ma maladresse.
Il ne semble pas vraiment inquiet de me voir blessée et n'a sans doute pas l'intention de déclarer mon accident. Sans doute ai-je gâché sa soirée plus qu'autre chose.

Désolée d'avoir gâchée votre soirée...Dis-je finalement avec un sourire confus au jeune homme qui s'est jusqu'ici montré bien plus prévenant que quiconque au Paradise.

Bon d'accord, dire que j'ai gâché toute sa soiré est un peu exagéré, je n'irais pas jusqu'à dire que sans moi, il aurait passé une soirée totalement ennuyeuse, mais tout de même, il a payé pour me voir danser, pas m'écrouler.

Toujours assise sur le podium, ne me sentant pas encore prête à me mettre debout, je prend soin de garder la tête légèrement baissée pour ne pas avoir à le regarder trop longtemps, mais aussi et surtout, pour éviter qu'il ne me reconnaisse.
Je n'ai pas la prétention d'être connue comme le loup blanc à Great Falls, mais malgré tout, j'ai croisé bien des fois Chad Matthews dans Burroughs Street alors qui sait, mieux vaut ne pas prendre de risques...

La chute avait dû secouer la demoiselle car elle ne reprenait que difficilement son équilibre, et son sourire rassurant ne dura pas plus de quelques secondes. A la grimace qui se dessina sur ses lèvres rosées, j’imaginais assez bien la douleur qui devait se diffuser insidieusement dans son crâne alors qu’elle venait de recevoir un bon choc sur la tête.

Ca va oui... tenta-t-elle de me rassurer avant que l’autre abruti se mette à hurler en m’entendant plaisanter sur une éventuelle originalité de ce numéro de danse exotique. Quoi qu’il puisse raconter, je m’en foutais pas mal ! Les mecs de sont genre me filaient la migraine en plus d’avoir envie de les remettre à leur place ! Celui là n’avait pas l’air d’apprécier la stripteaseuse et se moquais bien qu’elle se soit casser quelque chose dans sa chute. Non il se contentait de la rabaisser… et là je perdis le fil de sa gueulante.

Je préférais m’intéresser à la blondinette qui continuait à garder la tête haute devant l’avalanche de critiques et d’insultes. Maintenant que je me trouvais en face d’elle, j’avais l’impression de l’avoir déjà croisé quelques part, mais où ? Aucune idée… Ma mémoire physionomiste n’était pas l’une de mes qualités. Peut-être que je l’avais déjà croisé dans un autre bar de la ville ? Je ne voyais pas où nous routes auraient pu se croiser autrement. Dans les cas, à part l’éclat de ses yeux qui ravivaient certain souvenirs dans ma mémoire, j’ignorais tout de cette fille.

Désolée d'avoir gâchée votre soirée... s’excusa-t-elle inutilement en détournant la tête après que l’autre débile se soit éloigné.

Je savais que ce genre de filles évitaient les contacts avec leurs clients, mais je n’avais plus vraiment ce genre de notion après mes shoots, qui me poussait souvent à me rapprocher des mes semblables, mêmes si ces derniers m’étaient totalement inconnus. Alors, sans hésiter, je posais mes doigts sur sa joue pour ramener délicatement son visage devant mes yeux pour vérifier par moi-même que la pudeur dont elle faisait preuve ne cachait pas une blessure quelconque soit ses cheveux.

- T’inquiètes, t’as rien gâché du tout !

Au contraire, cet accident m’avait permis de mettre fin à un soudain fantasme de voir la blondinette finir la nuit avec moi dans une chambre d’hôtel de la rue voisine… Si les bruits couraient sur l’infidélité d’Abi, ce n’était pas mon genre de coucher à droite, à gauche, mais j’étais dans un état de faiblesse assez pitoyable depuis que je doutais de ma copine… Assister à la fin du strip m’aurait sans doute fait perdre les pédales.

- Je suppose que l’engueulade avec ce pauvre type a mis fin à ta soirée de taff ? Lui demandai-je alors qu’elle reprenait petit à petit des joues colorées.

Légèrement sonnée par ma chute, je met quelques minutes à me redresser. La tête me tourne, et une douleur sourde tambourine à l'arrière de mon crâne tandis que je fait de mon mieux pour m'asseoir sur le bord du podium. Heureusement, le fait que je puisse toujours être mauvaise avec Douglas me rassure sur mon état de santé. Je devrais m'en sortir avec une bosse et quelques bleus tout au plus.

