Cela faisait trois mois maintenant que 2012 avait commencé, trois mois qu’elle avait avoué ses sentiments à Callan sous l’effet de l’alcool, qu’elle l’avait embrassé dans l’euphorie du moment, qu’elle s’était pris une superbe gifle. Trois mois plus tôt, Hannah débarquait chez les Desmond pour s’excuser, et Callan envoyait un message qui sonnait comme une rupture amicale aux yeux de Lisa. Au lieu d’être blessée, l’étudiante avait compris la démarche de son ami. Callan avait besoin de temps pour comprendre ce qui s’était passé ses derniers temps, lui qui n’avait pas l’habitude d’être sous le joug des rumeurs. De toute façon, Lisa ne serait sans doute pas allée vers lui-même si elle l’avait croisé sur le campus, même sans ce message.

La petite blonde avait elle aussi besoin de se remettre de son chagrin et Callan était un peu comme une tablette de chocolat, tant qu’elle ne la voyait pas, elle n’y pensait pas, mais si elle la savait dans le placard, elle n’avait qu’une envie, se jeter dessus pour y gouter. Lisa ne pouvait cependant pas nier une chose, Callan, l’ami, lui manquait. Après tout, il n’était pas seulement le garçon qui faisait battre son cœur, il était aussi l’ami prévenant et drôle en qui elle pouvait avoir confiance. Elle regrettait d’avoir tout foutu en l’air n’ayant pas su garder son secret.

Ces trois derniers mois, Lisa avait donc opté pour le même train de vie promis par Cal’. Concentrée sur ses études, elle avait déjà pu constater les gros progrès qu’elle avait fait à cause de cette histoire au premier semestre. Elle s’était remise à cuisiner aussi, regardant souvent avec nostalgie la toque que Cal’ lui avait offerte pour ses 21 ans. Lisa était redevenue elle-même, à se cacher derrière d’immenses sourire. Et puis il y avait Drew qui semblait être bien plus ouvert avec elle ces derniers temps, et Lauren qu’il fallait consoler de temps à autre. Lisa jouait aussi les grandes sœurs pour Brooke qui filait le parfait amour avec Nate. Tout n’était donc pas noir.

L’étudiante passait aussi beaucoup de temps à la librairie McKay depuis sa rencontre impromptue avec Logan. Elle y avait repéré un vendeur plutôt mignon. Sur le coup, elle s’était juste fait la remarque sans vraiment songer à jouer les séductrices mais à force d’y penser, et parce que le savoir faire de Max au lit commençait à lui manquer, elle se dit que s’y elle ne tentait rien, elle n’aurait rien.

Là, ça n’avait rien à voir avec ses sentiments pour Cal’. Au pire, s’il ce garçon ne voulait pas d’elle, Lisa irait voir ailleurs. Tout ça n’était qu’un jeu histoire de se distraire. Un jeu auquel Lisa n’était pas la meilleure alors il avait fallut 230$ de bouquins en tout genre avant qu’elle n’ose vraiment allez le voir.

Cette fois c’était la bonne, Lisa entra dans la librairie et commença à parcourir les rayons de long en large comme si elle cherchait un livre en particulier. En réalité, elle espérait que son vendeur favori serait ici. Elle avait, pour l’occasion, chaussé une paire de hauts talons et enfilé une jolie jupe de mi-saison. Il n’y avait pas un grand enjeu, juste une bonn décharge d’adrénaline à prendre.

Une fois le vendeur repéré, Lisa s’approcha de lui et affichant son plus beau sourire, commença très simplement.

« Bonjour ! »

Deux ans. Deux ans que Noah vivait à Great Falls à plein temps. Fini Milwaukee, adieu bel amour. Adieu l'Amour. Par deux fois, Noah était tombé amoureux. La première fois, la première déception, fut un coup dur dont il eut du mal à se remettre. Pendant quelques mois, il ne mangeait plus, ne dormait plus, ne sortait plus. Il végétait dans sa chambre. Allait à peine en cours. Cette déception le mina totalement. Il n'avait plus goût à rien. Ses amis, Jeremia le premier, essaient, par tous les moyens, de le faire sortir, de lui redonner l'envie. Et petit à petit, avec le temps, il sortit enfin le bec de l'eau.

La seconde rupture intervint à son retour de Paris. Nouveau retour en arrière. Nouvelle période à tourner en rond. Sauf qu'il n'était plus à Milwaukee mais à Great Falls. Pendant quelques temps, il ne sortait plus de sa chambre pour finalement décider de migrer au bord du lac. Et enfin, la librairie et les centaines de dollars qu'il dépensa pour finalement y travailler.

Désormais, il se sent mieux. Il a arrêté de courir après l'amour. Après toute idée de partager quelque chose avec qui que se soit. Il n'y pensait même plus, à vrai dire.

Ses journées étaient rythmées par l'ouverture et la fermeture de la librairie. Il vivait au milieu des livres. L'une de ses passions. Ses amis, ce qui est triste de se dire ça à son âge.

Aujourd'hui, il fait frais dehors. Venant à pieds, Noah avait enfilé un jean bleu sombre, coupe droite et un pull noir, épais à col roulé. Ses lunettes sur le nez, ses cheveux bouclés en bataille, le jeune homme allait et venait entre les rayonnages de livres. Rangeant, arrangeant, feuilletant tout ce qui lui passait sous la main. Tantôt il survolait un vieux Poppy Z. Bride, tantôt il s'attardait sur un George R.R. Martin.
Du coin de l'oeil, il surveillait la jeune blondinette qui était entrée dans la boutique, quelques instants plus tôt. Il l'avait déjà vu ici. Souvent. Elle avait pas mal acheté. Des livres sans réel rapport les uns entre les autres. Un peu comme lui. Elle semblait lire de tout.