Heureusement, mon très cher patron a mieux à faire que de s'occuper de moi plus longtemps, ce qui me permet de me remettre tranquillement de mes émotions auprès de mon client si prévenant, trop prévenant d'ailleurs. J'aimerais mieux qu'il évite de m'observer trop longtemps. Pas parce que je suis en petite tenue, mais surtout parce que je craint qu'il ne finisse par me reconnaitre, si ce n'est déjà fait.
Fuyant son regard, je m'excuse tout de même auprès de lui. Après tout, je n'ai pas fini mon show, et le voilà qui prend "soin" de moi au lieu de se détendre devant un striptease. En plus d'une mauvaise voisine, je suis aussi une mauvaise distraction...

Prise au dépourvu par ses doigts qui se posent en douceur sur ma joue, je relève timidement les yeux vers lui lorsqu'il me rassure en répondant que je n'ai rien gâché. Je n'en suis pas convaincue, mais je suis tout de même touchée par la gentillesse dont il fait preuve.
Ma peur d'être reconnue ne m'a pas quittée et pourtant, je ne détourne pas les yeux de son visage et esquisse même un léger sourire lorsqu'il demande si mon travail s'arrête ici.

Je suppose que oui...De toute façon, je ne suis pas sure d'être en état de remonter... Et encore moins sure qu'il me laisse le faire ce soir... Dis-je tout en me retournant vers Douglas qui me regarde de loin d'un oeil noir.

Je doute qu'il me pardonne ce faut pas ce soir. Je ne sais d'ailleurs pas ce qui m'attends la prochaine fois que je franchirait les portes du Paradise, personne à m'a connaissance n'a encore raté son spectacle, mais je doute qu'il me renvoie. On verra bien. De toute façon, il est hors de question pour moi de continuer à danser ce soir. J'ai bien trop mal partout.
Me retournant finalement vers mon voisin qui n'a toujours pas pipé mot quant à mon identité, je me contente de lui adresser un léger sourire tout en resserrant mes bras autour de moi, pas vraiment à mon aise dans cette tenue.

A peine remise de sa chute improbable, la blondinette dû subir les reproches aiguisés de son abrutit de patron. L’homme ne semblait pas s’inquiéter pour la santé de la jeune femme, mais uniquement pour l’image de marque de son établissement. Quel connard ! Heureusement, la stripteaseuse n’avait pas sa langue dans sa poche et elle n’hésita pas à lui tenir tête quelques secondes, avant qu’il ne retourne s’occuper des affaires de son bar.

Une fois seuls, elle s’excusa d’avoir gâcher ma soirée. Je m’empressai de la rassurer sur ce point. Si ce n’est sa soirée à elle qui était foutue, la mienne n’en avait absolument pas souffert. Avec le shoot que je venais de prendre, il en aurait fallu beaucoup plus que ça pour me faire sortir de ma petite tranquillité. Tout en lui parlant, je m’étais d’ailleurs rapproché et relevait son visage pour l’empêcher de fuir mon regard en lui demandant si sa soirée de boulot était terminé à cause de cet incident. Pourquoi une telle question ? Je l’ignorais totalement. Sans doute pour rester poli.

Je suppose que oui...De toute façon, je ne suis pas sure d'être en état de remonter... Et encore moins sure qu'il me laisse le faire ce soir...

Impossible de ne pas remarquer qu’elle souffrait… Autant par ses membres abimés par la chute, que par la honte de s’être faite engueuler devant un client. Resserrant ses bras autour de son corps, je pris cette attitude comme un masque pour dissimuler sa gêne tout en prenant une position moins douloureuse. L’idée qu’elle puisse se sentir mal à l’aise avec uniquement ses sous vêtement pour la couvrir ne m’effleura absolument pas l’esprit. Malgré son apparente fragilité, je voyais en elle une stripteaseuse qui s’assumait et pas du tout une jeune femme pudique… Belle mentalité de macho.

- Tu devrais pt’être allé voir un médecin si t’as plus rien à faire ici ? Histoire de vérifier que t’as rien de péter.

Je connaissais suffisamment le quartier pour savoir que l’hôpital ne se trouvait qu’a une dizaine de minutes en marchant bien, ou à quelques minutes en taxi.