Tandis qu'il était plongé dans "The Ice Dragon" de George R.R. Martin, il sursauta presque et releva le nez et ses lunettes pour voir la jeune femme.

Oh, bonjour! Je peux vous aider ? Demanda le jeune homme en lui adressant son plus beau sourire.

Les bouquins qu’elle avait acheté depuis le début de l’année, Lisa n’en avait pas ouvert un seul, ou peut être le manuel de gestion et les deux petits livres sur comment cuisiner le beurre de cacahuète et les oreos. Elle avait surtout profité de ces quelques escapades à la librairie pour mater l’œil en coin le charmant vendeur. C’était un moyen très simple de penser à quelqu’un d’autre qu’à Callan, tout le temps, nuit et jour.

Elle avait tourné et viré quelques minutes avant d’oser aller voir le vendeur en question mais s’était finalement lancée. Il était assis, plongé dans un livre alors elle se dit qu’elle allait sans doute le déranger mais finalement il était là pour faire son travail après tout. Elle s’arma néanmoins de son plus beau sourire. Aussitôt, le garçon lui porta son attention et lui demanda ce qu’il pouvait faire pour elle.

Lisa n’avait pas vraiment réfléchi à ce qui viendrait après son bonjour. Elle sourit plus largement se pinçant légèrement les lèvres un peu intimidée avant de reprendre très sûre d’elle.

« Oui, avec plaisir, je cherche un cadeau pour une amie, elle est passionnée de littérature et écrit aussi elle-même mais j’ai peur de ne lui offrir quelque chose qu’elle ne connaisse déjà. »

Lisa pensait évidemment à Brooke en disant cela, son histoire était ce qui lui paraissait le plus crédible et puis elle pourrait peut être trouver un gentil cadeau pour la jeune femme.

Cette histoire lui laissait donc le temps d’aborder le garçon avec douceur. Lisa ne s’imaginait pas vraiment demander le numéro du garçon de but en blanc sans introduction préalable.

Refermant son livre pour le ranger parmi les autres, Noah se leva et mit ses lunettes sur sa tête. Alors comme ça, la jeune femme cherchait à faire un cadeau. Soit, pourquoi pas. Mais les quelques renseignements qu'elle lui offrit ne l'aidaient pas beaucoup.

Un cadeau pour une de ses amies qui écrivait aussi. Le seul problème était de savoir quel genre elle aimait, ce qu'elle écrivait. Mais il allait faire du mieux qu'il pouvait. Et puis, il ne pouvait pas lui en vouloir, elle semblait déjà assez embarrassée comme ça sans qu'il en rajoute une couche.

Aussi, il s'arma de patience et garda son sourire.

Un cadeau... Pour quelqu'un qui écrit... Noah aimait faire durer le suspense, parfois. Mais là, il ne se sentait pas trop d'humeur taquine. Non pas qu'il souhaitait que la jeune femme parte, non, loin de là.

Il tourna la tête à gauche, à droite. Se frotta le menton plusieurs fois, remit ses lunettes sur son nez puis pris sa jeune cliente par le bras, sans pour autant la forcer.

Suivez-moi, j'ai peut-être quelque chose qui pourrait vous intéresser.

Passa d'un rayonnage à l'autre, Noah conduisit la jolie blonde vers de nouveaux livres.

J'ai "Ainsi naissent les fantômes" de Lisa Tuttle, il est sorti il y'a bientôt un an. C'est un recueil de nouvelles qui est plutôt sympa. Il y a aussi un classique "Le portrait de Dorian Gray" d'Oscar Wilde. Sinon, nous avons quelques comics, aussi... Ceci dit, si vous avez un titre particulier en tête, ou quelque chose dans ce genre comme son auteur favori ?

Qui ne tente rien n'a rien, comme on dit.

Bon, utiliser cette gentille Brooke pour draguer, ça n’était peut être pas très correct, mais d’un autre côté, elle apprécierait sans doute son cadeau non ? Lisa continua donc son histoire, y croyant dur comme fer. L’étudiante plongea son regard clair dans celui de son interlocuteur, ne quittant pas son sourire. Celui-ci se leva bien décidé à venir à son aide.

En effet, les informations qu’elle avait données n’étaient pas très précises mais plus il aurait de mal à trouver ce que recherchait Lisa, plus elle passerait de temps avec lui. Sa technique n’était peut être pas des plus efficace mais elle était logique au moins.
Alors que le vendeur réfléchissait, elle ne le quitta pas des yeux. Elle se sentait toute emporté par l’idée même qu’elle était actuellement en train de flirter. Bon, pour le moment, il n’y avait qu’elle qui flirtait, mais elle espérait bien que ça ne dure pas très longtemps.

Finalement, l’homme lui demanda de la suivre ce qu’elle fit sans hésiter. Ils s’arrêtèrent dans un rayon et il lui proposa deux livres. Lisa dit alors d’une voix faussement enfantine :

« Oh, comme moi, je veux dire, le prénom, je m’appelle Lisa. »

La petite blonde ricana avant de grimacer, le truc c’était que face à d’autres personnes que ses amis, ses blagues n’étaient pas toujours comprises et surtout quand elle faisait l’idiote. D’un autre côté, elle venait de lui donner son prénom, ni vu ni connu.

« Je ne suis pas aussi stupide que j’en ai l’air vous savez. » dit-elle attrapant une mèche de ses cheveux blonds pour les montrer. L’autodérision, elle ne pouvait pas sans passer, surtout après avoir essuyé un bide face à une blague.

Finalement, elle décida de répondre aux questions qu’il lui avait posées plutôt que de s’enfoncer. Lisa se dit que Brooke avait sans doute déjà lu le Portrait de Dorian Gray, même elle l’avait lu et c’était sans doute pour les cours. Quant à l’auteur préféré de la jeune femme, Lisa n’en avait aucune idée.

« Je ne connais pas son auteur préféré, mais elle écrit des récits fantastiques souvent médiévaux. Elle a une superbe plume à émouvoir un cachalot et une capacité à vous faire voyager sans même bouger de votre fauteuil ! » S’émerveilla un peu vulgairement Lisa.

Pour le coup, elle pensait vraiment ce qu’elle disait, c’était ce qu’elle avait eu l’occasion de lire dans ce petit carnet que Brooke lui avait offert l’été précédant.

« Le premier livre, c’est quel genre de nouvelles ? » demanda-t-elle en second lieu.

Le jeune homme ne pu s'empêcher de sourire. Ainsi, l'une de ses fervente cliente s'appelait Lisa. Au moins un prénom à mettre sur un visage. Voilà qui allait l'aider! Par contre, de là à la tutoyer, ça n'allait pas être pour tout de suite. Même s'ils s'étaient souvent vus, à la boutique où dans Great Falls, il ne pouvait pas se permettre de lui sortir un "hé Lisa, tu vas bien ?", non, il était un peu trop "professionnel" pour ça.

Enchanté, Lisa. Pour information, je m'appelle Noah. Répondit-il, un fin sourire aux lèvres. Les présentations étaient enfin faites. La première glace était brisée.

Lisa avait tout de la femme enfant. L'attitude, la tenue, le sourire. Et il devait bien avouer que ça lui plaisait. Elle apportait un vent de fraîcheur au milieu de la librairie. Noah aimait beaucoup les livres, le calme de la boutique, mais il aimait aussi parler, échanger sur ses différentes passions. Et avec Lisa, il en avait l'occasion. Sans doute, à l'occasion, pourrait-elle, elle aussi, lui parler des siennes ?

Oh, je ne me permettrais jamais de dire ça, ni même de le penser! Rétorqua-t-il, l'air faussement offusqué, tout en pensant réellement ce qu'il venait de dire.

Le jeune Snow n'était pas du genre à porter des jugements de valeur sans connaître les gens. De plus, il ne pouvait pas se permettre de perdre une fidèle cliente comme Lisa! Sydney lui en voudrait trop!

Ainsi, l'amie de la jeune femme aimait la littérature fantastique. Bon, au moins, avec ça, il pourrait éventuellement trouver quelque chose! Il y avait, certes, un choix assez conséquent, mais il était sûr de pouvoir trouver quelque chose de convenable.
Quand Lisa se mit à parler des textes de la jeune femme, la curiosité de Noah s'éveilla. Des textes qu'il n'avait pas lu. De nouvelles choses à lire. S'il n'avait pas été entrain de lui vendre un livre, il aurait sans doute demandé de lui montrer lesdits textes, mais ça n'aurait pas fait très pro. Tant pis, ça serait pour une prochaine fois!

Pour toute réponse, il lui adressa un sourire sincère tandis que ses yeux brillaient de mille feux.

Enfin, quand elle lui demanda de quoi parlait "Ainsi naissent les fantômes", le jeune homme sortit le livre du rayon et lui tendit.

"Ainsi naissent les fantômes" est un recueil de nouvelles, comme je le disais. C'est du fantastique mais plus "axé" épouvante/ésotérique. Le style est fluide et le livre compte un peu plus de deux cent pages. Ça se lit très vite, c'est très prenant! Conclu-t-il dans un énième sourire enjôleur.

Finalement, la blague du prénom sembla ne pas être un total fiasco, le vendeur en profita d’ailleurs pour se présenter. Noah, Lisa trouva qu’il s’agissait d’un bien charmant prénom. Elle sourit de plus belle.

« Ravie de vous connaître Noah. » dit-elle alors.

Suite à ce qu’elle disait sur son imbécilité, il la complimenta même. Du moins, c’est ainsi que la petite blonde interpréta les paroles du vendeur. Il semblait être réactif à la personnalité pétillante de l’étudiante, que demander de plus.

« Je suis rassurée que vous ne vous arrêtiez pas aux apparences. » lança-t-elle mi-taquine mi-sincère.

Les apparences, c’était le plus gros problème de Lisa. Elle acceptait plutôt bien l’idée d’être une toute petite bonne femme aux longs cheveux blonds et à la ligne svelte (quoiqu’elle mente souvent sur sa taille), mais souvent, dés qu’on apercevait les voitures de luxe parquées dans le garage de la grande maison et les manteaux de fourrure de sa mère dans le placard de l’entrée, les conclusions rapides allaient bon train. Bon, elle n’en était pas encore là avec Noah.

Lisa expliqua ensuite les goûts de Brooke, du moins ceux qu’elle connaissait. La jeune fille était encore très secrète, mais cela faisait partie de son charme. Elle demanda ensuite des précisions sur le premier bouquin dont il lui avait parlé. Alors qu’il lui répondait, Lisa détaillait avec discrétion le visage de Noah. Elle le trouvait décidément trop craquant, ces petits yeux sombres, ces cheveux bouclés en bataille. Mine de rien, jouer l’enjôleuse lui permettait de laissait Callan hors de ses pensées.