Bouger m'est un peu difficile. Même respirer me fait mal, mais je sais qu'il ne s'agit là que de "l'après coup". La douleur devrait passer petit à petit et d'ici à demain, elle ne ressemblera plus qu'à de légères courbatures. Je ne m'en fais pas pour moi, j'ai survécu à bien pire.
A vrai dire, pour l'instant, ce qui m'inquiète le plus, c'est que Chad finisse par me reconnaitre. C'est une peur un peu stupide car même si nous sommes voisins depuis plusieurs années à présent, nous ne nous sommes jamais vraiment côtoyés et le fait que je l'ai reconnu ne signifie pas que lui ai jamais fait assez attention à moi pour savoir qui je suis, mais tout de même. La peur d'être découverte par quelqu'un d'autre que Colin continue de me hanter chaque soirs, et ce soir ne fait pas exception. Au contraire, la boule que j'ai au ventre ne fait que grossir à mesure que les minutes passent.

Les bras serrés autour de moi afin de cacher un maximum ma quasi-nudité, je ne peux m'empêcher de détourner le regard à nouveau. Peut-être qu'au fond j'espère que si je ne le vois pas, lui non plus ne me verra pas, pas assez tout du moins pour faire le rapprochement entre la stripteaseuse empotée que je suis ce soir, et la voisine presque inconnue que je suis habituellement.
Seulement, quand il me suggère d'aller à l'hôpital, je relève un regard légèrement affolé vers lui.

Non non, ça va aller... J'ai pas besoin d'un médecin

Je n'ai pas besoin d'un médecin, et encore moins d'aller à l'hôpital de Milwaukee où en tant qu'élève infirmière, j'ai déjà effectué plusieurs stages et où par conséquent je connais pas mal de monde. Si la direction de l'hôpital venait à apprendre quel genre "d'activité professionnelles" je mène en dehors de mes cours et de mes stages, je risquerait d'être mal vue, ou pire, renvoyée, et avec une nouvelle période de stage qui approche, ce n'est vraiment pas le moment.

Vous savez, je peux m'occuper de moi toute seule, il y a d'autres podiums avec de bien meilleures danseuses. Je ne voudrais pas vous empêcher de vous amuser...Dis-je finalement avant de détourner le regard.

Je dis ça pour lui, mais égoïstement, un peu pour moi aussi. D'une part pour qu'il ne me reconnaisse pas tout d'un coup, mais aussi pour éviter d'augmenter la colère de Douglas qui risque de ne pas apprécier qu'en plus d'être une gourde, je retienne l'attention d'un client.

Pour me faire pardonner, je vous offre vos consommations de ce soir, vous n'aurez qu'à dire à la serveuse de mettre ça sur le compte de Shelly

Habituellement, je n'offre rien à mes "clients", mais pour une fois, je décide de faire un effort. Parce qu'il s'agit de mon voisin et que même s'il l'ignore, il s'est montré très gentil avec moi.

Contrairement au patron du bar qui se contenta de gueuler, je m’inquiétais un peu pour l’état de santé de la stripteaseuse après sa chute. Cet intérêt soudain pour la blondinette, je le devais sans aucun doute au shoot que j’avais pris discrètement dans les toilettes avant de m’installer sur la banquette pour regarder la jeune femme se dévêtir… et se casser la gueule en glissant le long de sa barre de lap dance.

En attendant, je pensais qu’il serait quand même mieux si elle pouvait voir un médecin des urgences…

Non non, ça va aller... J'ai pas besoin d'un médecin, me dit-elle d’un air affolé comme si je venais de dire que je la vendais au flic pour je ne sais quel délit.

- Wow, on se calme. C’est toi qui vois ! J’dis juste que ça serait plus prudent.

Soit elle n’avait pas l’habitude qu’on prenne soin d’elle, soit elle refusait que l’aide vienne d’un client du bar où elle s’effeuillait chaque soir. Dans tous les cas, la blondinette n’avait vraiment pas besoin de moi. Pour que je le comprenne bien, elle n’hésita pas à enfoncer le clou et bizarrement je me sentis blessé par son ton glacial. C’était franchement con comme réaction, mais mes émotions étaient souvent exacerbées par la dope.

Vous savez, je peux m'occuper de moi toute seule, il y a d'autres podiums avec de bien meilleures danseuses. Je ne voudrais pas vous empêcher de vous amuser...