Il fallait qu’elle trouve quelque chose à dire, elle ne pouvait déjà le quitter.

« Humm, je ne suis pas sûre que Brooke soit très « épouvante », est ce que vous auriez quelques chose d’un peu plus épique ? » demanda-t-elle innocente.

Elle espérait ne pas le déranger mais plutôt qu’il se sente à l’aise en sa présence, mais ça elle n’avait pas vraiment de moyen de le savoir.

Le jeune Snow retira ses lunettes et en mordilla une branche en souriant. Être blond(e) ne signifiait pas, pour lui, être stupide. La preuve, il avait beau être brun il était tout aussi bête qu'un autre. Ses premiers jours chez Gibert, à Paris, furent une réelle catastrophe qui manquèrent, plus d'une fois, de lui coûter sa place. Mais à chaque fois, il se rattrapait de justesse. Cette fois-ci, avec Lisa, il n'avait même pas besoin de se rattraper, il était sincère.

Ne vous inquiétez pas, avec moi, il n'y a aucune gène à avoir... Répondit-il tout simplement.

Quand la jeune femme réussit à mieux le renseigner sur les goûts de son amie, Noah fit une petite moue. L'épique, c'était pas trop sa tasse de thé, malheureusement. Et comme il était seul, aujourd'hui, il ne pourrait même pas se renseigner auprès de sa chef.

Ne voulant pas perdre une cliente ni même l'occasion d'échanger avec elle, il se dirigea vers un autre rayon de livres. C'était de la littérature plus contemporaine, avec petit mélange de tous les genres. Son regard sombre tomba sur "Twelve" un des livres de Nick McDonnell. Il espérait que celui-ci pourrait lui plaire.

Hmm... Je peux vous proposer autre chose. Il nous reste deux exemplaires dédicacés de Twelve. Je les ai trouvé dans la réserve il y a peu de temps et je viens tout juste de les mettre en rayon. L'histoire se lit vite, le style est vraiment fluide. Le personnage principal est attachant, en un sens et, qui plus est, une adaptation est sortie en 2010. Soutint le jeune homme.

Il sortit l'ouvrage du rayon et le feuilleta rapidement, vérifiant qu'il n'ait aucun défaut. Une fois fait, il le tendit à Lisa.

Je n'ai pas vraiment accroché avec la version cinéma, le livre est cent fois mieux! Enchaîna-t-il fermement sans être agressif pour autant.

La petite blonde jouait beaucoup de son image d’ingénue. Loin d’être stupide, elle adorait plaisanter et utilisait avoir grand bonheur les clichés qui s’adaptaient à sa couleur de cheveux. Elle préférait encore qu’on la prenne pour une fille futile à cause du blond dans ses cheveux qu’à cause de la collection de voiture de son père. Après tout, elle n’était pas coupable d’être bien née et encore moins d’avoir des parents qui profitent du fruit de leur travail.

Noah parlait calmement, une certaine maturité s’échappait de chacun de ses propos et les lunettes avec lesquelles il jouait lui donnaient un petit air sérieux qui plaisait énormément à Lisa. Après tout, lorsqu’on connaissait les sentiments de la belle pour Callan, rien n’était moins étonnant qu’elle jette à nouveau son dévolu sur un beau brun à l’air sage. On dit bien que les contraires s’attirent alors la personnalité survoltée et facétieuse de Lisa devrait plaire à un garçon sérieux, bon ça n’avait pas vraiment marché avec Callan…

Discuter avec ce vendeur qu’elle avait repéré depuis un petit moment, c’était comme un jeu un peu dangereux pour Lisa. Le trac, l’improvisation, elle s’amusait tout en se faisant un peu peur. Parce flirter semblait vraiment effrayant aux yeux de la demoiselle. Elle avait bien trop peur de souffrir. Mais se protéger tout ce temps ne l’avait pas aidé avec Callan.
Pour le moment, elle n’y pensait plus et se concentrait sur le joli sourire du vendeur.

Aucune gêne, inconsciemment, Lisa rougit. Elle sentait le chaud monter à ses joues, après tout, ses demandes n’étaient pas de vraies demandes, elle n’était pas vraiment honnête. En même temps, en séduction, ce genre de mensonges étaient plutôt permis.

Pour passer un peu plus de temps avec Noah, Lisa ne choisit pas immédiatement un livre. Elle demanda autre chose et très professionnel, le beau brun répondit.

« Dédicacé ? La classe ! » s’emballa Lisa. Twelve, ça lui disait quelque chose, elle avait sans doute vu le film, mais impossible de se souvenir de l’histoire. Elle préféra ne rien dire et écouter le discours du vendeur jusqu’au bout.

« Oui, ça me parait bien, je pense que ça lui plairait. » dit-elle enfin.

A Great Falls, rares étaient les clients avec lesquels Noah pouvait parler littérature. La plupart du temps, il venait, choisissait un livre au hasard ou pour leurs cours, et partaient aussitôt. Plus d'une fois, Snow s'était demandé si certains le voyaient ou non. La politesse était souvent une option, également. Pourquoi dire "bonjour" et "au revoir" alors qu'on peut très bien finir sa conversation téléphonique ou écouter sa musique? Franchement, à quoi bon s'embêter avec tout ça?! C'était surfait!

C'était aussi pour ça qu'il appréciait la compagnie de Lisa, elle était intéressée parce qu'il lui racontait, ou tout du moins, elle faisait bien semblant.

Remettant ses lunettes sur sa tête, cachées au milieu de sa crinière ondulée, il sourit à la jeune femme et l'observa. Il espérait qu'elle prendrait le livre et qu'elle, ou son amie, l'apprécierait.

Je ne sais pas d'où Sydney a sorti ses deux exemplaires, mais je pense que je vais garder le second pour moi. Le mien n'est pas dédicacé, malheureusement. Avoua-t-il dans un léger sourire, un peu timide.

Parler lui avait donné soif (il lui en faut peu). Aussi, l'envie d'un café le prit. Bien évidemment, il n'allait pas en boire sans proposer quelque chose à sa cliente fidèle.

Je change un peu de sujet mais... Il y a une cafetière dans la réserve, vous voulez un café, thé ou autre chose ? Proposa Noah avec un large sourire, espérant qu'elle accepterait sa proposition et qu'ainsi, il pourrait continuer de bavarder...

Lisa n’en revenait pas du plaisir qu’elle prenait à « draguer » ce garçon. Cela faisait maintenant un moment qu’elle avait poussé la porte de la boutique et prétexté un cadeau à offrir à Brooke pour passer un peu plus de temps à connaitre ce fameux Noah.

C’était revigorant, elle ne pensait plus à Callan ou à Hannah, elle oubliait même ses études et ses préoccupations futures. Bien sûr, son cœur ne palpitait pas comme en présence de ce cher Cal’, mais Lisa ne pouvait déjà pas décrocher son joli sourire du bout de ses lèvres.

Noah le vendeur fit une énième proposition de livre et Lisa finit par céder, elle ne pouvait pas repousser le fatidique moment de quitter le garçon éternellement, il faudrait bien qu’elle finisse par payer et s’en aller. Ce serait donc une version dédicacée de Twelve que Lisa apporterait à Brooke la prochaine fois qu’elles se verraient. Noah ajouta une petite anecdote avouant qu’il garderait sans doute le deuxième exemplaire pour lui. Lisa sourit de plus belle comme s’il venait de lui faire la promesse de lui offrir un énorme gâteau au chocolat.

Elle n’était pas si loin du compte puisque quelques seconde plus tard, le jeune homme lui proposait une boisson chaude. C’était presque trop facile pensa Lisa avant d’accepter bien sûr.

« Oui, oui, avec plaisir. » dit-elle toute heureuse de prolonger ce rendez-vous provoqué. Elle se dit qu’il la trouvait sans doute intéressante pour l’inviter ainsi, remarque, s’il ne l’avait pas fait, elle se serait finalement lancée … un jour.

Noah devait bien avouer qu'avoir de la compagnie n'était pas pour lui déplaire aujourd'hui. Il avait fait le tour de la librairie dans tous les sens possibles et imaginables. Il avait rangé, fait le ménage et la poussière et, avant que Lisa ne rentre, Quelques instants après avoir quitté sa "cliente", Noah feuillait deux romans en même temps.

Puis la jolie blonde fit enfin son entrée et là, il lui proposait même de rester pour discuter et boire quelque chose. S'il avait pu, il l'aurait invité au "Coffee Time" mais ne pouvait quitter la librairie, ils allaient devoir faire avec les moyens du bord.

Noah l'invita donc à le suivre vers un petit coin aménagé pour se reposer ou bien lire a calme. Là, dans ce petit coin, se trouvaient deux fauteuils bas et une table basse qui semblait, tout comme les fauteuils, dater d'une autre époque.

Je vous en prie, installez-vous. Souffla le jeune homme en souriant. Vous préférez un café ou un thé ? Nous avons du Russian Earl Grey, du thé vert à la fraise ou encore un thé Oriental. Tous des thés qu'il avait ramené de son voyage à Paris, du thé qu'il avait économisé ou qu'il se faisait envoyer par un ami sur place.

Quand il était à court de café ou qu'il voulait quelque chose de chaud sans être trop fort, il se faisait un thé, souvent l'Oriental de la maison Dammann Frères ♥.

Snow s'installa sur l'accoudoir du fauteuil resté libre, attendant la réponse de la jeune femme. Il profita de ce petit moment pour retirer ses lunettes, une fois de plus, pour les mettre sur la table basse.

Lisa n’en croyait pas ses oreilles, c’était presque trop simple pour être vrai. Ce charmant vendeur en librairie qu’elle s’était enfin décidée à aborder juste par jeu venait de l’inviter à un rendez-vous informel un peu en retrait dans le magasin. C’était plutôt excitant.

Retrouvant ses 15 ans, Lisa se mit à rougir légèrement et oublia même de faire une petite plaisanterie supplémentaire. Elle se contenta d’accepter la proposition avant de reprendre son enthousiasme immodéré. La petite blonde trottina sur ses hauts-talons pour suivre Noah qui la mena dans un petit coin. Lisa était toute heureuse de pouvoir continuer cette rencontre « fortuite ». Il l’invita à s’installer, ce qu’elle fit poliment.

« Un café, ça m’ira très bien. » demanda-t-elle.

Elle se demanda un instant si elle ne se faisait pas déjà quelques fausses idées ? Après tout, ça lui avait joué des tours avec Callan. Étrangement, Lisa n’avait jamais sentit son cœur s’emballer lorsque qu’elle était dans les bras de Max. Avec lui au moins le message était clair : du sexe un point c’est tout.