J’aurais volontiers répondu que j’étais plus intéressé par l’alcool servie au bar plutôt que par les filles qui pouvaient s’exhiber près des banquettes, mais elle ne me croirait sans doute pas… et puis maintenant qu’elle m’avait rembarré, je n’avais qu’une envie : me poser et siroter quelques verres de whisky jusqu'à tout oublier.

Pour me faire pardonner, je vous offre vos consommations de ce soir, vous n'aurez qu'à dire à la serveuse de mettre ça sur le compte de Shelly.

- Cool, lâchai-je avec aigreur en me posant sur les coussins en sachant pertinemment que je ne me souviendrais pas de son pseudo pour le donner à la serveuse et que j’aurais hésité à le faire de toute façon. Bonne soirée.

Me braquer n'est sans doute pas la meilleure chose à faire, refuser de l'aide non plus, surtout dans ce genre de situations, mais j'ai toujours réagit de la même façon, et ce soir ne fait pas exception.
Certes, je suis reconnaissante envers Chad de s'être inquiété de mon état, quoi que je ne sois pas certaine de comprendre ce qui a motivé chez lui tant de "compassion" à mon égard, mais je ne peux malgré tout pas le laisser m'aider. Lui encore moins qu'un autre.

Impossible donc pour moi de me rendre à l'hôpital ou de déclarer un accident de travail. Allez expliquer à des médecins avec qui vous travaillez habituellement que vous vous êtes méchamment amochée en tombant d'une barre de pôle dance dans le bar où vous avez pour habitude de vous déshabiller en musique... C'est hors de question.
C'est d'ailleurs ce que je signifie au jeune homme en face de moi qui semble plutôt contrarié par ma réponse et par l'offre que je lui fais par la suite.
Pourtant, ma proposition part d'un bon sentiment pour une fois. Bien sur, je cherche au maximum à préserver mon "anonymat" et à éviter les foudres de Doug, mais tout de même, s'il est venu ici, c'est pour s'amuser et se détendre, pas prendre soin d'une empotée. Quoi qu'il en soit sa réaction "légèrement" agacée me fait serrer les dents. Je n'apprécie pas le ton qu'il emploi pour me "congédier".

Cool?... Je crois que ce que tu voulais dire c'était "merci" non?

Je sais, je suis mal placée pour lui apprendre la politesse, mais c'est plus fort que moi, il faut toujours que je démarre au quart de tour quand on m'énerve.
Me levant malgré tout, non sans une légère grimace, je récupère rapidement ma blouse de vinyl et l'enfile rapidement avant de lui jeter un dernier regard.

Bonne soirée.Dis-je sans chaleur avant de lui tourner le dos.

Si la demoiselle voulait se débrouiller seule et ne pas passer quelques radios ou examens pour voir si elle n’avait rien de cassé après sa chute, c’était son affaire. J’avais fait de mon mieux pour la soutenir auprès de son boss, mais je n’allais surement pas la prendre par la main et la forcer à voir un médecin ! Un simple client lambda ne se serait même pas soucier d’elle plus de cinq minutes, alors j’allais en faire autant puisque je n’étais venu que pour picoler… pas pour porter secours à une nénette qui se braquait à la moindre remarque allant dans son intérêt.

Je me sentais blessé par la distance qu’elle s’efforçait de mettre en nous, et ce même si je comprenais pourquoi elle agissait ainsi, pour se protéger. Alors c’est sur un ton tout aussi glacial que je me réinstallais sur la banquette en lui souhaitant une bonne soirée.

Cool?... Je crois que ce que tu voulais dire c'était "merci" non?

- Non, ça voulait dire cool, bonne soirée ! Répondis-je toujours sur le même ton, conscient que j’allais la vexer en ne donnant aucun remerciement à sa proposition, mais j’en avais vraiment plus rien à foutre.

Comme avec son patron, elle restait toujours aussi sanguine et oubliant que sa tête devait lui tourner, elle se leva brusquement pour renfiler sa blouse et partir en backstage. En me tournant le dos elle m’adressa quand même un simple :

Bonne soirée.

- C’est ça, salut !

Et de mon coté, je ne cherchais pas à la suivre du regard, mais vidais plutôt mon verre d’une seule gorgée.

FIN DE SCENE