Enfin, elle sortit de ses pensées sans trop de peine, elle n’allait que commencer à connaitre ce Noah. Lisa reprit son petit air espiègle et jeta une œillade intriguée à Noah qui n’avait de cesse de tripoter ses lunettes. Elle croisa les jambes d’un geste automatique avant de demander.

« Alors, Noah, vous invitez souvent des clientes dans ce petit endroit secret ? »

Elle était intriguée mais avait un peu peur d’être trop entreprenante, elle n’était pas à l’abri de se prendre un beau râteau et Dieu sait qu’elle n’en avait pas vraiment besoin. D’un autre côté, qui ne tente rien n’a rien, pour une fois qu’elle osait tenter sa chance.

Noah n'avait pas pour habitude de proposer à boire aux clients et encore moins de les "inviter" dans ce petit coin de la boutique. Mais, force était de constater que les clients ne se bousculaient pas à la porte, aussi, il en profita pour passer un peu plus de temps avec Lisa. Le feeling passait plutôt bien entre eux, et ça, dès leur première rencontre. La jeune femme était d'un naturel plutôt avenant, tandis que lui était plutôt timide. Mais, de travailler avec le public toute la journée rendait cette timidité moins flagrante et lui rendait moins les choses compliquées.

S'il avait pu, le jeune homme se serait allumé une cigarette, comme il aime le faire quand il boit son café mais là, ça n'allait tout simplement pas être possible. Enfermé dans la boutique, au milieu des livres, il ne pouvait se permettre de s'en griller sans risquer de se faire taper par Sydney ou de mettre le feu.

Quand Lisa lui annonça qu'elle préférait un café, il se leva et partit dans la réserve. A sa dernière question quant à savoir s'il invitait souvent des clientes ici, il ne lui répondit que par un sourire et un clin d'oeil. Quelques instants plus tard il en ressorti avec deux mugs (Doctor Who) de café chaud dans une main et un petit pot avec du sucre dans l'autre. Il posa les deux mugs sur la table basse et s'installa en face de la jolie blonde pour enfin lui répondre.

A vrai dire... hmm... Non. Vous êtes la première avec qui je prends le temps de discuter et à qui je propose un café. Confessa le jeune homme avant de plonger un sucre dans son café et de touiller ce dernier.

Il en prit une gorgée qui manqua de peu de lui brûler le palais mais lui arracha quand même une grimace. Poissard jusqu'au bout, définitivement.

Faites attention, il est... trop chaud. Souffla-t-il simplement dans un léger sourire.

Lisa pouvait profiter de son côté sociable, pas vraiment timide, elle n’avait cependant pas l’âme d’une grande dragueuse et ce petit jeu, même s’il l’amusait beaucoup, n’était pas son terrain favoris. Au moment où Noah l’avait invitée à prendre un café, la confiance de Lisa s’était un peu étiolée, elle pensait que ce serait à elle de gérer toute cette partie là, l’invitation et tout. Il ne lui fallut pas trop longtemps pour se sentir bien plus à l’aise. Le temps d’être installée au fond du magasin dans un fauteuil confortable les yeux rivés sur les boucles soyeuses du garçon avec qui elle discutait.

Il lui demanda ce qu’elle voulait boire et elle réclama un café avec politesse. Il l’abandonna un instant pour aller chercher les boissons et Lisa en profita pour sortir son miroir de poche et vérifier son maquillage. Elle le rangea rapidement après le méfait alors que Noah revenait avec deux tasses de café.

Lisa lui demanda s’il emmenait souvent des clientes dans ce coin pour papoter. Espiègle, elle écouta attentivement la réponse du garçon apprenant qu’elle était la première.

« Ah oui ? Je suis très flattée. »

Noah se servit d’un sucre et trempa ses lèvres dans la boisson. Vu sa tête, il venait sans doute de se brûler, malgré elle, Lisa découvrit un petit sourire amusé. Il était définitivement trop mignon pensa-t-elle. Noah la prévint d’ailleurs de la chaleur du café.

"Merci."

Lisa attendit donc avant de s’aventurer à le boire touillant le liquide noir pour le refroidir.

De peur que le silence de s’installe, la petite blonde relança la conversation.

« Et alors, ça fait longtemps que vous travaillez à la librairie ? »

C’était un peu banal mais elle n’arrivait pas vraiment à trouver mieux.

Tout en discutant avec Lisa, très rapidement, Noah se rendit compte d'une chose ; les seules personnes, ou presque, avec qui il entretenait une relation amicale, étaient toutes étudiantes. D'un coup, il se sentit vieux, comme dépassé. Mais cette pensée s'enfuit aussi vite qu'elle était arrivée.

A vrai dire, depuis qu'il était employé à la librairie, Noah n'avait pas eu le temps d'inviter qui que se soit ou que se soit. C'était aussi vrai bien avant qu'il ne travaille ici, mais ça, c'était autre chose. Sa timidité et son manque de confiance en lui n'avaient jamais joué en sa faveur, bien au contraire. Mais il faisait avec et avançait petit à petit. Et quand il se sentait vraiment en confiance, comme avec Lisa, il se lançait, tant bien que mal. Certes, il avait déjà partagé un café ou un verre avec d'autres personnes, d'autres étudiantes, mais ça n'était pas pareil, l'invitation n'émanait jamais de lui, ou alors ça se faisait par hasard.

Hésitant, ne sachant quoi répondre à la jeune femme, il lui adressa un sourire timide, un peu gêné. Il n'avait clairement pas l'habitude de ce genre de remarque. Et préférant éviter de dire une bêtise, il préféra ne rien dire.

Sans quitter la jolie blonde des yeux, il prit une nouvelle gorgée de café après avoir soufflé dessus pour tenter de le refroidir. Vaine tentative, même si la boisson avait un peu refroidit depuis sa douloureuse première gorgée.

Heureusement, Lisa relança la conversation. Une simple question qui le fit réfléchir. Noah avait connu la tempête, la reconstruction de la ville et notamment celle de la librairie mais... il n'y travaillait pas encore.

Quelques mois déjà. J'ai commencé très peu de temps après la réouverture de la librairie. Déjà avant, je venais souvent, dès que j'avais du temps libre, je venais ici pour lire, découvrir et acheter mes livres. Et puis un jour, j'ai vu l'annonce de Sydney et je me suis lancé... Expliqua-t-il d'une voix calme et posée. Il n'avait jamais parlé de ça à qui que se soit ici. Si j'avais pu, j'aurais commencé bien avant, mais... Il marqua une pause, quelque peu hésitant, avant de reprendre finalement... Mais comme je ne connaissais personne ici, j'ai préféré rester dans mon coin... Les petites villes, c'est pas mon truc, mais quand on n'a pas le choix... Noah lui adressa un petit sourire en prenant une gorgée de café. Et toi, tu connais Sydney et la librairie depuis longtemps? Tu étudies quoi? Interrogea le jeune homme. Il n'y avait aucune raison qu'il se fasse questionner sans qu'il en apprenne sur Lisa!

Les gens se sentaient toujours très rapidement à l’aise avec Lisa, c’était sans doute son côté un peu clown, sa dérision qui rassurait les gens. Elle savait aussi très bien s’adapter aux personnes à qui elle s’adressait. Bien sûr il y avait quelques exceptions comme avec Hannah mais ça ne comptait pas vraiment vu les circonstances.

Noah avait invité Lisa à partager une boisson avec lui, elle s’en trouvée flattée mais n’arrivait pas à déterminer si elle lui plaisait ou non. Le fait que l’invitation vienne de lui lui faisait même un peu peur, après tout elle voulait surtout s’amuser ; elle ne voudrait pas être en fait tombée sur un pervers et/ou un dépendant affectif.
Lisa lui dit tout de même qu’elle était flattée de son invitation, c’était un moyen de lui montrer que ça lui importait.

En fait, ce qui manquait à Lisa, c’était Max. Peut être pas Max en particulier, mais ces petites parties de jambes en l’air en cachette qu’ils avaient l’habitude d’avoir. Elle serait sans doute passée pour une fille facile à coucher avec le plus grand dragueur de Great Falls, mais on était au vingt-et-unième siècle n’est ce pas ? Elle était libre de faire ce qu’elle voulait de son corps après tout.

Lisa demanda finalement à Noah s’il était vendeur depuis longtemps histoire de faire un peu la conversation. Il lui expliqua son arrivée à la libraire et Lisa ressentit exactement la même passion qu’elle pouvait définir dans le ton de la voix de Brooke lorsqu’elle lui parlait littérature. Lisa fit glisser ses doigts sur l’exemplaire dédicacé du livre qu’elle avait l’intention de lui offrir pensa à sa jeune amie. Elle avait fait un beau chemin depuis qu’elle l’avait rencontrée. L’étudiante se reconcentra sur les paroles du vendeur.

« Ah oui ? »

Il était nouveau en ville, donc il n’avait sans doute pas eut vent des rumeurs concernant la belle, cela rassura Lisa qui ne pensait plus à ce boulet qu’elle risquerait de se traîner longtemps ici.

« Les petites villes ont leurs bons et leurs mauvais côtés, mais pourquoi tu n’aurais pas le choix ? »

Elle était intriguée par les propos du jeune homme. Il lui retourna finalement la question lui demandant si elle connaissait Sydney et ce qu’elle étudiait. Autant de clairvoyance la fit grimacer et elle s’empressa de demander :

« ça se voit tant que ça que je suis étudiante ? »

Elle ne pensait plus aux livres qu’elle avait achetés ces derniers temps, le vendeur pouvait sans doute définir le profil complet de ses clients.

« J’étudie la gestion et la communication des entreprises à Milwaukee. » finit-elle par avouer.

« Et je ne connais pas vraiment Sydney juste la librairie, mais je ne suis jamais autant venue que ces derniers temps. »

Sur ces mots, elle jeta un regard inquisiteur à Noah cherchant à voir s’il avait comprit l’allusion. Elle porta alors la tasse à ses lèvres pouvant enfin gouter au breuvage noir sans se brûler.

Si Noah avait emménagé à Great Falls, c'était à cause de ses parents. Son père, une fois le divorce prononcé, a vendu l'appartement familial pour s'installer dans un spacieux deux pièces. Comme ça, il n'avait plus la place d'héberger ses enfants. Et la garde étant revenue à leurs mères, Noah, Elizabeth et Benjamin n'avaient eu d'autres choix que de déménager ici. Ce qui n'était absolument pas du goût de l'aîné, bien sûr. Trop habitué à Milwaukee, il avait tout perdu en quittant la ville.

Et depuis son installation ici, et surtout depuis son retour de Paris, il se sent on ne peut plus à l'étroit chez sa grand-mère. Mais n'étant pas du genre à raconter sa vie, que se soit au premier venu comme à ses meilleurs amis, il prenait sur lui et trouver toujours quelque chose à répondre pour éviter les problèmes, les questions indiscrètes, raconter sa vie.

J'ai beau être ici depuis deux ans, je ne me suis jamais senti à ma place à Great Falls. Les rumeurs et autres ragots circulent à une vitesse hallucinante. Tandis qu'à Milwaukee, c'était différent. Il y avait autant de rumeurs mais ça revenait moins vite à mes oreilles. Expliqua-t-il, occultant totalement l'aspect familial de la chose. D'ailleurs, je suis sûr que d'ici quelques jours, et encore, je suis gentil, quelqu'un va raconter je ne sais quoi sur le fait qu'on passe du temps à discuter dans la librairie. Enfin, je ne l'espère pas, mais ça ne m'étonnerait pas... Finit-il par avouer dans un soupir. Vraiment, les petites villes, il n'aimait pas ça.

Et puis, au moins, à Milwaukee, il lui aurait été plus facile d'expliquer pourquoi il a quelques hématomes ça et là sur le corps. Une rencontre hasardeuse avec une bande de gens louches dans une rue sombre et pouf, l'excuse est toute trouvée. Ici, c'est déjà plus compliqué.
Tout faire passer sur les étagères et les portes finiront pas lui causer une réputation de boulet.

Et pour répondre plus honnêtement, j'ai du venir à Great Falls par obligation familial. Mes parents ont divorcé et du coup, ma soeur, mon frère et moi avons emménagé ici... Expliqua Noah, simplement, avant de prendre une gorgée de café.

Oh non, ce n'est pas écrit sur ton visage que tu es étudiante, rassure-toi, mais tu es plus jeune et je ne t'ai jamais vu travailler que se soit au café ou ailleurs, j'en ai donc déduit que tu étais étudiante. Il ne connaissait pas grand-monde mais parvenait assez facilement à reconnaître les étudiants.

La remarque et le regard de la jeune femme manquèrent d'achever ce pauvre Noah. Alors, en fait... Elle venait pour le voir? Non! Ce n'était pas possible! Elle plaisantait! Certes, Noah ne se trouvait pas vilain, loin de là, mais pas à ce point non plus... Lisa était pas mal dans son genre non plus, il devait bien l'avouer... Mais il voyait difficilement Lisa autrement qu'en cliente et/ou amie. Du moins, pour le moment...

Une nouvelle passion pour la lecture ? Demanda-t-il en prenant son café entre ses mains pour en boire une énième gorgée, le finissant par la même occasion.

Toute en l’écoutant parler, Lisa s’appliquait à boire son café sans se brûler la langue. Elle jetait de temps à autre des regards au beau brun, par moment elle retrouvait un peu l’étincelle que Callan avait dans ses yeux. Alors que Noah lui expliquait les raisons pour lesquelles il n’appréciait pas particulièrement Great Falls, Lisa ne pu que lui donner raison. Elle adorait sa petite ville mais suite à la révélation involontaire au grand jour de ses sentiments pour Callan, elle l’avait eu en horreur. Alors qu’il imaginait déjà les rumeurs, Lisa baissa les yeux tout en souriant. En effet, ça pouvait jaser. Sauf que là, elle s’en fichait bien, elle n’était pas amoureuse de ce vendeur, elle le trouvait mignon, passait un bon moment, on pouvait même dire qu’ils avaient couché ensemble, ça lui importait peu.

« Je vois de quoi tu veux parler, une fois j’ai invité un ami à dîner pour le remercier de m’avoir dépannée, le lendemain nous étions les amants les plus chauds de Great Falls. » dit-elle en référence à son premier dîner avec Logan.

Elle en avait bien d’autres exemples de rumeurs, mais elle préférait éviter de les relancer, dans le doute …

Lisa écouta ensuite attentivement la fin de son récit. Sa mine se renfrogna apprenant la raison de sa venue à Great Falls mais son visage s’illumina bien vite d’un charmant sourire bienveillant. Elle ramena ses chevilles l’une contre l’autre pour poser sa tasse avant de répondre.

« C’est triste, … je veux dire, de voir ses parents se séparer, … je ne sais pas ce que je deviendrai moi. » dit-elle songeant que ses parents étaient encore bien trop amoureux l’un de l’autre pour pouvoir ne serait-ce qu’évoquer une séparation. Même quand Linda engueulait Dexter parce qu’il passait trop de temps au travail ou à bichonner ses voitures, elle le faisait avec amour et admiration, et c’était la même chose à l’inverse. Du moins c’était toujours comme cela qu’elle l’avait imaginé. Si elle avait su la vérité, Lisa aurait sans doute compris pourquoi elle n’arrêtait pas de se planter en amour.

Elle finit par se demander ce qui avait permis à Noah de découvrir si vite qu’elle était en réalité étudiante. Sa réponse lui arracha un sourire gêné, elle devait être vraiment transparente en fin de compte. Lisa se laissa d’ailleurs aller à quelques confidences en parlant de son rapport à la librairie, avouant qu’elle n’y avait jamais passé autant de temps. Il lui posa d’ailleurs une question qui sonna comme un défie aux oreilles de la jeune femme.

Lisa se pencha alors en avant, rougissant légèrement, elle sourit d’un air malicieux avant de répondre par une autre question.

« Noah ? … Est-ce que … est-ce que tu accepterais une invitation à dîner avec moi ? »

Au moins c’était clair maintenant. Cela avait coûté pas mal à la petite blonde qui sentait son estomac tout noué de trac mais elle ne pouvait s’empêchait de garder son sourire aussi large et radieux que faisable.